Le réveil fut quelque peu mouvementé. Ses yeux s’étaient ouvert difficilement malgré la sensation qu’elle se devait de faire vite. En effet, son cœur battait à toute allure à la limite de la forcer à respirer bruyamment, son esprit restait bloquée sur une seule idée : Les Mithras. Les yeux enfin ouvert, elle examina rapidement son corps, puis les environs. Pas de blessures ni de sensation de douleur autre que sa chute et au loin se trouvait les Mithra face à son invocation. Elle se releva, ne sachant que faire si ce n’est regarder au loin le pitoyable spectacle de sa monture dans une flaque de sang. Pauvre animal, se dit-elle alors, tu aurais mérité bien plus que cela…

Le sac qu’elle avait emmené se trouvait près d’elle. Elle fouilla finalement à l’intérieur comme elle aurait aimé le faire au tout début avant sa chute. Son Athamé et son bouclier Miroir. Il y avait ici de quoi se défendre, si toutefois elle était capable de le faire face à trois Mithra. Elle hésita encore. Allait-elle seulement pouvoir aider Winglece ? N’allait-elle pas être un poids pour lui ? Tétanisée à l’idée de foncer face au monstre, elle lacha ses armes et attendit de voir ce qui allait se passer par la suite.

Le combat avait pris fin. Pour la seconde fois, Luce n’avait sûse battre face à ces monstre aux côtés de Winglece. Elle s’avait se défencre, bien sûr mais sa bonté ne lui permettait jamais de prendre les devants. Elle ne le souhaitait pas. Elle rangea le bouclier qui l’avait protégé d’un des mithras un bref instant.Le choc laissa une empreinte pourpre et creusé dessus. C’était une chance que l’on ait géré de faire des emplettes avant son voyage sans quoi elle n’aurait pu prédire son état.
Winglece l’avait rejoint, il devait être inquiet pour son invocatrice après la chute qu’elle fit pendant le combat. Avant qu’il n’ait pu dire quoi que ce fut, la bibliothécaire lui souffla un : “Tout va bien, ne t’en fait pas.”. Elle lui souriait, plus pour le rassurer que par envie, il y avait eut plus de peur que de mal. On ne pouvait pas en dire autant pour le cheval.

Ils s’étaient dirigés vers lui. L’animal était en piteux état et rien ne semblait permettre qu’il était possible de le sauver. Si Luce pouvait soigner son cou, la monture serait dans l’incapacité de marcher et les retarderait. Luce caressa son flanc avec une extrême douceur. Il savait, dans son regard qu’elle avait déjà fait son choix.

Sa main serrait fermement le Athamé et dans une ultime caresse, Luce abattit le cheval avant qu’il ne tente par la peur d’y résister. Le silence reigna dans la plaine. Assise près de quatre cadavres, Luce ne lâcha aucune larme, pourquoi pleurerait-elle ? Ils avaient chacun fait ce qu’ils fallaient. Eux, souhaitaient se nourrir, elle et Winglece, se défendre. Une dure loi que Luce avait encore de la difficulté à assimiler. Mais c’était sans doute le pauvre animal face à elle qui lui fit plus de peine. Il n’avait rien demandé et voilà qu’il se retrouve tué, la patte mâchée et le cou ouvert au soleil, il était mort sans qu’il ne puisse le décider.

Luce avait posé sa main sur les paupières de l’animal pour les fermer, murmurant rapidement quelques prières dont elle avait connaissance. Puis, silencieusement, elle vint se dire à elle-même, comme pour s’encourager dans son acte “Il le fallait, il le fallait…”

Elle s’était redressée, son sac à son épaule, elle se tourna vers Winglece avec un semblant de sourire. Peut être la trouvait-il ridicule. Pourquoi détester autant ces actes-ci ? Pourquoi partir sans escorte en connaissant les risques ? Elle n’a jamais sû être une chasseuse ni même une guerrière. Elle restait toujours derrière un livre en accueillant inconsciemment les superstitions sans réellement y croire. Peut être n’aurait-elle jamais dû quitter sa chambre, cela lui aurait évité de gaspiller de son énergie et de ses larmes.

Luce passa sa main sous son nez rougit, reniflant nerveusement. Elle devait se ressaisir au plus vite et passer à autre chose.

