La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
Malgré la proximité de la Plaine Glacée, l'éclat du ciel pur, doré par Ignis, filtrait avec peine au travers de la brume. Une ambiance étrange berçait les lieux, pesante pour beaucoup, intrigante pour Saen. Jamais son pas n'avait foulé les terres hasardeuses de la Plaine Brumeuse, et un soupçon d'excitation adjoint de curiosité emplissait chaque fibre de son corps comme de son esprit.
Partit de Sirk aux aurores, après une entrevue des plus chaleureuses avec Pru'ha, il n'avait pu rester davantage au village. Contraint par les règles strictes qui régissaient cet endroit, il profita d'une expédition en partance vers Rivebrume pour se mêler au petit groupe qui la constituait. Offrant généreusement ses habilités martiales, on lui fit place sans réserve, malgré la présence de 3 enfants divins accompagnant et protégeant hommes et femmes de la partie. Une aide gratuite ne se refusait pas lorsqu'il s'agissait de garantir la sécurité de chacun en pleine contrée sauvage.
Les individus qui faisaient route à ses côtés cherchaient un type de monstre précis, disposant de ressources magiques dont ils avaient l'utilité. Sans parler des provisions de peaux et de viandes qu'ils prélèveraient au passage. Juste avant son départ, Saen avait pu dégoter pour Eylun un tapis de selle, en laine épaisse, adapté à la morphologie des variquans, peu habitués aux températures qu'il risquait d'y avoir plus au nord. Lui-même avait revêtu sa veste chaude quand le climat se fit plus frais et les rayons solaires moins perceptibles
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Flottants tels les méandres d'une rivière suspendue, des pans de brume se refermaient sur eux et constituaient la majorité de leur horizon. Deux membres du petit groupe transportaient, fixées bien haut sur une perche, des fioles emplies de sève de lueur nocturne, éclairant un peu mieux les alentours. Ils avançaient sur leurs gardes, bien que les semi-divins présents devaient dégager une aura de puissance assez forte pour faire fuir la majorité des créatures.
A la fois un avantage et un inconvénient pour la traque et la chasse, ils leur faudrait bivouaquer un moment, afin que les deux chasseurs de l'expédition s'éloignent à la recherche des proies convoitées et les attirent à eux avant d'appeler les divins à leurs côtés.
Lorsque le campement de fortune fut établit, proche de la rivière, Saen se détacha du groupe et emmena son compagnon s'abreuver un peu plus loin. Il ne devait pas y avoir de monstres dangereux alentours grâce aux protecteurs postés dans un petit rayon autour du bivouac. Par ailleurs, sa curiosité insouciante rendait propice une escapade qu'il imaginait brève.
Son large chapeau devenu gênant à sa perception, était harnaché à l’arrière de son variquan depuis leur entrée dans les brumes. Le jeune homme remercia son hyperesthésie de lui faciliter la tâche, car ses iris s'adaptèrent facilement à l'obscurité ambiante et il n'y voyait pas si mal. Par ailleurs, la brume s'éclaircissait auprès de la Rivebrume murmurante, élargissant un peu son champ de vision.
Eylun s'arrêta soudainement, avec nervosité. Saen porta une main à son chakram, les sens aux aguets. Ils ne s'étaient pas si éloignés pourtant? Mais peut-être que se trouver ainsi à l'écart le rendait plus vulnérable aux yeux d'une créature un minimum intelligente. Il mit pied à terre, quand un vent délicat transporta un panache brumeux et révéla une silhouette aux abords de la rivière. A priori humaine... Seule? Perplexe et intrigué il fit quelques pas en avant, sa monture le suivit, apparemment rassurée par l'odeur que transportait le vent et qu'elle seule pouvait percevoir à cette distance.
Le vagabond stoppa net lorsqu'un écart brumeux lui révéla le profil de l'individu avec plus de clarté. Même au plus fort de l'obscurité ses sens n'auraient pu oublier le tracé de ce corps...
Il resta muet l'espace de quelques secondes, puis... Son timbre porta, avec une incrédulité qui perçait sans difficulté le silence opaque des lieux.
"Lagertha?"
Le nom échoué sur ses lèvres leur donna un goût étrange, doux et teinté d'amertume à la fois. Depuis combien de temps ne l'avait-il plus prononcé? Et surtout, n'y avait-il plus songé? Ayant Cloîtré chaque parcelle de ses sentiments dans un recoin de sa psyché qu'il ne désirait pas ouvrir aussitôt.
La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
Voilà quelques temps, que me trottait dans la tête, l'envie irrépressible de trouver une solitude qui me manquait depuis déjà plusieurs jours. Non dans l'idée de me défaire de la présence de mon clan, au sein de ce camp que nous avions gagné grâce au Démon, à son plan et à ses forces, mais étrangement, maintenant que nous étions établis, un goût amer avait envahis ma gorge depuis cet instant. Sans en discerner la source, bien qu'il me semblait qu'il y en avait des tonnes, je n'arrivais cependant pas à mettre le doigts dessus. Ou plutôt, je trouvais trop de raison d'avoir l'esprit emplis de doute et jusqu'à présent, je n'avais pas trouvé de réponse assez satisfaisante à mon goût. J'avais pourtant cherché, auprès de Galifey notamment, de quoi alléger mes ressentiments concernant Xion, lesquels je ne savais d'ailleurs toujours pas verbaliser. Et que dire de la perte de Gyllir prise par mon ennemie, qui s'était fait visiblement un malin plaisir d'en récolter les fruits aussi sournoisement qu'elle le pouvait. Bientôt j'irais, me vengerais, la récupérerais, mais pour le moment, j'étais tiraillée.
Comment les autres le prendrait ? D'ainsi les abandonner de nouveau, sans trop leur faire part de mes plans. Pourtant, j'avais l'impression que c'était le mieux à faire, maintenant que j'étais recherché avec deux dizaines de milliers de tsuris sur la tête, je ne pouvais me permettre d'impliquer ce qui m'étaient cher. Comme Svaarnelg qui ne pourrait vaquer à la vie qu'il aurait envie de mener, sans se frotter aux conséquences de ma condition. Un problème de plus à tout ça. Je n'en pouvais plus, l'implosion était proche et comme à mon habitude, je ne pouvais supporter l'idée d'avoir des spectateurs. Alors de nouveau, ne pensant qu'à moi même, tel l'égoïste que j'étais, je sortis du camp, seule avec mes armes, suffisamment équiper pour pouvoir ralentir une potentielle attaque et avoir le temps d'appeler mes chers enfants divins. En croisant Ivar sur la route de ma sorte, il ne manqua pas de me questionner, je l'informais donc simplement de mon besoin de prendre l'air, que je n'irais de toutes manière pas loin et que si il lui prenait l'envie de me suivre, je longerais probablement Rivebrume.
Sans plus de palabre et surtout sans son consentement, je le fis ouvrir les portes pour quitter ce lieu qui ces temps-ci, était devenu presque anxiogène. Sans monture et sans compagnie, je longeais la rive à une allure irrégulière, d'abord portée par l'entrain d'une colère, puis teintée par des doutes et enfin ralentis par des ressentiments incertains. L'environnement avait fini par s'absenter de ma perception et ce d'autant plus que la brume qui m'en privait, bien que je sois sur le qui vive à chaque instant et dégainais mon arc à chaque bruit perçu. Je fini cependant par m'arrêter à un endroit qui me paraissait propice à la réflexion, sans savoir pourquoi celui-ci plus qu'un autre. C'était celui-là voilà tout et je me rendais soudainement compte que je n'avais pas envie d'exploser, je ne me sentais juste pas bien, comme gêné par ma propre présence. Mon visage se contractait, tout comme mon corps alors que mon regard se perdait sur les flots sans doute frais de la Rivebrume. Passant mon arc dans mon dos je m'avançais vers elle et m'accroupissais à son bord pour en récolter l'eau aussi fraîche que prévu. La passant sur mon visage, ce fut un régal pour ma peau crispée. Plaisant mais de courte durée, face à ce constat je restais un instant accroupis, observant mon reflet sur la surface de la rivière avant de soupirer longuement et me redresser.
