Voilà maintenant peut-être des semaines, que je cherchais un homme en particulier. Mon avantage était une certaine patience que la vie avait su m'inculquer, mais je devais bien avouer que cela ne m'enchantais guère de ne pas être arrivé à mes fins pour l'instant. Si cela pouvait apparaître étrange de ma part de vouloir contacter un humain de sexe masculin, je le faisais seulement pour une une bonne raison. La fin justifie les moyens dirait-on, même si pour cela les moyens revenaient à devoir parlementer avec un homme et bien je le ferais. Et puis, il fallait bien avouer que mes projets trônaient sur une liste presque interminables de fait chaque occasion était bonne.

J'avais beau avoir une bon nombre de connaissance et de relation plus profitables les uns que les autres, jusqu'à maintenant je n'avais toujours pas mis la main sur ce Alden. Oh bien sûr, sa réputation ne lui faisait pas défaut et il m'aurait été étonnant de parvenir à le trouver. Peut-être même que je faisais une erreur à ainsi le chercher, lui qui semblait faire ses propres choix sans répondre aux invitations. C'était un décideur, quelqu'un qui tenait son affaire et qui ne saurait être influencer. Pourtant, j'espérais bien trouver un terrain d'entente avec ce dernier.

L'acte de ce jour prenait place à notre demeure, suffisamment grande pour m'y sentir parfaitement seule, même si là n'était pas forcément un avantage que je lui vouais, mais peu importe. Le soir était tombé depuis deux ou trois heures maintenant et me voilà à compter le temps qui passe, sans parvenir à ne serait qu'envisager de me coucher. Cela m'arrivait parfois, ainsi aux abords d'une fenêtre à ne pas faire grand chose d'autre que réfléchir à tout un tas de sujet sans pouvoir m'arrêter réellement sur un seul. Il était surtout encore un peu trop tôt pour entamer une nuit de sommeil mais toute solitude que j'arpentais ainsi dans ma chambre, il y en aurait sans doute une fin, quand j'aurais trouver de quoi m'endormir.

Pour l'heure, c'était loin d'être le cas et j'avais même fini par ouvrir la porte fenêtre donnant sur le balcon, pour m'y glisser jusqu'au garde corps en pierre blanche, grisée par la nuit. Là je prenais une grande bouffée d'air. Que la nuit était agréable en été. Je restais ainsi à contempler les grands jardins qui me faisaient face, au milieu desquels j'aurais aimé me trouver, mais si je m'aventurais dans les couloirs à cette heure, il y avait fort à parier que j'y serais importuné. Alors je me contentais de cet espace dans lequel je me trouvais.

Profitant encore quelques instants de la brise aux éclats nocturnes, j'envisageais de m'en retourner à ma chambre pour essayer d'y trouver le sommeil. Chose ardu pour quiconque s'aventurait dans les méandres de mon esprit qui tournait, pour ainsi dire, toujours à plein régime. Avec les années, j'avais su m'y faire, au moins un peu, mais ça n'était tout de même pas devenu aussi aisé que je l'aurais souhaité.

Malgré mon intention, c'est finalement un bruit, ou plusieurs, qui m'interpelèrent suffisamment pour me forcer à me retourner. A peine inquiète au départ, m'attendant à faire face à un dulcius égaré, c'est finalement la présence d'un homme -si j'en croyais la carrure- qui me cueillit. Loin d'être totalement apeurée, je n'étais pourtant pas rassurée à la rencontre d'un homme en tenue sombre, encapuchonné atterrissant sur mon balcon à la nuit tombée. Je n'avais donc pas bougé de ma position, mais préférais le prévenir sur un ton sérieux.

« Vous savez qu'il me suffit de crier pour que dans la minute vous perdiez la vie. »

Instinctivement, ma main s'était rapproché de ma cuisse, celle sur laquelle était accrochée ma dague. Bien sur, il me faudrait relever ma robe dans le cas où j'aurais à l'utiliser, mais l'instinct était là, je pourrais donc sans doute compter sur lui. Je ne quittais pas l'homme du regard et enchainais :

« Qui êtes-vous et que faites-vous ici ? »

L'homme semblait se faire vouloir rassurant et apaiser mes craintes, concernant ses agissements et intentions. Je n'étais cependant pas femme à me laisser leurrer par des mots tout en douceur. Je ne feignais alors qu'à peine la détente, mais appuyait bien plus en revanche l'air interrogatif sur mon visage. D'autant plus lorsqu'il essayait de me faire deviner son identité par des paroles énigmatiques.

