Il n'y a point de forêt sans arbres tordus Elle marquait un point. Cette armure était laide. Il fallait vraiment que je trouve le temps de faire un détour par Al-Hazred le temps d'une permission pour m'en acheter une convenable. Concernant son interrogation, qu'elle soit sincère ou non, j'y réponds négligemment.
❝ Je m'en passerai bien... ❞
Je ne saurais dire combien de temps il me restait à tirer, mais j'avais une sacrée accumulation de délit. Et à dire vrai, une fois que j'en aurais fini, je ne sais même pas ce que je pourrais bien faire de mieux à l'avenir. Ce n'était pas la meilleure situation qui soit, mais ça avait au moins le mérite de m'occuper et de m'offrir une vie plus décente que de dormir dans la rue et devoir voler pour se nourrir. Pensif à cette idée, mon regard se détourne et vogue distraitement vers l'horizon. Le silence qui s'en suit ne me tirant pas de ma vague contemplation, notre petit trio arrive rapidement aux abords de la forêt. C'est finalement son commentaire qui m'en tire, répondant là d'un ton évasif.
❝ Si on veut. ❞
La tournure de la conversation avait de quoi me renvoyer vers un passé qu'il m'était désagréable de ressasser. Comme un nuage sombre qui tournoie au dessus de ma tête. J'observe alors le troupeau d'arbres se présentant devant nous, silencieux et contemplatif. L'air éteint l'espace d'une seconde, avant de me reprendre pour réduire l'espace qui s'était créer avec le duo.
❝ On cherche des fortifisiers ? ❞
Question un brin rhétorique. Il n'y avait pas grand chose à trouver dans la forêt, si ce n'est ça et les arbres de lune. Mais étant donné qu'elle avait stipulé vouloir s'approvisionner en herbes médicinales, j'optais pour le premier choix. Jetant un coup d’œil au chasseur toujours aussi loquace et son long soupire du chasseur ne m'échappe pas. Mes yeux noircis de contrariété pointent vers lui et je grogne discrètement. Ah oui, monsieur n'aime sans doute pas chaperonner une cueillette tranquille et préférerait peut-être aller occire de puissants monstres.
❝ Si t'es là, c'est que t'as pas mieux à faire. Contente toi de faire ce pour quoi t'es payé au lieu de maronner. ❞
Il se tourne vers moi, une mine réprobatrice tordant ses traits. Il montre presque les crocs en s'avançant d'un air un brin coléreux. Je devais bien avouer que le sujet précédent m'avait mis dans de plutôt mauvaises conditions. Bien que je n'étais jamais vraiment dans de bonnes. Je le fixe sans ciller, pendant qu'il réduit l'espace entre nous jusqu'à me faire face, me toisant d'un regard assombris. Pour ma part parfaitement neutre, je me contente de le regarder sans broncher, quelques instants, jusqu'à ce qu'il abandonne pour cette fois. :copyright: 2981 12289 0
Il n'y a point de forêt sans arbres tordus (partie 2)
֎ Lüh • Aer, an 59 ֎ |Revna & Jade|
Le Corbeau nota l'ombre passant dans la voix de Jade à l'évocation de son prénom. Elle lui coula un regard circonspect. Il s'agissait à n'en point douter d'une pente glissante, mais pour quelle raison ?
"Je le trouve magnifique, pour ma part." renchérit-elle d'un ton doux, faisant référence à la fois au nom et à son porteur.
"Si j'ai un jour un enfant, les Quatre m'en préservent, je lui donnerais aussi un nom végétal. Mangeuse d'Air si c'est une fille et Rondouillet si c'est un garçon." ajouta-t-elle avec un air terriblement sérieux, ne notant pas que le milicien avait laissé la distance s'amplifier entre eux.
La jeune femme partit dans un petit rire chantant à l'écoute de sa propre plaisanterie, et essuya une larme de rire du bout des doigts. Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas sentie aussi bien. Peut-être était-ce le contact de la nature, après avoir passé trop de temps en ville ?
Une toux forcée en provenance d'Ásgeir lui fit perdre sa bonne humeur en un clin d’œil. Il lui fit signe de baisser d'un ton d'un mouvement de la main, ce à quoi Revna répondit par un regard courroucé. Ce n'était pas comme si la forêt de Jade pullulait de Rhinos, il pouvait bien se détendre un peu. "Oui, c'est ça." répondit-elle au garde, lorsque celui-ci intervint à point nommé pour lui demander la nature de leur cueillette.
Le soupir du chasseur lui hérissa l'échine. Il avait de la chance qu'elle ait la force physique d'un Dulcius. La jeune femme se contenta de serrer les dents et de lui couler un regard noir. Heureusement que ce n'était pas ses Tsuris durement gagnés, mais ceux sortis des poches de son géniteur, qui avait été dépensés dans son recrutement. La réaction de Jade lui arracha un sourire : il avait formulé à voix haute les pensées l'étreignant en silence. Elle leva vers le milicien des prunelles reconnaissantes, et sentit de nouveau une curieuse chaleur lui monter dans la poitrine.
Ils n'eurent pas à crapahuter longtemps entre les ronces pour trouver un Fortifisier. Cette plante faisait presque sa taille, et etait solidement ancrée dans la terre. Les doigts du Corbeau avancèrent vers ses fruits, les soupesant rapidement.
