Les yeux écarquillés, Jonas écoutait la vieille femme le renommer plutôt que de s'enquérir de son prénom. Tandis qu'elle donnait un encas à la monture, il tourna le visage vers sa sœur afin d'y trouver un soutiens face à cette étrange situation. Mais tout ce qu'il trouva, fut une jeune femme aux cheveux blanchis qui maintenait silencieux un rire apparent. Abandonnant toute lutte inutile, le grand-frère de cette équipe laissa la chose passer et une fois tout le monde prêt, fit claquer le départ.
Allez. En route Django !
Doucement, la charrette sortait du village. Donnant les rênes à sa sœur, le mercenaire craqua une allumette pour allumer son cigare tout en allongeant ses jambes sur la rambarde les séparant de la monture. La Vallée Sereine. Elle portait plutôt bien son nom. Rares étaient les attaques par ici. Tant des monstres que des bandits. Ca en revanche c'était un peu bizarre. Après tout, il y avait un noble dans les parages. Sans Garde Dorés pour le surveiller, non loin des terres de non-droits, connu pour des commerces juteux. Et pourtant pas un pecnau ne tentait sa chance. Il en avait une sacrée ce noble.
Durant les premiers kilomètres, Django laissa la conduite à Lily. Non pas qu'il était d'un naturel paresseux mais il savait que la seconde MacKry appréciait particulièrement cet exercice. Mais surtout, lorsque la zone deviendrait dangereuse, il comptait bien diriger lui-même. Alors pendant que l'on sentait encore les odeurs des champs cultivés de Sirk, autant la laisser. L'instant aurait pu être particulièrement agréable au point d'oublier qu'ils étaient en mission, bercé par le bruit des roues et de l'eau s'écoulant à côté avec pour vue une étendue à la verdure soulignée par les éclats d'un soleil d'été.
Une voix les en extirpa néanmoins régulièrement. Les réprimandes de leur accompagnatrice ne semblaient pas avoir finies d'être énumérées. Cela aurait pu finir par faire perdre patience à beaucoup de monde mais Jonas et Lily n'en dirent rien. Ils avançaient. C'est tout ce qui comptait. Et puis si jamais cela pouvait faire fuir quelques bestioles au passage, ils étaient preneur. Après une demi-heure, l'homme éprit d'une quête de liberté totale releva son chapeau pendant que résonnait un dialecte inconnu. Un échange de regard se fit alors entre la fratrie.
C'est quoi ça ? Du Landiens ?
Va savoir.
La réponse de Lily s'était accompagnée d'un simple haussement d'épaule. Il y avait en ce monde des choses incompréhensibles, et chercher à les comprendre revenait à soit perdre son temps, soit s'abandonner à la folie. Telle était la leçon de vie apprise il y a plusieurs année par la jeune femme. Celle à l'arrière parlait avec des mots étranges et bien soit. Peu importe. Tout ce qui comptait pour elle était de rapidement atteindre la zone, obtenir ce qu'il faut et rentrer pour qu'elle puisse enfin s'acheter une nouvelle épée avant que son frère ne dépense la somme dans une nouvelle nuit de jeux.
M'dame ?
Django avait fini par la couper dans ce qui semblait être toujours des réprimandes, afin d'attirer son attention. Il attendit de voir le visage de la vieille femme s'extirper de la bâche pour lui annoncer l'itinéraire prévu. Pas très essentiel en soit mais bon, au moins elle saurait, après elle en fera ce qu'elle veut. Au moins, elle ne pourra pas les injurier en Landiens ou en tout autre dialecte que c'était, pour ne pas lui en avoir parlé.
On va continuer de longer la Sérénade, puis couper un peu proche d'une forêt et ensuite ligne droite vers l'Ouest. On d'vrait en avoir pour cinq heures avant d'atteindre la Granderive.