Mon visage se fronçait face à la nervosité que cela me provoquait. En d'autres circonstances, c'était un jeu auquel j'aurais pu me laisser prendre. Mais à cette heure tardive et après cette curieuse apparition sur mon balcon, j'étais sur le qui-vive. Néanmoins, un mot parmi les autres attira mon attention en me faisant baisser les yeux, durant une seconde de réflexion. Le Sifflet. Mes nombreuses recherches récentes m'avait fait dire que l'homme que je cherchais l'avait pour signature et au vu de son entrée peu conventionnelle, cela pourrait s'accorder. Mais pas interprétation hâtive.

« La bienséance voudrait que face à une femme dont on connait l'identité, l'homme inconnu se devrait de lui offrir l'égalité. Mais si mon instinct guidé par votre devinette est sur la bonne voie... »

Je me détendais quelque peu, mais ne le jaugeait toujours pas avec sympathie.

« Vous seriez le bienvenu. Néanmoins, vous devrez me le confirmer. Je ne peux moi-même pas m'avancer sans prendre de risque. Alors, que direz-vous de vous présenter ? »

Il n'y avait rien de plus vrai en cet instant. Si il ne s'agissait pas de l'homme que je croyait, en énoncer la seule hypothèse pourrait m'être extrêmement défavorable et me nuire, pour peu que des oreilles trainent ce soir où que cette personne soit là pour me soutirer des informations concernant mes propres intentions.

Je pense pouvoir me gratifier de n'être une femme de peu d'esprit, même si là encore, il y a de l'esprit là où on veut bien le voir. Ainsi, oui, je pouvais bien avouer que cette tactique qu'il m'était facile de privilégier en de pareil cas n'était rien d'autre que ce qu'elle était. Un moyen détourner d'obtenir ce que je souhaitais sans avoir à m'y aventurer la première. En soit, je n'estimait pas demander la lune quand je demandais l'identité d'un intrus en ma demeure, mais il n'avait pas tord. Tout intrus qu'il était, ce n'était sans doute pas pour délivrer avec facilité son identité. Mon regard le perçait un peu plus, autant qu'il le pouvait face à cette capuche camouflant en grande partit son visage qui, même s'il ne l'avait pas été, m'aurait sans très probablement été inconnu quoi qu'il en soit. Sa voix m'était complètement étrangère et j'avais une certaine mémoire des noms ou des visages, mais il en était de même pour les cordes vocales. Je m'assagissais alors, ne le coupant pas dans ses paroles, mais acquiesçant d'un bref hochement de tête avant de commencer doucement à me redresser et trouver un allure plus prompt à la discussion.

D'un point de vue extérieur, je devais sans doute paraître pour une folle. Après tout j'étais une jeune et fragile noble, même pas héritière, qui n'alertait pas immédiatement ses gardes alors qu'un inconnu encapuchonné venait à la porte de sa propre chambre, au beau milieu de la nuit. Mais bon instinct me disait de ne pas agir sans considération, ni avec précipitation. Il serait toujours temps de changer d'arme si la tournure changeait, mais pour le moment, je ne me sentais pas en danger outre mesure. Et là suite m'apporta confirmation. Il était l'homme que je cherchais, selon ses propres mots et la seule rencontre que je convoitais à cette heure sans l'avoir obtenue jusqu'ici, c'était le Maître Voleur Alden. Est-ce que c'était bien lui ? Je me disais que oui, mais cachais bien facilement la satisfaction d'une telle avancée. Comme il le soulignait, il pouvait tout aussi bien être son envoyé.

Il me fit glisser un objet rond que j'observais d'abord d'un oeil dubitatif, quelques secondes après qu'il soit à portée, avant de m'accroupir pour le ramasser. Il s'agissait de l'effigie d'un sifflet, marque d'Alden selon les légendes urbaines. Le détaillant alors que je le faisais tourner entre mes doigts fins, mon regard lui était dédié quelques instants, avant de revenir sur celui qui me l'avait envoyé. Je arquais un sourcil, suivit d'un léger sourire en coin.

« Je puis vous assurer que le mien également. »

Laissant planer quelques secondes cette phrase durant un silence assez court, il m'était important de ne pas me placer moins haut que mon interlocuteur, peu importe qui il était, après tout, c'était lui l'intrus avant tout.

