Faible, Inapte, Incapable, Impotent. Tu es sûr de toi ? Tu doutes. Tu sais que tu mens, ils savent que tu mens. Ils savent que tu as peur. Tu te trompes, c'est faux et tu le sais. Il entend ce que tu penses. Ils te voient, ils se moquent de toi. Ils rient de toi. Ils mentent ? Il sait, il voit clair dans ton jeu. Tu n'es pas à la hauteur. Tu n'as jamais été à la hauteur. Tu sais qu'ils savent.

Les voix fantomatiques gagnent en intensité, elles s'emparent de l'esprit du malheureux qui, malgré l'instinct qui lui hurle de quitter cette pièce, se voit contraint de garder sa paume prostrée sur la stèle mystique qui trône au milieu de la salle d’épreuve. Ses jambes ont à peine assez de force pour le maintenir debout et les battements de son cœur se font de plus en plus espacés et de plus en plus faibles. La terreur qui l'assaille est si implacable, si totale, qu'il en devient incapable de penser. La bouche ouverte, l'aventurier hagard tente de s'exprimer mais aucun son ne parvient à s'échapper de sa gorge nouée.

Face à lui, l'être de cauchemar siégeant au cœur de son domaine l'observe de ses huit yeux incandescents. Camouflée dans l'ombre, la bête légendaire serre l'une de ses pattes griffues sur sa propre stèle et, extrayant lentement l'un de ses visages monstrueux des ténèbres, tout en douceur, jusqu'à se retrouver à quelques centimètres seulement du visage du pauvre homme paralysé. Dévoilant un sourire ignoble, la créature siffle entre ses crocs, laissant échapper de sa gueule énorme un fumet mêlant parfum de roche calcinée et remugles de chair brûlée. D'une voix d'outre-tombe aux tons changeants et irréels, la chose prend la parole.

"As-tu réellement tout tenté pour la sauver ? Est-ce là ta plus intime conviction ?"

Les yeux écarquillés, cherchant son air, l'aventurier sent tous ses muscles se crisper et sa main se resserrer instinctivement sur la stèle. Sa tête se tourne en tous sens, il lève les yeux au ciel, au bord du malaise, tandis qu'un mince filet de salive s'échappe de ses lèvres sans qu'il n'en ait conscience. Regarder le monstre en face lui semble désormais insoutenable. Entre deux halètements et, malgré que son corps soit raidi par l'effroi, le pauvre ère parvient à prononcer un mot.

"Ou...Oui."

Soudain, une force divine le poussa à faire de nouveau face au monstre. Comme possédé, il perd pied et ressent soudain un sommeil surnaturel. Hors de contrôle, ses yeux baignés de larmes se figent, son corps ne lui appartient plus. La bête se tient devant lui, moqueuse. Elle a découvert la faille. Il est trop tard pour revenir en arrière.

"Tricheur. Tu perds."

Un violent spasme saisit subitement l'aventurier. Sa main ensanglantée se décroche enfin de la stèle pour se porter immédiatement sur sa poitrine. Il étouffe. L'homme tente de crier à l'aide mais n'émet qu'un gargouillement. Stupéfait, il réalise que son torse a été transpercé par la queue du monstre. La vie le quitte et la faible lueur qui illumine la pièce perd soudain en intensité puis disparaît abruptement. Il meurt, seul, tandis que les échos d'un rire dément parcourent les lieux.

Erebos lève son immense patte de sa propre stèle puis s'avance jusqu'au corps encore chaud de la dernière victime de son épreuve. Les quatre visages, rivés sur le petit homme au faciès sculpté par la peur, sont partagés dans leurs émotions. L'un d'entre eux grogne.

"Celui-là non plus n'était pas à la hauteur."

Le second, toujours hilare face au sinistre spectacle, s'esclaffe.

"Il tremblait comme une feuille morte, nous savions qu'il perdrait."

Le troisième, visiblement très contrarié par l'échec de cette épreuve, vocifère.

"Imbécile ! Qu'est ce qui t'amuse ? Sans Invocateur, nous sommes condamnés !"

Tandis que les deux visages se chamaillent, exposant leurs crocs en se menaçant mutuellement de se mordre, le dernier murmure.

"Espérons que le prochain ne soit pas un menteur."

Le monstre pose violemment sa main griffue sur la carcasse et la traîne dédaigneusement derrière lui, son imposante silhouette disparaissant dans la pénombre.




Vous pénétrez dans l'enceinte du Temple d'Ignis. La chaleur y est insoutenable et, si vous êtes vêtu d'armure de plates, vous êtes bien tenté de vous en séparer. Vous vous avancez, découvrant les innombrables portes ornées à l'image de leurs occupants. Vous recherchez la puissance, la gloire, ou peut être simplement un compagnon d'aventure. Vous êtes un voyageur, un voleur, un pirate, peut être même un artiste ou un noble ? Peu importe comment vous vous définissez, vous êtes surtout assez courageux pour vous aventurer encore plus loin dans le Temple, découvrant une imposante entrée de pierre noire à l'esthétique bien peu accueillante.

