Allégeance

Il était à présent temps. Temps d'enfin acquérir ce que je mérite. Temps de leur prouver à tous qui je suis et qui je deviens. Temps de satisfaire les Anciens. Temps de souffrir, à nouveau, une fois de plus pour eux. Il est temps de leur montrer que plus aucun doute n'était permis et que tout à présent me désignait chef, que j'en étais digne et que tout le monde devait le savoir.

Après être rentré du temple, les idées remises en place, j'avais retrouvé les miens à Heilan. Sans leur expliquer les détails, je les avais simplement informé de ma réussite avant de m'enfermer dans ma chambre à l'auberge, pendant plusieurs jours. Je ne voulais tout simplement voir personne pendant quelque temps, ça relevait d'un besoin viscéral que je ne parvenais pas à détourner. Amalrik et Sig avaient bien tenté de m'approcher, mais en vain. Sig s'évertuait quand même à me poser de quoi manger devant la porte. Je n'avais pas faim, faim de rien. Mais de temps à autre, je me laissais à prendre deux trois choses, histoires ne pas crever bêtement de soif ou de faim.

Ma retraite forcée touchait à son but quand je me décidais enfin à sortir le bout de mon nez. Pour l'occasion, j'avais envie de changement, ou au moins, d'aérer mon crâne. Je m'étais attaché les cheveux en une queue souple. Voilà bien longtemps que je ne les avaient pas sentis caresser mon visage. C'était agréable. Mais je sentais mes traits tirés, bien plus que d'habitude. La hargne qui me rongeait le cœur y était forcément pour quelque chose, mais le fait de ne m'être ainsi écarté de tous n'avait évidemment rien arrangé. Pourtant, même si je sentais que l'éloignement m'avait mit un coup, je ne laissais rien transparaître, conservant la détermination sombre qui me consumait à cet instant.

La journée avait déjà été bien entamée quand je rejoignais les miens, m'attendant aux portes d'Heilan. Sans leur prêter la moindre sollicitude, je les informais simplement que j'étais prête. J'évitais leur regard, tout comme leur contact. Mais j'avais croisé tout de même celui de Sig, visiblement très atteinte par la situation, puis celui d'Hedda. Étrangement car n'aimant pas les enfants, mes yeux s'étaient arrêté, plongés dans les siens. Mes sourcils se froncèrent et je ne savais pas décrire la sensation qu'elle m'insufflait à ce moment là. Pourtant, je pouvais facilement noter que mon insistance la mettait mal à l'aise alors, j'ai rapidement lâché le morceau.

Revenant à nos Cobas, nous nous éloignions d'Heilan, moi ayant pris évidemment les devants. Il fallait rejoindre le Yvre et bien que Sig, Amalrik et Falko étaient d'éminents guerriers, il fallait impérativement protéger le Tréant mieux que cela, et... Hedda. Quoi de mieux qu'appeler ce fameux fils d'Aer qui n'avait eu de cesse que me remettre en question, moi et mon mérite à m'élever à leur tête. Il fallait qu'il voit, lui aussi, que j'avançais et que je touchais au but. Alors, étant suffisamment éloignés et avec assez d'espace pour l'accueillir, je l'appelais d'une voix ferme, voir sévère.


Il apparu alors, face à nous. Sa magnificence et sa puissance palpable ne me firent que peu d'effet cette fois-là, ou en tout cas je voulais m'en persuader, en persuader les autres et lui même. Je plongeais alors mon regard noir dans le sien flamboyant, l'air sévère.


Pas de présentation cette fois, ni rien d'autre en fait, ils se débrouilleraient bien sûrement sans moi. Après cet ordre peu subtilement donné, je me détournais et prenais la route, tête la première, n'attendant personne. Ils se mettraient bien sur à me suivre, avec peut-être quelques secondes de latence au vue de mon manque cruel de considération. Mais ça m'importait assez peu à ce moment là, il faut bien le dire. Tout ce que je voulais c'est arriver, faire la cérémonie et recevoir enfin ce que je mérite.

