Dire que sa pire prestation était un ex-aequo avec une Dame aussi importante et ravissante avait de quoi lui faire monter le rouge aux joues mais c'était avec une grande humilité qu'il tendit la main à la demoiselle avant de l'aider à se redresser, saluant ensuite tous deux le public quasi inexistant de l'attraction. Les quelques curieux applaudirent modestement avant de passer leur chemin.
La main toujours dans celle de sa splendide adversaire, il se proposa à l'aider pour descendre de l'estrade tandis qu'elle retenait ses nombreux jupons. Ils se félicitaient encore pour leur épopée lyrique, menant l'héroïsme aux portes d'un nouveau symbole d'espoir.
Transporté par l'expérience plus que par le résultat du concours, le jeune aventurier s'apprêtait à abandonner la compagnie pourtant si charmante de la demoiselle aux cheveux de jais.

"Ma Dame, ce fut encore une fois un réel honneur que de partager votre table le temps de ces quelques vers. J'ose espérer qu'un jour la plume sera verbale et le sujet plus libre si le cœur vous en dit."

D'une gracieuse révérence, il pensait alors retourner errer à un quelconque stand pour profiter de la fin du festival.

Ex-aequo ? Mh, dans d’autres circonstances, probablement qu’Evanna aurait été vexée, heurtée dans son égo. Elle se targuait d’être plutôt bonne oratrice et littéraire, alors perdre face à quelqu’un -un jeune homme de surcroît- était plutôt une mauvaise nouvelle. Toutefois, son coeur était à la fête aujourd’hui, et le poème formé de concert avec le blondinet avait été si beau qu’elle en oubliait sa non victoire. Une prochaine fois.
Alors qu’elle s’apprêtait à se relever, son protagoniste lui tendit la main. Ses gardes se raidirent un instant, et elle ne chercha pas à savoir si c’était à cause de la menace qu’il pouvait représenter, ou si c’était parce qu’un homme autre que le Prince lui offrait sa main. Toutefois, elle ne réfléchit pas non plus au comportement à avoir, et prit volontiers sa main, lui offrant un sourire reconnaissant.
Il l’aida à se redresser puis à descendre de l’estrade, ce qui était d’ailleurs bien agréable étant donné que même avec la plus simple des robes qu’elle avait eu le droit d’enfiler, il y avait quand même de quoi lui remplir les mains ou la faire trébucher. 

« Ma Dame, ce fut encore une fois un réel honneur que de partager votre table le temps de ces quelques vers. J'ose espérer qu'un jour la plume sera verbale et le sujet plus libre si le cœur vous en dit. »

Evanna eut un sourire en coin, hocha la tête et s’apprêtait à répondre lorsque le jeune homme s’inclina et s’apprêta à repartir.
Elle tendit la main pour rattraper le bras du blondinet et lui sourit à nouveau.

« Pourquoi ne pas profiter de cet instant pour mettre à profit votre proposition ?"

Un raclement de gorge se fit entendre derrière elle, et elle se retourna pour foudroyer du regard le Garde qui avait osé émettre un jugement. Le sourcil arqué, elle le fixa jusqu’à ce que ce dernier s’incline.
Aussi reporta-t-elle son attention vers le jeune homme à la verbe si agréable, un sourire à nouveau sur ses lèvres.

« Qu’en dites-vous ? »

La demande spontanée et les conséquences engendrées par la réaction du garde ne purent retenir le sourire enfantin qui, malgré tout son respect pour l'étiquette, perça jusqu'à son regard brillant. On voyait clairement qu'il se retenait de rire ouvertement, sans grand succès malheureusement. Il s'était arrêté dans son mouvement et ignora tant bien que mal le contact sur son bras ; essayant de maintenir son regard sur l'entrepreneuse demoiselle alors qu'elle l'invitait personnellement, la réponse fut complice autant que polie, ponctuée par une énième salutation honorée.

"Comment pourrais-je refuser ce que j'ai moi-même révélé souhaiter ? Vous me faites honneur d'une compagnie plus qu'idéale et je ne saurais que vous proposer d'aller dans l'établissement qui vous sierra le mieux afin d'instaurer un climat favorable pour tous."