Codage inspiré par celui de Libella sur Graphiorum
Le matériel est très important pour une scientifique, surtout de mon niveau. Il faut qu'il soit de bonne qualité et surtout propre ! Du matériel de mauvaise qualité ne permet pas de récupérer et prendre soin des échantillons correctement. Pire ! Cela peut l'endommager ! L'assistant du musée d'histoire naturelle de la capitale du royaume moderne d'Aljimer ce souvenait encore en entrant dans sa tombe de ma colère lorsque le platre qu'il m'avait fourni se révéla de mauvaise qualité et brisa un fémur fossilisé d'une créature antique. Quand au matériel pas propre, utiliseriez-vous un pinceau plein de peinture séchée pour enlever la poussière d'une ancienne tablette d'une extrême fragilité ? Il serait insultant de prélever une substance précieuse et la stocker dans un bocal plein de poussière ou une amphore mal lavée ayant contenue du vin.
Et bien c'est précisément ce que m'avais proposée le Marchandeur ! Les bocaux étaient sales ! Oh il était possible d'y placer des biscuits sans craindre pour notre hygiène, surtout lorsque l'on est sur les routes mais impossible d'y placer des échantillons scientifiques dans leur état, ce serait une véritable insulte à la science ! Un travail manquant scandaleusement de sérieux. J'étais occupée à nettoyer l'un des bocaux avec les moyens du bord lorsque Jonas m'interpella. Je le déposais avec beaucoup de soin et écartais la bâche avant de m'adresser à lui :
« Oui Jonas ? »
Certains pourrait croire que je lui avais parlé sèchement pourtant ce fut fait avec une certaine douceur. Il m'expliqua le plan de route et m'informa que nous en aurions pour cinq longues heures de voyage. Je m'adressais à eux avec politesse et respect, avec les manières, énergiques je vous l'accorde, d'une bienveillante grand mère.
« Oui je comprend. Pendant ce temps je vais effectuer l'inventaire de nos provisions et arranger le matériel. N'hésitez pas à m'appeler si vous en ressentez le besoin. Oh et ce n'était pas du Landiens... mais vous n'êtes pas loin ! C'était du Lantiens. »
Sur cette précision je retournai à l’intérieur. Durant les cinq heures suivantes je m'occupais à nettoyer les bocaux, les caisses et les différents outils fournis par le Marchandeur. Il arrivait parfois que je râle mais rien de comparable avec le début du voyage. La charrette s'arrêta un peu avant la tombée de la nuit. Jonas fut chargé de récupérer du bois pour le feu. Quant à moi, je fournis à Lyly de quoi faire un repas pour deux prenant pour excuse que je ne mangeai jamais le soir ce qui n'étais qu'à moitié vrai. Je participai aux tâches avec efficacité. Nous discutâmes de tout et de rien durant deux bonnes heures puis lorsque la nuit fut bien tombée, je souhaitais le bonne nuit aux deux humains et fit semblant de regagner la charrette. En vérité, je m'éloignais avec le plus de discrétion que je le pu ce qui sous ma forme humaine est assez facile. Lorsque je fus à quelques centaines de mètres, je laissais la magie m'échapper et repris ma forme originelle.
En faisant le moins de bruit qu'il m'était possible je me rapprochais du campement. Mes écailles noires me rendaient quasiment invisible à cette heure de la nuit. Je m'installais non loin de la charrette : suffisamment loin pour ne pas les déranger mais assez prêt pour intervenir si l'un deux donnait l'alarme de ne pas me trouver...
Minutieusement préparé, l'itinéraire ne leur causa aucuns troubles. Il était toujours préférable de longer les cours d'eaux, cela permettait de réduire les directions à surveiller et lorsqu'une créature approchait c'était principalement par la soif plutôt que la faim. Pour la coup aucun de ces cas de figures ne se produisait et c'est la simple vue d'un troupeau de Cobas au loin qui les extirpa momentanément de leur solitude.
Comme convenu, ce fut Jonas qui reprit les rênes lorsqu'il fallu quitter la Sérénade pour couper en direction de l'Ouest. Tous deux surveillèrent alors les horizons tandis qu'à l'arrière, des réprimandes s'accumulaient. Pas sûr qu'ils aient l'opportunité d'un deuxième contrat d'escorte. Dommage. Finalement c'était pas si compliqué de se rendre dans la plaine de brumes. De l'argent facile, il n'y a rien de mieux !