Une seconde de silence me fit lever la tête vers le ciel, inspirant profondément pour tenter de me détendre, mais quelque chose m'en arracha. J'entendis mon nom, sans que cela m'intrigue dans un premier temps, c'était simplement la présence humaine qui en découlait qui me fit me retourner brusquement, attrapant mon arc et une flèche que j'armais, bandant ma corde et visant le visage l'inconnu qui, j'en prenais conscience, me connaissait visiblement. L'air sévère la main prête à tirer, je grondais :
❝ D'où tu me connais ? ❞
Qui était-il surtout ? Son apparence ne me disais rien, j'avais beau essayer de le détailler la brume m'empêchait d'y voir clair. Je discernais son allure, ses cheveux longs qui me semblaient entremêlés. Il pouvait être n'importe qui, un mercenaire venu me tuer, j'en avais déjà rencontré après tout. Pourtant il semblait seul, ce qui était suffisamment étrange pour ne pas me faire rétorquer outre mesure. Mon regard cherchait ses possibles compagnons, notait la présence de son variquan, avant de revenir sur lui alors qu'une brise éclairait ses traits de la brume environnante. Son visage se dévoilait et... il me semblait le reconnaitre. Écarquillant les yeux, soudainement fébrile, mes doigts lâchèrent la corde. Je pu faire dévier le tir de justesse, la pointe frôlant sa joue et faisant se cabrer le variquan... Est-ce que je rêve ?!
Durant quelques secondes, je restais ainsi sans bouger, l'arc vide et me bras en l'air. Peu à peu, la brume s'échappait un peu plus et j'avais la très nette impression de rêver de moins en moins. Je baissais mon arc, lentement, comme face à une vision improbable. Que faisait-il ici ? Était-ce seulement bien lui ? Mes lèvres allaient prononcer son nom pour m'en assurer, mais une barrière invisible m'en empêchait. Je n'arrivais pas à aller vers lui, à parler ou même à fuir. Je n'arrivais à rien, j'étais comme pétrifiée face à un fantôme du passé.
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Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
La jeune femme réagit à son interpellation avec la promptitude qu'il lui connaissait si bien. L'instant d'après, Saen se trouvait à la merci d'une flèche encochée avec fluidité. La surprise semblait avoir saisit son vis à vis, méfiante, elle ne l'avait pas reconnu... Pas tout de suite en tout cas. Lorsque le projectile quitta la corde, le regard orangé perçut une seconde trop tard que le manque d'intention ne suffirait pas pour l'épargner totalement.
Sa peau le brûla, ses lèvres étouffant un léger râle couvert par le sifflement de la flèche. "Aouch!" Pourquoi n'avait-il donc pas bougé ? ... ... Parce-que Saen. Évidemment. Saen devant Lagertha, de surcroît. La douleur s'estompe rapidement tandis qu'il porte ses doigts à sa joue perlant de liquide vermeil. Lorsque son index rencontre le flot bien plus volumineux qu'il l'aurait cru il réalise la profondeur de la plaie.
Malgré le sang qui ruisselle dans son cou, il lève les yeux au ciel et un éclat de rire franc et bref s'échappe de ses lèvres avec une innocence aussi étonnante que détonante. "Haha!" Si Eylun s'est montré nerveux en reniflant l'odeur du fluide vital, il s'en est aussi vite détourné pour brouter l'herbe rase alentours. Saen fit pression avec sa manche sur sa blessure, le temps d'achopper un tissu dans son sac sans fond de son autre main.
Il se mit accroupis auprès de la rive et passa le linge dans l'eau, l'essorant de sa poigne forte avant de le poser contre sa joue blessée pour enlever tout résidu de crasse potentielle apporté par ses doigts. Il en saisit un sec afin de remplacer celui humide qui n'aiderait pas à tarir correctement l'écoulement et le garda appuyé contre l'entaille tout en se redressant.
La guerrière n'avait pas bougé, ni exprimé la moindre chose et Saen pris les devants, une fois Eylun attaché à un petite arbuste au tronc solide. Il s'approcha avec douceur mais demeura à deux mètres d'elle pour ne pas la brusquer. Son timbre calme et bienveillant ponctua ce qu'il venait de se produire avec un léger amusement. "Voilà un accueil digne de nôtre première rencontre."
Si certaines choses demeuraient recluses en lui, le jeune homme restait néanmoins empreint de cet élan caractéristique d'attention et de douceur à son égard. Il n'avait pas de griefs par ailleurs, les choses avaient simplement suivi leur cours, dans des directions qui leur étaient propres.
Il esquissa un sourire. "Pardonnes-moi si je t'ai effrayée." Un flot de questions vint se cogner à la porte de ses lèvres, sans qu'il sache à laquelle donner priorité. Cependant, ce fut l'évidence qui perça la première. Celle qui demeurait sa seule préoccupation réelle.
"Est-ce que tu vas bien ?"
Malgré les volutes brumeuses qui dissimulaient parfois à ses yeux les traits de la nordienne, il embrassa sa silhouette de son regard rayonnant, captant chaque détail qui déposait au cœur de ses sens l'écho vibrant du souvenir de sa peau, de son odeur, de son sourire... Ah, non mais ça c'était sensé rester derrière tes barrières mentales, abruti.
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J'assistais à la scène qui se déroulait devant mes yeux comme si, tout simplement, j'étais absente. Je me trouvais là, j'en avais conscience évidemment, puisque mon regard ne quittait pas ce visage enfouie dans des mémoires lointaines. Mes paupières restaient écarquillées, comme pour capter un maximum de lumière et m'assurer que ma vision n'était pas une illusion. Moi qui avait cherché à le faire fuir, pour le préserver, le voilà ici face à moins, sur des terres nordiques où je n'aurais jamais songé à le rencontrer ici.
L'arc bas, mes mains maintenaient toujours la corde et le bois. Le reste de mon corps, lui, ne bougeait tout simplement pas. Je me contentais de le fixer, sans ciller, jusqu'à ce qu'il laisse éclater un rire qui me surpris, assez pour m'attaquer d'un sursaut. Ce qui avait au moins eu la bonté de m'arracher à ma paralysie, alors que j'en sortais en secouant la tête et clignant des yeux frénétiquement. J'en profitais pour baisser les yeux, me rendre compte que je devais avoir l'air bête à tenir ainsi mon arc comme si il représentait un poids des plus lourds. Alors, le regard perdu vers le sol, je le rangeais machinalement autour de mon épaule, tandis que pour sa part, il s'était rapproché de la rivière.
Ses pas se rapprochèrent ensuite de moi et sa voix s'éleva à mon encontre. Relevant les yeux vers lui, mon visage se crispa soudainement, arborant un air quelque peu sévère, sans pour autant répondre à ses dires qui auraient pu pourtant, être amusant. Car il n'avait pas tord, j'avais une fâcheuse tendance à l'accueillir avec une certaine violence, lui qui d'apparence semblait si posé et délicat. Je prenais cependant, subitement conscience de son visage, la position de sa main compressant sa pommette. Oui, celle que j'avais blessé. Il me sourit et s'excuse, pour ma part, un souffle sorti de mes naseaux, tandis que je fronçais un peu plus mes sourcils et détournais mon visage de lui.
Prise d'une soudaine culpabilité un poil nerveuse, je croisais les bras sous ma poitrine et observais un point fixe aux alentours. Lui s'excuse alors que c'est moi qui l'ai blessé ? C'est ridicule, je ne comprendrais sans doute jamais cet homme. Et le voilà qu'il me demandais si j'allais bien ?! Avons nous vraiment assisté à la même scène lui et moi ? Mes doigts se crispèrent sur mes bras avant que je lui réponde d'un ton plutôt sec.
❝ Qu'est-ce que tu fous ici ? ❞
Qui pouvait être assez bête pour s'aventurer dans le coin avec pour seul compagnon un variquan froussard. En parlant de lui, mon regard se posa sur la créature qui broutait non nonchalamment l'herbe, ce qui tira un léger rictus à mes lèvres. Non, je ne les aimais toujours pas. Subitement, une question me vint à l'esprit et je me mis à chercher un individu en particulier dans les environs.
❝ Tête-de-nœud, il est où ? ❞
C'était bien là la seule chose qui aurait pu me rassurer, quand à sa protection, mais il n'était pas là, non. Je ne le voyais pas. Mon air se paraît alors d'une inquiétude nerveuse. Inquiétude ? Ah... c'était donc ça. C'était pour ça que j'étais nerveuse... Je me retournais alors vers Saen, presque brusquement, faisant un pas en sa direction.
❝ Me dis pas que t'es seul. ❞
J'étais inquiète. De le savoir ici, dans ces terres désolées et dangereuses, sans escorte. Du moins à ma connaissance. Qu'est-ce qu'il foutait là bordel ?
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Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
Les traits de la jeune femme semblaient s'être crispés à la suite de ces propos. Il aurait pu s'agir d'un effet trompeur de la brume, mais Saen se savait assez maladroit pour avoir débiter une bêtise. Il farfouilla dans sa mémoire après situation similaire pour ne point s'empêtrer davantage, lorsque Lagertha posa une question simple.