Il leva finalement les yeux vers les gardes, souriant surtout en signe de respect pour le travail qu'ils faisaient avec zèle malgré les actions parfois inquiétantes de la personne qu'ils devaient protéger comme une extension de leur propre corps.
Il ne savait pas s'il était en danger non plus en leur compagnie et une voix dans sa tête lui conseilla de faire bien attention à rester aussi statique que possible afin d'éviter tout contact mal interprété par les gardes. Il l'écouterait sans aucun doute mais savait pertinemment qu'il risquait de se laisser aller si l'ambiance venait à être agréable pour tous. Peut-être seraient-ils plus laxistes ? Certainement pas.
Son esprit mit une seconde à se recentrer sur l’envoûtante initiatrice d'une conversation qui promettait d'être agréable. Dégageant poliment le passage sans mettre de distance entre eux, il l'invita à ouvrir la marche vers l'endroit de son choix, sentant au passage le regard des gardes lorsqu'ils n'avait fait que pivoter. Cela ne lui déplaisait pas, il était rassuré de voir le sérieux du corps armé princier et tenta de se détendre sans pour autant ignorer ce qui se déroulait autour de lui.

Alors qu’elle reposait son attention sur lui, elle pu percevoir chez le blondinet un sourire dont il tentait de contenir l’hilarité et des yeux brillants d’un amusement enfantin et sincère. Manifestation, sa réaction et celles de ses gardes l’avaient grandement amusé, et cela ne fit qu’accentuer son propre sourire.
Il s’adressa à nouveau à elle, et elle cligna lentement des yeux. Certes, elle avait l’habitude des tournures alambiquées dans son milieu de nobles sournois et dont l’étiquette les tenait aussi droit qu’un balai dans le derrière, mais quand même. Elle ne s’attendait pas vraiment à ce qu’il lui tienne de tels propos.

Son regard ambré changea légèrement, se fit plus vif, plus inquisiteur, et elle observa le blondinet sous un autre angle. Etait-il un noble ? Un bourgeois avec un agenda ? Souhaitait-il la mettre dans l’embarras pour rapporter ses écarts et libertés ensuite à l’intendant du Prince ? Pour y récupérer une quelconque récompense ou reconnaissance au passage ?
Malgré ce questionnement, et le sourire un peu figé sur son visage, sa voix était toujours aussi agréable lorsqu’elle lui répondit alors qu’il se dégageait habilement pour lui laisse le champ libre.

« Quelle responsabilité vous me donnez là. Mais avant de s’en poursuivre avec les réjouissances, pourquoi ne pas procéder à quelques présentations plus officielles que ces jolis vers déclamés plus tôt ? »

Son sourire se fit plus appuyé, mais curieusement prédateur également. La noblesse rendait paranoïaque, et c’était bien dommage. Mais elle avait depuis longtemps appris que c’était nécessaire à sa survie, et ce n’était d’aucune exagération.
Avec une élégance naturelle, et une fluidité due à la pratique et l’habitude, la jeune femme fit une parfaite révérence, s’exprimant d’un ton mélodieux, presque chantant.

« Evanna Rochefort de la Bessière, comtesse, pupille princière de sa Majesté Reyson de Lüh »

Ses gardes semblèrent se redresser et bomber le torse à cette mention, et elle ne chercha pas à savoir si c’était la mention du Prince ou son rang à elle qui avait eu cet effet. Dans les deux cas, ce n’est pas comme si elle était fière de l’un ou de l’autre.
Elle se redressa, pencha légèrement la tête de côté et attendit d’enfin savoir à qui elle avait à faire de l’autre côté. Elle était partie pour passer un bon moment avec ce jeune homme, avant que sa façon de parler, de s’en tenir à l’étiquette et de surveiller ses gardes du coin de l’oeil ne lui mettent des doutes.
Nombreux étaient les nobles qui préfèreraient voir sa concurrente avoir les faveurs du Prince, et qui n’hésitaient pas à lui tendre toutes sortes de pièges politiques pour y arriver. Lui envoyer un beau et charmant jeune homme avec qui elle profiterait de quelques instants pourtant innocent, risquant de briser cette étiquette si stricte, était une bonne manière d’y parvenir.

Le sourire enfantin disparut et il sembla pâlir un instant en entendant la demoiselle. Ce n'était pas son rang social, bien qu'intimidant, qui le mettait dans un état déplorable mais le simple fait qu'en savourant l'instant présent, il avait manqué la première règle de base d'un échange courtois.
Précipitamment, le regard soudainement inquiet et les lèvres contenant un bref tremblement, il se répondit en se courbant dans l'espoir qu'elle ne verrait plus son visage ni la gène qu'il ressentait. Les mots qui sortirent furent cependant forts et déterminés, montrant qu'il assumait grandement ses erreurs.

"Pardonnez mes manières, Dame Rochefort de la Bessière, l'euphorie du festival semble ne pas me réussir. Je me présente, Simon, second fils de la famille De Camina, j'espère que mon attitude n'importunera pas mes pairs."