On est arrivé !
La voix claire de Lily résonna tandis que la charrette bâchée s'arrêtait à quelques mètres d'un nouveau court d'eau. "La Granderive" annonça simplement le conducteur en descendant de son siège. La fratrie scruta les alentours pour jauger de la sécurité de l'endroit et lorsqu'ils aperçurent des Dulcius aller et venir non loin, ils conclurent que l'endroit était apte à la halte. Jonas s'occupa dès lors de trouver de quoi nourrir le feu et la jeune sœur s'afféra au repas. Cela ne serait pas un luxe mais il y avait de quoi se faire une bonne petite marmite de trucs sympas.
La discussion durant les préparatifs et le repas étonna les Mackry qui trouvèrent enfin une certaine sympathie chez l'experte en feuilles. Quand elle ne pestait pas, elle était plus cool. La conversation évoqua des choses futiles comme le temps restant à parcourir, l'importance de faire vite et bien une fois sur place ou encore le manque de sel dans le plat. Mais aussi d'autres amenant à se connaître davantage comme l'évocation de leur présence à Sirk suite à une nouvelle nuit de paris de Jonas.
De manière générale, les paroles étaient plaisantes pour chacun et portées sur la bonne humeur. Le lien entre Jonas et Lily fut évident. Ils s'aiment beaucoup, au point de supporter les défauts de l'autres et ils n'étaient pas les derniers à rire l'un de l'autre. Cela fut principalement le cas lorsque la vieille femme s'éclipsa. C'est que ça se couche tôt les vieux ! Après quelques minutes, Lily vint déposer son visage sur les jambes allongées de son frère, adossé à une roue. Le ciel d'été était beau ce soir là. L'air plaisant. Il ne lui manquait plus qu'une oud.
Une heure passa avant que Jonas n'invite ça sœur s'endormant à aller trouver une place dans la charrette. En bon frère dévoué, il prendrait la première surveillance. Un baiser sur sa joue par sa sœur, et il sortit un nouveau cigare. Ca allait être une mission facile. Du moins c'est ce qu'il croyait jusqu'à ce que Lily ne revienne pour lui jeter l'évidence du contraire en pleine tronche.
Elle est plus là !
T'es sérieuse !?
Difficile constat que celui-là. Pas de cheveux blancs dans la carriole. Leurs regards se jetèrent un peu partout sans rien distinguer. Jonas émit alors l'hypothèse qu'elle était allée se soulager. Mais quand dix minutes passèrent sans que l'horizon ne change, il devenait certains que ce n'était pas ça. S'armant d'un bout de bois transformé avec hâte en torche dans sa main gauche, il s'aventura dans une direction hasardeuse. Lily resterait au camp au cas où elle revenait, tandis que lui irait voir dans les parages si il trouve des traces.
Avec le feu de la torche, il alluma son cigare avant de placer sa main droite sur ses couteaux de lancés. La zone était plutôt tranquille et à observer le sol, il n'y avait pas de bestioles dans le coin. Mais on sait jamais avec ces terres sauvages. Sa marche prudente le mena jusqu'à ce qui paraissait être une colline en plein milieu de la plaine. Et merde. Elle était pas là avant. Un instant il jeta un regard en arrière et l'idée d'abandonner la vieille pour se barrer avec sa sœur lui traversa l'esprit. Mais elle allait encore râler qu'il ne fait pas ce qu'il faut pour lui rembourser son épée.
Fait chier..
Prudemment il avança, la torche en avant, les doigts sur l'acier. Sa respiration fut étrangement de plus en plus calme. Son cigare s'éteignit lentement. Son poncho avait dégagé l'accès à son bras servant aux lancers. Puis soudainement, il perçu ce qui le fit s'arrêter aussitôt. Un œil. C'est bien ce qu'il pensait. Cette colline n'était pas là avant. Parce que c'était une foutue bestiole.