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Allégeance

En tête, j'étais silencieuse. Pas un regard en arrière, je fixais l'horizon, droit devant moi, l'air sombre et inaccessible. Quelques instants plus tard, j'entendais les pas de mon clan calquer les miens. J'entendais surtout les pas lourd de Galifey derrière, bien que souple, sa carrure imposante n'était pas discrète. C'est bien, je ne l'étais pas moi même alors pourquoi le demander à mes compagnons.  Six heures de marches nous séparaient du Yvre, nous arriverons dans la soirée et peut-être que je nous accorderais une pause, seulement si le Tréant en éprouvait le besoin. Il faut dire que j'avais laissé Gyllir à Sirk, je la voyait mal se faire trimballer entre les pattes d'Armalys, que j'avais d'ailleurs laissé vaquer à ses occupations pour l'occasion. Galifey suffirait bien et sinon, j'aviserais.

La tête du grand griffon s'approcha d'Amalrik, en queue de peleton. C'était une place qu'il avait certainement prit par choix, lui offrant ainsi la meilleure vue sur ses compagnons mais aussi suffisamment éloigné de Lagertha. L'air du rouquin barbu semblait inquiet lorsque ses yeux verts se posaient sur la blonde. Inquiet, mais aussi contrarié. Il accorda alors un regard à Galifey avant de le reporter, songeur, sur Lagertha. Prenant une profonde respiration avant de se lancer dans son histoire, il râcla sa gorge avant de commencer.

❝ J'y suis évidemment disposé. Actuellement, nous n'avons plus d'identité propre. Notre ancien chef ayant été tué durant la bataille qui nous à couté nos maisons. Harald Skogandrr, notre clan portait son nom et il était mon frère aîné. ❞

Il laissa quelques secondes s'écouler, inspirant à nouveau profondément avant de poursuivre, l'amertume barrant sa gorge.

❝ C'est arrivé il n'y a pas très longtemps, durant une nuit d'hiver, nous avons été attaqué par surprise par un des clans ayant prêté allégeance au prince. Depuis, je dirais que l'objectif commun à court terme est de se venger, de retrouver notre honneur et un endroit où s'établir pour reprendre notre vie là où on l'avait laissé. ❞

Le Tréant, à quelques pas devant eux, ayant surement entendu la conversation, ralentis son pas pour les rejoindre. Galifey arrivant à sa hauteur, le vieux sage s'inclina respectueusement avant de reprendre la route aux côtés d'Amalrik, son protecteur.

❝ Enchanté enfant d'Aer. Nous n'avons pas fait les présentations. Voici Amalrik, - il posa une main chaleureuse sur l'épaule de se dernier - mon vaillant protecteur. Je me nomme Dankrad - il amena sa main sur sa poitrine - je suis le sage de ce clan en reconstruction. Là-bas, - il désigna ensuite les trois autres - tu peux voir Falko, Sig et sa fille, Hedda. Et je pense ne pas avoir besoin de te présenter Lagertha. Quel est ton nom merveilleuse créature ? ❞

Termina t'il en se tournant à nouveau vers le fils d'Aer. Son regard était doux et bienveillant, mais surtout son aura sage et calme transparaissant dans sa voix de vieil homme réfléchis. Il souriait à Galifey en écoutant son nom avant de poursuivre.

❝ C'est donc de toi que m'ont parlé les Anciens Sages. Sois le bienvenu parmi nous, je suis heureux que tu ai choisi de protéger notre Lagertha et je t'en remercie. ❞

Il inclina à nouveau sa tête, respectueusement. Amalrik le suivit en faisant de même, conservant un air préoccupé. Au loin, on pouvait voir la petit Hedda, haute de sa dizaine d'année, calquant les pas de sa mère et ne pouvant s'empêcher de regarder derrière elle pour voir ce grand oiseau qui les suivait. Elle manqua d'ailleurs de trébucher, rattraper à temps par sa mère. Sig accorda, l'instant suivant, un regard doux et un sourire à Galifey avant de se retourner vers sa route, reprenant la conversation qu'elle entretenait avec Falko.

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Allégeance

Je jettais un coup d’œil rapide en arrière, par dessus mon épaule. Plus loin derrière moi, à la traîne, j’apercevais le gigantesque griffon échanger avec le Tréant. Je fronçais déjà les sourcils en imaginant ce qu'ils pouvaient bien se dire. A en croire le peu de dialogue que j'ai eu avec le fils d'Aer, c'était pas beau à entendre, me concernant. Je doutais évidemment que le Tréant se laisse influencer par son avis, mais cette simple éventualité me foudroya le dos en un violent frisson qui captura pas nuque, me forçant à ramener mon visage vers l'avant. Le soleil avait entamé son déclin et déjà le ciel se teintait de couleur plus chaudes, à l'image du Demi-Dieu qui nous accompagnait aujourd'hui.