"Nous sommes ici aussi tôt, car c'est l'un des meilleurs moments pour les cueillir. Une chaleur moindre permet de conserver la qualité du produit. Cela marche aussi en début d'après-midi, si tu n'as pas de problemes avec l'affreuse temperature du sud. La grosseur et le changement de texture sont un signe de maturité. Il ne faut pas attendre qu'ils soient trop murs, sinon ils exploseront dès que tu voudras les prendre. Celle-ci..."
Elle pris doucement la main de Jade dans la sienne et déposa une Baie coulante dans sa paume. "...est parfaite."
En prononçant ces mots, l'empoisonneuse s'etait lovée dans l'éclat du regard de Jade. Son cœur se mit à battre à tout rompre et elle se dégagea prestement. Il faisait affreusement chaud... Était-elle en train de tomber malade ?
Après un bref silence inconfortable, Revna tourna le dos au milicien et reprit la parole. Elle fixait la plante comme s'il s'agissait de l'objet le plus intéressant qu'elle n'ait jamais contemplé.
"Pour les fruits à court pédoncule comme ceux-ci, tu dois saisir le fruit dans ta paume et faire un léger mouvement de rotation. Si le fruit se détache tout seul, c'est qu'il est prêt à être récolté."
Joignant le geste à la parole, elle recueillit une dizaine de baies dans une fiole de verre préalablement sortie de sa sacoche, tout en priant pour que le soldat n'ait pu lire son égarement.
Il n'y a point de forêt sans arbres tordus Mes yeux captent la lueur qui émane du regard de la demoiselle. J'avais tout à penser que la présence du chasseur ne lui était pas des plus plaisante, à elle non plus. Loin de moins l'idée de vouloir forcer le trait pour lui faire plaisir, mais il y avait néanmoins quelque chose de satisfaisant là dedans. Sans me montrer particulièrement enthousiaste à cette idée, je me contente de la regarder d'une certaine neutralité, avant que l'on poursuivent nos recherches.
Trouvant bien vite notre cible, je me rapproche de la demoiselle instinctivement, soucieux d'écouter ce qu'elle avait à m'en dire. Après tout, j'étais là pour ça, élargir mes connaissances qui relevaient surtout d'une accumulation de lecture. Mais la pratique surpassait la théorie, j'étais donc spécifiquement intéressé et sérieux à cette occasion.
Un pas derrière elle, je l'écoute d'abord, tout en observant la plante qui se dresse devant nous. Et bien que je pensais être totalement impliqué, quelque chose d'autre attire mon attention. Levant un sourcil un brin interrogatif, mon regard pivote jusqu'à elle. La température du sud ? Pour l'évoquer comme ça, elle ne devait pas en être originaire. Il m'avait semblé noter un accent ce soir là, sans y avoir réellement prêté attention et surtout sans savoir d'où il venait. Il était clair maintenant qu'il n'était pas d'ici. Ce n'est pas une information des plus importantes, mais je m'étonne du bref intérêt que je lui accorde.
Je scrute maintenant ses gestes avec sérieux, jusqu'à ce qu'elle se tourne et prenne ma main pour y déposer la baie qu'elle avait choisi. Une intention qui ne me surprends pas particulièrement alors, je me laisse faire sans broncher. J'observe le fruit une seconde avant de trouver ses yeux, m'attendant à la suite de ses enseignements. Mais c'est un silence qui s'en suit et subitement...
Je fronce les sourcils lorsqu'elle s'arrache à mon contact. Sans comprendre, je ne peux m'empêcher de la sonder silencieusement. Qu'est-ce qui avait provoqué cette soudaine fuite ? J'avais bien compris qu'elle m'avait plus invité par charité que par sympathie, mais de là à ce que ma présence lui soit aussi repoussante... Amèrement, je détourne les yeux et les repose sur la plante, l'air fermé. Pourquoi est-ce que je m'en préoccupais ? Après tout, je n'étais là que pour recevoir ce qu'elle m'avait proposé. Rien d'autre. C'est tout ce qui importait...
Discrètement, j'inspire longuement comme pour évacuer, avant de ranger la baie dans la sacoche de cuir accrochée à ma ceinture. Observant maintenant chacun de ses gestes, je note l'utilisation d'une fiole, du coin de l’œil. Me sentant de nouveau suffisamment impliqué pour participer assidûment, je l'interroge d'une voix calme.
❝ Elles se conservent mieux dans le verre ? ❞
Sans lui porter de regard, je me décale légèrement pour ne pas la déranger dans sa récolte. A moitié dans son dos, je tends le bras pour saisir un fruit avec délicatesse, étant suffisamment plus imposant qu'elle pour ne pas avoir besoin de m'éloigner davantage. Déposée au creux de ma paume, j'opère la manipulation conseillée. Une faible torsion du poignet et sans effort, il se détache. Une douce satisfaction étire un faible sourire sur mes lèvres alors que je contemple ma réussite, si petite soit-elle. :copyright: 2981 12289 0
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Le cœur de Revna battait à tout rompre. Elle passa un doigt dans l'encolure de sa cape pour tenter de mieux respirer, et sentit la chaleur s'étioler sur ses joues. Sans doute l'effet d'une fièvre qu'elle n'avait pas vu venir. Cela l'étonnait, car elle était très à l'écoute des fluctuations de son corps. Qu'importe, ce n'était pas la première fois qu'elle devrait travailler en étant souffrante. L'interrogation de Jade la tira de sa cueillette contemplative.