“Pardon, c’est stupide. Reprenons la route Winglece. Je ne crains que cela prenne plus de temps que prévu. Peut être y serons nous pour le souper si ce n’est à l’aube.” Son estimation était plutôt désastreuse, son regard se porta vers le soleil, brûlant ses pupilles claires, il devait être encore tôt pour s’arrêter.

“Allons-y !” dit-elle enfin en reprenant la route vers le domaine de Hastianno.

Luce avait reprit la route sans se retourner, elle ne voulait fondre en larme à un moment pareil. Ils devaient continuer tranquillement leurs chemins en oubliant la peur et la tristesse. C’est alors qu’elle fut soulevée et mise sur le dos de Winglece. D’abord étonnée, elle écarquillait ses yeux avant de se laisser réconforter par la présence de son ami (ou ses amis) auprès d’elle. Le simple fait qu’il prenne soin d’elle la rendait très heureuse. Il n’était pas obligé après tout, elle ne lui avait jamais imposé quoi que ce fut, si ce n’est bien sûr l’utilisation de son apparence humaine à la bibliothèque. Luce restait timidement assise sur lui alors qu’il prenait une allure rapide mais assez souple pour ne pas rendre le voyage de la bibliothécaire sur son dos inconfortable. Suite à la question posée, elle prit un moment pour réfléchir à ce qu’il devait faire. Elle répliqua:

“Lorsque nous serons arrivés au domaine Hastianno, je préférerai que tu prennes ta forme humaine, Winglece. Tu seras sans doute plus à l’aise pour évoluer tranquillement dans la zone, si le manoir des Hastianno est assez grand pour toi ce n’est pas la même chose pour ma ville natale.”

Sa vile natale, Calameth, était bien évidemment plus imposante que le domaine des Hastianno. Mais, contrairement à celui-ci, il y avait beaucoup de monde pour très peu d’espace. Les rues n’étaient pas étroites mais les villageois allaient et venaient très généralement par les allées principales, variquants et chevaux de trait à leurs côtés pour apporter les nouvelles récoltes au grand marché de Calameth qui avait lieu fréquemment. Il était d’autant plus difficile d’y circuler à ces moments-là. Le dirigeant de la ville de Calameth eut suggéré aux invocations de prendre forme humaine la journée pour fluidifier la circulation et limiter les incidents et autres risques de mécontentement. Peut être fallait-il étendre le territoire pour permettre une plus grande liberté de déplacement ? Les fonds manquaient, et ce, malgré les divers passages des voyageurs dans le village. Presque cinq mois s’était écoulé depuis le départ de Luce et Virgil du foyer familial vers le temple du feu. Le voyage aurait dû prendre une semaine tout au plus. Sa dispute avec son frère avait changé leurs destins, laissant la jeune femme seule à la capitale. Par moment, elle se demandait comment elle avait pu rester aussi longtemps dans la capitale sans que ses parents n’interviennent. La pensée même qu’ils ne se préoccupaient tout simplement pas d’elle laissait un goût amer dans le fond de sa gorge. Peut être n’avaient-ils pas remarqué sa disparition depuis tout ce temps, peut être ne se préoccupaient-ils pas de ce qui lui était arrivé.

Le trajet s’éternisait et elle ne pouvait se défaire de son acte. Le cheval ne méritait une telle mort et plus elle y pensait, plus la jeune bibliothécaire sentait sa gorge se serrer. Elle refoulait sa honte et ses remords, imaginant qu’il valait sans doute mieux qu’il meurt rapidement que de faim, sous la chaleur insoutenable du soleil tandis que les monstres dévoreraient sa chair sans prendre la peine d’abréger ses souffrances. Elle se demanda soudainement si par le passé elle avait été aussi faible et fragile, si cela n’était pas un handicap, une maladie dont elle devait se débarrasser sous peine d’en mourir. Elle releva son regard vers Winglece, toujours plus honteuse d’utiliser l’invocation pour compenser sa faiblesse d’esprit et de corps.

“Winglece, penses-tu que je sois faible ?” demanda-t-elle à mi-voix en détournant son regard vers le mouchoir en tissu qu’elle pressa et frotta contre la paume de ses mains auparavant couvertes du sang de l’animal.

