« Ne t'inquiètes pas ma belle, je reviens bientôt.
- ...  »
La réponse de Tinlia n'étonna pas outre mesure le mercenaire. Après tout un cheval, même aussi malin que le sien, ne parlait pas. Il ne manqua cependant pas d'observer le regard courroucé que lui portait l'animal tandis qu'il l'attachait à l'un des murs de la ville. Il fallait reconnaître que Aldvin lui avait promis une promenade dans les collines de Lüh et qu'il n'y avait guère de difficulté à se rendre compte que cette rue commerçante peuplé de monde n'était pas un chemin verdoyant. Il flatta l'encolure de l'équidé et ajouta, à la fois pour la calmer et se défendre.
« Tu as vu l'état de mon épée ? Je ne pourrais même pas couper un écureuil enragé avec ça.
- ...
- Oui et bien ça ne serait probablement pas arrivé si tu ne nous avais pas abandonné contre le Raparius.
- …
- Je me moque de savoir que les créatures de son genre mangent tes cousins pour leur quatre-heure. Il a mangé les miens aussi figures toi, et je suis tout de même allé l'affronter. »

Bien décidé à avoir le dernier mot, le guerrier borgne quitta son interlocutrice à quatre pattes pour se mettre à la recherche de l'armurerie dont lui avait parlé Arthuria. La jeune chasseuse n'avait pas tari d'éloges sur la qualité de l'équipement qu'on y trouvait et, puisqu'il était assez compliqué de pratiquer le mercenariat sans arme, il allait enfin pouvoir rencontrer part lui même la grande Ariez. Lorsqu'il trouva finalement la boutique il fut ravi de pouvoir se réfugier à l'intérieur du bâtiment, quittant ainsi la foule dense de ce début d'après-midi.

L'intérieur de l'armurerie était beaucoup plus agréable pour Aldvin et à l'odeur de la ville il préférait sans conteste celui de l'acier. La clochette posée sur la porte ayant sans doute déjà signalé son arrivé, il s'approcha d'un pas tranquille du comptoir tout en dégainant le vestige qu'était son ancienne arme. Puis il la posa délicatement sur le comptoir, grimaçant devant l'état de son équipement. Depuis qu'elle avait subit la foudre de deux invocations l'épée avait une drôle de couleur et la courbe de la lame n'était plus vraiment droite. Il espérait, sans guère d'espoir, que la forgeronne puisse la lui réparer. Sinon il lui faudrait se résigner à en acheter une autre.

Le diagnostique de la forgeronne fût brutal et sans concession. La fidèle compagne d'Aldvin n'était plus et ne serait plus jamais. Il restait toutefois la possibilité d'en extraire une partie pour forger une nouvelle arme et le mercenaire n'eut pas besoin de se poser plus de question. Il avait perdu tant de sang sur cette garde et cassé tant de dent avec ce pommeau qu'il ne pouvait se résigner à l'abandonner.

- Pas besoin de devis, si vous pouvez sauver ce pommeau je vous prie de le faire. C'est un peu un membre de la famille après tout. Je viens de terminer un gros travail, alors je devrais pouvoir payer les réparations de toute façon.
» Il me faudrait une lame bâtarde bien affutée et très solide. Le genre de truc qui permet de fracasser une armure si vous arrivez pas à la percer, pas une des aiguilles qu'ils utilisent pour tricoter entre noble. Je combat des monstres et des humains mais je me dis que si ça peut trancher un Lubius ça devrait pouvoir trancher un cou.

Il jeta ensuite un coup d’œil autour de lui et ajouta.

- Par contre si vous avez une lance dans votre stock je suis preneur. Il me faudrait un truc pour piéton qui puisse arrêter une charge de bête féroce.

Elle comprenait tout à fait son attachement à cette épée et comptait bien satisfaire son client en la refaisant à l'identique. Il lui fallait simplement désolidariser la soie de l'ensemble que composait la garde, la fusée et le pommeau, enlever quelques points de vissage et quelques coups de marteau plus tard, elle serait comme neuve.