Dankrad, le sage, accorda un regard bienveillant et chaleureux à Galifey quand ce dernier se tourna vers lui, quémandant d'autres réponses. Son intérêt tout particulier était évidemment apprécié et pendant qu'Amalrik ne quittait pas Lagertha du regard, d'un air tout aussi sévère qu'inquiet, le Tréant ramena lui aussi son regard vers l'avant. Soulageant les quelques tensions dans sa vieille nuque en amenant sa main à son cou, il inspira profondément avant de répondre au fils d'Aer.

❝ Les Anciens Sages sont tout simplement mes prédécesseurs, ceux qui nous ont quitté et guidé de leur vivant. Aujourd'hui, ils continu à nous accorder leur sagesse à travers mes songes et mes rêves. Ils parviennent parfois à rejoindre d'autres que moi pendant leur sommeil, mais je reste le plus enclin à recevoir leur conseil. C'est là notre rôle en tant que Sage du clan, celui de conseillé. Il n'est pas simple d'apporter sagesse et réflexion lorsque les vies que l'on mène sont guidées par la cruauté et la violence, mais c'est notre devoir. Ils n'ont pas prédit ta venue, ils ont plutôt prédit le tournant qu'allait prendre Lagertha.  ❞

Ses mots pouvaient sans doute semblé flou, mais l'influence des Anciens Sages l'étaient tout autant. Tout ce qu'ils y avaient à savoir c'est que leur parole était d'or et que chacun se laissait guidé par leur mots. C'était sans doute un moyen de s'accrocher à quelque chose, quelque chose d'impalpable, d'avoir foi en une force qui les dépasses. Dankrad posa ses yeux ridés sur Lagertha dont les pas étaient toujours aussi fermes. Il laissa alors ses lèvres s'étirer en un fin sourire avant de poursuivre, alors que son regard se faisait subitement plus sérieux.

❝ Notre histoire est assez simple. Nous, hommes du Nord, nous sommes les délaissés de la principauté. A l'époque ou l'ancien Roi cherchait à réunir l'île sous un seul étendard, nous, au Nord, étions trop loin de la capitale pour recevoir son soutien et sa protection. Nous avons été abandonné à notre propre sort et forcé à trouver nous même un équilibre quand il n'y en avait aucun. Avec le temps, nous avons réussis et aujourd'hui, nous pouvons être fier d'avoir obtenu nous même notre propre terre. C'est pour cela que tu pourras facilement nous entendre être appelé « sauvageons », parce qu'aucun d'entre nous ne souhaite se plier au pouvoir qui cherche maintenant à nous ramener à lui, comme si de rien n'était. Certains clans choisissent de le rejoindre, d'obtenir la protection et l’appui du Prince, en échange d'information ou de soutien contre les « sauvageons ». Et ainsi, nous nous retrouvons à nouveau à vivre au sein d'éternels conflits. Les Sangtis, ceux qui nous ont attaqué et presque éliminé, combatte pour le Prince et ont certainement agis sous ses ordres. L'Histoire à été cruelle avec nous et la vie actuelle l'est tout autant. Notre culture elle même s'est finalement forgée sur ce modèle. ❞

Sa voix de vieux conteur avait beau être apaisante, il lui fallait tout de même reprendre son souffle après autant de mots. Il se racla la gorge un instant avant de reprendre une profonde respiration avant d'amener son regard vers Galifey.

❝ Je t'ai parlé des clans « pro-prince » et tu n'es pas sans te douter qu'il y a un groupuscule opposé. Ils se font appeler les Hommes Libres, dirigé par le Keizer qui fédère la majorité des clans qui souhaitent se défendre de l'envahisseur. Notre clan s'apprêtait à le rejoindre avant l'attaque. Cela ressemble à une stratégie bien huilée, tuant le projet dans l’œuf et ralentissant le gain de soutien du Keizer. Malheureusement, à l'heure actuelle, il nous ai impossible de rejoindre qui que ce soit puisque, dans la logique des choses, notre clan n'en est plus vraiment un. Un clan s'articule autour d'un chef, souvent désigné par les sages ou au mieux par l'ancien chef lui même. Le nôtre étant mort à présent et sans choix de sa part, la coutume voudrait que son héritier lui succède. Lagertha n'est pas une héritière de sang, elle n'est que la fille adoptive d'Harald. En cela et dans la logique des choses, cela devrait être Amalrik, le frère d'Harald qui devrait diriger. Mais en devenant mon protecteur, il a renoncé à ce droit. ❞

Le vieil homme regardait à présent le rouquin d'un air bienveillant et satisfait avant de porter sa main sur son épaule, d'un geste chaleureux. Amalrik lui rendit son regard, un instant, un léger sourire même et quelques secondes s'écoulèrent ainsi. Leur échange terminé, Dankrad se tourna à nouveau vers Galifey, avant de mener son regard sur Lagertha, plus loin.