« Si vous êtes ici, c'est pour répondre à une question, ou deux. Quelle est votre vision du monde, monsieur au nom incertain ? Celui dans lequel nous vivons actuellement, celui qui régit notre manière de vivre, de vivre avec les autres ? Sans parler des monstres dangereux qui se trouvent à l'extérieur, mais plutôt, ceux de l'intérieur... »

Je n'allais pas dans le vif du sujet, après tout même avec des suppositions, je n'avais aucune certitude et comme tout à l'heure, je me devais de garder aussi longtemps que possible mes aspirations. La prudence était de mise, il me fallait m'assurer qu'il y avait au moins matière à débattre pour amener les restes du propos. Le petit sifflet en pierre continuait à se mouvoir du bout de mes doigts marionnettistes alors que mon regard perçait l'ombre de l'homme me faisant face.

Durant une ou deux secondes, la surprise me prit. Décontenancée, le silence prit à son tour place entre mes lèvres, alors que mes yeux s'écarquillaient. Le pragmatisme de la réponse d'Alden, qui me confirma cette identité pouvant tout à la fois n'être pas encore véridique, m'avait déstabilisé. Si je m'étais attendu à cela.. Suite à ce court instant, un petit rire vint s'échapper de ma gorge, le contenant avec facilité sans pour autant l'empêcher de s'exprimer. Pour seule parade efficace, ma main se déposa sur mes lèvres alors que mes traits s'étaient contorsionnés sous  la gêne occasionnée. Une réponse amusante, je devais bien l'avouer, qu'elle soit sincère ou non d'ailleurs. Ce que cela me soufflait en revanche, c'était que de cet homme je pouvais tirer certainement plus que le simple marché auquel j'aspirais. Reprenant alors contenance, me redressant pour lui faire mieux face tout en conservant une certaine malice sur les lèvres, je lui répondais de ma voix devenu fluette.

« Permettez-vous, cher invité. »

Je laissais cependant un nouveau silence s'installer, tout aussi court, là aussi et surtout pour retrouver mon sérieux quelque peu oublié, même s'il ne revenait pas complètement.

« Mon goût pour l'égalité n'est rien comparé à celui que j'ai pour l'équité. Vous devez bien vous douter que ce n'est pas avec de l'égalité que le monde s'en trouve équilibré, il ne l'est tout simplement pas aujourd'hui. Ma question n'a cependant été posé que pour m'assurer que nos visions sont susceptible de pouvoir s'accorder. Je dois bien avouer que je n'ai pas encore tout à fait la réponse. »

Une moue quelque peu déçue vint orner mes traits subtilement travaillés. J'inspirais alors amplement et silencieusement, liant mes mains sous ma poitrine avant que mes yeux ne se tourne vers ce ciel sombre et dégagé.

« Mais allons droit au but. J'avais dans l'idée de mettre à profit vos compétences pour aider ce monde à s'équilibrer. A prendre là où il y a trop pour le déposer là où il n'y a pas assez. »

Mes mains glissèrent jusqu'à mes avant bras, donnant à mon allure une once de détente, quand mon regard revint sur son visage dissimulé.

« Évidemment, je ne vous propose pas simplement une idée, mais mon soutien dans cette entreprise, si celle-ci est susceptible de vous intéresser. »

J'ornais la conclusion de ma phrase d'un léger sourire se faisant politiquement convenable, mais derrière celui-ci une once de malice se dissimulait évidemment. Participer à un tel rééquilibrage me mettrait assurément en joie, encore faudrait-il que le rôle principal soit tenu par ce talentueux Maitre Voleur dont j'avais tant entendu parlé.

Les bras croisés avec souplesse et légèrement, j'avais maintenant opté pour ne plus décrocher mon regard de la silhouette sombre de son visage. Néanmoins, ses mots finirent par guider les commissures de mes lèvres en sens inverse, jusqu'à même froncer légèrement mes sourcils. Je n'avais ni perdu entrain ni malice, mais je devais bien avouer que ses paroles n'avaient rien d'engageant. Pourtant je le laissais approcher sans retenue, intensifiant quelque peu le sérieux de mon regard à chacune de ses approches.