"Je peux vous fournir ce type de lame sans problème, le facteur décisif va être la maniabilité que vous souhaitez, plus je vais vous la faire résistance plus elle sera lourde, et si vous voulez optimisez les trois facteurs, ce sera plus cher. Je vais vous faire un devis."

Elle sortie un petit papier sur lesquels elle nota les différentes lames qu'elle pouvait lui proposer :

"Ça nous donnerait à peu près ceci :

Tranchant ● ● ● ● ○
Résistance ● ● ● ● ●
Maniabilité ● ● ● ○ ○

Ici pour 740 Tsuris vous obtiendrez une arme très solide, assez maniable avec un bon tranchant. Si la maniabilité n'est pas ce que vous cherchez, j'ai ça aussi à vous proposer :


Tranchant ● ● ● ● ●
Résistance ● ● ● ● ●
Maniabilité ● ● ○ ○ ○

Pour 750 Tsuris, soit à peu près la même gamme de prix, vous aurez une épée plus tranchante mais moins maniable. Avec une épée bâtarde à large lame telle que la votre ce sera difficile d'avoir une bonne maniabilité et une bonne résistance. La résistance semble importante pour vous donc je ne vous propose même pas de la diminuer, mais si vous voulez faire des économies sur le prix ont peut toujours réajuster le tranchant. A ces prix là il faut rajouter les 40 Tsuris pour les matériaux de la lame et de la soie, je vous offre le travail de démontage et ne vous fait rien payer pour les pommeau, garde et fusée qui sont déjà les vôtres". (économie de 35 tsuris sur les matériaux)

Elle lui laissait réfléchir aux caractéristiques qui lui plaisaient le plus dans ce qu'elle avait à lui proposer, et partie pendant ce temps chercher une lance à lui montrer. Elle revint avec la lance Adiamée.

"Pour la lance, je vous propose celle ci. Elle a une très bonne résistance au choc et pour freiner la course d'une bête ce sera l'idéal. Son tranchant est par ailleurs bon, mais elle reste assez lourde." Elle lui laissa prendre la lance en main pour juger de son poids. "Celle ci coûte 330 Tsuris, je l'ai nommé Adiamée."

Aldvin écouta d'une oreille attentive les propositions de la forgeronne, essayant de s'imaginer ce qui serait sa future lame. La forgeronne semblait être une experte à la hauteur des rumeurs qu'il avait entendu, même s'il ne l'aurait probablement pas cru en la croisant dans les rues de la citée.

Il avait enfin statué sur l'option qu'il voulait lorsque Ariez revint avec une magnifique lance dans les mains. Le mercenaire esquissa un sourire en écoutant les détails de l'arme et il accepta avec plaisir l'objet lorsqu'elle lui fut tendue.

- Adiamée, c'est un chouette nom.

Tout en répondant il entreprit de soupeser tranquillement la susnommé Adiamée. Comme annoncé elle pesait son poids, mais rien de terrible pour un guerrier entraîné. Son élégance simple lui plaisait aussi, elle était de bonne facture et sans fioriture, exactement ce que l'on demandait à une arme. Il déplaça ses mains le long du manche vérifiant comment la pointe répondait à ses mouvements. Aldvin fini par reposer l'arme contre le comptoir tout en hochant la tête d'un air approbateur.

- C'est une bonne arme et votre prix est très raisonnable, ça sera pour moi un plaisir de l’emmener sur le champ de bataille pour botter quelques culs. Et pour vos devis, le second est celui qui me plaît le plus. On a pas besoin de maniabilité si on tranche bien du premier coup.