Il résonnait de sincérité et ses paupières soutenaient difficilement la solennité de l'instant, dans son coeur, il avait l'impression d'être rustre et de ne pas rendre hommage à ses éducateurs, bien qu'il n'ait de base jamais vraiment apprécié cette facette de son éducation.
Regardant la demoiselle droit dans les yeux, il attendit le terrible verdict d'une des pupilles princières en personne.
L'absurdité de la situation lui arracha alors un sourire qu'il contint très mal, secoué de spasmes de rire. Il avait beau creuser sa propre tombe, il n'arrivait pas à se faire à ça : lui, second fils d'une famille qu'il avait presque mise de côté pour faire sa vie de héros, se faisait remettre à sa place par une personne directement liée aux hautes autorités de Lüh.
Ça semblait sorti d'un roman, la rencontre lui semblait trop anodine et précoce dans son évolution pour qu'il puisse prendre ses marques et suivre la voie de la raison. Le peu de ce qui lui en restait lui permit tout de même de rectifier le tir, aussi maladroitement que ces fameuses présentations.
Entre deux rire contenus, il réussit à s'expliquer avec une voix qui démontrait clairement son amusement.

"E-Excusez moi, ma Dame, la situation me semble soudainement surréaliste et j'ai du mal à réaliser que..."

Il fit de vagues gestes avec ses bras pour englober l'ensemble de la scène.

"Que tout ça arrive vraiment !"

Un sourcil arqué comme un enfant qui cherche à marchander sa punition, la tête presque dans les épaules, la tonalité de sa voix se fit alors plus frêle.

"Je comprendrais que vous puissiez vouloir annuler cette entrevue... Mais j'aurais quand même bien envie de discuter avec vous quand même... Enfin... Si vous voulez, bien sûr... Dans tous les cas je me plierais à votre décision..."

Le jeune homme sembla un instant déstabilisé et son sourire disparut. Elle n’eut pas vraiment le temps de se demander si c’était parce qu’il ne l’avait pas reconnu avant, ou autre chose, car il plongea en avant dans une courbette parfaite. Plus aucun doute, il était de naissance noble.

« Pardonnez mes manières, Dame Rochefort de la Bessière, l'euphorie du festival semble ne pas me réussir. Je me présente, Simon, second fils de la famille De Camina, j'espère que mon attitude n'importunera pas mes pairs. »

Ah oui. Et très noble même. Importuner ses pairs ? Rien que ça ?! Evanna réprima un rire qu'elle dissimula dans une légère toux.
Ainsi, voilà qu’elle pouvait enfin poser les yeux sur le second fils des De Camina. Il était de grande notoriété au milieu des nobles que c’était le fils bien intentionné mais quasi rebelle de la famille. Oh, bah dans le sens où il ne rendait pas justice à sa famille, mais plutôt dans le fait qu’il ne se présentait quasiment jamais à aucune réception, évènement ou autre. Il semblait suivre une autre voie, qui bien que de noble intention, divergeait de ce que l’on accordait généralement aux fils de noble.
Mais le fait qu’il soit second de la fratrie lui avait probablement donné des libertés que son grand frère n’avait pas. Tout du moins, c’est ce qu’imaginait la jeune femme, étant donné qu’elle avait perdu toute chance de comprendre comment fonctionne une famille fonctionnelle lorsqu’elle avait été emmenée loin des siens à ses 4 ans.

Evanna secoua lentement la tête, comme un oiseau qui remet ses plumes en ordre, et chassa tout cela de sa tête. Ce n’était ni le moment, ni l’endroit de penser à toute cette histoire.
Le regard bleu, vif et franc du fils Camina se planta dans le sien, et elle ne put s’empêcher de lui accorder un doux sourire. Il dégageait quelque chose d’enfantin mais aussi de profondément… innocent, qui forçait la sympathie.

C’est alors qu’il commença à rire, d’un son contenu qu’il semblait vouloir ravaler sans vraiment y arriver. La pupille haussa les sourcils, curieuse, mais n’eut pas à attendre bien longtemps avant que le blondinet s’exprime de lui même, et ne s’explique.
Ses mots bafouillés, pas très sûr de lui, sa voix un peu éteinte et son air d’enfant que l’on vient de prendre la main dans le pot de confiture finit de chasser les doutes de l’esprit de la brunette. Aucun noble aussi bon acteur qu’il soit, et aussi investi de sa mission, ne se mettrait volontairement dans une telle situation face à elle. Ils avaient bien trop d’égo pour cela.

Aussi ce fut très naturellement qu’Evanna laissa échapper un rire clair et sincèrement amusé.

« Oui, je vois ce que tu veux dire. Certaines situations semblent parfois vraiment irréelles.»


C’était même un doux euphémisme la concernant. Elle sourit à nouveau.