Vous prenez un moment pour détailler la structure qui se tient devant vous. Peut-être savez vous ce qui se cache derrière cette sombre porte. Si vous ne le savez pas, vous pouvez tout du moins sentir par pur instinct que le mal se dissimule juste là, tapi dans l'ombre. Au sommet de la porte est inscrit le nom de celui qui habite cette salle mystérieuse: Erebos. Vous entrez.

Enveloppé dans les ténèbres, vous distinguez difficilement les contours de votre nouvel environnement. Il fait terriblement chaud, davantage que dans les couloirs du Temple d'Ignis. La porte se referme derrière vous, mystérieusement scellée par une force mystique. Dans le noir, votre odorat est soudain assailli par une puanteur que connaissent bien les guerriers. La charogne brûlée et le sang, l'air en est saturé et cette odeur vous prend à la gorge, insoutenable même pour les plus aguerris.

Soudain, vous percevez un murmure au cœur des ténèbres et une torche s'illumine au beau milieu de la pièce. Sa lueur est faible et vous ne parvenez toujours pas à habituer vos yeux à cette obscurité. Tout ce que vous voyez, ce sont deux stèles séparées par la fameuse torche et espacées d'une poignée de mètres, ainsi qu'un escalier vous permettant d'accéder à l'une de ces curieuses structures.

Votre stèle, puisque vous êtes curieusement convaincu qu'il s'agit de la votre, est maculée de sang séché. Sur le dessus est gravé la forme d'une paume humaine et vous comprenez instinctivement qu'il vous faut y apposer votre main pour pouvoir participer. Participer à quoi ? De l'autre côté, vous apercevez la seconde pierre. Bien plus imposante que la première, celle-ci n'est pas tâchée de pourpre et la gravure décrit une silhouette de paume gigantesque.

Vous entendez un grognement sourd et puissant juste devant vous, suivi de quelques mots.

"Vous qui convoitez notre pouvoir, offrez votre sang à la pierre et posez votre main. Par ce pacte, nos âmes seront liées et nous pourrons jouer. Je vous poserai trois questions. Si nous percevons que nos questions ébranlent vos convictions, vous serez exécuté. Si vous survivez, mon pouvoir sera vôtre. "

Quatre têtes de murènes apparaissent à la lueur de la torche et une patte énorme se pose sur la stèle la plus éloignée. Etes-vous prêt à jouer ? Il s'agit là de votre dernière chance de quitter les lieux.

Elle avait la mine morose et soupira. La jeune femme n'avait pas digéré l'échec au temple d'Aer et bien qu'elle se fusse jurée qu'elle n'irait plus tenter l'épreuve d'un demi-dieu, elle se retrouvais devant le temple d'Ignis, suant de toute part tant la chaleur du désert était insoutenable. Elle avait troqué sa cape d'hiver pour une cape plus légère qui la protégerait du soleil ardent du désert Ambré. Cependant, elle était toujours vêtue de sa cuirasse de cuir qui ne l'aidait guère à avoir moins chaud. Elle maudissait Qualri et ne cessait de vouloir voir la mort de l'invocation d'Aer qui s'était joué d'elle.
La brigadière avait cessé de rendre des comptes à la Milice, prétextant un problème ne lui permettant pas d'envoyer de rapports. La vérité était qu'elle n'avait eu l'autorisation pour tenter une seule épreuve, pas trois.

Eskel s'avança vers l'entrée du temple où toujours plus de chaleur s'en dégageait. Elle n'avait aucune affinité avec le Dieu Ignis et préférait de loin Aer pour la puissance de ses vents, mais elle avait bien trop besoin de la puissance de l'un de ces esclaves pour se permettre d'être regardante à l'heure actuelle. Plus elle essuyait les échecs, plus sa rage et sa frustration augmentaient la rendant encore plus insultante et désagréable. Elle savait qu'elle n'allait pas lésiner sur les insultes envers le prochain demi-dieu qui aurait la malchance de la voir arriver dans sa cellule. La milicienne espérait juste ne pas tomber sur un énième demi-dieu faible à l'esprit brisé et incapable de se battre. Elle en avait marre de ces carpettes qui n'aspiraient qu'à tisser une amitié futile pour espérer être libre le temps d'une vie, un clin d'oeil dans leur très longue existence.
La demoiselle pénètre dans le temple, suant désormais à grande goûtes. Les plaintes s'élevaient des cellules et elle ne savait qui choisir. Cette porte où il appelait à la pitié ? Ou bien celle-ci où des bruits répétitifs d'une folie avérée se faisaient entendre ?
Elle fini par arriver devant une énorme porte d'où un silence presque parfait s'échappait, rendant le reste du temple terriblement bruyant et désagréable.