❝ Ce qui nous ramène donc à notre Lagertha. Malgré ses failles, elle est certainement la plus à même à tenir se rôle. En tout cas, nous croyions en elle et avons pleine confiance en ses capacités. Elle a d'ailleurs brillamment répondu aux sollicitations des Anciens Sages, mettant sa vie en danger à maintes reprises au sein des temples. Tu es le deuxième enfant divin à avoir choisis de la suivre. La force fait partis de notre culture et elle en a énormément. Et aujourd'hui, il est temps qu'elle reçoive ce qu'elle mérite. Ce soir, nous tiendrons un rituel bien particulier, pendant lequel elle recevra l'allégeance des Anciens Sages qui, à présent, voient en elle un chef capable. Tu seras présent, évidemment, étant toi même la dernière étape qu'elle ai dû surmonter avant le rituel. Et quand nous aurons notre chef, nous devrons retrouver un endroit où nous établir, à nouveau, grandir et vivre, retrouver notre honneur et trouver la paix de nos morts. ❞

Un silence solennel s'installa quelques instants alors que Dankrad et Amalrik pointait Lagertha du regard, songeur, sincère, sérieux et bienveillant. Chacun la voyait à sa manière, mais tout deux semblait lui vouer un soutien sans borne. Les quelques secondes passées, le vieux sage tourna son visage vers le grand fils d'Aer et lui accorda un nouveau sourire tiré par la vieillesse.

❝ J'espère t'avoir suffisamment éclairé sur certaines choses, je laisse ta propre opinion mûrir maintenant. Mais si toutefois d'autres zones floues t'apparaissaient, n'hésite pas à nous questionner. Nous pouvons facilement concevoir que la politique et l'histoire humaine peuvent être assez... vagues. ❞

Il ria quelques secondes, affichant une mine compatissante.

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Allégeance

JLes murmures dans mon dos se taisent. Ils avaient visiblement fini d'échanger à propos de je ne sais quoi, je ne voulais pas savoir de toutes manières. Visiblement, je n'allais pas avoir le choix. J'entendais déjà le son lourd des pas de Galifey se rapprocher de moi. Pourtant je ne lui accordais aucune attention, une fois encore, préférant continuer ma marche silencieuse et colérique. D'autant qu'avec ses mots, ça n'allait pas s'arranger. J'apercevais du coin de l’œil la tête de l'immense griffon se rapprocher de moi et pour me dire quoi ? Qu'il revenait déjà sur ses paroles ? Laisse moi rire. Au moins, le Tréant avait du lui conter les choses comme elles devaient l'être et pour ça, je lui en était redevable. Je n'aurais pu moi même le faire, tant j'étais frustré par les jugements de Galifey à mon égard.

Mais ses mots qui visaient à revenir dessus m'arrachèrent un soupir contraint et prompt. Que croyait-il, sincèrement ? Qu'en deux phrases tout allait être pardonné ? Non, je n'étais pas comme ça. Les mots ne valent rien, seuls les actes comptent. Est-ce que je saurais un jour le pardonner ? Peut-être, sans doute, mais pas comme ça. Je préférais d'ailleurs resté silencieuse, ne pas me prononcer, j'en étais incapable. D'autant que le suite me plaisait encore moins.

Lui qui tentais de revenir sur ses jugements enfonçait tout de même le couteau un peu plus profondément plutôt que de l'enlever complètement. Je ne pu m'empêcher de laisser mes yeux rouler vers le ciel. Il me savais capable mais toujours pas assez à son goût ? Et puis merde, qu'est-ce que j'en avais à faire de son avis, ce n'était pas lui qui déciderais de mon destin, si ? Et bien non, avec sa bénédiction ou non, j'allais ce soir devenir ce que je devais être.