Il appuya sa remarque d'un clin d’œil puis fouilla ensuite dans son sac à dos et en sorti une épaisse bourse en cuir. Il savait que ce n'était pas raisonnable de porter l'intégralité de sa dernière paye sur lui, mais il voulait attendre de payer l'armurière avant de s'occuper de ranger son argent. Il étala donc sa petite fortune sur le comptoir et entreprit laborieusement d'en tirer la somme qu'il pensait devoir à Ariez.

- Je suis pas très doué en calcul et j'ai peut-être pas tout compris sur le baratin à la fin. Mais il me semble que je vous dois 920 Tsuris, alors les voici.

Joignant le geste à la parole il déplaça un monceau de pièce vers la forgeronne tout en lui accordant un franc sourire.

Adiamée semblait lui plaire, ainsi que son deuxième devis, elle lui confia donc la lance. Il refit les calculs de tête, sans attendre son total et lui paya tous ses services d'un coup. Elle ne sut comment annoncer à son client qu'il sous-estimait son prix de 200 Tsuris, car en reposant à son tour les calculs, avec les 40 Tsuris de matériaux, les 750 pour la lame demandée, et les 330 pour la lance, elle trouvait 1120 Tsuris. Elle n'avait de toute façon pas l'intention d’encaisser l'argent d'une arme par encore forgée.

"Ho non non, ne me donnez pas le total. Je vous prends 330 Tsuris pour la lance, vous me débourserez le reste, soit 790 Tsuris, quand vous viendrez récupérer votre épée, et si bien sûr vous êtes satisfait de sa qualité."

Elle se permit donc de prélever 330 Tsuris au 920 qu'il lui présentait, et lui rendit le reste.

"J'ai quelques commandes prioritaires avant la votre, mais repasser donc d'ici 3 jours."

Il lui fallait retourner aux parchemins indéchiffrable de la fameuse arbalète à poulies avant de pouvoir se consacrer à cette épée.

- Ah d'accord, on peut faire comme ça si vous préférez.

Aldvin récupéra l'argent qui la forgeronne lui avait rendu, puis rangea cette dernière dans son sac. Devoir garder l'argent plus longtemps augmentait le risque qu'il le perde, mais il se contenterait d'être un prudent. Puis au moins maintenant il avait une véritable arme pour se défendre en attendant de récupérer sa véritable épée.

- Je repasse dans trois jours, sauf si je meurs avant. Et je prendrai soin de votre lance promis !

Le mercenaire borgne adressa un dernier grand sourire à Ariez, puis hocha la tête pour la saluer. Il récupéra ensuite sa nouvelle acquisition et la posa sur son épaule de sortir en sifflotant une chanson paillarde. Tinlia serait surement surprise de devoir porter un bardas de plus mais elle s'y ferait rapidement.

Trois jours plus tard Ariez avait terminé son travail. Elle avait refait l'arme de Aldvin quasiment à l'identique, il n'y a que les quelques coups de marteau qu'elle avait du donner pour séparer le pommeau de la fusée qui avait laissé une légère trace, bien qu'elle ait été très précautionneuse c'était à craindre. Cela ne gênait en rien le maintient de l'arme, et ne se voyait que pour un œil attentif, elle le signalerait tout de même à son client, qui avait à coup sûr le bon œil.

Quand il passa rechercher son arme elle le reconnut tout de suite, c'était difficile d'oublier un mercenaire borgne au vocabulaire si direct. Elle avait d'ailleurs pris beaucoup de plaisir à réparer son épée à botter des culs, bien plus qu'à travailler sur le petit mécanisme de l'arbalète.

"Bonjour, votre épée est prête."

Elle alla la récupérer dans l'arrière boutique, elle lui enleva avant de lui rendre la petite étiquette qui lui rappelait quelle arme était pour qui et le travail effectué dessus.

"Nous avions donc dit, 790 Tsuris. Au cours du démontage j'ai du forcer sur le pommeau et cela à laissé une légère trace, je vous laisse constater."

Elle lui tandis son épée pour qu'il constate le petit "coup" qui se remarquait légèrement sur le coin du pommeau.