"J'abreuve Eylun et j'en profite pour découvrir un bout de la plaine à ses côtés. Je n'étais encore jamais venu par ici, le lieu est très mouvant, j'aime beaucoup cette atmosphère étrange." Une satisfaction enfantine étalée sur son faciès, il ne se douta pas de la portée de son manque de précision. Il avait répondu au pied de la lettre sans réellement contextualiser sa présence.
Sa main se détacha un rien de son visage, le temps qu'il jette un œil au tissu imbibé et constate un ralentissement de l'écoulement sanguin. Il se pencha à nouveau pour nettoyer la plaie avec un tissu propre, puis le remplaça rapidement par un morceaux de pansement coagulant découpé préalablement. Saen glissait le linge saillit dans son sac sans fond, quand la jeune femme attira son attention en lui posant une question qui lui serra le cœur, séquestrant avec surprise ce dernier sans le vouloir. Un voile sombre passa furtivement dans le regard orangé qui se retournait distraitement sur la rivière pour ne pas s'offrir à la nordienne.
Puis, Saen inspira profondément et se redressa enfin, avec calme, reléguant au fond de son esprit la douleur avec laquelle il ne voulait composer. Remarquant que la guerrière n'avait pas répondu à sa question, il se dit naïvement que cela devait être normal de s'abstenir par moment. Encore un code qu'il ne connaissait pas mais que, en l'occurrence, il pouvait déjà mettre en application. Content de cette réflexion sociale intérieure qui n'avait de valeur qu'a ses yeux, il sourit bêtement en revenant au regard qui venait de tourner vivement sur lui, sa propriétaire approchant d'un pas. Est-ce qu'elle s'inquiétait? Dubitatif face à questionnement interne qu'il ne voulait pas développer plus en avant, il répondit sans réfléchir.
"Non, j'accompagne un petit groupe venu chasser afin de récolter des ingrédient magiques spécifiques... Enfin, des parties d'animaux quoi... Ça ne me plaît pas beaucoup, mais les suivre m'offrait une bonne escorte pour vagabonder un peu." Agitant la main dans le vide comme s'il essayait de ne pas penser plus que nécessaire aux actes de ses compagnons de route, il ajouta. "Et toi, que fais-tu par ici? Tu as l'air seule, ce n'est pas très prudent." Sans réaliser que l'inverse était valable, et qu'elle venait un peu de lui adresser la même remarque avec une autre formulation, il poursuivit d'un timbre hasardeux, une nouvelle image flottant dans son esprit. "Surtout avec... Cette... Prime. J'ai vu les affiches en ville... Je suis désolé, ça ne doit pas être simple de fonctionner avec ça." L'aspect pragmatique avant toute chose! Ah, parce qu'il faudrait peut-être se préoccuper du comment et du pourquoi Lagertha a une prime sur sa tête? Bhé non...
De toute façon, Saen avait d'autres sujets de préoccupation. Il tâchait avec plus de mal qu'il ne voulait bien le reconnaître de rester aussi naturellement impassible que d'habitude. Quelque chose s'agitait en lui, dans sa tête, ou son corps... Ou les deux? Une chose bien trop complexe à cerner et la Plaine lui sembla soudain beaucoup trop vaste et vide que pour y trouver une échappatoire propice à ce qu'il ressentait. Il se passa une main derrière le crâne, le regard soudain empreint de mélancolie, mais teinté d'un fin sourire.
"Je suis content. Tu es là." Les mots tombèrent de sa bouche comme une affirmation tellement sincère et impromptue qu'il ne rajouta rien de plus.
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Passé le pragmatisme de sa réponse, me faisant amèrement froncé les sourcils, autant que le silence qu'il avait choisit de donner à ma deuxième question, je récoltais enfin quelque chose de plus ou moins satisfaisant à me mettre sous la dent. La nervosité qui paraît mon visage jusque là s'effaçait légèrement en entendant qu'il n'était pas, ici, totalement seul. Mes épaules se détendaient quelque peu et je ravisais le pas brusque qui m'avait rapproché de lui. Toujours incertaine cependant, je le regardais un instant de bas en haut. Il avait changé. Physiquement évidemment. Dans ses manières, pas tant que ça à en voir ses gestes. Mes bras enfermaient toujours nerveusement ma poitrine et mon regard le quittait quand il me demandait, à son tour, ce que je faisais ici.
Ma poitrine se soulevait alors, inspirant une profonde couche d'oxygène par le nez, mes lèvres se pétrissant l'une contre l'autre. Je n'avais pas su lui répondre dans l'immédiat, pourtant ma réaction à la suite de ses mots ne se fit pas attendre. Depuis quelques temps, le simple mot « prime » me hérissait le poil. Instinctivement, mes bras se déroulaient brusquement et l'un de mes mains attrapait le pommeau de l'épée accrocher à ma taille, mon regard furetant autour de nous, à travers les fourrés qui pouvaient peut-être cacher des mercenaires dignes de ceux que j'avais déjà rencontrer. La cicatrice à ma gorge s'en rappelait encore sûrement tant il me semblait la sentir démanger ma peau.
❝ C'est bien pour ça que je suis ici, et pas plus au Sud. Même si je prends sûrement des risques à me traîner toute seule, peu importe où je suis. ❞
Sans décrocher mon regard de l'horizon, mon attention fut cependant rattrapé par Saen, un peu brutalement je devais bien l'avouer, peut-être même que la surprise avait saisi mon cœur. A ces derniers mots jetés, mon visage se tournait vers lui, les yeux quelque peu écarquillés, plongeant l'espace de quelque seconde dans les siens. Bien moins qu'à son apparition de tout à l'heure, mais ses mots avaient quelque chose d'étonnant à entendre. D'étonnamment agréable peut-être, même si je n'en accueillais sans doute pas le sens comme il le faudrait. Mon air revêche revint lentement, laissant échapper un rire court, plutôt d'incertitude en portant mon regard à sa joue.
❝ Content ? Ta joue ne doit pas être de cet avis. ❞
Ma main ne quittait plus le pommeau de mon arme, mais cela avait au moins permit à mes bras de se décroiser. Tandis que mon regard revenait à son visage dans sa globalité, ou plutôt à la longue chevelure qui l'encadrait, je reportais vivement mes yeux vers l'horizon, sentant que je m'y attardais sans doute un peu trop.
❝ Tes cheveux ont poussé vite. ❞
Sérieusement ? J'avais vraiment dis ça ? Il y avait de quoi me faire rouler les yeux vers le ciel. Je soupirais alors nerveusement en cherchant ensuite du regard en direction de la flèche que j'avais tiré, espérant la voir planter dans un tronc non loin, ou quelque chose comme ça. Ne discernant rien de probant, il faudrait sans doute que j'aille fouiller parmi les fourrés dans lesquels elle avait dû finir un peu plus loin.
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Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
Mouvements, regards, nervosité... Peut-être n'aurait-il du guère faire allusion à cette histoire? Les pièces que récoltait son cerveau ne s'agençaient pas à sa meilleure convenance. Il n'avait pas réagit ou émit de commentaire, mais le geste de Lagertha, portant sa main sur son pommeau, avait légèrement brisé sa sérénité de l'avoir retrouvée. S'imaginait-elle qu'il puisse être venu avec des intentions de la sorte? Ou s'agissait-il d'une réaction tenant d'éléments qui appartenaient à une globalité plus complexe et inaccessible? Il se ferma à ces réflexions, il n'en voulait pas, et surtout, il ne pouvait pas... ou plus vraiment sans doute, se permettre d'attendre qu'elle lui fasse confiance.
Le rythme de ses pensées s'accrocha aux autres mots, à d'autres réalités, plus légères. Il sourit à cette remarque, tout en effleurant sa joue. "Son avis m'importe peu de toute façon." Saen se sentit un rien plus allègre, même s'il éprouvait des difficultés à capter le regard de la nordienne, qui semblait toujours agité? Et le quittait régulièrement. Fallait-il la rassurer quant à la nature de sa présence ici? Décidément, il n'arrivait pas aussi bien qu'il l'aurait souhaité à se débarrasser de ces préoccupations. Tant pis.
"Oui, dès que je n'y touche plus ils deviennent vite longs. Et puis... Cela fait un moment, au fond." Combien de temps exactement? Une saison au minimum, depuis qu'elle l'avait laissé sur la plage de Selmar. Autres échos, autres réminiscences émotionnelles et sensorielles. Il secoua doucement le fief, comme si cela avait le pouvoir de les éjecter de son crâne ou de sa mémoire corporelle. Finalement, il préférait encore se focaliser sur cette histoire de prime, d'ailleurs, son esprit venait de potentialiser une menace. "Nous devrions nous éloigner." Il alla détacher Eylun, puis revint vers Lagertha. Il se rapprocha davantage cette fois-ci, instinctivement et sans trop y réfléchir.