"Oui" répondit-elle d'un ton détaché. L'argent de son géniteur lui avait permis d'acheter suffisamment de fioles pour ouvrir son propre étal d'herboristerie au marché, mais son naturel radin rechignait à en lâcher une pour des perles émeraudes, aussi belles soient-elles.
Les bruissements de feuille accompagnant les déplacements du milicien lui firent comprendre que ce dernier était affreusement proche. Son sang se mit à bouillonner à cette idée.
*Si la montagne ne va pas à toi, va à la montagne* se remémora alors la jeune femme. Elle glissa une main dans sa besace, et en sorti un récipient de verre de taille moyenne, agrémenté d'un fin bouchon de liège.
"J'en ai une pour toi."
Elle fit mine se retourner vers le garde, puis dans un mouvement désordonné, perdit l'équilibre dans l'objectif d’atterrir contre la poitrine du jeune homme.
Il n'y a point de forêt sans arbres tordus Pour moi ? C'est étonnant, je n'aurais pas cru ça d'elle. Interloqué et les sourcils froncés d'incertitude, mon regard pivote lentement jusqu'au sien. Se tournant à mon encontre, pour me donner la dite fiole, la demoiselle manque de tomber. Suffisamment réactif pour la retenir par les épaules, je l'arrête avant qu'elle ne se confronte au froid de mon armure tandis que le récipient, lui, s'échoue discrètement sur le sol.
La replaçant aisément face à moi, légère comme elle était, je la fixe silencieusement. Étonnamment soucieux, je la scrute avec insistance pendant de longues secondes. La maintenant toujours fermement entre mes mains, je note ses joues rougies et me crispe sensiblement. Ajoutant à cela sa perte d'équilibre alors que je la savais suffisamment habile pour grimper jusqu'à la fenêtre d'un étage, il y avait de quoi s'alarmer. Est-ce que j'étais ventrain de m'inquiéter pour elle ?
La question ne me préoccupe pas davantage. Libérant l'une de ses épaules, je place délicatement le dos de ma main sur son front pour jauger sa température corporelle. En l'état, la chaleur qui émanait de sa peau n'était pas particulièrement préoccupante, mais il valait peut-être mieux être prévenant.
❝ On devrait rentrer si... ❞ ❝ Oui c'est ça, la forêt c'est pas un endroit pour batifoler. ❞
Il n'avait pas fait preuve d'un éclat de voix bruyant, presque un murmure, sans doute pour s'éviter la foudre de la faune environnante, mais son commentaire acéré m'avait agacé en un instant. Grognant en me tournant vers lui, il me stoppe net. Un doigts sur ses lèvres et l'autre glissant jusqu'à son arme, je m'immobilise silencieusement, prêt à dégainer la mienne s'il le fallait. Je n'étais pas chasseur, loin de là, mais la confrontation était trop ancrée en moi pour que la fuite soit ma première intention.
Au loin, on entendait vrombir des ailes insectoïdes. Celle d'apis à n'en pas douter. Je jette de temps un autre un coup d’œil à la demoiselle, m'assurant qu'elle se tienne tranquille elle aussi. Je suppose que notre escorte espèrait que les abeilles se contentent de passer par là. Ce qui, au bout de quelques instants, à les entendre se rapprocher puis s’éloigner, semblait être le cas. Une fois le silence retrouvé, je me rapproche de lui, de pied ferme et lui fais face, serrant les dents pour ne pas rétorquer bruyamment.
❝ Occupes toi de ton cul et de ce que t'as a faire. ❞
J'espère pour lui qu'il n'était pas assez con pour m'échauffer au point qu'on se mette dessus ici, même si il y avait bien plus dangereux que la forêt. Pour ma part, je l'étais largement trop pour laisser passer sans rien dire. Le fixant amèrement, le silence reprends sa place et je décide de mon propre chef de me détourner pour rejoindre l'herboriste. Évitant son regard, je ramasse la fiole et la lui temps, ponctuant sèchement.
❝ Ça ira. ❞
Mon ton était irrité de l'agacement accumulé par les affronts répétés du chasseur. Mais elle avait certainement plus besoin que moi de cette fiole. Je m'en procurerais une fois rentré. :copyright: 2981 12289 0
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֎ Lüh • Aer, an 59 ֎ |Revna & Jade|
Inspire, Expire.
Revna effleura ses joues brûlantes en prenant une grande inspiration. Son cerveau peinait à analyser la situation. Venait-elle de se faire rejeter comme une moins que rien ? Et se faire traiter comme une enfant, en prime ? Le Corbeau avait frémit sous l'impact des gestes emprunts d'une infinie douceur du milicien, déconnectée de la rudesse de ses propos. Mais il n'avait aucunement tenté un rapprochement, malgré la porte qu'elle avait laissé entrouverte, une nouvelle fois. L'empoisonneuse n'arrivait pas à envisager de ne pas faire naître le désir d'un homme. Peut-être n'était-il tout simplement pas attiré par les femmes ? Cette pensée la ragaillardit quelque peu. Car après tout, que restait-il d'elle sans sa plastique parfaite ?
❝ On devrait rentrer si... ❞ ❝ Oui c'est ça, la forêt c'est pas un endroit pour batifoler. ❞
Revna glissa une mèche de cheveux sombre derrière son oreille d'une main tremblante, luttant d'un air impassible contre la colère enflant dans ses veines. La réaction de Jade avait déjà émoussé sa flegme, aussi sentit-elle distinctement sa carapace se fissurer.