« Cela ne te dérange pas que je te tutoies ? Si tu y vois un quelconque inconvénient, on peut repasser au vouvoiement et aux phrases alambiquées, mais j’ai dans l’idée qu’on aura pas abordé plus que la météo en trois heures de temps si on fait comme ça !»

Un de ses gardes sembla s’étouffer à moitié sous ses paroles, et le sourire de la pupille s’agrandit d’autant plus, sans que son regard ne quitte Simon.
Maintenant que ses doutes s’étaient envolés, elle n’avait pas vraiment l’intention de continuer de jouer. Elle respecterait les règles les plus importantes de l’étiquette évidemment, mais elle n’avait pas vraiment envie de continuer à s’épuiser en jeux sournois tout l’après midi alors qu’elle venait profiter de la fête. Sinon, autant qu’elle reste seule.
Un aboiement attira son attention, et elle se retourna juste à temps pour recevoir le chien loup dans les jambes. Tiens, Lightning l’avait donc retrouvé rapidement. Elle le caressa derrière les oreilles, plutôt facilement étant donné que la tête du grand chien lui arrivait à la hanche.
Avec un sourire lumineux, elle se tourna vers Simon et fit un geste élégant de la main en direction de la présence canine.

« Je te présente Lightning, mon compagnon de vie.»

La grimace qu’elle aperçut du coin de l’oeil sur le visage d’un de ses gardes la récompensa de sa petite blague, et elle continua l’air de rien.

« Lightning, je te présente Simon. Celui là, on ne le mange pas. Pour l’instant.»

Nouvelle crise de toux dans l’une des armures, et un grand sourire pour elle.
Oui décidément, l’après midi s’annonçait prometteuse. Pour peu que le cadet des Camina soit enclin à jouer avec elle …

Passer directement au tutoiement ? Bien qu'impromptue, la proposition l'arrangeait bien puisqu'il pouvait être naturel de cette façon. Était-ce justement une bonne chose en fait ? Il balbutia quelques mots approbateurs qui se perdirent avant d'avoir pu finir une phrase complète et il fut bien heureux d'être coupé dans sa piètre prestation par un animal apparemment familier.
Un large sourire trouva place sur le sourire du héros et la scène sembla retrouver une légèreté bienvenue. Présenté officiellement à la sublime créature au pelage attrayant, Simon fit une courbette théâtrale comme s'il accueillait le prince en personne.

"Messire, me voilà honoré de faire votre connaissance."

Honnêtement, il s'accroupit pour être à la hauteur de la bête et posa même un genou à terre, tendant une main afin de présenter son odeur.
Sa famille n'avait jamais voulu de limiers ni pour chasser, ni pour tenir compagnie ; seule l'expérience auprès du peuple et des Chasseurs lui avaient permis d'en croiser quelques uns. Agréables pour la plupart et doués d'une intelligence qui l'avaient surpris à de nombreuses reprises, il avait fini par apprécier ces bêtes aux apparences diverses et agréables.
Celui-ci était sans nul doute des plus beaux, avec sa tête de calis grise et sa fourrure épaisse comme les créatures du Nord. Détournant le regard pour ne pas qu'il se sente défié, il attendit une réaction quelconque.

Le brusque changement d’attitude de la pupille sembla à nouveau déstabiliser Simon, sans lui déplaire pour autant. Il tenta de lui répondre, bien que cette tentative se résuma plutôt à balbutier des paroles incompréhensibles avec une tendance positive tout de même.
Grand heureusement pour lui, Lightning vint l’interrompre, et Evanna eu ainsi la réponse à sa question : le cadet De Camina était plus que prêt à jouer.
Il s’inclina avec autant de déférence que si le Prince venait d’arriver puis s’agenouilla avec humilité et se comporta de façon si parfaite avec son chien, que la pupille en fut touchée. Elle vouait souvent bien plus de respect et d’intérêt aux animaux qu’à ses pairs, pour des raisons très évidentes, et la manière dont quelqu’un se comportait face à un animal était bien plus révélateur que beaucoup d’autres choses. Aussi son appréciation pour le blondinet ne fit qu’augmenter en le voyant réagir face à Lightning.

Ce dernier sembla apprécier aussi l’intention et après une courte période d’observation il s’approcha doucement pour renifler la main tendue vers lui. Il nota également le regard détourné, et redressa les oreilles, la queue battant joyeusement.
Reconnaissant les signes, la jeune femme eut à peine le temps de commencer sa phrase :

«  Lightning, non ! Ne… »

Que le massif chien loup avait déjà bondit de toute ses forces, de toute sa joie sur Simon, le renversant en arrière pour lui recouvrir le visage de grandes léchouilles aussi affectueuses que baveuses.
Les mains sur sa bouche grande ouverte en un cri silencieux, Evanna fut figée un instant avant de se ruer en avant pour récupérer son chien au collier et le ramener près d’elle. Elle ne le gronda pourtant pas, se contentant de fixer Simon, les yeux grands ouverts.
La crainte qu’il ne fasse un scandale à son chien, se battait grandement avec un fou rire montant, face au visage humide et quelque peu dégoulinant du blondinet au sol.