A vrai dire ainsi, la lueur nocturne me permettaient de distinguer un peu plus que ce que j'avais pu voir jusqu'à maintenant, pour ainsi dire quasiment rien. Là, avec cette nouvelle proximité, les traits de sa silhouette étaient plus clairs, bien que toujours insuffisamment. Enfin, à vrai dire, ce n'est pas comme si cela était important pour moi, mais la curiosité faisait son travail dans mon esprit. Cependant, reprenant l'intérêt à notre conversation, j'inclinais quelque peu mon visage en offrant un nouveau sourire, plus mesuré que les précédents.

« Je comprends. »

Mais je ne le voulais pas. Non, je n'avais pas imaginé les choses ainsi et j'allais lui en faire part. Je me décrochais de sa présence et de ma position, d'une allure leste et lent, décrivant autour de lui un cercle quasi parfait. Mes yeux allaient au sol de pierres blanches, grisées par la nuit, précédent chacun de mes pas.

« Mais vous n'êtes pas sans savoir que ma famille a les moyens suffisants pour se payer un certains nombre d'outil et si c'était là tout ce dont j'avais besoin, je ne suis pas sûre que vous seriez ici. Vous êtes sans doute le meilleur choix qui se présente à moi et les risques seront certainement amoindris en ayant recours à vos services. Cependant.... »

Ayant presque terminé mon tour, mon regard le retrouvait et ma voix se faisait légèrement plus intense.

« Je ne suis pas en quête d'un simple outil se contentant d'accomplir mes ambitions aveuglément. Ce n'est pas ce que je veux non. »

Mes yeux ne le quittèrent pas jusqu'à ce que je lui fis complètement face, à nouveau, les bras toujours croisés et étonnement, le visage détendu.

« Il n'y a pas meilleur accomplissement que quand son auteur est convaincu du bien-fondé de son action. J'ai pour ambition personnelle en cette instant, du vous faire adhérer à la cause dont je vous parle, pour la simple et bonne raison qu'ainsi, je m'assurerais que vous vous exécuterez non pas pour moi, mais pour elle. »

L'imitant, je fis un pas en avant.

« C'est à mon sens, ainsi, avec les meilleurs cartes et les acteurs les plus investis qu'on change le monde. Déplacer des pions ne m'intéresse pas si ceux là ne sont que des soldats bien élevés. Je veux m'entourer de farouche guerriers et j'espérais m'adresser à l'un d'eux. »

Quelle différence entre un soldat et un guerrier ? Il y en a beaucoup, mais il n'est pas l'heure de les énumérer maintenant, d'autant que cela puis bien dépendre de la vision de chacun les concernant et de la définition qu'on leur donne. Cependant, l'un de mes sourcils se souleva, tout comme mon menton à l'évocation de la légitimité, ou non, de mon ambition. Je ne crois pas qu'il avait été question, jusqu'ici, de s'en inquiéter mais, simplement, de l'accorder aux règles dont il me parlait.  Je ne lui demandais pas non plus de me prédire si elle était juste, simplement d'y adhérer si ça lui était possible, mais pour l'heure, ce devait peut-être être quelque peu précipité.

Je ne cacherais évidemment pas, si on me le demande, que mes ambitions me semblaient bonnes. Et a la différence d'un tyran qui y croient faussement, je suis parfaitement lucide sur les moyens que je suis prête à prendre pour réussir qui, eux, pourraient sans doute être moins bien perçus. Mais là n'était pas la question non plus. J'inspirais et soupirais mélodieusement, arborant une mine malicieusement insatisfaite après sa nouvelle insistance à propos de ces fameuses règles.

« Vous avez raison, nous n'allons pas débattre du bien-fondé de la cause à laquelle je veux me vouer et à vrai dire, vous n'êtes évidemment pas obligé d'y adhérer. Si je dois vous considérer comme un simple outil, je le ferais, même si ce serait, à mes yeux, bien dommage. »

Je sentais qu'il vaudrait mieux pour moi et cette association que je n'insiste pas à ce propos. En venant me voir ainsi à l'improviste, chez moi, durant la nuit et encapuchonné, il s'était donné la maîtrise de cette entrevue et entendait certainement la conserver. J'allais, pour ma part, lui faire entendre que c'était toujours le cas. Un timide sourire venait étirer mes lèvres, ainsi que des yeux à l'air résignés se baissant, tandis que mes épaules se soulevaient avant un second soupire plus discret.

