Oblivion s’était lentement tournée vers l’homme qui venait de se placer à côté d’elle devant le comptoir. Sans vraiment être surprise à l’idée qu’on lui ai collé d’office un chasseur -après tout elle était là pour filer un coup de main- elle n’appréciait pas vraiment de devoir surveiller les arrières d’une personne supplémentaire en plus des siennes.
Avec ses coéquipiers d’escouade c’était différent, ils avaient été affectés dès le début de leur entraînement ensemble et avait passés leurs deux années d’apprentissage toujours en compagnie des même autres élèves. Ils se connaissaient et savaient comment chacun fonctionnait. C’était plus facile de savoir où commençait les marques de chacun.
Dans ce cas précis, elle allait devoir tâtonner. Heureusement que la quête n’était pas fondamentalement compliquée.

Elle l’écouta se présenter et la remercier et, rendue mal à l’aise par le léchage de botte, elle se contenta de hocher brièvement la tête avant de tendre sa main dégantée pour l’occasion en répondant de façon extrêmement succincte mais toutefois polie.

“Garde Dorée Oblivion El’Galas. Enchantée de même.”

Elle ne s’étendit pas plus sur la suite du discours pas plus qu’elle ne donna trop de crédit à l’équipement du jeune homme. Elle nota cependant qu’il semblait plutôt à l’aise en armure et que la main qu’elle avait serré était plutôt rugueuse, signe d’une vie faite de travail manuel, ou de combat.
Optant pour la seconde hypothèse, elle se dit qu’elle n’allait peut-être pas devoir faire équipe avec un débutant total, ce qui était plutôt une bonne nouvelle, au fond.

Se tournant de nouveau vers le tavernier quand il leur indiqua que les Mucors étaient au nombre de trois -une famille- et qu’ils avaient été vus peu loin des portes de la ville ouest, elle hocha la tête, notant mentalement les indications. Le tenancier lui confia également des pince-nez et des foulards et Oblivion les réceptionna avec un merci.
Elle distribua le matériel fournit entre elle et Arold et grimaça et examinant le pince-nez. Il n’avait pas déjà été utilisé au moins ? Peu importait, elle n’en aurait pas besoin.

Reprenant la parole, elle émit une suggestion polie quand à la suite des opérations.

“Je propose qu’on se mette en route sans tarder.”

Sur ces mots, elle salua le tavernier et ressortit dans la rue, détachant son variquan avant de se mettre en selle. Constatant que son coéquipier du jour possédait lui aussi une monture, elle se mit en route à petite allure, les portes de la ville étant atteintes une petite demi-heure plus tard.

Faisant halte dès que l’odeur des Mucors se fit sentir, elle grimaça. C’était vraiment gerbant. Un mélange d’oeuf pourri, d’humus moisissant et d’eau croupie. Saisissant le foulard, elle se l’enroula bien serré autour du nez. Il était imbibé d’un parfum floral qui camouflait pour le moment l’odeur pestilentielle des animaux.

Tandis qu’elle se tournait vers Arold pour discuter des options qui s’offraient à eux, elle remarqua une femme qui arrivait à grands pas. Se présentant comme une chasseuse elle aussi, elle les regarda vaguement avant de se lancer épée dégainée vers les monstres qui pataugaient dans les douves boueuses de la ville.
Fronçant les sourcils, Oblivion talonna son variquan pour suivre l’inconsciente en lançant une pique agacée à la tête de son coéquipier officiel.

“Torn, une amie à vous je suppose.”

Puis elle se mit en travers de la route de l’opportune et démonta d’un bond. Se retrouvant face à la chasseuse, elle lui mit un doigt ganté en plein milieu de la poitrine en lui demandant froidement des explications.

“Veperson c’est ça ? Qu’est-ce que vous croyez faire là ? Avez-vous la moindre idée de la puissance de ces animaux ? Ce n’est pas avec l’aiguille qui vous sert d’épée que vous allez pouvoir ne serait-ce que les égratigner.”

Plissant des yeux, la jeune femme conclut sèchement.