"Je doute que mes compagnons de voyage se préoccupent réellement de ne pas me voir revenir, mais dans le cas contraire... Et bien, je ne les connais pas et ils sont liés à de puissants semi-dieux. Je ne voudrais pas te causer du tort, même indirectement." Par ailleurs, elle devait avoir un pied-à-terre alentours? Ou un bivouac, n'importe quoi? Bien sûr, il n'était pas sans ignorer ses liens divins, même s'il avait découvert le second par le biais des affiches. Un autre souvenir se fraya un chemin à la surface.
"Je suppose que tu n'es pas complètement seule? As-tu pu rejoindre et aider les tiens?" Sa propre question morcela une partie de lui-même, lorsqu'il se rendit compte à quel point une espèce de gouffre les séparait, et les séparait déjà à l'époque, finalement. Ne devrait-il pas plutôt s'en retourner à son bivouac? Que cherchait-il? Que risquait-il de trouver, surtout? Avant qu'elle n'ai pu émettre une réponse, son corps obliqua et il se détourna en grande partie d'elle. "Excuse-moi. Ce serait plutôt à moi de m'éloigner... Je pense... Que je vais retourner à mon bivouac. Nous sommes un peu plus loin vers l'est, au bord de la rivière. Fais attention à toi, d'accord?" Ignorant s'il devait ou non attendre une réponse, il se remit en chemin, la bride d'Eylun en main et un poids invisible qui menaçait d'écraser son âme à chaque seconde dans le corps.
La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
C'est vrai ça, ça faisait un moment que je ne l'avais pas vu. C'est alors que, comme pour être sûr qu'il était effectivement avec moi en cet instant, je tournais mon regard vers lui pour le scruter davantage. Sans trop d'insistance, pour m'éviter la gêne de tout à l'heure, mais suffisamment pour le détailler davantage. La dernière fois que je l'avais vu c'était sur la plage, avec la ferme intention de ne pas le mêler à mes affaires. Et voilà que je le recroisais, bien proches de ces dernières. Mes yeux avaient perdu leur ancrage en m'étant remémorer tout ça, mais bien vite ils se raccrochèrent à Saen, l'air subitement plus sévère, quoi que plutôt méfiant sans doute.
❝ Nous éloigner ? ❞
Avait-il entendu quelque chose que je n'avais pas perçu ? Ma main revint se poser sur le pommeau de mon arme en scrutant l'horizon, tout en gardant un œil, par sécurité, sur Saen. Son approche rappela mon regard à lui, de bas en haut, tant la proximité était plus importante que tout à l'heure. Sans savoir dire si cela me gênait ou non, je l'avais juste remarqué et le brun de mes yeux s'accrocha allégrement à son visage. A vrai dire, sa méfiance avait de quoi éveiller la mienne. Si jamais ses compagnons se pointaient ici avec inquiétude et verrait une criminelle recherchée à ses côtés, je ne donnerais pas cher de ma peau. Encore moins de la leur. Ma babines se souleva doucement en regardant dans la direction où je pensais qu'ils étaient.
❝ Oui j'ai pu les rejoindre, nous sommes établis un peu plus à l'ouest. ❞
Voilà que j'informais de ma situation géographique. Qui m'assurait qu'il n'y avait personne dans ces fourrés qui nous écoutait ? Hm, non. Cela voudrait dire que Saen serait un genre de complice et ça, ça m'était impossible d'y croire. Secouant la tête pour faire partir cette pensée. En parlant de fourré, il valait mieux que je chercher cette maudite flèche que j'avais probablement perdu au milieu de l'un d'eux. J'allais pour m'en rapprocher quand Saen se détourner brusquement de moi, attirant vers lui un regard interloqué. Pardon ? S'éloigner ? Retourner à son bivouac ? Pourquoi je sentais quelque chose m'étreindre la gorge ? Mes paupières s'écarquillaient, imposant à mes lèvres un mutisme que je ne savais pas défaire. Mes yeux le fixaient, sans savoir quoi dire, à le regarder s'éloigner. C'était pourtant une décision réfléchie et sensée. Je ne connaissais pas ses compagnons et eux me connaitraient comme une cible à attraper ou à abattre. Je n'étais pas en sécurité avec lui, pas en cet instant, et lui ne l'était sans doute pas avec moi. N'importe qui pourrait croire, en nous voyant bavasser tranquillement, qu'il était un complice de la criminelle Nordienne. Alors pourquoi je ressentais quelque chose de désagréable. En des temps plus reculés, je n'aurais pas réfléchis à cela, aurait même certainement pris la décision de m'éloigner moi-même. Mais...
❝ Déjà ? ❞
Ma voix résonnait entre un ton brusque et fébrile. C'était très étrange à entendre. J'avais tant envie de le retenir que de l'envoyer plus loin. Merde. Qu'est-ce que je disais. Si il se retournait je ne pourrais pas tenir son regard. Maintenant que j'avais dis ça, il attendrait sans doute davantage. Qu'est-ce que je pouvais bien dire de plus ? Je préférais rouler les yeux vers le côté et me détacher de sa silhouette, marchant vers le fourré dans lequel, je pensais que ma flèche s'était fichue, pour détourner son attention, ou plutôt la mienne. Je serrais et desserrais mes doigts, comme si ça servait à quelque chose. Je me sentais perdu, tiraillée entre deux choses dont je ne connaissais pas le nature. Préférant alors farfouiller, je laissais ma voix s'exprimer sans trop y réfléchir, espérant sans doute que ça viendrait plus facilement.
❝ Je veux dire, si... Ta sécurité et la mienne pouvaient être assurées, ça serait dommage d'écourter... Non ? ❞
Dis-je en me redressant après avoir mis le doigts sur ma flèche et m'être retourné vers lui.
❝ Enfin, c'est pas comme si c'était simple, hein ? ❞
Je fis un légère grimace, se voulant sans doute quelque chose comme souriant. J'étais très incertaine quant à l'efficacité de la chose mais peu importe. Cependant, une chose était vraie et ne pouvait pas être mise de côté. Si ses compagnons se mettaient à le chercher, ça ne serait vraiment pas bon. Qu'on soit ici ou ailleurs. Et puis ailleurs où Lagertha ? Putain. Je n'avais pas envie que nos retrouvailles ressemblent à ça, mais aucune solution ne me venait pour améliorer les choses. Je rangeais alors ma flèche dans le carquois accroché dans mon dos.
La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
'Déjà?' ... Un petit mot pourtant énorme dont l'intensité le cloua sur place. Oui, c'était déjà trop, et bien trop peu à la fois. Saen secoua le fief pour chasser la confusion qui s'étendait à l'intérieur de son esprit, comme si cela allait suffire. Son regard se porta sur la silhouette de la nordienne, qui fouillait les buissons, probablement pour récupérer son projectile. Il entrouvrit la bouche, puis la referma en écoutant la suite. Une sensation indéfinissable rongeait chaque fibre de son corps, sans qu'il puisse au minimum déterminer si elle était de nature positive ou négative. Il n'aimait pas du tout cela et il se rendit compte, un peu sur le tard, qu'il demeurait bêtement à la fixer sans dire quoi que ce soit depuis un moment. Les rouages finirent par se remettre en route, et les briques tombèrent dans le désordre en emmêlant le timbre de sa voix au passage.
"Non. Enfin, oui. Je... De quoi parles-tu?" A propos de quoi, la simplicité absente, le 'déjà', le dommage? ... Oui, c'était dommage, surtout si de telles conditions pouvaient exister, son cerveau pouvait lui crier le contraire, il ne l'entendrait pas. Le jeune homme ne la laissa guère répondre tandis qu'il enchaînait. "En fait non. Ce serait dommage, je suis d'accord." Et t'as l'air bête, mais ça tout le monde le sait Saen, sauf toi. Quoique. Retrouvant un ton plus posé, il continua sur sa réflexion. "Si ça l'est pour tout deux, alors les choses sont peut-être moins compliquées, non?" Clairement, ce n'étaient pas ses mots et son attitude qui allait les simplifier. Son regard glissa sur le côté, au même titre que ses lèvres dans une moue de... réflexion ou de malaise? Il finit par se raccrocher au réel et à la possible consistance de telles conditions.