« Mais vous n'êtes pas ici pour cela. »

Lui assurant ainsi que j'avais compris que ce n'était pas là la raison de sa venue, j'avouerais bien volontiers m'être peut-être légèrement emporté à l'évocation de mes ambitions. Voilà longtemps que je l'avais cherché et avait fondé beaucoup d'espoir en lui, l'avoir enfin devant moi ce soir avait quelque chose d'excitant, mais je ne devais sans doute pas me laisser emporter par mes passions du moment. Je détournais alors les yeux jusqu'à la balustrade, avant de la rejoindre pour m'y installer, prenant alors place un peu plus près de lui. Je décroisais mes bras et le bas de mon dos venait s'y déposer tandis que mes mains venaient se joindre sur mes cuisses. Faisant mine d'épousseter ma robe pour détourner mon regard de l'homme, je poursuivais.

« Alors dites moi, m'est-il possible d'avoir connaissance de vos fameuses règles avant d'avouer mes dangereuses ambitions ? »

Relevant le visage, je lui accordais un nouveau sourire, teinté de malice.

Je devais bien admettre, qu'outre les quelques pics que j'avais eu l'impression de recevoir, converser avec cet homme avait de quoi me plaire. Il oscillait entre sérieux, mystère et exprimait parfois, avec beaucoup de ferveur comme maintenant, une sincérité qui étira encore davantage mon sourire en réponse à ses éclats de rire. Quoique légèrement pincée, ma mine enjouée aurait sans doute apprécié ne pas transparaître autant, mais pour cette fois-ci, je n'avais su la retenir. Je la laissais m'échapper lentement évidemment, à mesure que la conversation devienne plus sérieuse. Déposant un peu plus mon corps sur la balustrade, mes mains se joignaient entre elle sur mes cuisses.

Par la suite et ce, malgré l'intérêt que j'avais pour sa réponse, je ne pu à nouveau m'empêcher de sourire. Elle me plaisait cette réponse, car elle se liait merveilleusement avec mes ambitions. Je ne cherchais après tout la mort de personne, ni même la souffrance physique. Dans le premier cas, le message ne passerait pas et dans le deuxième, il passerait mal. Venait alors mon tour de lui apporter quelques éclaircissements, pourtant, j'y tardais quelques instants. De l'ordre d'une seconde, mais je les prenait allègrement et levait les yeux vers le ciel sombre et pourtant si clair par la multitude de petites lumières qui s'y trouvaient. Ma voix prit alors un ton doux et clair.

« Le monde. Ses chances, ses possibilités, ses... richesses. J'aimerais œuvrer pour un monde dans lequel les plus démunis auraient enfin la chance de comprendre ce que c'est de pouvoir et où les plus aisés apprennent enfin ce que c'est de perdre ou de ne pas avoir. »

Plutôt anecdotique j'en conviens, alors je baissais mon regard pour trouver le sien, camouflé sous cette ombre qu'il revêtait et qu'il était par ailleurs, d'une certaine manière. Mon air se faisait alors à l'image de ma voix, doux et éloquent.

« Comme je vous le disais plutôt, il s'agirait de prendre là où il y a trop et de donner là où il n'y a pas assez. Tout le monde aurait à y gagner, même celui à qui on aurait prit, quoi qu'il mettrait sans doute du temps à le comprendre. »

Mon regard brillait d'un éclat particulier, celui de la volonté et de la détermination que cette entreprise m'inspirait.

« Bien sûr, il est indispensable que celui à qui l'on donne ne soit jamais mis en cause, au risque de perdre bien trop. Il faut du professionnalisme, de l'efficacité, de la discrétion, de la stratégie. C'est là que le choix s'est inévitablement posé sur vous. »

Un court sourire vint alors orner mes lèvres avant de s'échapper.

« Qu'en dites vous ? »

Sans m'en rendre totalement compte, j'avais entreprit une observation plus tenue de l'homme qui me faisait face ce soir. A présent, plus qu'une question politique et entrepreneuse, ses réactions m'importaient maintenant de manière plus personnelle, comme si à présent, il était question de ma fierté quant à le faire accéder à ma requête. D'apparence je demeurais détendue, mais en mon esprit, mon attention tout comme mon regard était à présent vissé sans mesure sur cet homme à l'allure sombre et tout aussi intrigante. Et son sourire, à peine dissimulé, ne m'avait pas échappé, étirant le mien en miroir quasi parfait, d'autant plus lorsqu'il m'affirmait céder, si je puis appeler cela ainsi.