D'une main, elle touche la porte chaude et fini par entrer dans la cellule, soufflant devant la bouffée inattendue de chaleur qui s'en dégagea. La pénombre était maitresse en ces lieux et l'imposante porte se referma derrière la milicienne. La chaleur était insoutenable et Eskel fini par décider, dans un élan de faiblesse, d'ôter son armure de cuir, se retrouvant ainsi avec une simple chemise de coton, légère mais crasseuse. Elle rattacha son épée à sa ceinture et reprit son bouclier. Elle avait laissé ses affaires à l'entrée, s'enfonçant sans plus de problème dans les entrailles de cette cellule, à nouveau persuadée d'être victime d'une illusion. La puanteur qui vint titiller ses narine l'arrêta. Elle avait eu la chance de n'avoir jamais connu un champ de bataille et la jeune femme découvrait la puanteur de la mort. Elle s'appuya brutalement sur son bouclier et se tint l'estomac, la bile mêlée à son faible repas cherchant à se frayer un chemin hors de son corps. En plus de la chaleur, l'odeur lui était insoutenable et elle avait bien du mal à ne pas rendre ses tripes sur le sol.

Le bruit et la lueur d'une torche s'allumant brutalement lui permit d'oublier, l'espace d'un instant, la puanteur de la mort. elle releva la tête, découvrant à cette faible source de lumière son visage pâle. Eskel n'était pas bien mais se concentrer sur cette lumière lui permettait d'occulter tant bien que mal cette odeur insupportable. Elle se remit à avancer, plus doucement, maudissant le maitre de ces lieux, cet infâme esclave qui devait bien s'amuser à l'observer avancer, faible et démunie. Elle arriva en haut d'un escalier où deux stèles se découpaient. Sans plus réfléchir, et parce quelle espérait fuir les miasmes, elle prit les escaliers, calculant chacun de ses pas pour ne pas s'effondrer sous le poids de la chaleur et de sa nausée. Une fois devant la stèle, elle souffle doucement puis rend finalement son repas au pied de la pierre maculée de sang. La milicienne maudissait le demi-dieu vivant ici. Les insultes fusaient dans son esprit sans qu'elle ne puisse les formuler à voix haute. Le goût âpre de la bile vint brûler sa gorge et elle se mit à tousser doucement.

Le grognement sourd qui s'éleva de la pénombre accompagné d'une voix caverneuse la fit revenir à la réalité. Elle cracha sans respect sur le sol, dardant finalement son regard de glace sur l'origine de la voix. Le mystère ne resta pas bien longtemps puisque le monstre se dévoila. Voilà à qui elle avait à faire. Eskel esquissa un sourire mauvais. Jouer ? Cela ressemblait fortement à l'épreuve de cette enflure de Qualri. Eskel n'avait pas les mots pour qualifier celle qui lui avait fait miroiter sa puissance. Elle savait que si elle recroisait le chemin de ce chien, elle n'hésiterais pas à essayer de le tuer. "Et bien jouons donc !" dit-elle d'une voix claire et décidée. Elle était persuadée de pouvoir humilier cet enfant d'Ignis et n'hésita pas à fendre la paume de sa main de sa dague abîmée par le temps. Et c'est avec forcée qu'elle apposa sa main blessée sur la pierre où son sang se mélangea à celui des pauvres bougres qui avaient perdu au jeu. "Jouons à ton stupide jeu, esclave !" asséna-t-elle d'une voix forte et assurée, oubliant totalement l'odeur et la chaleur insupportables.

Trois des quatre murènes sourirent à l'unisson et s'observèrent mutuellement, visiblement satisfaites par l'entrée en scène de cette humaine. Depuis son piédestal, Erebos était interloqué, chose bien rare pour lui depuis son retour au Temple. Visiblement très incommodée par l'odeur de charogne qui régnait dans la cellule, l'inconnue grimpa les marches qui la séparaient du monstre d'un pas rapide et décidé. Curieux, l'odeur de la mort avait tendance à instaurer chez la plupart des Hommes une peur primale qui rendait la montée d'escalier bien plus hésitante.

Décidant d'accorder une attention toute particulière à cet individu, les quatre visages difformes se mirent à détailler l'apparence de leur nouvelle victime. Le minois de la petite donzelle laissait transparaître une détermination hors-norme mais surtout une colère non réprimée. Dans ses yeux glacés, Erebos ne percevait pas la moindre once de peur, pour le moment tout du moins. Le qualifiant d'esclave, elle cracha sur le sol, cherchant visiblement à prendre l'ascendant par la brutalité, peut être pour se détacher d'une crainte plus profonde enfouie en elle ? Faisant fi de l'insulte pour ne pas risquer de faire fuir la potentielle participante dans un élan de violence, la créature se contenta d'observer silencieusement tandis que sa queue terminée en lame battait furieusement l'air.