J'étais pourtant crispé et tendue, il finira peut-être par anéantir ma patience. Mais j'étais toujours incapable de lui répondre. Pas parce que je n'avais rien à lui dire, mais plutôt parce que si je me laissais parler, ça n'allait vraiment pas être beau à voir. Alors je me contenais. Au vue des circonstances je n'avais aucun intérêt à me montrer colérique, le moment n'était pas adéquat. Il était solennel et important. J'avais autre chose à faire que de pourrir mon esprits dans des querelles insignifiantes.

Je me tournais alors vers l'arrière, dans la direction opposée de Galifey préférant ne même pas croiser sa présence. Je haussais le ton en m'adressant au Sage en arrière.


Il répondit par la négative et ainsi, je continuais la route, sans prêter plus d'attention au griffon. Il ne me connaissait visiblement pas assez pour comprendre qu'il valait mieux me laisser tranquille et me concentrer. L'heure était importante, je me dirigeais vers un tournant décisif dont je connaissais d'avance les souffrances. Laisse moi tranquille avant que tout ça n'arrive.

Sig interpella Galifey d'un signe doux et d'une voix tout aussi légère.

❝ Galifey, c'est ça ? ❞

Elle l'invita à se rapprocher d'elle, Hedda et Falko. La petite fille observait le grand griffon d'un œil à la fois intrigué, curieux et peureux, se rapprochant des jambes de sa mère. Elle ralentit légèrement son pas, laissant Lagertha s'éloigner un peu plus en avant, seule. Accordant ensuite un regard et un sourire doux au griffon.

❝ Ne fais pas attention, tu apprendra vite à la comprendre. Sache que pour le moment, mieux vaut la laisser se recentrer sur l'essentiel. Ce qui l'attends est loin d'être agréable, laisse lui le temps qu'il faut. ❞

Hedda à sa gauche, elle se permit de se rapprocher du Semi-Divin et de poser avec douceur sa main sur sa patte.

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Allégeance

Sig s'autorise un fin rire cristallin à la première remarque de Galifey.

❝ Elle peut avoir l'air d'une énigme, oui. Mais elle n'est pourtant pas si différente d'un animal qui n'écoute que son instinct. ❞

Puis, lentement, l'air radieux de Sig s'efface, prenant la forme de l'inquiétude et de la peine. Sa voix se fait plus basse et mesurée encore, de peur sans doute que Lagertha l'entende. Elle n'est pourtant pas sans savoir que le Demi-Dieu pourait, lui, l'entendre et continu ainsi plus discrètement.

❝ Et puis... C'est aussi sa manière à elle de contenir sa peine... ❞

Ses yeux deviennent, en une seconde, larmoyant. Il est clair que Sig ressent beaucoup d'inquiétude à l'égard de celle qui est à leur tête, elle qui était aussi assez proche de sa mère adoptive. Personne ici ne l'a vu flancher ou exprimer sa tristesse concernant la tragédie qui les lie tous et c'est en cela plutôt inquiétant. Mais se rendant vite compte que Lagertha ne voudrait certainement pas qu'on discute de cela sans elle, Sig se ravise rapidement en secouant sa tête pour en évacuer ses pensées, Galifey la questionnant à nouveau.

Son air redevient doux, quoi qu'un peu incertain dans les débuts de sa réponse.

❝ Oui, c'est ça. Le rituel. Cela fait très longtemps que personne n'y a assisté, depuis au moins trois générations. Si on en croit les récits des Sages, ce qui l'attends risque d'être extrêmement douloureux. ❞

Le visage de Sig se tord en une grimace craintive. Si Galifey prenait le temps d'observer les visages de chacun des membres du clan, il pourrait y lire beaucoup d'appréhension, mesurant ainsi l'intensité que devait avoir le rituel.

Les minutes passèrent, longues et silencieuse, à moins que Galifey n'ai d'autres questions à l'encontre de Sig. Bientôt, la troupe pourrait voir, à l'horizon, le Yvre s'écouler.

Le fleuve se présentant un peu plus loin devant moi, devant nous, je me stoppais une seconde, un frisson transcendant mon corps tout entier. Était-ce de l'appréhension, de la crainte ? Certainement, mais je n'avais pas intérêt à l'exprimer ou à le montrer. Le but était ici le mérite. Que pourrait-je bien mériter en me montrant faible ? Rien. Alors ravalant mes doutes, je repris ma marche, me dirigeant inexorablement vers les bords du Yvre qui allait bientôt me recueillir.

