Ils aperçurent le navire rapidement et Abel ressentit un immense soulagement quand il put poser un pied sur le pont du Neptune. Il observait la falaise avec inquiétude, une petite créature pouvait sans soucis tenter de se jeter dans le vide pour atteindre le nid-de-pie, ou n'importe quel mat du bateau. Il demanda aux marins de s'écarter rapidement du bord de la falaise, et se sentait d'autant plus inquiet que le soleil disparaissait derrière l'horizon.

Pour l'heure il fallait laisser ses inquiétudes de coté et partager le plus d'informations possible entre les deux groupes pour être prêt demain à l'aube, quelque soit le chemin que cette expédition prendrait. Est-ce demain qu'on allait sauver le monde ? A supposer qu'il puisse être sauvé.

Abel convoqua tout le monde pour faire le point sur la situation, il ne vit cependant pas arriver Ushiran et Tarec Mah, qui devaient vouloir s'isoler un peu de tout ce désordre. Il regarda à tour de rôle les expéditionnaires, assit autour de la table de la salle à manger.

"Je propose que l'une des personne dans chaque groupe fasse le point sur ce qu'ils ont vécu, ce qu'ils ont découvert ou compris sur ce qu'il s'est passé aujourd'hui. Puis qu'on trouve ensemble les solutions qui s'imposent."

Groupe de Janame
1 à 3 : Sheiko
4 à 6 : Kohaku
➔ Résultat : 4  (lancé sur la CB)

Groupe de Krone
1 à 3 : Viltys
4 à 6 : Abel
➔ résultat : 6 (lancé sur la CB)

Une fois arrivés sur le navire, ce dernier à bonne distance des côtes, les humains se rassemblèrent dans une salle à manger. La pièce étant trop exiguë pour que le dragon puisse y tenir à l'aise, il demeura dehors mais passa la tête par la porte. Son long cou lui permettant d'être parmi les humains quand son corps profitait de la fraîcheur du soir. Kohaku prit la parole en premier, préférant déballer ses informations le plus vite possible pour être débarrassé.

« Nous avons rencontré Zarkan, il semble être leur chef et occupe également une place de shaman ou de prêtre. Chose surprenante il maîtrise passablement la langue commune, apparemment un humains naufragé aurait atterri sur leurs côtes il y a long temps. Mais celui a survécu en mer grâce au cannibalisme, du coup les kouroukas voient les humains comme des démons. »

Il se secoua brièvement et reprit son rapport en prenant une position plus confortable.

« Une autre curiosité au sujet de ce peuple, selon Zarkan, ils ne sont la créations d'aucun des Quatre Grands, ils seraient une sorte de créations spontanée que Aër aurait voulu protéger du Krone en les installant sur ce plateau lévitant. »

Son monologue à présent fini, il se tut. Prêt à écouter les autres expéditionnaires et comptant laissé à Sheiko le soin d'apporter des précisions que pourraient demander les autres bipèdes.

Abel écouta Kohaku avec attention, ainsi donc Zarkan parlait la langue des hommes, ce serait une très bonne chose pour leur future voyage à Janame. Abel eut une foule de question à poser, mais prit d'abord son tour de parole pour son groupe.

"De notre coté, nous avons suivi Suja jusqu'au Gouffre. La végétation autour est inexistante sur un rayon de quelques mètres. Les bourgeons des fleurs pourissent avant d'éclore, comme malade. La faille devait bien faire 200 mètres sur sa largeur. Nous voulions en savoir plus, alors nous avons amorcé notre descente."

C'était sans doute ce qu'il avait fait de plus risqué, heureusement personne n'était mort, et ils avaient tout de même pu en apprendre encore beaucoup.

" La paroi était percée de trous dans lesquels se logent les manavores. Mercor a constaté que son mana été aspiré par leurs morsures. Ils ne s'en sont pas prit aux humains. Pour ce qui est du fond de la crevasse, nous en étions encore loin, il faut sans doute descendre sur plusieurs kilomètres pour l'atteindre."

Il revint sur les éléments qui lui semblait important dans cette histoire :

"Donc si je reviens sur ce qu'on a vu et sur ce que Zarkan vous a dit... Le Krone fait pourrir la végétation autour de lui, s'étend en dévorant le monde. De cette force qu'il tire en mangeant l'île, il créé des manavores. Les manavores craignent la lumière du soleil, souffre de la magie. Cependant, leur morsure leur permet d’engranger la magie présente dans un être vivant, puis ensuite d'aller rendre cette force au gouffre... C'est bien ça ?"