Usant d'une dague, la demoiselle initia le rite et apposa sa paume ensanglantée sur la stèle. Les yeux d'Erebos empourprés par sa curiosité s'illuminèrent et de ses gorges émanèrent de furtifs cliquetis. Resserrant sa paume gigantesque sur sa propre stèle, le fils d'Ignis confirma le pacte spirituel qui permettait à l'épreuve d'avoir lieu. A l'aide des maigres pouvoirs divins que ce lieu maudit lui conférait, l'hydre usa de sa magie. Le sang de la jeune femme fut absorbé par la pierre, de même que les flammes primordiales qui alimentaient Erebos.

Soudain, les âmes des deux êtres furent mêlées l'espace d'un instant. Bien que les souvenirs de l'un et de l'autre soient parfaitement intangibles, ce pacte fugace permit à la jeune humaine de percevoir une infime parcelle de ce qu'incarnait réellement son interlocuteur. En un éclair, tout lui apparut. De la violence primale qui habitait le cœur du monstre à son appétit colossal pour la destruction de toute chose, elle eut l'impression de pouvoir goûter l'essence même de ce qui faisait, par le passé, la toute-puissance de cet être abject. Colère, haine, bellicisme, perversion. Tout apparaissait chez Eskel comme si il s’agissait là de ses propres sensations.  Puis, alors que les effets de la magie s'estompaient un peu après la violente décharge émotionnelle qu'elle venait de subir, elle put déceler une douleur, une brisure inexpliquée, qui perdit vite son sens et sa substance avant de disparaître.

Erebos, quant à lui, s'abreuvait de la connaissance qu'il venait d'acquérir grâce au pacte. Ces sentiments qu'il venait de voler lui serviraient de cartes pour poser ses questions et provoquer la déroute dans l'esprit de son adversaire. Deux des visages démoniaques échangèrent quelques mots furtivement, l'un dévisageait leur proie et le dernier, pensif, faisait siffler sa langue serpentine en dodelinant légèrement. Il avait ressenti, grâce à sa sorcellerie, une colère à la saveur très particulière. Bien différente de la sienne, cette rage était imprégnée non pas d'une envie de simple destruction mais surtout de domination. De l'orgueil, celui des empereurs et des rois fous qu'Erebos avait rencontré et poussés à la faute par le passé. Quel profil fascinant.

Les quatre têtes s'avancèrent à l'unisson, se rapprochant assez de la jeune pour qu'elle puisse sentir les remugles soufre dans l'haleine du titan. De leurs voix diaboliques, ils posèrent la première question, tous en chœur.

"Quel est ton ultime objectif ?"

Erebos brûlait l'une de ses trois cartes, ayant dans l'idée d'obtenir de la réponse les informations requises pour déstabiliser et vaincre son interlocutrice. Souriant de toutes ses dents, il invita sa partenaire de jeu à prendre la parole d'un geste de sa patte libre.

Le pacte était scellé, elle pouvait le sentir. La magie de cet endroit s'insinuait en elle, violant son âme. Et, l'espace d'un instant, elle se senti mise à nue. Son être se mêla à celui du demi-dieu et il pu aisément apercevoir sa soif de conquête, sa colère grandissante et sa haine des faibles. Mais le lien n'était pas unilatéral et c'est avec un sourire mauvais qu'elle accueilli en son être une infime partie de l'essence du monstre. Si ce qu'elle ressentis au début lui fit plaisir, elle grimaça sur les dernières impressions au fur et à mesure que la magie s'estompait. La déchirure, la douleur, la faiblesse. Elle plongea son regard de glace sur la pénombre face à elle, défiant le monstre. Lui aussi était un être brisé qui irait s'enfermer dans une spirale de noirceur à la première difficulté. Elle n'en pouvait plus de croiser des êtres à l'âme si faible qu'il ne put réellement vivre et avoir des ambitions.

Le regard de glace d'Eskel continuait de percer l'obscurité, cherchant la faille du monstre. Les quatre têtes de ce dernier s'avancèrent et elle put contempler son effroyable beauté. Elle accueilli presque avec un salut l'odeur de souffre qu'il dégageait, chassant ainsi les effluves de mort qui taquinaient son nez. La rouquine laissa son sourire s'agrandir lorsqu'il posa sa question. Une simple question.

"C'est donc cela, ton stupide jeu qui a terrassé tant d'humains avant moi ?" elle rit, se moquant bien de cette soit disant épreuve. La mort ? C'était une éventualité. Elle n'avait pas peur de mourir, pas si cela lui permettait d'accomplir sa folle ambition. La milicienne était loin d'être dérangée, elle laissait juste de côté toutes les émotions parasites qui pouvaient faire ressortir chez elle la faiblesse, chose qu'elle haïssait plus que tout, plus que les demi-dieux eux même. "La tête du Prince entre mes mains et le trône de l'île sous mes fesses, voilà ce que je désires, esclave." Elle le regarde un instant avant d'ajouter, emplie de confiance : "Et tu vas m'y aider. Tu ne feras pas partie de ces faibles qui ont préféré une fausse liberté sans ambition."