Arrivé à notre objectif, je me plaçais face à l'eau et la fixais, silencieuse, immobile pendant que les miens s’affairaient à préparer ce qui devait l'être. Le Tréant et Amalrik allumaient un feu tandis que les autres se plaçaient en cercle autour de celui-ci. Les flammes éclairaient le visage de chacun d'eux qui, à présent, reflétaient l'importance de ce qui allait suivre. Le Tréant restait placé au côté du feu, Amalrik, en face de lui, marquait le début du cercle. Falko se plaça sur le côté, ramenant sur son abdomen le tambour qu'il avait porté dans son dos jusqu'ici. Sig et Hedda se postèrent face à lui tandis que d'un regard, elle invitait Galifey à fermer le cercle. Tous prirent une grande bouffée d'air avant que le tambour de Falko ne commence à retentir de ses notes simples, sa gorge déployant un premier son guttural, débutant ainsi le rituel.


Un nouveau frisson me traversa, je ne pouvais plus revenir en arrière. Le regard vissé sur la surface de l'eau, je commençais mécaniquement à retirer chacun de mes vêtement jusqu'à me retrouver complètement nue, attachant mes cheveux d'un chignon haut. La brise lécha ma peau tandis qu'elle se crispait de par la fraîcheur de celle-ci. Je prenais une profonde inspiration moi aussi, me dirigeant vers le cercle, d'un pas ferme mais assez lent.

Je le traversais et Amalrik débutait son chant dans un murmure, avant de poursuivre de sa voix grave et mélodieuse. Me plaçant au centre du cercle, complètement nue, je faisais face au Tréant, nos regards se croisant avec une intensité que je ne nous connaissais pas. Derrière lui se trouvait Galifey à qui j'accordais un bref regard sans savoir ce qu'il pouvait bien lui exprimer. Puis je me retournais, dos au Tréant, le feu réchauffant quelque peu ma peau couverte de cicatrice. Les chœurs de Falko rejoignirent le chant d'Amalrik quelques instants avant que je n'entende le Tréant sortir de son fourreau son couteau, d'une lame étonnamment grande. Mais évidemment, ça je ne pouvais pas le constater.

Chacun des sons du tambours me traversaient, m'empalaient et résonnaient dans la totalité de mes entrailles. Puis vint le chant du Sage, qui plongea sa lame au creu du feu crépitant. L'annonce qu'il que portait sa mélodie me fit fermer les yeux, dans l'attente de ce qui allait suivre. Mon corps se contracta et je pris à nouveau une profonde bouffée d'oxygène. Je sentais l'ombre de sa lame rougeoyante s'élever près de mon dos et quand il eut fini son couplet, elle se posa sur le bas de ma nuque, séparant ma peau en deux, plongeant dans ma chair et m'arrachant un premier râle, que je faisais taire aussitôt. Mon visage se contorsionna en de nombreuses grimaces, montrant mes crocs tandis que la lame du Tréant glissait le long de ma colonne.

Mon corps se contorsionnait lui aussi, en des spasmes saccadés. Mes poings se serraient et mes gémissements étouffés étaient nombreux. Je tentais de les calmer en inspirant profondément par le nez mais rien n'y faisait, j'avais rarement ressentie pareille douleur. Le Tréant continuait à tracer lentement sa ligne -quelques minutes qui ressemblait à l'éternité- et l'arrêta un peu avant la fin de mon dos, retirant sa lame pour la replonger dans le feu. Mon corps eut un premier spasme puissant vers l'avant, alors que je savais pertinemment que ce court temps de répit ne serait pas long et n'allait que multiplier les douleurs qu'il précédait. Mais je ne disais toujours rien, mon corps se refermant sur lui même avant que la lame ne rejoigne mes reins.

Mes yeux demeuraient complètement clos, avec force et fermeté, mais je pouvais entendre Sig et Hedda retenir leur souffle. La pauvre petite était obligé de regarder et bien qu'il n'y avait presque aucune goutte de sang dû à la cautérisation immédiate, ça ne devait pas être beau à voir. J'avais de nombreux spasmes et de nombreux gémissements étouffés, une fois encore, ma souffrance était palpable. Le Sage finissait son œuvre par un losange dont la pointe mourrait au bas de mes reins. Chaque millimètre de ma peau déchirée me faisait horriblement souffrir. Mon corps tremblait, mes yeux se révulsaient par moment. Et puis ces minutes qui me paraissaient être éternelle finir enfin. La lame rougeoyante se détache de ma peau alors que quelques gouttes de sang perlaient sur sa pointe.