Cette histoire lui semblait dépasser l'entendement humain. Si le Krone se nourissait de la magie proche de lui, plus les invocations -ou pire les dieux- s'approchent, plus il pourra devenir fort ?

"Parlez nous un peu plus de ce bateau qui a fait naufrage ici."

Très peu nombreux étaient les bateaux dont on avait jamais eu de nouvelle, perdu dans l'océan. Abel avait déjà une petite idée dans cette affaire.

Le silence plana un moment. Puis voyant que Sheiko demeurait coi, griffonnant quelques dessin ou cartes dans son coin, Kohaku se dévoua pour répondre aux questions du noble. Non sans un grognement las.

« C'est cela. C'est un cercle vicieux, le krone ne sourit de magie et crée ses créatures qui vont lui apporter de quoi se nourrir pour engendrer d'autres manavores etc. »

Le dragon soupira, Sheiko ne se décidant toujours pas à faire son rapport, il enchaîna.

« D'après Zarkan, ce navire cherchait la "fin du monde"» Le fils d'Aër eut un sourire moqueur, mais continua. «Ils dérivaient en mer depuis des années. Le seul survivant se nommait quelque chose comme Baptiste Seserrin, et son chef avait un nom du genre August Liline. Ces noms sont à prendre avec des pincettes, avec l'accent de Zarkan, ils ont surement été écorchés. Visiblement des personnes "gentilles" mais le cannibalisme de Seserin fait que Zarkan a préféré faire passer l'humain pour un démon car un tel acte n'est pas permit par leur peuple.»

Abel de Nenil écouta en détail les réponses de Kohaku aux questions qu'il se posait, et les pièces du puzzle commencèrent à s’emboîter. Il prit le temps d'y réfléchir, Auguste Lilin, ce nom lui était familier. Tandis qu'il fouillait sa mémoire, Mercor s'interrogea sur la naissance du Krone. Ahmun réagit au quart de tour :

"Jamais nos pères n'auraient pu vouloir une telle chose, fils d'Ignis. Ils aiment ce monde plus que tout, ce Krone pourrait bien signer la fin du monde si rien n'est fait. Le gouffre s'est forcément creusé au détriment de leur volonté."

C'est à ce moment que Abel se souvint.

"Attendez ! August Lilin... ce ne serait pas plutot Auguste Lilyn ? Le navigateur qui a donné son nom à la plage ? "

Cela paraissait cohérant, il y a de cela plusieurs siècles, il est parti avec la ferme intention de traverser tout le globe et de revenir intact. Un mauvais courant, une tortue montagne, l'aura fait dériver jusqu’à la mauvaise île. C'est le survivant du bateau qui aurait appris aux Kouroukas ce qu'ils savent des humains... certains points commencèrent à s'éclaircir, mais savoir tout cela n'était pas important, l'important, c'était le gouffre.

"Nous devrions essayer de capturer l'une de ses petites créatures pour en savoir plus. Les étudier pour apprendre à les connaitre. Nous devons aussi interroger au maximum les Kouroukas, si Zarkan parle la langue des hommes ce sera d'autant plus facile. Il faut savoir comment et quand le Krone est apparu."

Si son apparition était récente, le pire était à craindre, car la vitesse d'expansion du gouffre signait aussi la date de la fin du monde. Tandis que si cela faisait plusieurs millénaires qu'il était la, l'urgence pour trouver une solution était tout relative.

"Je pense que quand nous aurons suffisamment d'informations... le mieux serait de retourner à Luh pour en faire part au prince. Nous ne pouvons agir seul."

Dans le pire des cas, le départ serait donc pour demain soir. Une journée pour capturer une créature, cela devait être faisable, il suffirait d'en attirer une avec de la magie, et de la protéger du soleil pour la maintenir en vie. Quand aux Kouroukas, leur poser deux questions ne devrait pas prendre la journée.

Kohaku acquiesça au dire de la fille de Terra. Ce deuxième monde avait été l'objet de créations spontanées, en était la preuve le peuple de kouroukas. Cequi était le plus intriguant était le pourquoi du Krone.