Joueur, il l'était, autant que Lightning si ce n'était plus, et au moins autant que la pupille. lorsque l'animal lui bondit dessus en lui léchant le visage, il laissa exploser un rire sincère avant de retenir avec beaucoup de complicité la gueule du canidé qui tentait de lui lécher les muqueuses buccales. Lui grattant de façon joueuse le cou ainsi que les babines, il s'amusait comme le grand gamin qu'il était, oubliant soudainement où et avec qui il était.
Le retour a la réalité fut dure pour Lightning autant que pour Simon qui se sentait benêt, crotté sur le sol et le visage couvert de salive qu'il essuya de la manche.
Se redressant sans savoir où se mettre, il détourna le regard vers la bête qui le fit de nouveau sourire naturellement.

"C'est un magnifique compagnon que vous avez là, ma Dame, j'espère cependant que vous... Enfin que tu ne seras pas mal vue si on te voit avec moi dans cet état... Ça t'arrive aussi de te faire mener par terre dans la rue ? C'est pas trop grave ?"

Il jeta un rapide coup d’œil à Evanna, puis aux deux gardes sans trop s'attarder sur leur crispation apparente.

"Si tu veux on peut aller dans un endroit moins exposé pour jouer avec lui ! Enfin, après avoir bu un coup... Puis j'ai quand même envie de discuter hein ! C'est juste que je me disais qu'on pourrait boire un coup en discutant dans le parc en jouant avec Lightning..."

Il marqua une pause, bien trop emballé par son idée pour s'attarder sur les détails. Ne voyant pas comment rectifier les choses, il préféra attendre de voir comment les choses évolueraient.

Et grand heureusement, Simon éclata de rire, jouant avec Lightning au sol, comme si de rien n’était. Comme s’il était un enfant, seul à l’abri des regards avec son meilleur ami à quatre pattes. La jeune femme en regretta presque le fait d’avoir récupéré son chien.

« C'est un magnifique compagnon que vous avez là, ma Dame, j'espère cependant que vous... Enfin que tu ne seras pas mal vue si on te voit avec moi dans cet état... Ça t'arrive aussi de te faire mener par terre dans la rue ? C'est pas trop grave ? »

Evanna éclata de rire. Elle ne put s’en empêcher, et le son clair et joyeux fit se retourner quelques têtes. Après tout, il était relativement rare de voir des nobles de leurs rangs rire à gorges déployées. Non ce n’était pas très convenable. Il fallait plutôt échapper de petits sons retenus, dévoilant un amusement contenu.

« Non. Non, il évite généralement de me balancer au sol en pleine rue. Je suis désolée. »

Elle s’apprêtait à lui dire de ne pas s’inquiéter de ce que pourrait penser les autres en la voyant en sa compagnie mais il enchaina. Aussitôt, un lumineux et grand sourire s’étala sur le visage de la pupille.

« Oh mais quelle merveilleuse idée ! Que dirais-tu de venir prendre le thé chez moi ? Nous aurions ainsi toute l’intimité nécessaire pour discuter, et s’ébattre avec Lightning dans les jardins du domaine ! En plus, j’ai recueilli une pleine portée de chiots orphelins il y a quelques jours. Voudrais-tu les voir ? »

L’enthousiasme s’entendait sans peine dans la voix de la jeune femme, et elle dut faire un effort visible pour se calmer et récupérer un peu de contenance. Ils étaient toujours dans la rue après tout. 
Ses gardes s’entre-regardèrent, et après un raclement de gorge, l’un d’eux sembla vouloir prendre la parole.

« Ma Dame, êtes-vous sûre… »

Evanna se retourna dans un arc de cercle de boucles noirs et fronça les sourcils. Sa voix se fit froide, autoritaire et hautaine. La voix que la société aurait voulu lui voir aborder à longueur de temps.