Lorsqu'il entendit la réponse de l'humaine, les quatre facettes d'Erebos semblèrent s'agiter avec une synchronicité inhabituelle. Leurs écailles semblèrent se dresser sur leurs têtes immondes alors qu'un frisson de plaisir non dissimulé parcourait leur échine. Quelque peu déconcerté par une réponse aussi inhabituelle de la part d'un humain, sa curiosité se mua alors en un début de fascination. L'un des cous s'allongea à nouveau et, tel un immense serpent, s'enroula autour de celle qui osait défier le monstre, sans la toucher. Les autres visages la cernaient et, sous ces quatre paires d'yeux inquisitrices, l'humaine paraissait soudain bien fragile.

Par pure magie, les torches s'embrasèrent violemment dans un assourdissant vrombissement. La lumière orangée envahit la pièce un bref instant, révélant véritablement l'étendue des dégâts causés précédemment par l'épreuve de la créature. Le long des murs, des dizaines de cadavres étaient réunis en un bas-relief macabre. La pénombre s'installa à nouveau, ne laissant que les prunelles incandescentes d'Erebos en guise d'éclairage.

"Très bien."

Très intéressé par l'atypique personnage qui lui faisait face, l'enfant d'Ignis serra légèrement sa prise sur la stèle qui reliait son cœur à l'autre. La sensation de partage mystique fit son apparition, plus violente et prolongée que la fois précédente. Erebos laissa ses souvenirs s'immiscer dans l'esprit de celle qui relevait le défi. Il dévoila des éléments plus récents de sa mémoire millénaire, tentant de déstabiliser l'humaine par la violence des expériences qu'il transmettait. Il lui montra les massacres, les hommes et les femmes brûlés par ses flammes ancestrales. Il lui fit goûter le sang humain et la chair qu'il dévorait.

Profitant de la maigre faille psychologique causée par ces visions, Erebos put se frayer un chemin dans l'esprit de sa cible, découvrant et savourant une infime partie de ses propres souvenirs afin de s'en servir contre elle. Les quatre gueules se redressèrent, surplombant la jeune guerrière et échangeant de longs regards tandis qu'ils détaillaient mentalement le contenu des informations qu'ils venaient d'obtenir. Un égo monstrueux, voilà une faille exploitable. L'un d'entre eux sourit de plus belle, ayant apparemment trouvé une question adapté pour troubler la proie du jour, mais il fut devancé par un autre visage qui posa brusquement sa question d'un air moqueur.

"Tu désires donc le pouvoir et tu souhaites l'acquérir par la force, mais ton sang est celui des faibles... Toi qui est issue d'une lignée bâtarde dont la médiocrité est devenue symbolique, penses-tu réellement pouvoir régner sur tes pairs ?"

Les autres visages ricanèrent en choeur et murmurèrent ensemble, juste assez forts pour être entendus par l'intéressée. Du fait de leur pacte, les propos insultants de la créature fracturée se mêlaient aux pensées originelles d'Eskel, visant à l'affaiblir.

Sang de porc. Famille de lâche. Faibles et démunis. Elle, diriger ? Elle ne mérite rien, pas plus que ses prédécesseurs. Le bétail nourrit les prédateurs, qu'elle retourne à la boue qui l'a enfantée, c'est bien tout ce qu'elle vaut.

Malgré les tourments qu'il infligeait à sa victime, chaque facette d'Erebos semblait espérer que cette petite chose tiendrait face à la pression et à l'intimidation surnaturelle que sa magie exerçait. Elle avait quelque chose de plus que tous les autres, une colère si absolue que même un Demi-Dieu pouvait la redouter. Plus que deux réponses pour connaître la conclusion de ce défi, voilà qui devenait intéressant.

L'humaine sembla un instant mal à l'aise lorsqu'une des énormes têtes vint s'enrouler autour d'elle sans pour autant la toucher. Elle déglutit doucement tout en plongeant son regard de glace dans les braises tapissant les prunelles de l'invocation. Aujourd'hui, le feu et la glace dansaient, se brûlant l'un l'autre à chaque pas. Mais cela n'en rendait la danse que plus exquise et décrocha à Eskel un sourire satisfait.
Le feu démontra sa force en illuminant brièvement la pièce, laissant un court instant à la Milicienne pour contempler toute l'horreur et la violence dont était capable le demi-dieu. Si le spectacle fit d'abord réagir son corps en lui filant des hauts le coeur, son esprit reprit bien vite le contrôle et jubila étrangement. Une puissance si rare enfermée dans une cellule qui ne pouvait la contenir plus longtemps. Voilà ce qu'était l'esclave qui se tenait devant elle, imposant toute sa masse de colosse, remettant ainsi la faible humaine à sa place. Sa voix gronda encore, faisant frémir Eskel d'un mélange de peur et d'excitation. Son regard de glace brillait désormais du même feu qui avait embrasé la pièce. Et la glace devint si brûlante qu'elle égalait la chaleur du feu l'espace d'un instant.