“J’ai vécu dans une famille aisé et tous ses membres possèdent un caractère fort. Mon père, ma mère et mon frère n’ont jamais baisser les yeux face à un affront, un combat ou bien la mise à mort d’un animal. Je suis au contraire, très sensible à ce genre de chose et je n’arrive pas à tenir tête à une personne bélliqueuse. Je pense parfois que mon monde se réduit à la bibliothèque où tout y est calme, serein et que je ne suis pas faite pour l’aventure et le danger alors que j’ai toujours souhaité vivre cela.”
Elle serra les dents, déçue d’être le contraire de ce que, elle, comme son entourage sans doute, aurait souhaité. Luce sortait de son fourreau l’athamé pour nettoyer le sang encore visible sur la lame.

“Je suis supersticieuse, sensible et lâche. Ce n’est pas un trio glorieux pour découvrir le monde, n’est-ce pas ?” Les lèvres pincées, concentrée dans sa tâche, elle émit un faible rire, presque imperceptible sous le bruit des pas de l’invocation.

La route serait longue et Luce avait justement des questions à poser à Winglece, des choses qu’elle n’avait osé poser jusqu'à présent mais qui survinrent lors d’une discussion avec Mila au sujet des invocations, il y a de cela quelques jours.

Luce avait conscience de ce qu’elle était et qu’elle n’était pas particulièrement la pire. En avait-elle cependant croisée une autre supersticieuse, lâche et hypersensible ? Pas vraiment. Elle osait croire que cela n’était dû qu’à l’ignorance dont avait fait preuve ses parents, laissant la jeune femme sans réelle aptitude au combat, ni courage. Le souhaitaient-ils du moins ? Luce savait que dans ce monde ces défauts pouvaient être fatal pour une personne voyageant sur Arcane.

"Je ne pense pas. Ou plutôt, je ne l'espère pas. Il serait bon de ne pas entretenir ce genre de relation pour le coup. Si je veux me faire entendre je m'occuperai moi-même de cette affaire, bien que je sois rassurée de te savoir à mes côtés.

Elle avait eut une éducation digne d’une faiblarde et son rôle était sans doute celui d’une simple bibliothécaire ne se contentant dans la difficulté qu’attraper une échelle ou bien d’attraper un registre pour que tout soit réglé. Luce n’était en rien tout ce qu’elle aurait aimé être: Ses souvenirs la ramenait vers une belle femme blonde à la longue chevelure hirsute tombant sur son armure alors qu’elle maintenait un malfrat au sol, lui ennonçant les divers lois qu’il venait d’enfreindre. Sa robustesse et son courage avait étonnée Luce qui, silencieusement s’imaginait à la place de cette jeune femme si elle avait eut une éducation digne des gardes dorés. Elle aurait pu être comme elle avec ses longs cheveux blonds qu’elle avait coupé en arrivant à Lüh, elle aurait pu être cette femme en armure si l’envie lui prenait de suivre sa justice, aider les autres et en être remerciée. Son doux rêve l’envoyait dans les nuages jusqu’à ce qu’un lecteur vint à elle pour lui demander un livre sur la chasse, la ramenant minablement à la réalité. Pouvait-elle un jour espérer devenir cette héroïne ? Elle ignorait tout de cela.

Les paroles de Winglece à cela n’étaient ni hypocrite, ni dure face à la réalité. Acquiescant face à sa faiblesse sans pour autant la décrire comme la pire de ce monde. Etrangement, cela la rassurait bien plus que si il ne lui avait dit le contraire, bien que cela ne en rien changeait le fait qu’elle ne pouvait pas se permettre d’être assez courageuse pour voyager sur Arcane. Elle pouvait tout de même compter sur son compagnon pour se sentir capable de beaucoup. La bibliothécaire lui souriait, rangeant son arme dans son foureau puis dans son sac. Le voyage serait assez long mais elle ne doutait de la sympathie et de l’endurance de Winglece pour y arriver. Ils feront des pauses régulières s’il le fallait mais ils arriveraient à son village natal tranquillement.

“Nous devrons traverser la rivière blanche et nous nous dirigerons au Nord jusqu’au mont Olympe, le bois de Terra et enfin Calameth. Et… Merci d’être là pour moi, Winglece.”