« Non seulement il ne me semble pas que me donner votre avis sur mes décisions fasse partie de votre description de poste, mais en plus, ce n’est pas la première fois que nous avons cette discussion. »

Le garde recula d’un pas, inclinant la tête, sans rien ajouter. Elle ne faisait pas la capricieuse, mais certains de ses gardes se prenait pour des baby-sitter et cherchait à la maintenir dans le rang, bien plus qu’à la protéger. Ce qui était pour la jeune femme, absolument hors de question. Si elle le tolérait de temps en temps, ils en prendraient l’habitude et feraient de sa vie un enfer.
Ils étaient la pour garder son corps en vie, et en sécurité. Pas pour s’assurer qu’elle ne faisait rien d’inconvenant.
Elle parcourut le reste de sa garde d’un regard froid, un sourcil arqué, les provocant de faire une remarque. Une fois assurée qu’ils avaient tous récupéré la place qui était la leur, elle reporta son attention sur Simon, son visage et ses yeux récupérant lentement douceur et chaleur.


« Qu’en penses-tu ? »

Difficile encore une fois de savoir où ce mettre dans cette scène qui le dépassait. Les chaperons n'avaient pas été chose courante chez les de Camina, les disputes non plus, sans parler de réprimandes de cette envergure avec ces responsabilités. Un peu intimidé, il capta malgré lui le regard des gardes qu'il chercha à fuir aussitôt, trouvant du réconfort dans les perles azurées du canidé qui, à son instar, attendait sans bouger.
Lorsque l'ouragan Evanna laissa derrière elle le silence suivant tout sinistre, ce fut le moment de se recentrer sur la situation avant qu'elle ne dégénère, rassemblant son courage pour ce faire.

"Hé bien... Je serais plus que ravi que de voir cette portée, c'est la première fois que j'en ai l'occasion à vrai dire... Serait-il plus simple si je restais près du clapier dans le jardin ? Je veux dire... Si je ne rentrais pas dans v-ta maison pour éviter d'inquiéter les gardes... Ça ne me dérange pas, tu sais, si on peut juste m'apporter de quoi m'hydrater, ça me va."

Il sourit chaleureusement à l'adresse des deux gardes ainsi qu'à la stupéfiante dame dont il était l'obligé.
Depuis déjà quelques années, son frère Sédric participait à de nombreuses escortes et les anecdotes croustillantes sur les caprices des civils et personnalités avaient trouvé en Simon un écho empathique. Après tout, malgré son manque de discipline, le futur sauveur d'Arcane ne rêvait que de paix et de justice, qu'il souhaitait communs à toute la population.

Simon sembla se reprendre pour pouvoir lui répondre après son coup d’éclat, et la jeune femme eut une moue malgré elle. Elle savait bien que ce genre de comportement devait passer pour un caprice, mais elle ne supportait pas que les gardes qui lui étaient attribués de force se sentent dans leur droit de commenter, juger et influer sur sa vie personnelle, alors que ce n’était en aucun cas leur travail. Surtout quand cela n’avait aucun attrait à sa sécurité.

Le sourire qu’elle adresse au blondinet à sa réponse si parfaite fut légèrement crispé. En voilà un qui ne manquait pas de miel à la bouche. Elle aurait probablement du prendre exemple sur lui, mais sa propension à arrondir les angles étaient présentement plus frustrante qu’autre chose.
La brunette secoua la tête et fit un geste de la main, comme pour repousser ses dires.


Oh ne t’embête pas avec cela. Leur inquiétude ne concernait pas ma sécurité sur ce coup là.


Elle jeta un regard au Garde concerné qui baissa les yeux et se mit en marche, accompagnée de Lighting contre sa jambe droite, et du cadet De Camina à sa gauche, vers la sortie du festival. Elle venait habituellement à cheval, mais après sa rencontre avec Lagertha, c’est une calèche qui les avait toutes deux ramener jusqu’ici.

Es-tu venu à pied ou à cheval ?

Hors de question que son rang plus qu’encombrant lui gâche une autre après midi qui s’annonçait pourtant merveilleuse.
Décidant même qu’elle allait en profiter sans plus de délai, elle glissa sa main sous le bras du jeune noble pour la poser sur son avant bras. Geste courtois, tout à fait adapté à l’étiquette et à son rang. Rien qu’un homme noble donnant le bras à une femme noble pour l’aider à marcher. Le fait qu’elle soit pupille princière et ne soit techniquement pas sensée donner le bras à n’importe quel noble n’était qu’un détail.
La preuve, aucun de ses gardes ne fit de réflexion ! Braves garçons.

Elle semblait ne pas avoir apprécié vraiment sa réaction. Normal. Elle avait bien conscience qu'elle pouvait profiter de son rang pour faire ce qu'elle voulait, ce n'était pas le cas des personnes de rang inférieur. S'il ne faisait pas au moins preuve de bonne conscience, il risquait de se retrouver un matin à regarder pour la dernière fois le bleu du ciel.

Il s'excuserait plus promptement lorsque le moment serait opportun, promis.