Fait chier.Lâcha-t-il avant de prendre l'une de ses lames entre ses doigts, prêt à la lancer tandis qu'il commençait à lentement se reculer.
Codage inspiré par celui de Libella sur Graphiorum
Pas une seule seconde je n'avais envisagée que Jonas et/ou Lyly ne me rejoindrait à l’intérieur de la charrette pour y trouver le sommeil. Comment ? Qui a osé dire que n'importe quel abruti aurait dû y penser ? Qu'il ose se montrer et se mesurer à moi !... Bon je vous l'accorde j'aurais du y penser. Néanmoins reconnaissez que les deux arguments qui suivent jouent grandement en ma faveur : premièrement ils sont payés pour assurer ma sécurité. Je pouvais donc raisonnablement m'appuyer sur le fait que l'un allait dormir pendant que l'autre montait la garder et qu'ils resteraient à l'extérieur pour réagir plus facilement. Deuxièmement, auriez-vous l'envie de passer votre première nuit aux cotés d'une vieille femme ayant passée une grande partie du voyage à râler ?
Je m'appretais donc à passer une nuit paisible confortablement installée sur un pauvre jineperus très large qui s'avérait être un coussin parfait pour une créature de ma taille. J'avais même à ma disposition une grosse souche d'arbre pleine de mousse parfaite pour y déposer ma tête. J'aime le calme de la nuit, il est parfait pour réfléchir. C'est souvent en son cœur que les idées les plus révolutionnaires sont nées. Tenez l'invention de la brouette ! Selon la légende, un homme se tuant à la tâche à transporter des pierres pour je ne sais quelle raison se serait un jour fâché en s'en faisant tomber une sur le pied. C'est la nuit même qu'il aurait eut l'idée d'ajouter une roue à un panier. Ce n'est qu'une légende, il y a beaucoup d'autres versions de cette histoire. Quoi qu'il en soit la nuit promettait d'être parfaite jusqu'à ce que la lueur du torche s'approchant vienne troubler mon repos suivis d'un juron humain.
Je soupirais... Jonas et Lyly s'étaient rendus compte de ma disparition. Je ne souhaitais pas dévoiler ma nature divine sur tous les toits mais je crains d'en être ici obligée. J'aurais aimé qu'ils n'en sachent rien : c'est une façon de me défendre que de m'entourer d'un voile de mystère, ce sont des armes en moins pour mes ennemis. Bientôt Jonas fus face à moi. Il annonça que cela « faisait chier » et dégaina un couteau de lancer. Je lui parla avec un calme presque somnolent, il ne pouvait pas se tromper, en entendant ma voix il me reconnaîtrait :
Je n'étais pas dressée de toute ma hauteur, loin de là. J'étais couchée confortablement sur une cuisse, ma tête se tourna vers lui. Écailles noires au cœur de la nuit, j'étais presque invisible. Seuls mes yeux, brillant d'intelligence et de vitalité, semblaient le transpercer. Lyly nous rejoignit bientôt.
« Je suis navrée de vous avoir inquiétés, je pensais pouvoir m'absenter sans. »
Car il n'y avait plus aucun doute à présent : je suis fille d'Aer. Rencontrer une divinité seule sans son invocateur, était-ce un spectacle peu courant ? Je n'avais aucun moyen de le savoir, étant sortie de mon temple depuis trop peu de temps. Je continuais :
« Je pense qu'il est temps que je me présente comme il se doit : je suis Pru'ha, fille d'Aer, maitresse du savoir et fondatrice de la grande bibliothèque de l'ancien monde. Je vous demanderai de conserver le secret sur ma nature divine s'il vous plait, je pense que vous comprenez. »
Je ne pus m'empêcher de pouffer de rire en me tournant vers Lyly :
« Comprenez vous pourquoi je n'ai pas besoin de la protection d'une ville ma chère ? »
J'espérais ne pas les avoir offensés. Ils avaient été charmant avec moi tous les deux et c'est avec bienveillance que je m'adressais à eux, l'inverse complet du Marchandeur en vérité.
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