L’atmosphère était lourde, elle sentait la tension s’insinuer jusque dans ses os. L'homme aux yeux émeraudes semblait prêt à en venir aux mains avec Asgeir. Mieux valait couper court à cette expédition.
Avec un soupir, elle se pencha vers la fiole, la poitrine écrasée par un sentiment pesant. Puis, Jade asséna le coup de grâce.
❝ Ça ira. ❞
Les sentiments négatifs emplissant sa voix brisèrent les dernières résistances du Corbeau. Était-elle donc si peu aimable ? Le chasseur s’éclipsa de ses pensées, qui se focalisèrent sur le gouffre béant emplissant sa poitrine. "Bien triste vie sera la tienne". Cette prophétie ne pouvait que s'avérer véridique, malgré ses pathétiques tentatives pour s'accrocher au bonheur.
"Dis-moi que tu aimes les hommes, Jade. S'il te plait." murmura d'un ton douloureux la jeune femme au garde posté à ses côtés, tout en levant vers lui des yeux clairs envahis de larmes.
Sans lui laisser le temps de répondre, car elle ne voulait contempler directement la disgrâce qui allait s'abattre sur ses épaules, la jeune femme repris le chemin d'où ils étaient parvenus, faisant signe au chasseur de la suivre.
Il n'y a point de forêt sans arbres tordus Si j'avais su que lui tendre une simple petite fiole de verre allait provoquer cette fracassante interrogation. Je m'immobilise et mon visage se foudroie d'un air effaré, lâchant un non moins fulminant :
❝ Hein ?! ❞
Quoi ? Comment ça ? D'où ça lui vient comme idée ? Aimer les hommes ? Qu'est-ce qu'elle entendait par là exactement ? Mon corps se crispe entièrement, affligé d'une incompréhension la plus totale. Vraiment, je l'avais pas vu venir celle-là. Si éberlué que j'étais bien incapable de poursuivre et pourtant, mon visage se tord davantage en notant les larmes s'emparer de ses yeux. Une nouvelle crispation se saisie de moi, sans réaliser d'où elle provenait. Je sers les poings et les dents sans comprendre pourquoi ce spectacle avait fait naître cette colère. Il était d'autant plus difficile pour moi de la contrôler, sans en connaître l'origine.
Je me fichais bien des penchants des autres et n'en avais vraiment rien à foutre. Des femmes avec des hommes, avec d'autres femmes, des hommes avec d'autres hommes. Tout ça à la fois. On avait déjà dû me penser aimer mes homologues par le passé, je ne savais plus trop, mais je n'avais surtout pas le souvenir que ça m'avait agacé à ce point. Là, c'était limite incontrôlable.
Je me rapproche d'un pas décidé alors qu'elle s'éloigne, en compagnie du chasseur qui avait d'ailleurs disparu de mon esprit, en grondant à en faire vibrer le sol sous mes pieds.
❝ C'est quoi ces conneries ? En quoi ça te regarde ? ❞
Ma voix est sévère, mais je sens ma gorge s'érailler, comme affligé par moi-même. C'est la première fois que je m'adresse directement à elle en la tutoyant et... je m'immobilise soudainement. Malgré tout, toujours en ébullition, je ne savais pas quoi faire. Mes poings se serrent d'autant plus et je décide, pour le bien commun, de détourner les yeux et d'en finir.
❝ Laisse tomber. ❞
Pestant mon amertume, j'accélère le pas jusqu'à les dépasser. Mon épaule percute celle du chasseur, ayant pris soin de ne pas l'approcher elle. Je l'entends gronder à l'impact et me retourne, un colère noire au fond des yeux.
❝ Ferme là ou j'te jure que j'te démolis. ❞
Je me détourne aussitôt et presse à nouveau le pas, les devançant maintenant de loin. C'est elle qui l'avait payé, c'était donc elle qu'il devait protéger avant tout, ce qui me permettrait de m'éloigner à ma guise et de retrouver le chemin du retour rapidement. :copyright: 2981 12289 0
Un grognement déchira le silence assourdissant, puis une forme sombre fendit l'air en direction de Jade. L'empoisonneuse ouvrit de grands yeux ébahis en découvrant l'Oboro. Ses muscles saillant se découpaient sous ses poils ras et noirs, ses crocs acérés luisaient sous la lumière du jour. Bien que n'étant pas une fine connaisseuse du bestiaire de la forêt de Jade, il lui semblait plus qu'étrange de voir une telle bête attaquer en pleine matinée, seule qui plus est. Le filet de bave coulant distinctement de sa gueule amplifiait l'impression d'être en présence d'une bête malade, détraquée.
"Merde !" jura Asgeir en se ruant vers la bête; arme au poing.
L'instinct de survie pulsa dans les tempes du Corbeau, qui abandonna ses effets personnels et glissa sans même le réaliser vers l'arbre le plus proche, pour atteindre les branches surélevées en moins temps qu'il n'en fallait pour l'écrire.
Elle ne porta qu'une oreille distraite aux bruits des affrontements se déroulant à terre, focalisée sur sa fuite aérienne. Lorsque la jeune femme s’intéressa enfin au paysage se déployant sous ses pieds, elle constata que la forme inerte du chasseur jonchait le sol, dans une mare pourpre s'étalant à grande vitesse.