«Les kouroukas ne sont pas une création des Quatre Grands, fils d'Ignis, il s'agit d'un cas de création spontanée. C'est pour cette raison que mon Père à mis cette citée en lévitation, afin de leur offrir un abris contre le Krone. En revanche cela sous-tend qu'ils savent que cette abomination existe et ils n'ont encore rien fait pour l'effacer de leur création. Cela constitue une énigme intéressante. Sont-il en train de s'en occuper, ou bien laissent-il la chose en l'état pour voir ce que vont en faire ces nouveaux humains ?»

Car les humains par leur nature curieuse auraient tôt ou tard découvert un tel phénomène. Une question avait aussi affleuré à l'esprit du dragon blanc mais ce dernier l'avait aussitôt faite taire tant elle lui paraissait ridicule : Les Dieux étaient-ils seulement capables de détruire le Krone ?

«Pour ce qui est de la capture d'une de ces vermine manavore, il faudra prévoir en amont une cage à la fois assez solide pour ne pas être abîmée par la créature durant le trajet du retour et dont les paroies ne laisseront pas passer la lumière du jour. Se pose également la question de sa survie au voyage, faudra-t-il la nourrir de mana ?» Renifla-t-il avec dégoût.

Capturer un manavore était donc leur prochain objectif, mais il fallait trouver un plan. Une cage adaptée, qui ne laissait pas passer la lumière du jour pour maintenir la créature en vie, et une réserve de nourriture potentielle pour assurer sa survie sur le bateau.

"Je ne pense pas que ce soit un test pour les humains. Cela met en péril les créatures de cet îlot, nos pères sont trop nobles pour s'amuser ainsi avec la vie."

Abel osa dire le fond de sa pensée "Je pense que les Dieux ne peuvent pas s'approcher du Krone. Voyez le résultat quand c'est une invocation qui s'engouffre dans la faille, elle sert de buffet à ces manavores. Alors un dieu... le résultat pourrait être cataclysmique."

Le regard d'Ahmun se fit si intense et plein de rage envers son maître qu'elle aurait pu le pétrifier sur place. Elle refusait qu'on dise de ses pères qu'ils étaient impuissants, pourtant la vérité était bien la, ils n'avaient rien fait pour le moment, la raison resterait pour elle un mystère.

Abel poursuivit sur ce problème de capture :

"Ce n'est pas une cage qu'il faudrait... Peut être plutôt un sac en toile, ne laissant pas passer la lumière, nous devons avoir ça dans la calle pour le transport des provisions. Pour la nourriture, on essaiera de lui donner de la nourriture ordinaire, s'il refuse aussi bien les légumes que la viande et qu'il ne mange que du mana... nous n'aurons pas le choix" un grognement de protestation de la part de Ahmun se fit entendre "mais ça nous donnera déjà des indications sur leur physiologie.

Voici mon idée : un humain et une invocation, plutôt Kohaku qui peut voler ou Ahmun se téléporter, pénètre dans la faille, attirent une créature en utilisant un sort, la mettent dans le sac et remonte à la surface en vitesse. C'est peut être un peu simpliste, mais je pense que ça peut marcher. Qu'en pensez vous ?"

Il parlait plutôt à Mercor et Kohaku, Sheiko et Viltys semblant somnoler.

Kohaku lança un grondement menaçant pour le blasphème de l'humain. Qu'est ce q'un insecte insignifiant savait des dieux pour leur prêter une telle incapacité. Il n'y avait bien que l'ordre de Pearla, de ne pas être la cause directe de la mort d'un mortel, pour l'empêcher le dragon de bondir.

Le fils d'Aer ne pu s'empêcher d'être acerbe à la proposition de l'invocateur de Ahmun.
«Un sac en toile ? Vraiment ? Pour retenir une créature munie de griffe et dents ? Pendant plusieurs jours ? Il vous faudra au moins du bois pour retenir une telle créature ou alors la magie Apathique d'un enfant d'Aqua. »

Kohaku soupira.
«Très bien j'irais, avec Ahmun. Il serait peut être judicieux d'en capturer au moins deux, voir peut être trois. Histoire de prévoir l'éventuelle mort d'un individu faiblard.»

Le retour au navire s'était fait sans accroc, et nous nous étions dès lors enfermé dans une cabine afin de discuter des évènements de la journée. A cause du manque de place, Ushiran et Tarec'Mah ne purent nous rejoindre, mais j'étais persuadé qu'ils étaient bien mieux à l'air libre.