"Nous pourrions rejoindre ton campement. Nous y serons à l'abri, je présume? Il n'y a rien d'autre à faire dans l'immédiat. La Plaine demeure dangereuse à plusieurs égards." Sans vraiment songer au fait que cette option puisse la déranger, visant leur sécurité avant tout et ce en regard de leur situation, les choix se raréfiaient grandement. Il s'approcha de la Rivebrume et vint s'accroupir au bord de celle-ci, avant de plonger une main dans l'eau clair. "Le sol est gorgé de gravillons sédimentaires sur la rive. Nous pourrions marcher dans l'eau peu profonde du bord sur une certaine distance sans laisser de traces derrière nous, avant de bifurquer pour rejoindre les tiens. Qu'en dis-tu?"
Il se redressa pour lui faire à nouveau face, esquissant un sourire. Après tout, ses craintes n'avaient peut-être aucune raison d'être. Lagertha semblait accorder... De l'importance? Au fait qu'ils se soient retrouvés. Un intérêt suffisant, du moins, pour ne pas souhaiter écourter leur rencontre. Cette pensée fit naître un air des plus perdus et béats sur ses traits. Son instinct émotionnel venait de supplanter sa rationalité avec une facilité totalement inhabituelle.
La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
Je ne savais pas quoi comprendre de son comportement. Comprenait-il quoi que ce soit du mien, quand j'étais moi même très incertaine de ce que je voulais exprimer. Pendant de longues secondes, il m'avait fixé, sans un mot, quand de mon côté je faisais mine de l'inciter à s'engager, haussant un sourcil en le fixant plus intensément. Comment ça de quoi je parle ? De nous deux, n'était-il pas sensé être celui qui lisait entre les lignes et déblatérait un tas de mots sans que j'en comprenne le sens ? Les choses me semblaient étrangement différente en cet instant. Tout m'avait l'air déséquilibré. Mais comme il le disait, si nous estimions tout deux qu'une séparation imminente était dommage, peut-être que ce n'était pas si compliqué que ça. Je baissais alors les yeux et tournais la tête.
❝ Peut-être.. ❞
Très loquace tout ça, mais je ne savais pas quoi faire d'autre. Je ne parvenais pas à réfléchir avec efficacité, enfin, comme si cela m'était possible de manière générale. A cette pensée, je levais les yeux au ciel en soupirant discrètement, ce que ça avait le don de m'énerver. Mais bien vite, mon attention fut rattraper par ses mots, levant un sourcil, interloquée, en reportant mon regard vers lui. L'accueillir au camp ? On ne peut pas dire que ça ne m'avait pas traversé l'esprit, ou que j'étais contre, mais cela engageait inévitablement d'autre problème. Et mon regard les chercha, au travers du bosquet en fronçant les sourcils. Oui, le vrai problème était ses compagnons. Et si, au contraire de ce qu'il pensait, ils se mettaient à le chercher, remontait sa piste et venaient jusqu'à nous ? Nous pourrions les accueillir, c'est certain. Mais étais-je seulement prête à courir ce risque pour allonger ces retrouvailles ? Saen apporta cependant un début de solution à cela, attirant à nouveau mon regard à lui.
❝ Ça peut s'envisager. ❞
Je trouverais bien une meilleure alternative plus tard, quoi que déjà, une idée pointait le bout de son nez. Cependant, il m'apportait ainsi une porte à emprunter et cela me suffirait pour avancer sans trop réfléchir. Je m'y engouffrais donc, sans plus de réflexion, me rapprochant de la rive où il se trouvait en m'éloignant déjà. J'entendais les gravillons glisser sous mes bottes, mais pas sous les siennes. Après en avoir fait une dizaine, je me retournais vers Saen qui n'avait pas encore bougé.
❝ Et ben alors ? Tu te ramène ? ❞
J'attendais qu'il se manifeste, qu'il me rejoigne et marche à mes côtés, vers l'est. Alors que nous reprenions la route, j'étais plutôt silencieuse, réfléchissant à nouveau aux risques que je prenais en agissant ainsi, un air soucieux peint sur le visage alors que mes yeux lorgnaient davantage sur le sol devant mes pieds que sur l'horizon flou. Déjà, si nous marchions sur une longue distance ainsi, nous pourrons au moins nous rendre compte de si nous étions suivis ou non, par ses compagnons et si c'était le cas, je serais contrainte de le laisser sur place et de fuir, sans doute en appelant Galifey. Il était un bon moyen de quitter un endroit, rapidement et sans laisser de traces... Peut-être que...
Tiré de ma réflexion par la voix de Saen, je relevais les yeux et les pointaient avec une certaine douceur vers lui, d'un air quelque peu interrogatif. Si il avait dit quoi que ce soit, je n'aurais certainement rien entendu.
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Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
Au moins Lagertha s'accordait sur cette possible réalité, enfin, semblait-il? Quoi qu'il en soit, elle continua de le suivre dans ses idées, acceptant d'avancer et de s'éloigner assez judicieusement du groupe que Saen délaissait ainsi sans plus s'en préoccuper. Les pensées tournées vers bien d'autres choses, peu claires, mais omniprésentes. C'était assez étrange, comme sensation. En d'autres temps, la simple compagnie de la nordienne le mettait à son aise, enfin, disons plus qu'en général, car il ne se souciait jamais vraiment de la perception d'autrui et pouvait être serein en toute compagnie. Serein parce que partiellement détaché...
...Mais n'étaient-ils guère liés? En quelque sorte, attachés revêtait encore une toute autre dimension à laquelle Saen préférait ne pas songer. Perdu dans ses réflexions, son corps demeurait figé là, jusqu'à ce que la voix de la nordienne pénètre ses sens engourdi par ses pensées. Il lui emboîta le pas, se retrouvant rapidement à la même hauteur, le visage recomposé d'une certaine simplicité. Autant remiser les écarts de réflexions inutiles, n'était-il pas heureux ainsi, à ses côtés, à savoir qu'elle ne le fuyait guère, voire, se préoccupait un minimum de prolonger leur rencontre?
Une sorte de redécouverte progressive se tissait dans l'instant, tels deux inconnus, indiciblement reliés, qui posaient un regard neuf sur l'autre. Ou plutôt, laissaient éclore des sensations nouvelles ou changées. Cette idée lui plu et il la verbalisa aussitôt, avec un entrain retrouvé. "C'est à la fois étrange et... Intéressant, non? Tu es là, et pourtant, ce n'est plus ni vraiment toi, ni vraiment moi. Enfin, si, mais plus pareillement disons. Alors, qu'est-ce que ça va pouvoir être?" Sa phrase se perdit dans la brume, comme dissimulée par cette dernière aux sens de la guerrière qui tourna le fief vers lui comme si elle ne l'avait pas vraiment entendu.
D'aussi près, surtout aux abords de la Plaine, où la brume se faisait moins épaisse, l'orangé de ses prunelle capta aussitôt la marque qui transparaissait sous son menton et qu'il n'avait pu déceler plus tôt. Oubliant littéralement ce qu'il disait, Saen saisit doucement mais fermement le bras le plus proche de Lagertha, tandis que son autre main avait lâché les brides pour venir frôler du bout des doigts la peau de sa gorge. "Qui t'a fait ça?" Le ton grave s'était durci d'une émotion jusqu'alors jamais présente dans sa voix. Son esprit avait déjà anticipé et déblayé le champs d'investigation. On ne se blesse pas seul de la sorte, il n'y avait rien d'aussi 'travaillé' là dedans qu'au coeur de la cicatrice qu'il lui connaissait dans le dos. Et l'intention, à cet endroit, demeure généralement mortelle.
Mais pourquoi 'Qui' et non 'Comment' ? Deux questions à la signification et aux paramètres concernés sensiblement différents. La première, il ne l'aurait jamais demandée. Avant. Avant quoi? Que ses entrailles s'agitent avec un gout amer qu'il ne leur connaissait pas face à cette simple vue? Sa main relâcha instinctivement le bras de la nordienne et l'autre s'éloigna aussitôt de sa marque. Une fraction de seconde. Ses réflexions ne s'étaient formées et achevées qu'en l'espace d'un éclair. "Pardon..." Un cran plus bas, son ton peinait à retrouver sa neutralité. "...Je ne voulais pas te brusquer." Il se détourna et continua d'avancer le long de la berge en tâchant de maîtriser une chose qui venait de fragiliser des murs psychiques comme physiques dont il ne se souvenait même pas avoir érigé les fondations...