Tentant de ne pas trop sursauter ni regarder dans tous les sens en signe de panique, son corps se crispa le temps d'analyser sa situation sans pour autant avoir l'air trop étrange ; sa réponse fut donc davantage sur le ton de la surprise et de l'incompréhension que de l'assurance comme il en aurait eu envie. L'image de son corps séparé de sa tête le fit frissonner un instant, et sa propre voix lui permit de ne pas paniquer davantage.

"Ah ? Heu... A pieds, je vais justement revendre mon cheval prochainement, j'ai entendu dire que des gens seraient intéressés pendant le festival... Non pas que je ne l'aime pas, hein ! Mais c'est si loin des variquans dans l'entretien que j'ai peur de mal m'y prendre... Et je pense qu'il sera plus heureux avec les siens, dans un environnement adapté..."

La digression naturelle lui avait permis de revenir doucement à des préoccupations plus légères : il venait pour parler avec la jeune femme, voilà tout, et son rang social ne la rendait pas moins humaine que le peuple qu'il disait vouloir sauver. Prenant une douce inspiration, il enchaîna quasi instantanément.

"Vous semblez très familière avec les animaux, qu'importe l'espèce. Mes parents, malgré leur attachement aux terres cultivables, utilisent rarement des bêtes de l'ancien temps dénués d'aptitudes exceptionnelles. ... Ça sonne bizarre, non ? Je les aime bien pourtant... Je trouve ça fantastique de voir que des gens consacrent leur vie à protéger la leur."

Il fixa la pupille dans les siennes avec la chaleur d'un brasero, montrant qu'il visait spécifiquement son implication le domaine et brûlait d'envie d'apprendre tout de cet univers qui lui semblait actuellement flou. Quant à savoir où il fallait aller... Il se laissait guider en marchant d'un pas assez lent pour permettre à son escorte de prendre les virages en avance.

Eva n’eut aucun mal à sentir le bras auquel elle se tenait se crisper vivement quand elle amorça le mouvement, ainsi que le reste du corps de Simon. Manifestement, elle allait lui faire faire une crise cardiaque avant la fin de la journée si elle continuait comme cela.
Elle ne dit cependant rien, dissimulant son sourire amusé en observant les étals dans la rue du côté opposé à celui du cadet de Camina, lui laissant le temps de se reprendre.

Sa voix était encore un peu haut perché et pas très stable quand il lui répondit, mais cela s’améliora au fur et à mesure de ses paroles, au point qu’il était de nouveau très naturel lorsqu’il acheva de parler. Elle voulu réagir mais il enchaina et elle l’écouta avec un sourire qui s’élargit tout au long de son discours.
Elle hocha doucement la tête.

« Je les trouve moi aussi fantastiques. Mes parents ont un immense élevage de chevaux, les meilleurs de tout Arcane. C’est sûrement de là que me vient mon amour inconditionnel pour cet animal. »


Elle fit une courte pause, un sourire joyeux aux lèvres et le ton passionné. Puis elle continua plus doucement, accompagnant ses paroles d’un signe élégant de la main envers Lightning qui la suivait toujours, plaqué contre ses jambes, barrière vivante entre elle et la foule.

« Concernant le reste des animaux, ils ont longtemps été ma seule compagnie, alors je les recueillais avec beaucoup de plaisir. »

Elle s’arrêta à nouveau quelques instants, caressant la tête soyeuse du chien loup avant que les paroles précédentes de Simon ne lui reviennent en tête.

« Oh et ce serait vraiment dommage pour votre cheval ! De quelle race est-il ? J’ai moi même deux chevaux, peut-être pourrais-je vous le garder avec eux à l’écurie ? Vous apprendre à prendre soin de lui et vous pourriez le récupérer et lui rendre visite quand vous êtes dans le coin ? »

La brunette sourit de plus belle, enchantée par sa propre idée. Qu’il serait dommage de se séparer d’un tel animal ! Elle comprenait bien les avantages que pouvaient avoir les variquans par rapport aux chevaux, mais pour elle, ces grands reptiles ne pourraient jamais au grand jamais remplacé un équidé.

La passion de la jeune femme l'émerveillait autant qu'elle lui semblait étrangère. Il appréciait certes toutes les créatures vivantes mais il n'avait jamais été éduqué à voir les animaux avec autant de proximité. Marcheval était une bête de guerre du désert, trophée d'une bataille contre des bandits alors qu'il venait de libérer Minarîa ; il ne lui était jamais venu à l'esprit de faire du mal à la bête mais il n'arrivait pas à tisser de lien profond avec, comme si elle n'appartenait pas à son tableau héroïque.
Présenter ce genre de chose de cette façon tisserait vraiment une toile péjorative de sa situation et il fit une moue gênée en présentant les choses malgré tout. Il n'y pouvait rien, mentir n'était pas une option.