Ses paroles, apaisée dorénavant, venait du fin fond de son coeur. Elle appréciait beaucoup la loyauté de l’enfant d’Aqua envers elle et ne regrettait de lui avoir permise de sortir de son temple. Il méritait de découvrir ce monde et de vivre sans être un vulgaire esclave des hommes mais comme un compagnon de voyage, un ami. Et en tout bon ami, Luce se décidait enfin à lui demander ce dont elle a toujours souhaité connaître de Winglece.

“J’aimerais connaître ton histoire, Winglece. Es-tu d’accord pour me la conter ?”

La jeune invocatrice écouta le récit de Wing avec attention. Les histoires des invocations l’avaient toujours attirée, et ce, dès son plus jeune âge. Son hésitation avait cependant laissé de côté ce désir de connaissance à la peur même d’essuyer un refus de Winglece. Le monde dans lequel ils avaient vécu autrefois devait leur manquer. Les paroles de Wing berçait l’enfant dans ses rêveries, imaginant le trouble qu’à dû vivre ce dernier lorsque les Dieux les condamnèrent à l’emprisonnement et à l’asservissement.

“Ce n’est rien, je peux comprendre que l’apparition des Hommes et les événements suivants n’ont pas permis de considérer leur naissance comme bonne.”

Et elle pensait encore que les Hommes d’autrefois étaient mauvais, était-ce encore de ces désirs de pouvoir et de conquête qui forçait les Hommes à agir ainsi ? Ou bien était-ce leur cœur qui était trop petit ? Les lèvres de Luce s’arrondirent, surprise des images que Wing fit passer dans son esprit.

“Des tours de fer !” s’exclama-t-elle “Comment les Hommes ont-ils bien pu construire des tours de fer ? C’est bien trop lourd ! Et qu’en est-il de ces armes ? Des armes pouvant tuer tant d’Hommes en un seul tir ? Cet archer était donc assez terrible pour se regarder encore dans un miroir en sachant qu’une seule de ses flèches suffiraient à tuer ainsi ?”

Sa naïveté et son manque de savoir sur l’ancien monde aurait sans doute fait rire plus d’une invocation, elle se référait cependant aux simples idées dont elle avait connaissance. Les armes à feu, les immeubles, les tours de fer étaient pour elle des noms bien trop abstraits pour le comprendre. Et ses questions fusaient à ce sujet.

“Comment était votre monde avant l’apparition des Hommes ? A quoi ressemblait-il ?”

“Et comment étaient les Hommes ? Vous avez sans doute eut la possibilité de voir d’autres personnes, sommes-nous comme eux ? Pensez-vous qu’il y a une chance pour que nous soyons mieux que ces brutes ?”

Les larmes de l’invocation tombèrent sur sa carapace glacée, Luce se tut. Elle se sentait soudainement mal à l’aise de voir que les souvenirs de son invocation la rendait triste, le nez baissé elle s’excusa de sa curiosité mal venue. Luce n’avait pas à insister de la sorte mais si il ne lui répondait pas tout de suite, elle espérait cependant avoir la réponse dans d’autres circonstances.

  Ils arrivèrent près de la rivière blanche, le courant était assez fort pour les emporter si ils songeaient ne serait-ce que de traverser à la nage. Dans son souvenir, Luce avait traversé un pont avec Virgil pour arriver à Lüh. Il ne devait pas être bien loin. À l’Est ou bien à L’Ouest. Elle n’en était plus certaine.

“Il va nous falloir un pont pour traverser la rivière. Malheureusement, je ne sais plus où se situe le pont entre les deux extrémités. Peut être y en a-t-il un autre. (elle réfléchit un instant) Ou alors tentons de trouver un endroit où nous pourrons traverser sans risquer de nous faire emporter par le courant.”

Ils longèrent la rivière pour le moment à l’Est, espérant trouver un moyen de traverser à un moment où à un autre.

“Pensez-vous que nous valons mieux qu’eux ?” s’enquit-elle de lui demander à nouveau.

Son regard se tourna sur la seconde tête de l’invocation, concentrée sur l’environnement qui l’entourait et le papillon qui vint se poser sur son museau.

“Et toi Lèce, tu ne parles pas. Es-tu triste de ce qui est arrivé ?”

Wing était un puits de science et ses connaissances étaient admirables, elle était cependant triste de voir que Lèce, la tête dure du duo restait silencieux face à cela. Elle voulait le connaître autant que Wing, ainsi que les opinions de celui qui ne parlait jamais.