*Mais, c'est qu'il est mort, ce con !* réalisa la jeune femme depuis son perchoir, agrippant le tronc plus que de raison.
Sa pensée frôla le milicien, qui était dorénavant seul pour lutter contre le monstre. Elle grinça les dents, se demandant quelle attitude adopter. Un bruit sourd la tira de ses réflexions. Ses poings se contractèrent. Il lui fallait agir dès maintenant.
Revna fit alors quelque chose qui était à la fois très courageux et très stupide. En un mouvement leste, elle atterrit sur l'encolure de l'Oboro, l'enserrant de toute la faible force de ses bras fins. Celui-ci rua sous l'effet de la surprise, poussant un cri déchirant et lâchant son précédent adversaire du regard.
"Bouge-toi !" vociféra-t-elle à l'attention de Jade; le visage crispé par l'effort. Elle n'allait pas tenir plus de quelques minutes dans cette posture.
Il n'y a point de forêt sans arbres tordus Je m'éloigne à peine qu'un grognement détourne brusquement mon attention. D'un regard en sa direction, je distingue un Oboro qui m'avait l'air enragé. Dans tous les sens du terme. Putain il foutait quoi ici lui ? Le corps crispé par la surprise, il se projette sur moi et me plaque au sol. Grognant et grimaçant moi même, ses grosses pattes me retenant par les épaules, je crois n'avoir jamais vu une bête de cette espèce d'aussi près. La seconde suivante, le chasseur lui plante sa lame dans le flanc et attire suffisamment son attention pour qu'il en devienne sa cible.
Leur affrontement me permet de me redresser, me saisissant de mon sabre, prêt à en découdre. Le pouvais-je seulement ? Il valait sans doute mieux pour moi que je déguerpisse, n'étant clairement pas apte à combattre un Oboro. Une pensée me traverse alors l'esprit, forçant mon regard à balayer la zone. Je ne la voyais pas. Espérons qu'elle ai eu la présence d'esprit de fuir. Pas vraiment le temps d'y réfléchir davantage, je témoigne d'une morsure presque fatale. Le loup avait saisi le chasseur par la jugulaire avant de le projeter au loin.
❝ Fais chier. ❞
Pestais-je. Serrant les dents et lui faisant face, je recule d'un premier pas quand celui-ci semble me prendre à nouveau en grippe. A nouveau, il se projette vers moi, la gueule ouverte cette fois, prêt à me bouffer. Basculant au sol, je barre instinctivement la route de ses mâchoires, qui se referment sur mon avant bras, seule entrave entre lui et moi. L'instant me paraît durer une éternité. Je m'évertue à tenir sa gueule le plus loin possible tandis qu'il mâchouille mon armure, quelques crocs glissant jusqu'à mordre mes doigts. Je gronde. Ses pattes grattent le sol, mes épaules, et manquent de m'arracher la joue. Est-ce que j'allais crever ici ? Je ne parvenais pas à faire plus qu'à le retenir. Ayant lâché mon arme dans la chute, celle-ci se retrouve trop loin pour que je puisse l'attraper. Alors de ma main libre, j'assène un maximum de coup sur son flanc, des genoux également. Mais rien n'y fait.
Finalement, la providence tombe du ciel. Littéralement. Sans vraiment comprendre ce qui se passe, il se rue et hurle, me laissant une ouverture pour me glisser entre ses pattes et reculer. Putain mais elle est folle ou quoi ? Choqué par sa présence sur le dos de l'Oboro, je m'immobilise bêtement le temps d'une seconde, jusqu'à ce que ses mots me rappellent à l'ordre.
Mon sang se mets alors à bouillonner et un colère pulse dans chacun de mes muscles. Je me redresse et envoie mon poing de toutes mes forces, de tout le poids de mon corps, dans le crâne du loup. Sonné, il titube et trébuche. Dans le mouvement, j'en profite pour attraper fermement le poignet d'Ostara pour l'attirer dans ma direction, la retenant de tomber en l'enserrant presque contre moi. Les yeux rivés sur l'Oboro, je serre les dents et grogne, avant d'entamer une fuite qu'il valait mieux ne pas remettre à plus tard. Ne la lâchant pas, je l’entraîne avec moi sans demander mon reste. Tant pis pour mon sabre. J'en achèterais un autre. :copyright: 2981 12289 0
Il n'y a point de forêt sans arbres tordus (partie 2)
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Que faisait-elle accrochée au cou d'une bête enragée alors qu'elle aurait pu attendre en toute sécurité dans les hauteurs ? Pourquoi le temps s'était-il figé alors qu'elle aurait aimé pouvoir sombrer dans une douce inconscience ? La présente situation rappelait douloureusement à Revna pourquoi elle privilégiait les résultats à l'honneur, et elle se fit la promesse de ne plus jamais déroger à ses principes si elle sortait vivante de cet enfer.
La jeune femme se sentit projetée vers l'arrière, puis la main vigoureuse de Jade la tira de sa monture improvisée, l'enveloppant de sa carrure élancée. Le moment aurait été attendrissant, s'il n'avait été vite suivi par une course effrénée dans laquelle le milicien la traînait comme un vulgaire sac à patates. Sa poigne était affreusement forte, et il n'avait aucune considération pour la faiblesse des petites jambes de l'empoisonneuse, qui manquèrent de se dérober plusieurs fois. Revna avait l'impression que ses poumons allaient exploser et ne parvenait plus à trouver son souffle, tandis que son côté droit était strié d'une douleur lancinante. Elle finit par crier grâce. Tant pis. La nature privilégiait les plus forts, et elle n'en faisait définitivement pas partie. Des couleurs immatérielles dansaient devant ses yeux douloureux. Tout son corps était perclus de douleurs. Lutter ne servait plus à rien. Mieux valait que le garde la laisse derrière et rejoigne Lüh au pas de course. Mourir tuée par un Oboro en furie était vraiment une fin déplorable, pour quelqu'un de son acabit.