Dès lors que nous entrâmes je m'assis dans un coin et sortait mes esquisses de la journée. J'avais gravé chacun de ces instants dans ma mémoire, et je m'attelais à en compléter les détails sur le papier. Kohaku avait des millénaires d'expérience et une mémoire divine, aussi ne douté-je pas un seul instant qu'il serait parfaitement capable de satisfaire la curiosité des autres membres de l'équipage. Je suivais la discussion d'une oreille tout en achevant les dessins. Ainsi donc, nous rentrions déjà, alors que nous n'avions qu'à peine commencé à explorer cette île... je trouvais cela d'une tristesse... Mais qu'importe, la décision ne me revenait pas. Le plan de capture, par contre, était assez téméraire. Il faudrait espérer que rien n'aille de travers, sinon cela pourrait s'achever en une catastrophe. Je glissais les feuilles de papier vers Viltys, qui était le commanditaire de ces témoignages, puis m'adressait aux autres:

“Si vous n'avez pas d'objections, j'irais avec Kohaku et,ou Ahmun. Je pense être plus adapté que Viltys pour cette situation, sans vouloir vous offenser, et je ne suis pas aussi important qu'Abel pour la société de Lüh. Et je peux entrer en contact sans que ma vie ne soit aspirée hors de mon corps.”

Il n'y avait aucun réfractaire au plan de la capture et c'était déjà une bonne chose que tout le monde accepte cette idée. Kohaku proposa même d'en capturer plusieurs. Abel songea qu'il faudrait alors des caisses séparés pour chacun des individus, ils ne pouvaient courir le risque que deux individus se reproduisent, à supposer que les manavores puissent s'accoupler.

"Très bien, donc je résume. Sheiko et Kohaku se rendront au gouffre afin de capturer deux manavores. Trois cela me semble trop. Pendant ce temps, j'irais avec Ahmun parler à Zarkan des origines de ce gouffre, depuis quand il est la, et a quelle vitesse il s'étend. Les autres prépareront le bateau pour le retour."

Il se dirigea vers la cale avec les marins afin de trouver de quoi garder les manavores captifs. Finalement il ne trouva pas de caisse mais tomba sur des tonneaux de boissons qu'il faudrait bien sacrifier pour pouvoir capturer ces bestioles, au moins ils seraient suffisamment résistants pour faire l'affaire. Il les rapporta sur le pont du navire et les présenta au reste du groupe

"On a rien de mieux, ce sera encombrant mais au moins résistant, sans laisser passer les rayons du soleil. Nous nous y mettrons donc demain matin, pour le moment, reposons nous."

(Kohaku, c'est à toi, je te laisse décrire en quelques mots la nuit, puis poster au gouffre, si tu le veux bien)

Le programme du lendemain était donc fixé. Sheiko l'accompagnerait dans le gouffre. Kohaku se retira de la pièce. Enfin retira son long cou et sa gueule de la pièce, le reste de son corps étant demeuré à l'extérieur tout le temps de leur conversation. Le dragon jeta un œil à Ushiran et Trac'mah qui discutaient un peu plus loin, mais renonça à se joindre à eux. Au lieux de cela, il alla se caler dans un coin du pont un peu en retrait.

Il s'enroula sur lui même et posa ses iris de jade sur la myriade de reflets scintillant de la lune à la surface du domaine d'Aqua. Il se rendit compte que cette capture le préoccupait. Jamais de sa très longue vie il n'avait rencontré de créatures comme les manavores, ou encore connu de phénomène comme le Krone. Ces abominations touchaient là à un domaine tabou, dont ne parlaient jamais les créatures divines. Le mana était sacré, même les sort de saignée permettaient d'absorber l'énergie vitale mais jamais le mana en lui même. Ils prenaient un très gros risque en se jetant volontairement dans la faille, si il n'y avait ni dieux ni demi dieux dans les parages ce n'était pas par hasard, mais il s'agissait d'un risque nécessaire.

Le dragon était d'accord sur le point qu'il fallait connaître et étudier la menace, ce qu'il redoutait c'est ce que ferait les humains de telles informations. Ainsi Kohaku passa la nuit à réfléchir sur les derniers événements, avant que le levé du jour appelle celui des humains. Lorsque Sheiko fut prêt et harnaché dans ses cordes, dragon blanc et guide décollèrent avec deux tonneaux vides pour le Krône.