( lien dont je me sers pour m'y retrouver niveau vocabulaire)

Aldvin accepta avec gratitude l'épée réparée que lui tendait Ariez. Il devait reconnaître que même en seulement trois jours l'arme lui avait manqué. Ne pas la sentir battre contre son flanc c'était un peu comme ne pas porter de vêtement, même si en général quand il était dévêtu en public c'était qu'il avait abusé de la boisson.

- Bah une petite trace ce n'est pas grand-chose. C'est pas une épée d'apparat de toute façon. Y a bien un monstre qui finira un jour ou l'autre par bouffer le pommeau … j'espère juste que ma main ne sera pas dessus à ce moment-là.

Avec un sourire sur le visage il laissa glisser sa main autour du pommeau, appréciant de retrouver des sensations familières. La saisissant ensuite par la poignée, il détendit son bras éprouvant ainsi l'équilibre de la nouvelle lame. Après quelques secondes le mercenaire aborda un air satisfait et fit claquer sa langue dans son palais en signe d'appréciation. Il laissa finalement l'arme retourner à son fourreau puis se tourna vers la forgeronne.

- Vous avez fait un travail remarquable. Mais je n'en doutais pas, car j'ai eu l'occasion de tester un peu la lance que vous m'avez vendu et elle est plutôt efficace.

Fouillant dans la besace accrochée à sa ceinture, il sortis une petite bourse de cuir usée qu'il déposa sur le comptoir.

- Il y a la bonne somme là-dedans normalement. Je vous laisse recompter, c'était déjà assez pénible pour moi la première fois.

"Je vous remercie"

Déclara t-elle simplement tandis qu'il la complimentait sur son travail. Il avait l'air vraiment satisfait du résultat et Ariez n'était pas peu fière d'avoir rendu une deuxième vie à cette belle arme. Même si un petit accroc marqué sa réparation, il ne s'en soucia pas plus que ça.

Il finit par sortir une bourse de cuir en la laissant recompter, elle eut un sourire en se souvenant que la première fois cela n'avait pas été son fort, elle prit donc 790 Tsuris comme convenue de la bourse de cuir, elle déposa bien chaque pièce visible pour le laisser recompter avec elle, même si elle ne doutait pas un instant qu'il lui faisait pleinement confiance. Elle lui rendit ensuite le reste.

"Vous pouvez revenir me voir si d'aventures une autre créature en venait à tordre la lame. Et si vous perdiez votre main, je suis sûr de pouvoir vous faire une prothèse magnifique en remplacement."

Elle lui fit un petit sourire pour marquer le ton de l'humour, elle ne souhaitait évidemment pas qu'il perde une main ! En plus de n'y voir déjà que d'un œil... Mais c'était un client sympathique qu'elle espérait revoir, de préférence entier, la prochaine fois.

La remarque de la forgeronne fit rire Aldvin. Même si avoir un membre métallique ne l'enchantait guère, il trouvait l'idée plutôt amusante, surtout pour les bagarres de taverne. Il imaginait déjà la tête de l'ivrogne qui aurait le malheur de se faire frapper par une main ou un pieds en acier, voilà une surprise dont le bougre se souviendrait longtemps.

- Je crois que je vais tout de même faire mon possible pour garder entier et la lame et ce qui reste de moi.

Il passa ensuite son fourreau à sa ceinture, le faisant glisser entre sa hanche et le cuir usé de son vêtement, et inclina sa tête en direction d'Ariez pour la saluer.

- La prochaine fois que je passerai dans le coin je prendrai une bonne bouteille pour vous remercier de votre travail. Portez vous bien.

Le mercenaire tourna ensuite sur lui même et se dirigea vers la porte. Avec la vie qu'il menait en ce moment il ne doutait pas qu'il finirait par revenir ici, il espérait juste que ce soit pour son équipement et pas pour lui même.