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Mon attention complètement tourner vers lui, son regard intense n'échappait pas au miens. Interloquée et interrogative, je fronçais les sourcils en penchant légèrement le tête sur le côté. L'instant d'après, il saisit mon bras et sa prise capta mon regard avant de revenir à lui, après avoir fait quelques allés retours entre ses yeux et sa main. L'autre s'approcha se ma gorge et vint l'effleurer, si d'abord mes épaules se reculèrent légèrement, mon menton finit par se lever quelque peu. Un court silence s'installa avant et après sa question. Mon regard tomba sur le côté, l'espace d'une seconde. J'allais lui répondre, mais mes souvenirs me remémorait d'autres instants, similaire. Le Démon avait réagit de manière semblable à la vue de cette cicatrice, je n'aurais pas cru retrouver ça chez Saen, à ce moment là. Pourtant, les questionnements que cela aurait pu faire naitre ne percèrent pas immédiatement mon esprit, plutôt tourmenté par ce que cela m'avait provoqué.
J'allais alors lui répondre, mais je sentis bien vite sa prise de défaire, appelant mon regard à lui, discernant dans ses traits une sorte de gêne, je crois. Me brusquer ? Un léger souffle ponctua l'aspect comique de ces mots. Saen, me brusquer ? Voilà quelque chose d'assez inattendu. Autrement que me brusquer, effectivement, ses agissements m'avaient surprise et, quelque peu décontenancée, je le laissais reprendre notre route, d'un pas plus en avant que les miens.
❝ Celui qui a fait ça est mort. ❞
Est-ce que j'essayais de le rassurer, d'une certaine manière ? Sans doute, plus que cela, je n'entrais pas dans les détails de la circonstance de sa mort qui avait été, on peut le dire, assez violente. Là était ma propre attention de ne pas brusquer cet homme si calme et sans doute trop aimable pour le monde qui nous entourait. Que penserait-il de moi si je lui disais que pendant de longues minutes, j'avais pris un plaisir fou à torturer ce porc qui avait eu l'audace de me toucher ? Il allait sans doute penser, dans un premier temps, que j'avais le chic pour m'attirer ce genre de pourritures, étant venu à mon secours cette fois là dans les Landes. Sentant alors une ambiance un peu pesante, j'essayais d'alléger la situation en laissant échapper un court rire ironique.
❝ On récolte ce qu'on sème, je suppose. C'est le lot de ce qui ont leur gueule placardée, je crois. ❞
Ah bravo, ça, c'est clair que ça allait le rassurer, si toutefois c'était bien de l'inquiétude que j'avais lu. Par les Dieux Lagertha, comment tu peux être aussi bête ? Roulant les yeux vers le ciel je laissais échapper un râle désappointé par ma connerie. Essayons de la rattraper...
❝ Mais t'en fais pas, je suis bien entourée. ❞
Je ne comptais pas moins de trois enfants divins à mes côtés à présent. Il en connaissait au moins un, Galifey, avec qui nous avions traqué et combattu le mythique Zan. Enchainant sur ce sujet pour tenter encore de détendre l'atmosphère, je revenais d'ailleurs sur ce sujet.
❝ C'est pas un con d'humain qui va réussir là où Zan à échoué, hein ? ❞
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Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
"Ah." Ce fut, assez platement, l'unique réaction verbale qui s'échappa de ses lèvres suite à cette réponse. Difficile d'en détourer le sens exact... L'absence d'intonation spécifique dans sa voix reflétait clairement sa propre confusion. En était-il satisfait ? Son corps comme sa psyché répondaient mal à de telles réalités émotionnelles. Une part de lui même éprouvait du soulagement... La satisfaction revêtait un tout autre sens, dont les griffes ne faisaient que lécher les rives de son âme. Un jour, se laisserait-il atteindre par ce genre de sentiment ?
De nouveau égaré il reprit avec difficulté le fil des mots de la nordienne. L'entendre donner forme à cet état de fait le laissait perplexe. Se préoccupait-il de ce que Lagertha avait, semblablement, semé ? Était-ce là ce dont elle avait tenu à l'éloigner ? Saen se fichait pourtant bien des détails... Son esprit se trouvait, en sa compagnie, à la fois ouvert et fermé. Accueillant à l'égard de la jeune femme en toute chose et par conséquent hermétique à des idéaux qu'il entretenait pourtant avec fermeté. Trop de contradictions qui lui brouillaient la tête.
Il opta pour la facilité en première ligne, répondant à cet écho si lointain et si proche en même temps. "Les humains sont parfois bien plus dangereux que les créatures de cette île... Sauf, effectivement, lorsqu'on est bien entouré." Face au monstre légendaire, ils n'avaient pas été seuls, après tout. Mais pourtant, déjà, il se souciait d'elle.
L'homme s'arrêta puis se tourna doucement pour lui faire face, l'orange de ses prunelles tombant dans le regard brun de la guerrière, quelque peu forcée de s'arrêter à son tour. Il pencha un rien le fief sur le côté, les traits neutres, et lui demanda simplement. "Si je m'en fais pour toi, cela te dérange-t-il ?" Il s'interrompit, incertain, puis les mots vinrent d'eux-mêmes avant qu'elle ne réponde. "Voulais-tu me préserver de ce que tu as semé ? Ou n'étais-je pas... Je ne sais pas... À la hauteur, pour t'accompagner sur cette voie ?" Sans doute les mots employés ne suffisaient guère à exprimer adéquatement son ressenti. Il aurait aimé lui dire ses propres craintes, le vide qui l'avait assaillit au petit jour sur cette plage déserte. La hargne et la colère indéfinissable qui avaient resurgit sans ce bar... Ha! Voilà donc à quoi cela se trouvait lié ? Et Ezel, aussi... Non. Pas maintenant.
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La gêne que cette situation me procurait était sans doute palpable et bien visiblement, en témoignait mon regard qui n'avait de cesse de se poser ailleurs que sur lui. Malheureusement, je n'eus pas le loisir de continuer ce petit manège à loisir, bien rapidement, je sentais le sien de regard, si particulier, se poser irrémédiablement sur moi, cherchant le mien jusqu'à le trouver. Un court silence s'installa, sans que je ne le veuille, son seul regard posé sur moi me forçant à m'arrêter. Il n'avait rien à dire de plus pour que j'ai l'impression que quelque chose ne tournait pas rond dans cette conversation, et pas que de mon fait visiblement. Enfin, je me rassurais à le croire plus précisément. Fronçant les sourcils et l'accueillant d'une mine interrogative, j'allais pour rétorquer quand finalement il prit les devants.
Est-ce que cela me dérange s'il s'en fait pour moi ? Étrange question.. à laquelle je m'apprêtais instinctivement à répondre, sans y réfléchir, mais les mots de vinrent pas, laissant des lèvres entre ouvertes d'un souffle silencieux. Qu'est-ce que je pouvais bien lui répondre ? Je n'avais aucune idée de ce que je pensais à ce sujet, ne m'étant jamais posé la question à vrai dire. Je baissais un instant les yeux mais sa voix les rattrapèrent. Je fus prise à la gorge, mon souffle se coupant, voulant rétorquer à nouveau, mais n'accueillant qu'un mutisme s'échappant de mes lèvres. Mes mâchoires se crispèrent, mes sourcils se froncèrent et je finis pas déglutir sans savoir quoi répondre dans l'immédiat. Alors, préférant fuir pour l'instant, pathétiquement, un bruissement me fit quitter sa vue pour balayer l'horizon.
❝ Ce n'est pas l'endroit pour parler de ça. ❞
J'avouais répondre assez sèchement, pas par colère, davantage par facilité à vouloir me défaire de cette situation à laquelle je n'avais pas envie de faire face maintenant. M'échappant de l'endroit, je fis quelques pas pour m'éloigner de lui, observant à nouveau la plaine brumeuse. Ici fera l'affaire, tant pis si ça n'était pas l'endroit le plus judicieux ou le plus stratégique, je m'en foutais. Levant les yeux au ciel invisible, je laisse un soupire s'échapper avant d'appeler Galifey.
❝ Galifey, viens à moi. ❞
Dans l'instant qui suivit, la magie fit apparaître le gigantesque Griffon, soulevant la brume sous son corps lourd et ses ailes déployées. Échangeant quelques mots avec lui pour lui expliquer la situation, son regard flamboyant se tourna vers Saen à qui il adressa une salutation d'un hochement de tête appuyé. Puis il se coucha, sur mes indications, afin de me permettre de monter sur son dos. Une fois fais, je me tournais vers Saen en lui tendant ma main.
❝ On va prendre les airs, pour brouiller notre piste avant d'aller au camp. ❞
Une fois que cela serait fait, si il consentait à me suivre évidemment, nous nous envolerons sans plus attendre.
