Il n'y a pas à dire, Galifey-Osvald n'est pas bien à l'aise à dos de variquan. Pas qu'il n'aime pas ces créatures, ou qu'il ne parvienne pas à en garder le contrôle, mais la chevauchée lui donne un vague mal de cœur fort désagréable. Sa tête finit à la longue par lui lancer, et cela lui rappelle l'Ancien Monde, les quelques fois où il fut capturé et transporté : à cette sensation de mal-être physique qu'il avait dès lors déjà ressenti, et à laquelle à présent s'ajoute des souvenirs mauvais. C'est donc avec soulagement qu'il accepte avec Lagertha de faire une pause.

Le lieu : la plage de Lilyn.
Ce n'est pas choisi au hasard. C'est d'ailleurs même sur la recommandation du Fils d'Aer, malgré son mal des transports handicapant. Lagertha doit être capable de viser malgré le vent puissant des montagnes, tout comme elle se doit de savoir garder son équilibre, et solliciter ses muscles pour s'agripper sur les flancs rocheux et dangereux. En cela, une plage est un premier palier qui fait parfaitement office d'entraînement en conditions similaires.

Une fois les deux variquans attachés à des branches souples et solides, la jeune femme s'en va s'entraîner et Galifey-Osvald s'assoit sur le sable frais. Ce n'est pas très confortable mais au moins cela lui permet de se reposer tout en surveillant son Invocatrice.

Cette dernière a besoin de retrouver ses marques. La flèche s'est plantée in extremis dans le tronc visé.

Il la laisse en conséquence se concentrer. Une dizaine de minutes passe, puis bientôt vingt, et trente. L'air est salé, agréable, et le remous des vagues est apaisant -sa tête se vide et il profite de la plénitude apportée.
Quand Galifey juge que Lagertha a retrouvé un niveau correct, il se lève puis la rejoint.

« Comptes-tu m'expliquer l'origine de ton animosité envers Saen ? »

La question est posée dans un but pratique. Elle distrait la jeune femme, rajoute une difficulté afin qu'elle puisse mieux s'améliorer pour quand viendra la situation réelle ; toutefois, le Demi-dieu est sincèrement intrigué par cette histoire.
De même, cette information peut s'avérer utile afin de les aider à cohabiter. Il n'y a rien de pire qu'une chasse désorganisée par les disputes internes. Cela, Nathan l'avait bien compris, à Lüh.

Il suppose -espère- que Lagertha a conscience de tout cela.

La flèche se fige dans le tronc de l'arbre -pas de justesse, ni même avec légèreté, mais d'une manière pourtant brouillonne qui confirme à Galifey-Osvald que son Invocatrice a encore besoin d'entraînement. Ses émotions personnelles ne doivent pas perturber son efficacité en combat : c'est un enjeu primordial. Il ne veut pas que la présence de Saen devienne un fardeau pour les affrontements probables à venir.

« En quoi ça t'intéresse ? »

Une nouvelle flèche fend l'air et vient se planter plus fermement dans sa cible. Galifey-Osvald jauge plus appropriée ce sang-froid retrouvé, bien que quelques idées d'entraînements corsés lui viennent à l'esprit afin de perfectionner ces compétences de tir à l'arc.

« J'aimerais t'aider, peut-être simplement te soulager, si tu me le permets. » Répond-il avec simplicité.

Son regard sombre vient se poser directement sur Lagertha. Il décide de jouer franc-jeu.

« Je crains que sa présence ne soit un poids et une distraction pour toi. Quoi que vous ayez vécu, tu ne sembles pas vouloir l'affronter en face à face si vite. Laisse-moi tenter d'y palier et surveiller tes arrières. »

C'est une demande, faite d'une Invocation à son Invocatrice ; d'un grand frère à sa petite sœur.

Sans surprise, Lagertha ne semble pas très bien prendre cette aide, bien qu'elle soit proposée avec une extrême prudence. Galifey, derrière son sourire qui jamais ne flanche, s'attend à subir ses foudres -voire une flèche malencontreusement échappée à la corde de son arc, sait-on jamais.

À la place, la flèche fatale se contente de fuser loin de lui et loin de l'arbre cible, se perdant à travers le feuillage verdoyant de la forêt bordant la plage. Les muscles de son Invocatrice sont tout autant crispés que son visage lorsqu'elle se tourne vers lui.
Elle paraît prête à lui sauter à la gorge.

Galifey ne comprend pas. Pourquoi le prend-elle si mal ?

Pourtant, malgré les secondes, puis les minutes qui passent, rien ne vient.
Le Demi-dieu déguisé détend des muscles qu'il n'avait même pas eu conscience d'avoir contracté, ne détournant pas une seule seconde son regard sombre de la jeune femme en rogne.