“Vous allez donc rester là jusqu’à ce que nous ayons un plan. Je ne suis même pas certaine qu’à trois nous soyons capables de nous farcir la famille. Et notre but n’est pas de les tuer mais juste de nous assurer qu’ils débarrassent les lieux et ne reviennent pas. Donc, si vous tenez  un minimum à votre arrière-train, puis-je suggérer que nous options pour une tactique visant à les faire fuir au lieu de nous jeter tête baissée dans une bataille qui pourrait mal finir ?”

Bon elle avait peut-être un peu trop durcit le trait. En suivant Karrie elle avait aperçut les trois monstres et elle avait pu constater que le troisième était vraiment tout petit, de la taille d'un chien. Il ne tenait presque pas debout et sa seule arme était de sentir aussi mauvais que ses parents, à croire que leur odeur était de naissance.
Malgré qu'elle ne l'avouerait jamais, cette vision avait attendri la jeune femme qui ne pouvait se résoudre à tuer le bébé, même malgré sa puanteur musquée. Cela impliquait qu'elle aurait également du mal à passer au fil de l'épée les parents, condamnant le nouveau-né à une mort certaine.

Oblivion regarda tour à tour ses deux comparses, attendant leurs observations. Bien entendu, même si elle avait prit les devants, elle n’escomptait pas diriger le petit groupe et doutait de toute façon que les deux chasseurs acceptent l’autorité d’une quelconque Garde Dorée. Si les deux optaient pour un combat, elle n’aurait de choix que de les suivre ne serait-ce que pour essayer de sauver leurs fesses. Elle ne voulait dans tous les cas pas avoir leur mort sur la conscience.

Oblivion fronçait les sourcils depuis un moment maintenant. Mais qui eut cru qu’elle pouvait les froncer encore plus ? C’était pourtant bien le cas quand Arold décida de mettre les voiles. Il afficha un air dégoûté et tourna les talons sans un mot, laissant la demoiselle seule avec une vrai catastrophe ambulante.
Bien que pour le coup la jeune femme partage les envies d’insulte que l’autre lança, elle se contint car il ne seyait pas à une demoiselle de son rang et de son métier de parler comme un charretier.
Il lui avait pourtant semblé que Torn était un homme intègre et d’honneur mais comme quoi, tout le monde pouvait se tromper.
Haussant les épaules, elle laissa tomber.

Se tournant vers l’autre, elle la laissa parler et sentit s’étaler sur ses lèvres un sourire mauvais. Elle voulait de la concision ? Elle allait être servie. Oblivion lâcha donc d’un ton beaucoup trop calme qui aurait alerté n’importe qui d’un peu malin, ce qui ne semblait pas être le cas de Veperson.

“Ton épée ne va même pas les égratigner. Je ne compte pas me battre. J’ai ça.”

Elle sortit des feux d’artifice et des pétards qu’elle avait acheté un peu plus tôt de son sac et les colla sous le nez de la chasseuse de bas étage. Elle avait lu un jour que les mucors n’étaient pas agressifs sauf si on les attaquait et qu’ils étaient facilement effrayés. Il suffisait donc de les faire fuir assez loin pour qu’ils ne remettent pas les pieds aux abords de la ville.

La Garde Dorée expliqua son plan rapidement, de peur que des phrases trop longues ne grillent le cerveau de Karrie.

“On allume tout et on leur lance dessus. On les force à repartir dans la Rivière Blanche et hop, le tour est joué.”

Elle haussa un sourcil interrogateur pour savoir si l’autre était tentée par son plan et pour bien se faire comprendre sur le fait qu’Oblivion ne comptait pas dégainer, elle jugea bon de rajouter son un ton incisif une petite précision de taille.

“Oh et si je te vois faire n’importe quoi, je t’assomme, je te ligote et peut-être que je serais d’une humeur assez généreuse pour te laisser 10% de la récompense. Donc si j’étais toi, si tu veux faire un 50-50, je baisserais toute de suite cette épée.”

Un oeil avisé aurait sans doute remarqué que tout en parlant la main gauche d’Oblivion avait glissé sur la garde de sa claymore, et qu’une légère tension avec tendu tout son corps, comme si elle se tenait prête à devoir user de la force sous peu.