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Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
Malgré tout, la situation ne paraissait pas aussi simple qu'ils auraient pu l'espérer. L'esprit de Saen tâchait de lâcher prise, alors que ses questions draguaient la complexité en surface, plutôt que de passer à autre chose. Simplement se réjouir de cette présence... Profiter de l'instant inopportun qui les avait réuni... La savoir en vie bien que traquée... Une multitude de réalités dont le quart, il y a quelques semaines, aurait pourtant suffit à l'apaiser sans qu'il ne s'interroge plus en avant. Pourquoi ? Ce petit mot bien trop grand fut expulsé de sa pensée par sa raison préservatrice et son attention se focalisa sur...
... L'absence de réponses. Enfin, partiellement. Lagertha lui signifiait par sa formule qu'elle ne brisait pas l'échange mais tenait à ne guère le poursuivre en ces lieux. La sécheresse dans sa voix le laissa dubitatif. Aurait-il du s'abstenir? Était-ce l'état alerte de la nordienne et sa raison qui parlait, ou un désagrément causé par cet interrogatoire? Réalisant que ça en prenait effectivement l'allure, Saen se mordit la lèvre inférieure, se promettant qu'il accepterait sans aucun problème qu'elle ne lui offre aucune réponse même par la suite. "Ah! Oui, ce serait plus prudent de rester vigilant." La seconde suivante, un imposant et magnifique griffon apparu et vint atterrir à leur côté. La vue du compagnon de Lagertha étreignit douloureusement le coeur de Saen. Celui prit dans un étau mêlé d'une joie à le revoir et de l'amertume à l'écho qu'il lui renvoyait vis-à-vis de son propre ami ailé. Il demeura figé un moment à peine, puis lui rendit son salut, avec un sourire bienveillant qu'il ne pu réprimer.
Il vint ensuite placer sa main dans celle qui lui était tendue, hochant la tête à sa remarque pertinente. Le contact lui procura un étrange frisson, aux antipodes de la chaleur qui s'était répandue parallèlement dans son corps. Une fois installé, il s'agrippa... Des plumes! Il l'avait déjà oublié. La seule prise qui ne lui glisserait pas entre les doigts c'était le corps de la nordienne, enfin, pas d'un point de vue purement pratique du moins. Il hésita, mais l'envol du griffon menaçant subitement de le désamorcer, ses réflexes furent plus prompts que sa raison et ses mains s'arrimèrent aux vêtements de la nordienne. Au moins, elle possédait assez d'épaisseur avec le cuir de son armure pour que cela ne soit pas dérangeant.
Le voyage fut rapide, malgré les détours, vu l'envergure de Galifey cela n'avait rien de surprenant. Et tant mieux, car il se fit dans un silence un peu pesant, seul la sensation de vol venait alléger le coeur du jeune homme, qui se préoccupait aussi de sa monture, bien coincée entre les grandes pattes de l'enfant divin mais certes pas du tout à son aise.
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Mon regard se posait sur Saen, attendant qu'il se décide à me suivre et le court instant d'observation auquel je m'adonnais me ramenait à d'anciennes sensations en sa présence. Son sourire et son visage avait définitivement quelque chose d'apaisant qui étreignit ma gorge à m'en forcer le silence, jusqu'à ce qu'il me rejoigne.
Sans attendre davantage et ne m'attardant pas en réflexion personnelle, Galifey prit les airs avec sa toute puissance semi-divine. Ce qui me forçait à renforcer mes appuis et ceux de Saen sur moi. Je serrais les dents durant se moment, sans savoir à quoi cela était dû réellement. Mon corps s'en retrouvait quelque peu crispé, sans en connaitre la raison non plus, mais pour l'heure, j'avais décidé que les questions seraient pour plus tard, ça valait également pour moi et puis si je m'étais aventurée toute seule encore une fois, c'était pour les éloigner. L'arrivée de Saen avait remis en question cette résolution.
Le voyage se fit assez rapidement, dans le silence ou plutôt la mélodie de l'air sifflant à nos oreilles. A vol d'oiseau, le camp n'était pas très loin alors à vol de fils d'Aer, il ne nous fallut que peu de temps pour y parvenir. Galifey décrivit un cercle au dessus de son emplacement avant de s'y déposer sur la place principale, lentement. Il fit bien attention de ne pas abimer l'arbre juste là, puis se coucha pour nous laisser descendre. Je le fis en première, accueillis par Sig dans un premier temps.
❝ Ah ! Tu es revenue ! Il faut vraiment que tu arrêtes de partir sans... Oh, bonjour. ❞ Finissait-elle en se tournant vers Saen qui arrivait lui aussi. Je me tournais rapidement vers lui avant de refaire face à Sig.
❝ C'est un ami, il va rester un peu ici. Est-ce que tu veux boire, ou manger quelque chose ? ❞
Demandais-je au vagabond ? Autour de nous, il pourrait voir le camp que nous avions investis il y a peu, très peu. On y devinait encore la bataille qui y avait fait rage. La neige naissante sur le sol presque sur la plaine glacée était encore noircis de quelques tâches de sang par endroit. Il n'y avait que quelques maisons qui étaient animées par de la lumière, quand la majorité étaient complètement silencieuse.
Nous voyons ici, surtout Saen en ces lieux, quelques choses me revint. Des mots prononcés il y a longtemps, des envies de l'éloigner de mes soucis et voilà qu'il se trouvait en plein milieu de l'endroit où nous vivions. C'était inconfortable, ça me gênait soudainement, rien n'allait. Je me décidais alors brusquement.
❝ Suis-moi. ❞
Sans pouvoir le contester, je me dirigeais rapidement vers la maison qui était la mienne, pour l'instant. D'un pas ferme et décidé, j'arrivais jusqu'à la porte avant de l'ouvrir et d'y entrer sans ménagement, commençant nerveusement à chercher de quoi mettre quelque chose à manger ou à boire sur la table.
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Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
Galifey ralenti alors, décrivant quelques cercles avant de venir poser en douceur Eylun, dont quelqu'un saisit aussitôt la bride pour l'écarter et le rassurer, à priori. Puis, il s'allongea afin de leur permettre de descendre. Vu d'en haut, le lieu ressemblait à une petite place forte qui aurait subi un assaut récent. Vu d'en bas, cette idée venait plus nettement s'inscrire à travers des baraquements inoccupés au silence nocturne et sous le crissement de ses pas recouvrant l'éclat terni du sang qui imprégnait le sol durci de la plaine. Saen n'y prêta guère grande attention, tandis qu'il répondait chaleureusement à la femme l'ayant salué. "Bonjour." Il s'abstint de donner son nom, car Lagertha ne l'avait pas présenté et il préférait ne pas commettre une bêtise comme à son habitude.
S'assurant rapidement que son variquan bénéficierait de soins adaptés, il obliqua le fief vers la jeune nordienne qui lui offrait de quoi boire et manger s'il le désirait. "Mmm? Éventuellement, oui." Un sourire éclaira son visage tandis qu'il lui emboîtait le pas. Elle avait su trouver une place assez vaste pour accueillir les êtres qui lui étaient chers. Par ailleurs, le lieu semblait défendable, reculé dans les brumes de la plaine, et elle, entourée des divins qui l'accompagnaient, devait y être davantage en sécurité. Il passa l'ouverture d'une maison semblant appartenir à Lagertha et demeura un instant sur le seuil après avoir refermé derrière lui.
C'était à la fois étrange et agréable. Posséder un chez-soi revêtait quelque chose de particulier, lui qui n'avait plus de racines de la sorte sur lesquelles s'établir, espérait que la nordienne y puise quelque réconfort. D'autres parts... Et bien, il ne l'avait jamais que croisée, au détour d'une chambre d'auberge, d'un marché, d'une expédition assez intense, ou d'une plage bercée par un chant crépusculaire... Soudain, il se senti intrus. Si lui gardait sur sa propre personne ses murailles et toute son intimité, ceux qui en accordaient un morceau à un lieu, une maison, offraient à autrui la possibilité d'y entrer et de passer certaines murailles. Il n'avait pourtant pas eu la possibilité d'ériger ce pont, dont Ezel lui avait parlé.
La tête pleine de questions, il s'était activé sans le réaliser. Se débarrassant de ses affaires, son chapeau fut accroché au dossier d'une table ainsi que son sac sans fond. Sa blouse ample et chaude recouvra le tout, le laissant avec son armure de cuir et les bras dégagés. Puis, ses prunelles trouvèrent le chemin du dos de la nordienne qui cherchait de quoi le sustenter. L'atmosphère de la pièce se gorgeait d'une tension palpable à ses sens si fins et sensibles. La nervosité qu'il lui connaissait bien aurait pu transparaître tel un halo autour de Lagertha. Soudain, les questionnements et craintes de Saen s'évanouirent, pour laisser place à une impulsion bienveillante qui supplantait ses besoins personnels. Son propre corps venait de relâcher toute tension, car il connaissait les réponses positives aux inquiétudes matérielles la concernant, et avait décidé de laisser les autres de côtés pour l'instant.