A nouveau, mon silence le suit alors qu'à son tour, une fois encore, le manège de sa présence se délaye, danse lentement près de moi, attirant mon regard bien plus encore. J'avais l'étrange impression de m'entendre avec lui, bien plus que part une question d'alliance quasi politique. Comme si nos manières étaient similaires, sans aller jusqu'à penser que nos esprits s'accordaient totalement, comme il avait su me le faire comprendre clairement. Ou alors, nous étions simplement de la même trempe et cela me suffisait amplement. Mais pour cette fois, je demeurais à ma place, face à l'accord tacite qu'il m'offrait. Sans décrocher mon regard, un large sourire quasi malicieux, je lui répondais sur un ton enjoué.

« Je ne doute pas que vous saurez accomplir cette demande avec le plus grand des professionnalisme. »

J'appuyais mon regard et mon sourire d'un silence ancré, loin d'être pesant pour ensuite réfléchir à ses mots, croisant les bras sous ma poitrine et menant mon index replié sur ma lèvres inférieurs, baissant enfin les yeux en signe de réflexion, appuyer d'un petit froncement de sourcil.

« Dans ce cas, il s'agirait de maquiller ce don en un gain, une récompenses, méritante dans la meilleure des conjonctures. Sans pour autant que cela soit d'un montant extraordinaire en une seule fois, au risque d'éveiller en plus de cela la jalousie d'autres. »

Mon froncement de sourcils s'appuyait légèrement en une mine désolée lorsque mon regard revint à lui, en laissant retomber mon bras lever sur le second enveloppant mon corps.

« Dans la situation actuelle, je crains ne pas pouvoir prêter ma voix à pareille communication, sans risquer de perdre en crédibilité, trop rapidement, auprès des plus aisés. Pourtant... »

Mes yeux pointaient sur le côté surélevé de ma tête à présent penchée.

« Je connais quelqu'un qui pourrait s'y aventurer, qui le devrait même, pour gagner la sympathie du peuple. Mais cela, pour le moment, n'a rien de concret, je préfère que l'on en espère rien. Quoi qu'il en soit, si vous pensez que je peux aider à mettre en place une telle entreprise, n'hésitez pas à me solliciter. »

Ma tête restait penchée en se tournant vers lui et lui accordant mon regard noisette, marqué d'un sourire doux. Là était une position bien décontractée, sans doute même un peu trop pour la femme que je me devais d'être, mais pour cette fois-ci, je m'en moquais.

Son sourire vint étirer le mien, d'un commun accord, s'agissant du lien que ne saurait nous donner tord. Pourtant, la seconde qui suivit ternie rapidement la mine réjouie. De fait, pas d'une tristesse notable, davantage d'une réflexion palpable. Les mots du sombre sifflets avaient une forte tendance à me guider dans l'errance de mes pensées et je lui en étais gré d'ainsi parvenir à prendre la prudence comme bonne amie. Ainsi, il était de mon devoir, si mon désir était réellement d'impliqué la personne citée, de prendre en considération ses conseils avisés, que je prenais pour acquis tant je n'avais de doute sur leur véracité.

Revenant ensuite à des sujets plus légers, celui de des fonds et du temps tout désignés, je relevais les yeux, ces derniers s'arrêtant sur l'homme toujours encapuchonné. Le corps toujours fermé de mes bras croisés, j’acquiesçais cependant volontiers à cette vérité qui ne saurait être dénigrée. Il était évident à qui savait observer la teneur de ses ambitions, que plus hautes elles étaient, plus d'efforts elles méritaient. Fussent-il de temps, d'investissement ou d'argent. Un simple hochement de tête vint alors mener la conclusion d'une telle évidence, qui ne saurait attirer des palabres à outrance.

Venant donc au fait, qui était de marquer de nos voix entremêlées la teneur d'une alliance bien ficelée, je me faisais lentement plus grande et plus solennel, tenant mes ailes invisibles déployées.

« Cela me convient, qui que vous soyez. »

Un fin sourire amusé, ponctué d'un court hochement de tête vint marquer cette décision que je ne saurais retourner. Cependant, si les modalités me convenaient en presque tout point, il y en avait un autre que je ne saurais laisser de côté.

« Par quel moyen pourront nous communiquer ? »

J'observais avec un grand intérêt chacun des gestes de l'homme aux sombres allures. La délicatesse avec laquelle il interagissait avec le sifflet avait quelque chose d'hypnotisant, tout comme la patience dont il faisait preuve à son égard. Mon regard s'était réchauffé et brillait d'une lueur certaine, un fin sourire de satisfaction étirant mes lèvres. Cela pouvait paraître anecdotique, voir insignifiant pour qui ne savait voir au travers de tels comportements, la valeur de l'humain qui les animait. Pour une personne comme moi qui affectionnait tout particulièrement les animaux, le voir interagir de la sorte avec l'un d'entre eux avait de quoi me ravir et était un bon indice, selon moi, de ses qualités.

Cela allait au delà de notre entente professionnelle et qu'il soit doux ou non avec les animaux n'avait sans doute pas d'incidence sur ses compétence. Cependant, cela avait de l'importance pour moi, comme cela pouvait en avoir concernant le peu d'amis dont je m'entourais. Finalement, c'était bien de cela dont il s'agissait, de m'entourer de certaines personnes et non d'autres. J'aurais très bien pu, à cet effet, décliner et refuser une association si la personne en face de moi ne m'avait pas plus sur un plan humain. Beaucoup pourrait me le reprocher, mais j'avais la prétention de croire que c'était grâce à cela qu'aujourd'hui j'étais vu comme une douée en affaire. Ça et d'autres atouts peut-être. Quoi qu'il en soit, pour ce soir, cet homme avait répondu à bien des attentes et outre cet état de fait, la manière de communiqué qu'il m'avait décrite avait eu de quoi éveiller mon intérêt. Me redressant et portant mon visage vers lui, arborant un sourire plutôt franc, je hochais la tête.

« Parfait. Le verger familial sera mis à bonne contribution. A l'inverse, je pense que vous n'avez pas besoin que je vous donne la meilleure marche à suivre pour me contacter. »

Un sourire en coin vain marquer la malice qui teintait ces mots. Il ne faisait aucun doute qu'il se donnerait les moyens de contacter de la plus discrète des manières, si le besoin s'en faisais ressentir. Je fis alors un pas vers lui et m'inclinais respectueusement.

« Je vous remercie d'avoir bien voulu vous entretenir avec moi. Je vous tiendrais au courant de l'avancée de mes projets le plus rapidement possible. Je ne voudrais pas vous accaparer plus que nécessaire. Il me semble que nous avons fait le tour de l'indispensable, à moins que vous ayant d'autres informations à me fournir ? »

Un léger rire s'élève alors qu'il me conseil de ne pas ouvrir à de parfait inconnus encapuchonné. Retenant mon éclat en déposant mes doigts sur mes lèvres, je ne peux m'empêcher d'y voir un trait d'humour quant à la situation actuelle. Je me sentais ainsi comme une jeune fille à qui on avait tapé sur les doigts pour avoir ouvert à son soupirant durant la nuit. Il n'y avait évidemment pas grand chose de semblable, mais il y avait eu au moins de quoi me faire sourire. Cependant, son conseil menait à un autre bien plus important : toujours demander le sceau qu'il m'avait cédé. A ces mots, j'observais rapidement ce dernier entre mes doigts avant de revenir à l'homme aux sifflements. Hochant la tête avec un air sérieux récupéré rapidement, je répondais d'un même ton.

« Je n'y manquerais pas. »

Je serrais le sceau dans ma paume avant de suivre du regard le ténébreux soupirant qui s'avançaient vers la rambarde. Il m'assurait avoir hâte de travailler avec moi, ce qui était tout à fait réciproque. Un léger sourire vint alors étirer mes lèvres avant que je ne laisse échapper dans un murmure à peine audible, une réponse délicate.

« Moi de même. »

Une pointe de malice vint se glisser sous mon sourire, en le laissant ainsi se dérober à ma vision, m'avançant quelque peu vers la rambarde pour apprécier toute la conclusion de cette entrevue, l'ombre de la nuit finissant par faire complètement disparaître sa silhouette. Je ressentais alors comme une douce chaleur emplir mon esprit, satisfaite de notre première échange et des prémices de notre alliance. Rien n'était joué, aucun pion n'avait été significativement avancé, mais j'avais bonne espoir que cette partie soit exaltante et aussi intéressante que l'instant que nous venions d'échanger.

A cette pensée, je revenais vers la baie vitrée de ma chambre, lâchant un dernier regard vers l'horizon avant de moi-même m'évanouir dans cette nuit qui n'allait pas être de tout repos, tant mon intérêt avait été piqué au vif. Voilà que je me sentais comme une petite puce sur le dos d'un Calis. Allons donc, que la partie commence.