Oblivion était soulagée de voir que Karrie Verperson semblait douée d’un minimum d’intelligence. Bien qu'appréciant peu le "Blondie", elle laissa couler, désireuse de profiter de cette nouvelle entente bienheureuse. Elle se détendit légèrement quand l’épée claqua dans son fourreau et tendit volontiers un chapelet de feux d’artifice et de pétards. Elle avait rempli toute une besace de ces outils, ayant préféré voir grand. Elle sortit également deux sifflets en bois et en confia un à sa partenaire d’infortune.

“Mon idée c’est de faire un chemin de pétards et de feux d’artifice reliés par une corde. Ca ferait un couloir qui dirigerait les mucors directement vers la rivière. Les sifflets c’est pour faire encore plus de bruit.”

Réfléchissant, elle se rendit compte que son plan allait nécessiter un peu de temps de mise en oeuvre car il allait falloir attacher les objets entre eux avec une corde qui serait assez longue pour courir des remparts à la rivière.
Doutant aussitôt du capital patience de Karrie, Oblivion se mit à réfléchir à toute vitesse pour trouver une seconde alternative moins chronophage.

“Ou alors on va chercher des volontaires, on leur donne un feu d’artifice et un pétard chacun et on les fait se mettre en ligne de chaque côté. Ensuite à chaque coup de sifflet qu’on donnera, ils allumeront tour à tour leurs munitions pour guider les bestiaux dans l’eau.”

L’idée dans les deux cas c’était de créer une “route” pour guider les animaux dans la bonne direction. Peterson avait posé une question effectivement judicieuse. Si elles se contentaient de faire exploser les feux d’artifice et les pétards d’un seul point, les mucors seraient effrayés mais ne partiraient pas forcément dans la bonne direction.

Puis Oblivion se tourna vers les remparts, ils surplombaient largement toute la distance que les bêtes auraient à parcourir. Fronçant les sourcils, elle proposa une troisième option qui lui était soudainement venue.

“Troisième option, si vous savez tirer à l’arc Veperson, on monte sur les remparts et on tire des flèches auxquelles on aura attaché les explosifs allumés. Et en tirant judicieusement, on devrait pouvoir les mener au fleuve sans bouger.”

Se tournant finalement vers sa comparse, elle mit les poings sur les hanches et conclut sur un ton patient et presque engageant.

“La dernière solution est de loin la moins précise. Je pense que la meilleure est la première. A vous de voir.”

Oblivion n’était pas enchantée à l’idée de travailler avec l’opportuniste à côté d’elle mais elle espérait vraiment qu’elle pourrait compter sur elle juste le temps de la mission. Après cela n’aurait plus d’importance. Elle se demanda alors s’il n’était pas judicieux d’appâter la chasseuse avec l’entière récompense pour que celle-ci s’applique au mieux de ses capacités. La Garde Dorée n’avait de toute façon pas besoin des tsuris mais juste du tampon certifiant que la quête avait été remplie. Enfin pour le moment, mieux valait qu’elle garde cet atout dans sa manche, au cas où.

Oblivion avait opiné à la demande de sa partenaire du jour. Elle lui donna une longue corde ainsi qu’un gros paquet de pétards et de feux d’artifice. Puis elle se tourna pour observer la configuration des lieux. Réfléchissant un moment, elle se tourna de nouveau vers la chasseuse et commença à nouer un pétard à la corde par la mèche, déroula celle-ci, noua ensuite un feux d’artifice de la même façon à un mètre cinquante environ du premier explosif.

“Voilà il faut faire comme ça. Vu comment les lieux sont fait, il va falloir mettre une ligne le long de l’affluent pour que les mucors n’aillent pas patauger dans la boue, et une deuxième ligne à côté de la maison, pour éviter qu’ils foncent dedans. Je suggère que quand on aura allumé les mèches, qu’on suive chacune notre ligne en sifflant pour être sûres qu’ils iront vers la rivière. Pour déclencher la course, j’vais allumer un pétard et le lancer derrière eux, dans le cul de sac.”