"J'en peux plus... laisse-moi et pars." glissa-t-elle d'une voix essoufflée à Jade en tentant de dégager sa main.
Son cœur tambourinait si fort à ses oreilles qu'elle aurait été bien en peine d'entendre si le monstre les poursuivaient encore. Cela n'importait plus, désormais.
Il n'y a point de forêt sans arbres tordus Slalomant entre les arbres, évitant les plantes et enjambant les racines, ma course me conduit le plus loin possible, traînant le poids d'Ostara derrière moi. Je n'avais d'ailleurs pas fais attention au fait qu'il s'alourdissait de plus en plus, trop occupé à fuir coûte que coûte. Mais au fil du temps, ça devenait de plus en plus difficile de la faire suivre mon allure, jusqu'à ce qu'elle déclare forfait. Elle me force à m'arrêter, essayant de se dégager de ma poigne. Je me retourne alors, sans la lâcher pour l'instant, voir intensifiant ma prise inconsciemment.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine, ma respiration est haletante, mais ça ne m'empêche évidemment pas de gronder à ses directives. Fronçant les sourcils, je prends une seconde pour m'assurer que l'Oboro ne nous ai pas encore pris en chasse, peut-être occupé à grignoter le chasseur. Je ne nous estimais pas sauvé pour autant. Je baisse les yeux vers elle et peste amèrement.
❝ T'es vraiment... Idiote. ❞
Pour ne pas dire complètement a côté de la plaque. Me pressant, je la lâche enfin et m'accroupis, lui présentant mon dos pour l'invitant à y monter d'un mouvement de tête. J'espère qu'elle n'hésiterais pas, sinon je me verrais obligé de lui gueuler dessus un bon coup. Une fois décidée à accepter et même si monter sur le dos d'un gars avec un plastron et des épaulières ne devait pas être le plus confortable du monde, je l'attrape fermement, me cramponnant à ses cuisses avant de me relever d'un bon.
Inspirant profondément, je reprends ma course, forcément un peu moins rapide, même si son poids plume n'avait pas de quoi m'alourdir à outrance. A nouveau, je fonçais un maximum, nous éloignant le plus possible de la zone dangereuse de laquelle nous étions parti. Je sens son étreinte se serrer autour de moi, tandis que mon objectif est fixé, duquel je ne me détournerais pas. Nous sortir de là.
Les arbres défilent et aussi rapidement que le pouvait ma course, nous voilà sorti de la forêt, le chemin principal encadré par des gardes, que je voyais au loin, nous faisant face. Je ralentis, jusqu'à m'arrêter complètement. Ma respiration brûlait ma gorge, mes poumons crachaient bruyamment. De la sueur coulait sur mes tempes et finalement, je crois que je pouvais dire que c'était fini. Je resterais ainsi, jusqu'à ce qu'elle me fasse émerger. :copyright: 2981 12289 0
La triste réalité était qu'elle s'était attendue à le voir fuir, car c'était ce qu'elle aurait fait en pareille occasion. Quoique l'empoisonneuse n'était plus sûre de rien. Le Corbeau chevauchant l'Oboro, voilà bien une comptine que l'on aurait cru jusqu'à hier improbable. Les étendues outremer s'agrandirent subrepticement lorsque la poigne de Jade se raffermit et qu'il exprima sans détours son désaccord. Elle voulu protester en le voyant s'agenouiller et l'invitant à monter sur son dos, mais le regard qu'elle reçu alors l'en dissuada. Soit, c'était sa vie après tout. La jeune femme enserra faiblement le cou musclé du milicien et seule la fatigue l'empêcha de rougir lorsque le soldat posa ses mains sur ses cuisses pour l'emporter dans sa course.
Alors qu'elle posait sa tête fatiguée sur la naissance de la nuque du milicien, ses dernières paroles ondoyèrent dans l'enclave embrumée lui servant d'esprit. Une idiote, elle l'était assurément. D'avoir cru pouvoir faire sienne une âme aussi pure, se démenant pour sauver une vie aussi immonde que la sienne. Elle n'était bonne que pour les ordures, comme Auguste Castechade.
A cette pensée, elle serra un peu plus fort le cou de Jade. Il lui faudrait trouver un moyen de laver sa dette s'ils s'en sortaient vivants; pour ensuite disparaître à jamais de son existence, pour son plus grand bien.
Ils émergèrent enfin du couvercle boisé, fendant une vive lumière qui lui fit plisser les yeux. Le milicien resta figé, pantelant, inhalant et exhalant l'air comme s'il était brûlant. L'inquiétude noua l'estomac de Revna. Il était étonnant de ressentir ce sentiment pour autrui.
"Jade... ça va ?" dit-elle timidement, tout en glissant de son dos. L'assassine contourna la silhouette du milicien pour lui faire face, un pli soucieux se dessinant entre ses sourcils sombres alors qu'elle détaillait les blessures du jeune homme. Rien d'a priori bien sérieux, mais il s'agissait de la seconde fois en quelques semaines qu'il était amoché par sa faute. Les doigts froids de la jeune femme enveloppèrent tendrement la main du milicien. Il ne risquerait bientôt plus rien car l'oiseau de mauvaise augure s'envolerait loin de la capitale des hommes.
"Je suis désolée." dit-elle en faisant mine de s'éloigner, sur ses jambes encore tremblantes, vers les gardes postés près du chemin, afin d'aller quérir leur aide. Ces mots avaient le goût acre de l'adieu.
Il n'y a point de forêt sans arbres tordus Je réponds mollement d'un simple « hm » à sa question, comme détaché de la réalité. Est-ce que ça allait ? Je ne savais pas trop moi-même. Il était assez rare que je sois ainsi confronté à un danger potentiellement mortel, même si ma vie n'avait jamais été facile. Les rues de Lüh n'avaient beau pas être roses lorsqu'on y vit, jamais je n'ai eu réellement à penser que ma vie était en péril. Mais là, face à un Oboro sans l'appui d'un chasseur, ça m'avait inquiété.
Lâchant ma prise presque inconsciemment, je laisse glisser Revna, le regard bas avant de me redresser. Elle arrive dans mon champ de vision et mes yeux se posent sur elle, d'un air éreinté, les lèvres entre ouvertes pour laisser entrer un maximum d'oxygène. Ma respiration ne se calme qu'à peine et le contact de sa main sur la mienne me provoque un fin frisson, tant mon être était en ébullition après cette course effrénée. Sans particulièrement de réaction, j'observe simplement, jusqu'à ce qu'elle s'excuse.
Avant qu'elle ne s'éloigne, je serre ma main autour de la sienne pour l'en empêcher. Sans réellement comprendre pourquoi et quel instinct m'y avait forcé. Ma tête bascule lourdement vers l'avant, dans un grognement mécontent. Elle était décidément insupportable. Je me redresse mollement et note notre contact, que je lâche presque aussitôt avant de passer le plat de ma main sur la plaie qui rongeait ma joue. Ma paume vient ensuite se poser sur ma tempe, pour l'essuyer, mais y reste quelques secondes pendant lesquelles je ferme les yeux et bascule légèrement la tête en arrière. Je souffle alors quelques mots qui se mêlent à ma respiration encore bruyante.
❝ Je m'attendais plutôt à un merci... ❞
Mes paupières s'ouvrent et mes yeux tombent sur elle, le visage encore trempé de sueur et la respiration haletante. Finalement j'inspire profondément et bascule vers l'avant, me rattrapant à mes cuisses. L'accumulation de fatigue depuis quelques jours, additionnée à l'effort intense précédent commençait à sérieusement avoir raison de mon endurance. Elle pouvait être désolé cela dit. J'avais l'impression d'être pris dans une tempête en sa présence. Cet enchaînement d’événements qui avaient le don de s'intensifier en quelques instants et qui, en plus m’entraînaient vers des réactions peu communes... Ouais... Un peu de repos ne serait pas de refus. :copyright: 2981 12289 0
Il n'y a point de forêt sans arbres tordus (partie 2)
֎ Lüh • Aer, an 59 ֎ |Revna & Jade|
"Merci".
Les mots trébuchent sur sa langue, comme s'ils étaient prononcés à contrecœur. Elle s'est à nouveau empourprée lorsque la main du milicien a retenu la sienne, et ne peut décemment plus faire taire l'effroyable évidence : cet homme risque de défaire le cadenas scellant son cœur si elle le laisse trop s'approcher. Et cela est inenvisageable.
Revna sentit son cœur se serrer en voyant la fatigue faire ployer l'échine de Jade. Son corps se porta automatiquement vers lui, mais elle le stoppa sèchement. Comment était-il possible de se soucier autant d'un inconnu ? Était-ce donc les prémisses de l'amour ? Si cela était le cas, elle s'en passerait volontiers. La jeune femme n'était pas assez stupide pour croire pouvoir mener une vie comme la sienne et conjointement prétendre au bonheur. Ce dernier était l'apanage des gens simples, pas de ceux dont le sommeil était maculé de pourpre.
Elle voulu chercher une herbe médicinale contre la douleur dans sa sacoche, mais se rappela que ses affaires étaient restées au côté d'Asgeir. D'ailleurs, ce chasseur était sans doute mort. La Guilde allait-elle lui faire payer une sommer supplémentaire pour cela ? L'empoisonneuse grinça des dents à cette idée. "Je ne t'imposerais plus ma présence à l'avenir, sois rassuré. Tu ne devrais plus croiser de bête féroce sur ton chemin." dit le Corbeau avec un ton qu'elle voulait amusé, mais qui était voilé de grisaille. Elle reprit d'une voix blanche :
"Je vais leur dire que le chasseur est mort."
Sur ces paroles, elle se tourna vers les gardes encadrant la route.
Il n'y a point de forêt sans arbres tordus Finalement, ses remerciements étaient peut-être de trop. En tout cas, ils ne m'avaient pas fait particulièrement plaisir. Je lâche donc un bref rire ironique en les entendant. Toujours à me maintenir sur mes cuisses, mes épaules se soulèvent de concert avec mes poumons qui se gorgent d'air frais. Il ne me faudrait plus que quelques instants pour me remettre.