Mais très vite, le lien de resserra, emprisonnant plus encore le coeur de la jeune femme ainsi que son esprit. Elle vit alors la réalité de ces champs de bataille qu'elle ne connaissait que de par les récits, elle vit toute la violence qui en découlait et son corps réagit si violemment qu'elle ploya sous la force de ce dégoût qui s’immisçait en elle, écrasant sa volonté, relâchant dans ses entrailles la réalité de sa condition d'humaine, faible. La milicienne fronça les sourcils et se mit à hurler pour tenter de lutter contre la violence destructrice qui l'envahissait. Elle maudissait ce chien d'Ignis de l'avoir ainsi prise en traitre, brisant une par une les barrières qu'elle avait érigé au sein de son esprit si fragile. A nouveau, l'invocation viola son esprit, fouillant dans son passé et son présent comme s'il venait y faire ses courses. Cela enragea plus la jeune femme qui tenta de fermer les portes de son esprit à cet intru. La sueur se mit à couler sur son front, non plus le résultat de cette affreuse chaleur mais bel et bien les affres de l'effort qu'elle fournissait pour redevenir maitresse de ses pensées.
Lorsqu'elle le sentit se retirer, elle plongea vers les quatre têtes un regard empli de dédains et de haine.

Sa voix rauque et désagréable se fit de nouveau entendre alors que l'humaine s'appuyait sur le rocher pour contenir ses jambes devenues faibles sous les assauts violents de la magie de ces lieux. Elle haletait, soufflait mais ne relâchait pas son regard, fière humaine qu'elle était. Elle se redressa, prête à répondre mais ploya soudainement face aux poignards qui vinrent la transpercer. Le chien la mettait face à tout ce qu'elle haïssait au plus haut point : sa lignée, la faiblesse qu'elle représentait, la pitié qu'elle inspirait. Elle souffla un long moment, les gouttes de sueur perlant sur son menton avant de venir échouer sur le sol brulant de la pièce. Elle n'avait pas réussit à soutenir le regard de la bête, elle était épuisée et pour la première fois, elle avait peur. Peur de mourir, peur d'échouer à cause de la faiblesse qui s'emparait de son corps.
Eskel resta un long moment à ne rien dire, à tenter de récupérer malgré les blessures sanguinolentes de son esprit dévasté. La milicienne se redressa tout de même pour regarder la bête avec un regard nouveau, avec un sourire à effrayer les morts. La glacé était de nouveau aussi brulante que le feu. Bien qu'haletante, elle avait retrouvé de sa superbe, de sa fierté, de sa force. Elle inspira longuement, laissant les effluves de mort venir pourrir ses poumons. Elle réprima une envie de vomir, trop fière pour se laisser faiblir de nouveau.

"Jadis, tu étais fier et puissant, jadis, tu régnais sur ces terres. Mais regarde ce que tu es devenu : une bête en cage n'espérant qu'une chose : une liberté si éphémère et si factice. Pourtant, tu es prêts à tuer d'orgueil pour l'obtenir. Tu te caches derrière une soit disant épreuve alors que tu ne désires qu'être libre pour à nouveau être cette engeance de violence, ce demi-dieu que tu étais jadis. Mais regarde toi, créature des ténèbres, tu n'es plus rien, tu n'es qu'un esclave au service de celui qui t'acceptera comme chien." Elle fit une pause, le défiant de son regard de glace. "Oui, j'ai le sang des faibles qui coule en moi. Mais il ne défini pas qui je suis ni même mes ambitions. Car ceux qui règnent aujourd'hui sur ce monde sont encore plus faibles que les paysans terrassés par les monstres ou la famine." Elle se redresse encore plus, bombant le torse de fierté et d'orgueil. "Je règnerais sur mes pairs parce que je t'aurais comme chien à mes côtés. Je règnerais sur mes pairs parce qu'ils sont assez stupides pour croire qu'un monde à besoin d'un souverain fort. Et je vais leur montrer que je serais ce souverain. Je règnerais sur l'île d'arcane, la tenant d'une poigne de fer, écrasant mes ennemis de mon pied." Elle serra le poing avant de pointer un doigt vers l'hydre monstrueuse : "Tu seras miens, que tu le veuilles ou non. Tu foulera ces terres en suivant mes ordres et tu m'aideras à écraser les faibles de ce monde." Elle inspira profondément avant de hurler d'une voix sûre : "Je suis las de ton petit jeu, Invocation, cesse de me faire attendre et pose moi donc tes dernières questions !"

Malgré les tourments des terribles images que l’infâme créature venait planter dans l'esprit d'Eskel, cette dernière se relevait toujours et parvenait avec brio à chasser la terreur de ses pensées. Très ouvertement impressionné par cette performance remarquable, trois des quatre visages monstrueux échangeaient avec enjouement des regards malicieux à chaque mouvement de la combattante.