"J'ai parlé à un monsieur qui avait l'air intéressé tout à l'heure, un certain Ma... Thieux ? Olala, quel étourdi je fais, j'ai déjà oublié son nom... Il avait l'air au moins aussi passionné que vous et comme je n'y connais pas grand chose, j'ai déjà accepté de lui montrer Marcheval. C'est moi qui l'ai appelé comme ça quand je l'ai récupéré il y a quelques semaines : mon escorte et moi nous étions fait attaquer par des bandits en sortant du temple avec ma divine et sublime Minarîa. On a incapacité les hommes et récupéré les montures qui semblaient maltraitées et mal-nourries, du coup je n'ai gardé que Marcheval à la fin mais je me rends bien compte que je ne suis pas à la hauteur... L'enclos est déjà pris par des variquans et il est difficile de le libérer en même temps à cause de leur caractère territorial. Je pense aussi qu'il doit se sentir seul et ce brave Mathieux m'a promis qu'il avait un grand élevage au nord-ouest de la ville pour une famille éminente. Comme j'ai déjà amorcé les choses, j'aimerais quand même aller au bout de la négociation mais s'il ne me convient pas, je te promets de revenir te le confier."

Il tenta de sourire le plus gentiment possible malgré la petite honte qu'il ressentait. Avec cet animal, c'était clair qu'il ne gérait rien du tout. Au moins il faisait ce qu'il pensait être le mieux pour lui... Même s'il se rendait compte qu'il était encore bien ignorant sur bon nombre de sujets.

Sa proposition sembla gêner le jeune homme, mais pas pour les raisons auxquelles elle aurait pu s’attendre. Simon décida de lui répondre et de s’expliquer en même temps.
Et au fur et à mesure qu’il lui parlait, un sourire amusé se frayait un chemin sur ses lèvres. Elle l’écouta jusqu’au bout, et malgré le fait que le sujet de conversation actuel soit son cheval, elle n’en loupa pas moins l’information sur Minaria, qu’elle estima de suite être une invocation. 
Certes, nombre d’hommes qualifiaient leurs femmes de sublime, et certains d’entre eux pouvaient même les qualifier de divines afin d’atteindre un but détourné, mais la façon dont Simon s’exprima la poussa à pencher pour l’option de l’invocation. Mettez ça sur le compte de l’instinct !

Elle rangea l’information dans un coin de sa tête, bien décidée à le questionner sur son sujet favoris à l’occasion, au moins une fois dans cette journée. Peut être même aurait-elle l’opportunité de rencontrer la fameuse Minaria ? Ce possibilité accéléra un instant son rythme cardiaque, enflammant ses pensées au point qu’elle ne se rendit même pas compte que Simon avait finis son explication, et semblait attendre presque anxieusement sa réaction à ses mots.

La pupille se secoua doucement, ramenant son esprits vers la conversation actuelle et les équidés. Un doux sourire étira ses lèvres alors que l’une de ses mains serra doucement le bras du blondinet pour le rassurer.

« Oh croyez moi, si c’est Mathieux qui s’en occupe, tout ira très bien. »

Elle eut un sourire mutin, un léger rire et enchaina.

« La famille éminente pour laquelle il travaille est la mienne. Mère m’a très souvent parlé de lui dans ses lettres. Il travaille très bien et est apparement très doué avec les chevaux. Même père me l’a mentionné une ou deux fois en bons termes. Un exploit pour lui ! »

Sa voix s’éteignit doucement, et son regard se perdit dans le vague. Cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas mentionné ses parents à quelqu’un d’autre qu’Olivia ou Gabriel. Que c’était étrange… A l’entendre, on aurait presque pu croire qu’elle les connaissait, alors qu’elle ne les avait pas revus depuis ses 4 ans, et ne les reverraient jamais…

Heureusement pour elle, ils arrivèrent enfin aux abords du centre ville, où l’attendait une calèche et d’autres gardes dorés pour la ramener au domaine.
Elle secoua la tête, ses boucles brunes, presque noires retombant autour d’elle comme les plumes d’un oiseau se réarrangent. Ce n’était ni le moment, ni l’endroit pour se laisser aller à de telles pensées et réflexions.
Au lieu de quoi, elle s’adressa à nouveau au cadet de Camina, une fois celui-ci installé près d’elle dans la calèche se dirigeant vers le domaine Héliréah.

« Vous allez voir, cette portée de chiot est adorable ! Il y en a 6 ! Ils sont encore jeunes, certes, mais ils promettent une santé de fer, et une loyauté sans faille. »

HRP: