Face à la montagne

Le soir du dernier jour du festival venu, Ekajeru et quelques uns de ses compagnons se sont joint à nous pour fêter la clôture. L'ambiance était encore et toujours à la fête. La bière avait coulé à flot et je m'étais, quatre ou cinq fois, mesurée à la descente de la guerrière Hawke. Peut-être plus que ça, je ne suis plus vraiment sûre. En tout les cas, la découvrir avait été des plus plaisants et, d'une manière générale, nous mêler aux autres Nordiens avait été particulièrement revigorant. Malgré tout, une pensée n'avait cessé de parasiter mon esprit durant cette longue nuit.

Vradora, elle-même, avait demandé à ce que je la rejoigne à leur camp. Si mon intention était, bel et bien, d'avoir une conversation sérieuse avec les Hommes libres, je ne m'attendais clairement pas à ce que la démarche soit en sens inverse. Elle m'avait déstabilisé, mais je comptais bien saisir cette opportunité. Je devais me rendre  à l'évidence, j'étais loin d'être à l'aise avec l'idée. Même si, pendant notre courte conversation, la petite fille du Keiser m'avait semblé favorable, rien n'était joué. Loin de là.

Le réveil avait été, forcément, difficile. Mais heureusement pour moi, le rendez-vous n'était qu'à midi. En compagnie du Tréant et d'Amalrik, qui allaient m'accompagner pour offrir un dernier hommage à Aer avant notre départ, je reprenais des forces avec un bon petit déjeuner à l'auberge. Mon silence est particulièrement pesant, comme si je me préparais à une bataille à venir. Ils le respectent et ne s'accordent qu'une conversation entre eux, loin du sujet qui me préoccupe.

Équipée et fin prête, nous quittons Kelder pour arpenter le sentier qui mène au temple. Parfaitement bien gardé, il y avait peu de risque de mauvaise rencontre. Mais la montée était, en elle-même, une première épreuve. Emmitouflée dans mon épaisse cape de fourrure, le vent demeure fort. La saison d'Aer n'est pas plus favorable que celle d'Aqua, à ces altitudes.

Mais finalement, à l'heure prévue, nous nous présentons à l'entrée du camp qui marque les pieds du temple. Mes yeux gravissent jusqu'à son sommet et me rappellent au pacte qui me liait à Galifey. Une mélancolie s'installe inexorablement, mais je la chasse avec détermination. Lorsqu'on me demande de m'identifier, j'abaisse ma capuche et, même si on allait me reconnaître, j'annonce la raison de ma venue.


Mon cœur fait un bon et j'attends sagement les instructions qu'on me donnerait. Pour les suivre, avant d'entrer et de me confronter à la Confédération.

Face à la montagne

Nous sommes accueillis poliment et guidés, à pas mesurés, jusqu’à la tente de Vradora. Je suppose. Avec respect, je ne fais que les quelques pas nécessaires pour entrer, pas davantage, mon regard s’attardant pourtant un peu sur l’ensemble. Était-ce du stress que je sentais dans ma poitrine ? Mes doigts s’agitent dans le vide et s’effleurent sur un rythme effréné. Et les minutes… Punaise, elles sont longues.

Finalement, avec l’attente, je fais quelques pas, de plusieurs allers-retours, les plus court possible en évitant de déranger quoi que ce soit. Je sens le regard d’Amalrik se poser sur moi, celui du Tréant aussi. Pourtant, je ne préfère pas les affronter, sans savoir vraiment pourquoi.

Mais enfin, Vradora fait son apparition et mon cœur bondit. Restant stoïque en apparence, je lui rends son regard et sa salutation, après quoi un silence pesant s’installe. Je la fixe sans mot dire, serrant les dents le plus discrètement possible. Et son interrogation, peut-être légitime, me déstabilise. Alors j’avance d’un pas pour lui répondre. ❝ Je ne prends pas de décision s… ❞ la lourde main d’Amalrik se poser sur mon épaule et d’un regard interrogatif, mon visage pivote dans sa direction.

Le Tréant prends alors la parole, offrant un large sourire à Vradora. ❝ Nous voulions nous assurer qu'elle arrive à bon port. Maintenant que c'est chose faite, nous pouvons prendre congé. ❞ Il incline la tête respectueusement et m’accorde un sourire doux.


La main d’Amalrik serre mon épaule et l’affuble d’une petite tape. ❝ On t’attends dehors, prends ton temps. ❞

Je les observe partir, sans comprendre tout à fait. Avaient-ils prémédité tout ça ? Alors que je leur avais bien précisé les vouloir avec moi ? Incertaine, je semble, un instant, chercher la réponse dans le vide avant de finalement m’en retourner vers Vradora, ne souhaitant pas la faire attendre davantage, au risque de lui manquer de respect. ❝ Pardon pour ce contretemps. Nous pouvons commencer. ❞ De quoi ? En réalité je n’en savais trop rien pour le moment, même si j’avais bon espoir que ses plans coïncident avec les miens.