La dernière gueule de l'hydre, bien plus incrédule, riva ses prunelles brûlantes dans les iris glacés de la jeune femme. Il y percevait son affaiblissement, la faiblesse de son enveloppe et l'épuisement que son corps subissait à mesure que l'épreuve se faisait de plus en plus éprouvante. Il détaillait son visage avec une attention toute particulière, à la recherche d'une larme ou d'un frémissement de lèvres traduisant son abandon prochain mais malgré ses efforts, il ne perçut en elle que sa volonté de fer et sa rage de vaincre.

Il se laissa injurier encore et encore, là où il aurait autrefois laissé sa rage s'exprimer pleinement. Les mots et les singeries d'une humaine qui n'avait pas fait ses preuves ne pouvaient plus réellement l'atteindre mais il sentit néanmoins sa queue battre furieusement l'air dans son dos. Il ne parvenait pas à trouver matière à se moquer dans les propos d'Eskel et les prenait même curieusement très au sérieux. Il décelait chez elle ce même dédain et cette même froideur qu'il avait ressenti aux côtés de sa tortionnaire de maîtresse, mais cette jeune et impétueuse gladiatrice avait quelque chose de plus terrifiant encore: une hargne sans pareille qu'on aurait cru de racine divine, tant elle était intense et inconditionnelle.

Loin d'être déçu par cette découverte, le monstre s'éloigna lentement de sa cible. Les trois autres visages firent de même, établissant une distance respectable entre eux et celle qui prétendait à leur pouvoir. Les chuchotements et les railleries cessèrent brusquement et tous adoptèrent subitement une expression d'interrogation profonde, dévoilant ouvertement la curiosité qu'ils portaient à cette femme. Était-elle digne ? Etait-elle celle qui ramènerait le Néant sur ce pan de réalité en pleine dégénérescence ?

La lumière faiblit de nouveau, ne laissant les yeux incandescents des vipères légendaires en guise de repère. Les quartes entités brisèrent brusquement le silence s'exprimèrent alors d'une seule voix, comme s'ils avaient subitement retrouvé leur unicité. Ils posèrent ensemble la toute dernière question solennellement, sachant tous que c'était celle qui définirait véritablement l'issue de l'épreuve et avec, leur destinée.

"Si les brebis égarées que sont les hommes ont si peu de valeur à tes yeux, pourquoi souhaites-tu tant devenir leur bergère ?"

Le temps sembla se figer un court instant tandis qu'Erebos fixait avec intensité celle qui allait peut être devenir sa maitresse. Etait-elle capable de surmonter cette ultime difficulté ? Allait-elle trouver réponse à cette question perfide ?

Il ne cessait de jouer avec elle, tantôt vicieux, tantôt impassible. Cela agaçait Eskel au plus haut point. Elle luttait contre son estomac qui avait envie de rendre une chose qu'il ne possédait pas. La jeune femme transpirait à grosses gouttes. La chaleur de l'endroit commençait à avoir raison de son corps et elle sentait sa faible condition d'humaine revenir au galop. L'adrénaline qui coulait jusqu'alors dans ses veines s'épuisait rapidement, la laissant plus fatiguée et faible que jamais.
Elle ne relâcha cependant pas son regard, toisant de toute sa hauteur la bête aux yeux incandescents. Il se recula, laissant entre eux une distance qui pouvait être considérée comme étant descente. La milicienne n'oubliait pas qu'il pouvait ne faire qu'une bouchée d'elle à tout instant. Mais elle restait persuadée qu'il ne désirait qu'une seule chose : la liberté, aussi factice soit-elle.

Lorsque le monstre posa son ultime question, toutes les têtes à l'unisson, faisant frissonner l'humaine impressionnée, elle laissa un sourire mauvais naitre sur ses lèvres. Pensait-il l'avoir avec une question comme celle-ci ? Bien que la question était en réalité très sensée et même épineuse tant il y avait de contradiction qu'elle soulevait, cela ne fit pas blêmir la rouquine. Elle mit cependant un petit instant avant de trouver les mots justes à asséner tels des épées dans le cuir impénétrable du demi-dieu. Cette épreuve était une joute entre le feu et la glace et aucun des deux ne semblait faiblir face à l'autre. Pourtant, Eskel savait qu'elle allait gagner. Elle savait au plus profond de ses tripes que les mots qu'elle prononcera scellera le destin de l'immense créature des enfers.

"N'as-tu donc pas déjà eu la réponse en violant mon esprit et mes pensées, monstre ?" asséna-t-elle, ouvrant le combat final. Elle maniait les mots comme une épée, attaquant les points sensibles de son adversaire, sans merci. Elle fit une pause, prenant soin de jauger la posture de son adversaire avant d'attaquer de plus belle, ne le laissant pas le temps de répliquer. "Je te l'ai déjà dis, tu seras à moi. Cette question n'a aucun sens. La seule chose que tu dois savoir c'est m'obéir aveuglément." Elle prenait des risques. Le risque de jouer avec la mort. Elle aimait ce duel, elle appréciait d'entendre les mots frapper sur le cuir impénétrable de la bête, cherchant la moindre faille. Mais il ne fallait plus faire durer au risque de réellement perdre cette fois-ci. Son sourire se fana, laissant toute la rage envahir son corps. La glace se faisait plus froide, prête à étouffer les flammes ardentes de l'enfer. "Parce que la place du loup est dans la bergerie ! Prêt à bouffer ces stupides moutons !" Elle avait hurler ces derniers mots comme si sa vie en dépendait. Elle était de nouveau envahie par cette hargne, cette rage de vivre et de conquérir. "Seras-tu un loup à mes côtés et resteras-tu un stupide mouton en cage ?" finit-elle par dire, quelque peu essoufflée mais lui crachant toute sa fierté au visage de façon théâtrale.