Puis, un peu plus tard encore, elle se détourne.
Et se détend.
Lentement, sûrement, subtilement. Galifey observe la réaction, et réalise l'effort drastique que cela lui demande afin de se calmer et d'accepter d'envisager la chose.

Elle grimace fort, très fort, lorsqu'elle parvient enfin à prononcer quelques mots.

« Qu'est-ce que tu propose ? »

Galifey-Osvald ouvre la bouche, puis la referme. Il est quelque peu surpris de voir qu'elle ne s'est pas tout simplement contentée d'exploser. Mais il est surpris dans le bon sens.

« Je te propose de simplement éviter, et ignorer Saen. S'il tente une approche vers toi, je m'efforcerai de l'en empêcher et de le distraire, afin que tu puisses rester concentrée au mieux sur notre tâche. »

Un silence, avant qu'il ne rajoute un étonnamment timide :

« Cela te conviendrait-il ? »

Si elle accepte, peut-être oserait-il même s'inviter au sein de sa séance d'entraînement afin de l'aider à reprendre du niveau. Lui-même est tout à fait incompétent en maîtrise de l'arc, mais il sait quel genre d'exercices lui corsera la tâche et la forcera à adopter instinctivement de meilleurs techniques.

L'échange demeure étonnamment tempéré. Plus encore, Galifey-Osvald croit apercevoir, l'espace d'un instant fugace, une vulnérabilité dans le regard de son Invocatrice. Il se garde bien évidement de le faire remarquer à voix haute ; toutefois, il ne peut s'empêcher d'éprouver une certaine satisfaction.
Non pas parce qu'il a décelé une faiblesse, ou quoi que ce soit qui s'en rapproche, mais parce qu'elle semble commencer à baisser sa garde en sa présence. Cela et sa soudaine bonne volonté saupoudrée d'une sacrée dose d'efforts afin de rendre cette conversation viable, lui donne l'espoir un peu naïf qu'elle commence à le supporter.
Peut-être pas à le pardonner, sans doute pas à l'aimer, mais au moins à le supporter. L'accepter, même.

C'est de leur point de vue extrêmement encourageant.

« Ça me va. »

Le Demi-dieu déguisé se contente de hocher la tête pour toute réponse. Son regard suit silencieusement la flèche qui se plante dans l'arbre, pas tout à fait au centre, mais bel et bien figée dans le train.

Galifey n'entend pas ce que la jeune femme prononce dans un souffle, mais il devine au manque d'agressivité dans l'intonation qu'elle n'était probablement pas en train de jurer. Il ne cherche pas à insister, se doutant que si elle n'a pas été plus claire et audible, c'est parce que la guerrière ne souhaite pas l'être.

Il l'observe continuer de s'entraîner encore un moment, le temps que la tension disparaisse en grande partie et que le calme de la concentration leur soit bénéfique à tous les deux.

« Si je puis me permettre... » Lance finalement Galifey-Osvald d'un coup d’œil attentif à son Invocatrice. « Ma première Maîtresse était spécialisée dans l'art de l'archerie. Je n'y connais rien personnellement, mais certains exercices auxquels j'ai pu assister t'aideront peut-être. »

Il observe désormais Lagertha à la façon dont un enfant regarde sa mère en se demandant s'il va être encouragé ou grondé pour son audace.
C'est qu'il n'est jamais certain de l'attitude à suivre en compagnie de la guerrière : il n'a toujours pas trouvé les pas de danse qui leur permettront d'harmoniser leur relation et, de fait, craint chaque fois de les faire reculer.

Il n'y a nul croisement d'yeux. Elle le regarde comme l'on regarde un point lointain de l'horizon, indistinct et peut-être trompeur. Mais elle lui accorde son attention, et aucune flamme ne semble s'embraser lorsque les mots ont fini de rouler sur la langue du faux humain.

L'Invocatrice annonce la sentence.

Une sentence surprenante, et surprenamment positive. Galifey-Osvald cligne des yeux, immobile et surpris. Il suit du regard l'humaine qui se traîne jusqu'à l'arbre, jusqu'à ses flèches, et finalement jusqu'à lui. Elle s'arrête à une distance plus que raisonnable, cependant -arrachant au Demi-dieu un demi-sourire qu'il ne parvient pas totalement à camoufler.
Lagertha est toutefois de bonne foi. Son regard le transperce froidement ; quoi que sans une once d'agressivité. C'est une amélioration, si l'on considère leurs débuts houleux.

Alors, Galifey s'efforce de faire honneur aux efforts de son humaine. Il lui explique les choses qui comptent, et il lui décrit les exercices qui les lui font retenir. Il minimise le contact, autant que possible. Il se fait factuel -félicite ou corrige avec une neutralité qui se veut sans faille.

Au bout d'un moment, il jurerait presque que la tension qui gravite autour d'eux a relâché son souffle.

Peut-être commencent-ils enfin à comprendre quels sont les pas de danse qui leur conviennent le mieux.