La jeune femme avait beau tourner et retourner le plan dans sa tête, elle regretta qu’elles ne soient que deux. Sur le papier tout avait l’air d’aller, rien ne semblait indiquer que son plan n’allait pas fonctionner… Mais sa prudence ainsi que l’air ennuyé de sa camarade la faisait douter. Il y avait un bon millier de raisons pour que ça ne se passe pas comme prévu. Elle espérait juste qu’à choisir, sur les bestiaux devaient dévier de leur route, qu’ils le feraient dans l’affluent et pas la maison. Elle était certes abandonnée mais c’était le temps que les voisins odorants débarrassent le plancher, pas définitif.

Soupirant, elle continua son travail de longue haleine, tressant sa ligne de pétards et de feux d'artifice sans un mot, continuant de retourner le plan sous tous les angles. Clairement il leur aurait fallu un ou deux camarades de plus pour être certaines que les mucors iraient là où on le leur demandait. Mais bon, il faudrait se contenter d’elles deux, en espérant que Veperson ne ferait pas de boulette.
Ayant fini sa tresse, elle se leva et alla l’aligner le long de l’affluent, à bonne distance des mucors, environ trente mètres, en approchant doucement sans les quitter des yeux pour éviter toute charge malvenue. Sa ligne était à la bordure de la boue. A droite, le sol était stable, à gauche on commençait déjà à glisser légèrement dans la gadoue. Oblivion s’assura que la ligne ne soit pas mouillée pour qu’elle ne puisse pas s’éteindre. Elle indiqua d'un geste silencieux à Karrie de respecter la même distance qu'elle pour la pose de sa propre ligne d'explosifs.
Puis une fois sa ligne tirée jusqu’à la rivière, elle mit les poings sur les hanches et réfléchit encore un peu.
Quand sa partenaire eut finit et qu'elle arriva, elle lui demanda quelque chose.

“Veperson, est-ce que vous avez de la poudre noire ? De la poudre à canon je veux dire ? On pourrait en saupoudrer sur nos lignes pour être certaine qu’elles ne s’éteignent pas. Si vous n’en avez pas, ce que je comprendrais, je pense faire un rapide aller-retour en variquan pour aller en chercher.”

Tout à coup cette idée lui semblait très importante et l’absence de poudre explosive supplémentaire lui paraissait liée à l’échec de la quête. Tant pis s’il fallait qu’elle s’absente dix minutes pour aller en acheter, il fallait juste espérer que sa camarade n’en profiterait pas pour tenter quelque chose d’idiot. Dans ce cas, n’était pas mieux qu’elles y aillent ensemble ? De toute façon, la puanteur près des mucors était-elle que personne ne s’approcherait pour venir voler leurs lignes.

Tout semblait se dérouler sans trop d’accrocs pour l’instant. La partenaire du jour d’Oblivion avait suivi à la lettre ses instructions, rendant la mise en place des lignes plus faciles que ce que la Garde Dorée aurait cru. Toutefois, elle gardait toujours un oeil sur la Chasseuse, n’ayant pas vraiment confiance, forçant son attention à être au maximum de sa précision. Pas question de se reposer sur l’entente de nécessité qui s’était instaurée, c’était une alliance fragile, elle en avait conscience, il ne fallait pas qu’elle perde ce point de vue.

Une fois les lignes posées et les deux femmes revenues en position de sécurité, loin des Murcors et de leur odeur, la question de la poudre noire avait été exposée, laissant Veperson répondre par une exclamation incisive. Oblivion soupira légèrement, elle aurait dû se douter que ce ne serait pas si facile. Elle ne jugea même pas utile de répondre à la Chasseuse que son armure lui avait été confiée quand elle avait réussi sa formation et que donc n’importe qui d’un peu volontaire et compétent pouvait l’avoir. Elle n’avait pas de plus-value à entrer dans ce débat stérile.

Haussant les épaules, elle considéra la situation et jaugea l’importance de rajouter cette fameuse poudre. Ca faisait une demi-heure qu’elles étaient, on était en plein milieu de l’après-midi mais Oblivion préférait ne pas trop traîner, pour ne pas se faire surprendre par la nuit si d’aventure quelque chose ne se passait pas bien.
Soupirant à nouveau en signe de capitulation, et alla se mettre en position au coin de la maison.

“Bien, puisque les lignes sont en place, on a plus qu’à lancer la charge initiale et allumer les lignes. Je lance la charge initiale, va allumer les lignes je te rejoins dès que j’ai finis pour siffler le long de ma ligne. Prête ? C’est parti !”

Dégainant un silex et une pierre à feu, elle alluma la charge initiale et prenant un peu d’élan, lança le tout au-delà du coin de la maison, en longue parabole. Elle avait visé de son mieux et elle commença à prier les Quatre que tout se passe bien, tandis que la charge effectuait sa trajectoire avec tous les aléas qui pouvaient venir influer dessus.

Contre toutes les attentes d’Oblivion, le projectile atterri pile poil au bon endroit, faisant sans encombre son office et guida les mucors effrayés jusqu’au fleuve. Haussant un sourcil, presque surprise que tout se soit passé sans encombre, son expérience et ses entraîneurs lui ayant tellement prouvé le contraire que la Garde Dorée resta un instant sans réagir, perplexe.
Puis l’idée qu’elle avait effectivement accompli sa mission fit son chemin et elle s’autorisa un sourire satisfait tandis que Karrie lui donnait une tape dans le dos. Elle se contenta de hocher la tête à la phrase de sa partenaire du jour et approuva en ajoutant toutefois un petit quelque chose de son cru.

“C’était du beau travail. Contre toute attente, ton aide a été parfaite. Je te remercie. Je vais quand même longer les lignes pour m’assurer qu’ils sont partis assez loin. Ensuite on pourra aller récupérer notre récompense.”

Oblivion était sincère dans ses remerciements qui furent toutefois teintés de son humour narquois avant de se mettre en route à grands pas pour suivre les lignes et s’assurer que les mucors ne risquaient pas de revenir.
Parcourant la zone herbeuse qui sauvait ses chaussures de la boue, elle marcha pendant deux cents bons mètres sans voir ni sentir les animaux qui avaient du fuir bien plus loin qu’espéré, ce qui arrangeait leurs affaires.
Satisfaite, elle fit demi-tour et revint à son point de départ.

Rejoignant Karrie, elle lui fit signe que tout avait l’air bon et s’employa à remonter sur la route, vers les murailles de la ville. Retrouvant son variquan qu’elle avait attaché là précédemment, elle le prit par la bride et se dirigea vers la ville, avec pour prochaine destination, la Taverne.
Elle dépassa l’homme qu’elle salua de façon militaire, peu à son avantage avec le bas de sa robe et ses chaussures pleines de boue mais l’air satisfait du travail accompli.

C’était sa première mission en solo, depuis qu’Arold avait mis les voiles, et elle devait avouer qu’elle n’était pas peu fière d’elle. Et effectivement, bien que les premiers instants aient été difficiles avec Karrie, elle avait été relativement docile et efficace par la suite, ce qui l’avait bien aidé aussi puisqu’elle n’avait pas du en plus des mucors batailler contre la chasseuse.
Mais au final, heureusement qu’elle avait été là car seule, elle aurait mit beaucoup plus de temps à tresser puis à placer les lignes d’explosifs et les risques de déviance auraient été plus compliqués à gérer seule qu’à deux.

Sentant ses muscles se détendre, elle se rendit compte qu’elle avait été tendue et crispée tout le long, ce qui lui occasionnerait sans doute de belles courbatures pour le lendemain, mais peu importait, c’était la douleur du travail et elle adorait cette souffrance, contre toute attente.
Réellement heureuse, bien qu’à part une roseur sur ses joues rien ne le montre sur son visage, Oblivion s’arrêta à la porte de la ville et profita de son perchoir pour se retourner et regarder la zone qu’elle venait de libérer, pour s’assurer encore une fois que les mucors étaient bien partis.
Oui, elle avait vraiment du mal à se convaincre qu’elle avait sans doute réellement réussi sa mission. Une petite part d’elle continuait de douter et montait mille et unes raisons pour que les mucors reviennent, ce qui n’avait pourtant pas l’air d’être le cas.

Oblivion devait rejoindre sa partenaire à la taverne après s’être assurée que les mucors étaient loin. Elle espérait qu'elle ne filerait pas avec le pactole. Mais non, contrairement à ce que Karrie avait dit, quand la jeune femme entra dans l’établissement bondé de fin de journée, elle trouva la chasseuse accoudée au comptoir. Se frayant un chemin jusqu’à elle sans trop de mal, elle ne put placer un mot avant que l’autre ne débite tout un flot de paroles.

Fronçant les sourcils à l’évocation de l’homme en armure dorée tandis qu’elle empochait ses 300 tsuris, elle se concentra sur l’information qu’elle lui donnait et haussa un sourcil, muette de stupeur. Si elle s’attendait à recevoir un point d’honneur pour avoir pataugé dans la boue et allumé quelques pétards, Oblivion aurait accomplit sa mission dans la joie et la bonne humeur. Un sourire s’étira sur ses lèvres, seul signe du contentement de la Garde pour cette distinction qui la plaçait dans le top du panier des simples exécutants de son ordre.

Le départ en coup de vent de Karrie eut le don de la faire sortir de sa torpeur d’auto-satisfaction et elle se contenta de hocher la tête en direction de sa partenaire qui partait à grandes enjambées. Tout s’était très bien passé finalement, et cette journée s’était révélée pleines de surprises - bonnes et mauvaises - mais surtout positives au final.
Elle avait travaillé avec une partenaire pas facile au début mais coopérative dès qu'on grognait plus fort qu'elle, avec réussit son plan au-delà de ses espérances et avait, de manière totalement inattendue, réussi à attirer sur elle l’approbation d’un supérieur. Vraiment, cette journée avait été plutôt bonne.

Clignant des yeux, elle se tourna vers le tenancier pour lui demander de lui tamponner le papier de quête pour prouver qu’elle avait bien été accomplie puis ne s’attarda pas plus, sentant sur elle des regards aussi médusés qu’interloqués. D’une manière générale, comme elle n’aimait pas être le centre de l’attention, elle fila sans demander son reste.

Repartant sur son variquan d’emprunt, elle revint rapidement à la caserne, où elle le rendit aux palefreniers qui lui avaient prêté, signant le registre de retour.
Une fois passée par le bureau administratif, où elle avait signé un nouveau registre, qui indiquait cette fois qu’elle était revenue en un seul morceau, sans qu’il ne soit nécessaire de lui prodiguer des soins, elle monta finalement dans les étages de l'immense caserne de la Garde.
Finalement, elle arriva au bureau de son major, Stufe Barkin, pour lui faire un rapport. Toquant, elle attendit l’approbation de celui-ci avant d’entrer. Se mettant au garde à vous, elle attendit de nouveau l’accord de son chef pour commencer à parler, tout en lui tendant la missive de mission tamponnée par le tavernier.

“Garde Dorée El’Galas au rapport, Major. La mission que vous m’aviez confiée ce matin à été remplie. J’ai bénéficié de l’aide d’une camarade chasseuse, Karrie Veperson. Nous avons réussi à chasser la famille de mucors dans son intégralité, et à préserver les bâtiments à proximité de la fuite des animaux.
- Bien soldat. Je constate que patauger dans la boue vous a voulu plus qu’une indemnisation substantielle. Un collègue, dont vous n’avez pas besoin de connaitre le nom, m’a chaudement conseillé de vous attribuer un point d’honneur pour vos efforts. Au vu de vos résultats exemplaires sur cette mission, ainsi que de l’habileté dont vous avez fait preuve dans cette affaire, je vous accorde ce bonus bien volontiers.
- Merci beaucoup, Major.
- Bien, vous pouvez disposer.”

La jeune femme salua son austère et expéditif supérieur et fit demi-tour, retenant d’une main de maître son explosion de joie. Elle attendit d’être au bout du couloir pour s’autoriser une exclamation de félicité intense, retournant à ses quartiers pour prendre un bon bain et changer de vêtements, le tout avec un immense sourire plaqué sur son visage, expression qui ne manqua pas d’interloquer bon nombre de ses camarades par sa rareté.

Mais malgré toutes les questions, la jeune femme se borna à répéter qu’elle était simplement satisfaite d’avoir accompli sa mission. C’était vrai. Mais il n’y avait bien sûr pas que ça.