Un long silence mortuaire plana dans le temple obscurci par la sinistre magie de l'hydre. Les mots d'Eskel résonnèrent un moment, laissant à la créature malfaisante le soin d'en assimiler toute la substance à la recherche d'une faille. Les quatre visages s'inspectèrent mutuellement, échangeant des regards lourds de sens tout en dévisageant occasionnellement l'humaine qui venait les défier dans leur propre nid.

La gueule monstrueuse qui semblait présider l'hideuse assemblée vint s'abaisser au niveau de celle qui prétendait à son pouvoir ancien, et la chose ouvrit sa bouche dans un croassement reptilien, laissant émaner de ses immondes entrailles incandescentes un nuage de fine brume dans laquelle se mêlait remugles de viande calcinée et de soufre brut. De sa langue effilée, elle fit mine de vouloir goûter le visage de la jeune femme, mais se rétracta au tout dernier instant et recula avec vivacité, avant de prononcer quelques mots de sa voix d'outre-tombe.

"Notre puissance t'appartient, désormais. La force de l'annonciateur d'apocalypse est tienne, puisses-tu en jouer afin de défaire ce monde croulant des immondices qui le peuplent."

Une fois encore, l’intégralité des torches s'embrasèrent à l'unisson, révélant dans leur flamboyance l'apparence mystique de la bête légendaire qui leva sa patte griffue de la stèle magique restreignant les mouvements des deux participants. La chose siffla et vint s'approcher lentement de celle qui détenait désormais ses crocs et ses lames et dont elle userait sans doute d'une façon délicieuse, à en juger par la colère foudroyante qui animait ses dires. Tout en faisant serpenter son être immense jusqu'à l'humaine, la créature murmura quelques mots à son oreille tout en l’encerclant avec la douceur prédatrice et mesurée d'un fauve guettant sa proie.

"Nous serons tes loups, déchaîne ta haine sur tes adversaires. Ton règne sera mémorable et ceux qui s'opposeront à toi connaîtront la déchéance."

Comme il l'avait fait par le passé auprès des tyrans et des lâches, il entamait déjà ses sinistres machinations afin de changer la fougueuse combattante en une simple coquille animée par son désir de pouvoir écrasant. Convaincu de pouvoir manipuler la rage bestiale de cette dernière, il laissa échapper un rire sardonique tout en libérant le passage vers les escaliers en une révérence curieuse, invitant Eskel à quitter le charnier avec l'élégance d'une reine.

Son égo en prit un coup. Elle ne s'attendait pas à ce que ce soit si "facile". Mais le sourire de la jeune femme revint bien vite sur son visage et elle enleva sa main de la stèle, scellant ainsi pour de bon son lien avec ce demi-dieu. Les torches s'embrasèrent de nouveau, lui laissant, cette fois, le loisir d'admirer la puissance et la monstruosité du demi-dieu hydre. Il s'approcha, ramenant avec lui les miasmes de mort qui entourèrent la milicienne. Son instinct aurait dû réagir, s'affoler, lui indiquer de courir. Il n'en fut rien. Elle se savait puissante et elle savait qu'il ne pouvait rien contre elle. Eskel savoura le fait d'avoir cette puissance au creux de sa main. Une puissance telle qu'elle ne regrettait pas d'avoir confié sa vie au faible Ignis. Elle se sentait l'envie d'aller défier les armées du Keiser, imposant le demi-dieu de la destruction en souverain suprême des champs de bataille. Elle se sentait l'envie d'aller défier le Prince et ses armées anesthésiées par tant d'oisiveté et d'inaction.

Les mots qu'il lui siffla la firent frissonner, renforçant cette impression d'invincibilité. Elle ne savait pas s'il avait retrouvé toute sa force d'antan, mais elle avait la net impression qu'il n'était pas un chiot sans défense. "Tu feras de moi une reine", dit-elle simplement avant de se retourner pour faire face au chemin de la sortie. Elle le tenait en laisse, ce loup apprivoisé aux crocs suintant de salive, ce loup déchainé qui ne désirait qu'une chose : dévorer les stupides moutons de la bergerie. "Allons bousculer la bergerie", annonça-t-elle en initiant le pas vers la sortie de cette cellule à l'atmosphère étouffante. Les odeurs se succédaient, lui rappelant qu'elle n'était qu'humaine et que son estomac n'était pas invincible.

Le jeu venait de réellement commencer.