La douleur manqua de peu de me faire tomber vers l'avant, mais je me reprenais à temps, accompagné par le souffle effrayé de Sig. Il me fallut plus d'une minute pour revenir à une position qui me permettait de me mouvoir. Sans un regard pour quiconque et accompagnée par la voix caverneuse de Falko, je me dirigeais vers le Yvre, rejoignant sa rive avant de marcher inexorablement vers lui. Le froid de l'eau me foudroya mais j'avançais sans ralentir, mes mollets puis mes cuisses et enfin mes hanches plongeant lentement dans l’œuvre d'Aqua. La fraîcheur de l'eau calma immédiatement la douleur qui parcourait mon dos alors que j'avançais toujours jusqu'à être complètement ensevelie.

Je fis ensuite demi-tour et dévoilais mon corps au fur et à mesure alors que je sentais le regard de tous se porter sur moi. Mes pas étant lents, presque vacillant de temps en temps, mais je rejoignais finalement le Tréant et me présentais face à lui avant de m'agenouiller face à lui, inclinant ma tête avec un respect profond et sans borne. Il me présenta sa main accueillante à l'aide de laquelle je me redressais, lui faisant à nouveau face.

La musique se termina et le Tréant me gratifia d'un regard chaleureux.

❝ Te voilà enfin, Lagertha, chef du clan anciennement Skoggandr.  ❞
Il posa ses mains ridés sur mes épaules et me tourna vers les miens.

❝ Te voilà chef, plus légitimement que jamais. ❞
Une vague de soulagement m’envahis, coupant par la même occasion mes jambes alors qu'Amalrik se précipita pour me retenir, m'accompagnant dans ma chute jusqu'à ce que je me retrouve à nouveau à genoux, vidée de la moindre once d'énergie. Je me sentais si vide et pourtant si accomplie. Sig me rejoignit immédiatement, s'agenouillant à mes côtés et accueillant ma main au creux des siennes. Hedda était derrière elle, un peu choquée par ce qu'elle venait de voir, sans doute. Falko s'approcha également, discrètement.

Sig me souriait, les larmes aux yeux et je pouvais lire dans son regard beaucoup de fierté. Je la gratifiais d'un sourire léger, amoindri et silencieux. Je m'efforçais aussi de reprendre une respiration viable tandis que chacune d'entre elle, soulevant ma cage thoracique, me faisait souffrir et grimacer. Le Tréant se tourna vers Galifey et lui demanda une faveur.

❝ Peux-tu, avec tes grandes ailes, contenir la chaleur autour de Lagertha pour qu'elle puisse en bénéficier pleinement ? Le temps qu'elle reprenne un peu de ses forces. ❞

Pendant ce temps Falko partit chercher mes affaires pour me les ramener, mais j'étais bien incapable de me rhabiller pour le moment, préférant donc rester ainsi, sur le sol, envelopper dans la chaleur du feu.

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Allégeance

J'entends, presque imperceptiblement, toutes les ailes de Galifey commencer à nous encercler et c'est avec une rapidité à laquelle je ne m'attendais pas, que la chaleur s'accumule autour de nous. Ainsi, d'un regard rapidement lancé vers lui, je le remerciais. Car cette chaleur qui m'offrait par la couverture de ses plumes était particulièrement revigorante. Et étonnement réconfortante. Pas que j'en ai spécifiquement besoin, mais la vague chaleureuse qui balayait mon corps, je crois pouvoir dire qu'elle était de cette nature.

Bien moins abattue, Sig toujours à mes côtés, en profite pour prendre ma main droite dans la sienne, paume ouverte à elle. Elle l'observe rapidement, avant de me lancer un regard que je comprends immédiatement. Il est vrai que ce serait le bon moment mais, je ne pouvais empêcher de déclarer avec un peu de surprise :


Elle m'accorde un sourire chaleureux tout en acquiesçant d'un doux signe de tête. Elle cherche ensuite l'adhésion des autres d'un regard que je suis avec intérêt. Tous semblait d’accord pour me prêter allégeance maintenant. Qui serais-je pour leur refuser ? Ne prenant donc pas la peine de me rhabiller, je me relève avec l'aide d'Amalrik que je repousse à mi chemin, trop fière pour en user jusqu'à la fin. Le Tréant sort alors de son sac une coupe, de la taille d'un grand bol. J'inspire profondément, dos au Griffon Géant. Mais à nouveau pourtant, je lui accordais un nouveau regard, comme pour le prévenir que ce n'était pas fini. Du fait de ses ailes, le cercle s'était refermé, mais ça n'étant en rien dérangeant alors, d'un signe de tête j'annonçais au Tréant que j'étais prête.