Pourtant, elle m'arrache à ma pause bien méritée. L'échine encore courbée, mes yeux se révulsent et mes sourcils se froncent. Je fixe amèrement le sol en grognant. Pourquoi est-ce qu'entendre ces mots me crispe ? Je me redresse lentement, résigné d'une certaine manière, mais une ébullition capturant à nouveau mes entrailles. D'abord, je la fixe sans un mot, l'air sévère et particulièrement agacé, bien que la fatigue tendait à en atténuer l'effet. Le seule bête féroce que je croisais le plus souvent ces derniers, c'était elle.
Elle finit par se retourner et je pense, au même moment qu'elle, au chasseur qui avait dû périr. Mes yeux basculent sur le côté, un peu honteux de n'avoir pas même eu la moindre pensée pour lui jusque là. Même s'il avait été d'une présence désagréable, la mort était un châtiment trop lourd pour ça. Je sens alors une gêne s'installer très profondément, alors qu'elle se retourne et projette de s'éloigner. Mon figure est amère, presque sombre alors que mes yeux la fixent. Il valait mieux mettre ça sur le compte de la honte. Pourtant, je ne peux m'empêcher de mettre les choses au clair, d'un ton presque acide.
❝ Personne ne m'impose sa présence. ❞
Je prenais amèrement conscience qu'en effet, j'étais assez loin de me forcer à supporter la sienne. La dernière fois était suffisamment lointaine pour me rappeler à des souvenirs que je préfère balayer. Elle avait peut-être raison cela dit, sur d'autres sujets que celui de la mise en danger de ma propre vie. Si ça avait été le cas, c'est parce que je l'avais choisi. Je serais bien con de lui mettre sur le dos. J'avais clairement l'impression de ne pas être vraiment maître de moi-même en sa présence et ça, c'était bon pour personne. Valait mieux maintenant, que trop tard.
Tout ce tumulte m'avait remué et je n'ai qu'une hâte, rentrer me délasser dans un bon bain. Ah putain. Mon visage se crispe alors que des pensées s'insinuent dans mon esprit, détournant le regard brutalement. Ouais, Jade, c'est pas bon ça. Il ne m'en faut alors pas plus pour décider de me détourner. Je la pousse gentiment dans le dos pour l'inviter à avancer jusqu'aux gardes, l'accompagnant silencieusement et une fois assez proches, je me contente simplement de m'éloigner en lâchant un peu sèchement.
❝ Tu te débrouilleras pour rentrer. ❞
Puis je m'éloigne d'un pas décidé à l'abandonner là. J'avais déjà fait mon maximum pour elle, nul besoin de l'escorter encore je ne sais où. Jade, t'es un gamin. Jusque là tu ne voulais rien et maintenant qu'on décidait de te l'arracher, tu t'énerve. Peut-être qu'un petit tour à la taverne ce soir ne serait pas de trop. Mais pour l'heure, aucun regard en arrière. Je pars. C'était mieux comme ça. :copyright: 2981 12289 0
Il n'y a point de forêt sans arbres tordus (partie 2)
֎ Lüh • Aer, an 59 ֎ |Revna & Jade|
L'une des femmes s'occupant de Revna lors de son enfance avait coutume de dire que l'orgueil n'apportait que la malheur. Elle faisait référence à son poivrot de mari croulant sous les dette, mais ce conseil restait bien avisé pour toutes les oreilles. L'empoisonneuse aurait peut-être alors dû mieux écouter, s'épargnant dans le même mouvement bien des mésaventures à venir. N'étant pas femme à apprendre de ses erreurs, le Corbeau réagit avec un sursaut de violence pour le moins inattendu. S'arrachant temporairement à sa fuite, elle fit de nouveau face au milicien.
"J'aurais préféré que tu me laisses crever." gronda-t-elle à son encontre, des flammes glaciales ondoyant dans ses prunelles orageuses, avant de se retourner vivement et de reprendre sa marche avec une fougue nouvelle, réalisant sur le tard que les mots ayant parcouru sa langue n'avaient strictement rien à avoir avec le résultat escompté. Qu'il n'essaye pas de lui demander d'expliquer cette phrase, car elle même en ignorait le sens.
*J'ai pas envie que tu m'accompagnes, je suis mieux sans toi, c'était pas dur à dire pourtant ! Grosse idiote !* se sermonna intérieurement la jeune femme tout en se mordant la lèvre inférieure.
Si l'arrogance n'était pas imprégnée au cœur de ses veines, aurait-elle cédé aux pulsions lui intimant de rejoindre le jeune homme ? Peut-être. Cela aurait-il été une bonne idée ? Sans doute. Mais les faits ne peuvent être remodelés à notre convenance, cher lecteur, et il nous faudra pour l'instant nous contenter d'observer avec dépit nos chers imbéciles s'emmurer dans une désolante fatuité. Votre dévouée narratrice est loin d'être médium, mais devine que les masques ne tomberont pas de si tôt. L'amour entre deux têtes de bois a de quoi rendre chèvre la plus patiente des créatures...
D'un pas encore chancelant, l'empoisonneuse parvient à atteindre les hommes bordant la route, puis leur expliqua rapidement la situation. Un tel drame ne devait pas être monnaie courante dans cette partie de l'île, car les soldats semblèrent affectés et se mirent rapidement en route vers le chasseur. Revna profita du départ d'un des hommes pour la capitale pour s'assurer d'un retour qui s'avèrerait sans doute serein, mais bien morne.
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