Sig invite Hedda à la rejoindre à ses côtés, avant de lui murmurer quelques mots à l'oreille. Elle lui expliquait sans doute ce qui allait de passer. Même si la petite avait bien connaissance de nos coutumes, il fallait également qu'elle consente à participer. Cependant, si elle ne le désirait pas, aucun reproche ne se ferait sentir. Pourtant, c'est quand elle hoche la tête en me regardant que je lui adresse un court et fin sourire. Cette petite était courageuse et même si je n'aimais pas vraiment les enfants, elle était de mon clan et pour cela, elle méritait tout mon respect.

L'atmosphère s'alourdit alors de nouveau, le calme reprenant sa place avant que la voix d'Amalrik ne recommence à s'élever, dans un champ plus sobre et solitaire. Le Tréant dégaine à nouveau sa dague et s'avance vers Sig, qui lui tends sa paume gauche. Il pose la lame sur cette dernière et d'un geste vif, tranche sa chair. Un rictus tord son visage mais elle se reprend bien vite que le vieux Sage lui présente la coupe vide, qu'elle commence à remplir de son sang en serrant son poing au dessus de cette dernière.

Le Tréant œuvre de la même manière avec sa fille, quoi qu'avec beaucoup plus de délicatesse. Celle-ci, bien que courageuse, ne peut retenir un petit gémissement tout en fermant les yeux. Je l'observe avec une certaine fierté avant que la coupe de récolte son sang également. Celui d'Amalrik et de Falko rejoint le liquide rouge avant que le Tréant ne se présente face à moi. Il me tends la coupe, pour que je la prenne, ainsi que la dague. Il me faisait ainsi l'insigne honneur de récolter son sang et bien que j'en suis étonné, j'en suis profondément touché. Ainsi donc, il me présente sa paume gauche, que je tranche, avant de récolter son sang à nouveau.

Je lui redonne ses outils et lui présente ma paume droite, nue de toute cicatrices quand les gauches des autres en présentaient déjà une. Là était le détail. Il donnait de leur main gauche, je la recevais de la main droite. En serrant alors le poing au dessus de la coupe déjà bien remplie, j'y fais couler mon sang comme tous les miens. Ce premier tour terminé, le Tréant se présente à nouveau face à Sig qui en boit une gorgée. Hedda, Amalrik, Falko et le Sage lui même agisse de la même manière. Arrivant à nouveau face à moi, il me tends le breuvage que je bois, de plusieurs lampées alors que quelques gouttes viennent marquer mon menton.

Il récupère ensuite la coupe et fait couler le reste sur mes épaules, successivement alors que mes paupières se ferment, ainsi que celles des autres. Le liquide chaud et sombre vient alors parcourir les courbures de mon corps, sillonnant ma peau jusqu'à trouver les sol en quelques sillons. A nouveau, le silence s'installe, pendant plusieurs minutes alors que tous nos yeux demeuraient clos. Pour me sortir de cet état second, je gonfle ma poitrine d'air, la bouche ouverte. Falko me tend alors mes affaires alors que je commence à me rhabiller. Si cela pouvait sembler étrange, ça l'était tout autant de me laver de leur sang qu'ils avaient consentis à partager avec moi.

En quelques bruissements, les plaies étaient recouverte de bandages, les affaires commençaient à se ranger et mon clan, qui était à présent réellement le mien, se prépare à rentrer. J'en profite alors pour appeler Hedda qui sursaute de surprise. Ce n'était pas étonnant à dire vrai, mais j'essaye de lui prouver ma bonne foi d'un léger sourire. Lui tendant la main pour qu'elle me rejoigne, je me tourne vers Galifey, la petite à mes côtés.


Je me penche alors un peu vers elle, lui demandant de me donner sa main que j'ouvre devant le Demi-Dieu.

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