סּ סּ סּ
Il s'était approché dans son dos, au départ avec l'intention de poser une main sur son épaule. Mais son regard agrippa le poignet qui refermait une armoire et instinctivement il vint saisir ce dernier en douceur. Le tissu sous sa paume côtoyait la peau de la nordienne, et une simple phrase, au ton calme et profond accompagna son geste. "Détends-toi..." Il demeura là, à quelques centimètres d'elle à peine et ferma les yeux. Ce n'était pas le premier malaise qu'ils connaissaient. Et en parler avait finalement été la seule solution pour dénouer ce qui leur tordait l'estomac à tout deux. "Je sais que les mots ne sont pas simples, je les manipule aussi avec peu d'habilité parfois, mais... Si quoi que ce soit te rend mal à l'aise, exprime-le. Si tu ignores quoi, et que je peux t'aider, cherchons-le ensemble." Sa respiration, lente et profonde le plongeait dans une forme d'apaisement, bien que celui-ci serait peut-être difficilement partagé. "Si ma présence te gêne, je ne resterais pas plus longtemps. Si j'ai commis une maladresse, essaye de m'expliquer, avec les mots ou les armes que tu voudras." Qu'il s'agisse de ses questions plus tôt, ou de tout autre chose échappant à son sens social.
Sa main glissa jusqu'au poing fermé, peut-être crispé, de la nordienne et l'enveloppa. "Et si rien ne vient comme tu le veux, laisse toi aller, ne réfléchis plus. On peut même se taper dessus, je connais l'exutoire que cela peut représenter." La fin de sa phrase était légère, amusée, il n'y verrait aucun inconvénient. Il savait parler de cette façon aussi lorsque son corps était le seul à pouvoir répondre aux maux de son esprit. Bien qu'il l'avait décidé au préalable généralement. "J’accueillerais tout ce que tu me donneras et qui pourras te faire du bien, y compris le silence ou le rejet." Cela pouvait sembler contradictoire en regard de ses précédents propos, mais il lui signalait par là qu'elle n'était forcée à rien. Qu'elle n'avait en aucune façon de motifs de se sentir coincée.
Il relâcha le contact sur sa main, craignant l'envahir par son attitude qu'il voulait purement réconfortante. Puis se recula un peu, patient, sans attentes particulières, du moment qu'elle pouvait quitter sereinement cet état de tension d'une façon comme d'une autre. Si elle le pouvait du moins, sinon, il n'y avait pas à forcer les choses, chacun fonctionnait à sa meilleure convenance.
La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
La nervosité me faisait aller et venir à un rythme saccadé, tout comme ouvrir et fermer des portes de mobilier. Pourtant, ce n'était pas comme si j'en avais des centaines, ou comme si je ne savais pas où était les choses, mais sans comprendre pourquoi, j'avais besoin d'extérioriser les choses par les gestes. Est-ce que j'avais pris une bonne décision en le ramenant ici ? Lui que je connaissais finalement si peu. Je ne connaissais après tout pas ses attentions, il se pourrait même qu'il m'ait trouvé dans le but de me nuire. Qui sait ? Je ne pouvais être sûre de plus rien aujourd'hui.
Je sentis alors la chaleur de sa main entourer mon poignet et le tissu qu'il avait lui même enveloppé cette fois là. Au départ, j'eus un réflexe de fuite, serrant mon poing et cherchant à le faire sortir d'un mouvement sec, sans aller jusqu'au bout. Me retournant et voyant Saen, j'avais stoppé net, pourtant, mes sourcils se froncèrent et mes yeux le questionnèrent silencieusement. Me détendre ? Si c'était si simple. Malgré tout, je restais là, n'ayant pas trouvé la nécessité de lui faire face, à moitié tournée vers lui, l'observant sans un bruit. Mon regard glissait entre sa main et son visage, lentement jusqu'à tomber sur des paupières closes. Lentement, je sentais alors ma respiration ralentir, mes muscles se détendre. J'avais oublié cette faculté qu'il avait à avoir cet effet sur moi, sans que je ne le comprenne. En y repensant, je n'avais jamais réussis à obtenir une telle finalité simplement en regardant mon poignet. Peut-être avais-je trop oublié de cette sensation pour pouvoir me la remémorer d'une simple pensée.
Sans réfléchir davantage, mon regard s'ancra sur le visage de Saen, me contentant de le regarder et l'écouter silencieusement. Mon visage n'était pas complètement détendu, le pouvait-il seulement ? Je sentis alors sa main glissé jusqu'à mon poing, accompagné par mon regard attiré par cette douceur. J'aurais pu rester plus d'un instant ainsi, mais quelques uns de ses mots me firent tiquer, attirant rapidement mes yeux aux siens, laissant un souffle brusque s'échapper par mon nez avant de détourner mon visage, sans pour autant me défaire de son étreinte. Oui, réagir par la colère et le combat me serait d'une facilité sans nom, mais je n'avais aucune envie de lui taper dessus, il ne le méritait pas et je n'avais aucune raison de le faire. Pour cette fois-ci, je n'étais même pas en colère, du moins pas contre lui. Je ne l'avais jamais été réellement après tout, il n'avait toujours été qu'une plume sur la balance de ma culpabilité. Compréhensif, apaisant, gentil avec moi sans raison apparente. Voilà la raison pour laquelle je n'avais jamais souhaiter l'impliquer davantage, cherchant à le fuir plus que de raison. Il n'était pas de mon monde, de celui de la violence d'âme et de corps.
Le visage toujours détourné de lui, il relâcha mon poignet dont je laissais le bras revenir doucement vers moi, sans bouger, fixant un point invisible sur le mur en bois face à moi. J'inspirais et expirais lentement, cherchant par la à mesurer mes paroles et mes pensées, avant de lui servir d'une manière qui pourrait être mal jugée. Ce ne serait pas étant me concernant.
❝ Tu n'as rien fais et ta présence me gêne pas. C'est juste que... j'aurais pas dû t'amener ici. ❞
Ça commençait mal niveau mauvaise interprétation. Je voyais difficilement comment il allait bien la prendre celle-ci. Il fallait que j'améliore le tout. Cherchant à libérer mes pensées des contraintes que je leur imposais, je reprenais ce que je faisais, de gestes plus mesurés, attrapant des verres, une miche de pain, de la viande séchée.
❝ Déjà à l'époque, ma situation était assez compliquée, là elle l'est encore plus. En étant ici, je te fais prendre des risques. Et j'en prends aussi finalement.. ❞
Je m'arrêtais étrangement, juste après avoir posé les verres sur la table, gardant mes mains dessus alors que mon visage se tournait vers lui, comme pour le scruter quelques secondes. Pouvait-il me nuire ? En avait-il l'intention ? Si jamais il s'avérait que c'était le cas, je n'aurais pas d'autre choix que de régler le problème rapidement, maintenant qu'il avait vu ou nous étions. Il serait facile de venir détruire le peu que j'avais réussis à obtenir. Je n'avais pas envie d'y croire, évidemment, mais si jamais...
Je finissais par détourner mon visage et continuer de finir de disposer ce qu'il fallait, devant la place qu'il avait prise, terminant mon discours.
❝ Savoir qui sont ses amis dans une situation aussi tendue, c'est pas toujours simple. ❞
Si à la base, je pensais en avoir quelques uns, ils n'étaient finalement tous que des connaissances et il faudrait, avec le temps, que je m'assures qu'ils soient tous de confiance et qu'ils ne risquaient pas de me menacer, moi et mon clan. Une fois que tout était prêt, j'indiquais d'un geste de la main qu'il pouvait s'installer avant de me décaler pour le laisser faire avant de croiser nonchalamment mes bras, posant mon regard sur lui.
❝ J'espère que tu comprends ce que je veux dire. ❞
La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
Ce n'était pas gagné d'avance, mais Saen ne s'en formalisait guère. Bien que partiellement, il connaissait certains côtés du tempérament de la guerrière. Qu'elle accepte le contact l'avait rassuré, pour lui, mais pour elle aussi, c'était à son sens un point positif. Une brèche dans cette étrange muraille qui les séparait encore il y a peu. Il ne demandait rien, mais appréciait cependant avec joie un tel constat. Elle s'était retournée, quittant la position de biais qui lui avait permis d'accrocher un instant son regard avant qu'il ne la relâche. Le soulagement l'étreignit, bien qu'une ombre vint teinter ce dernier. Comment saisir ces mots qui pouvaient résonner avec contradiction? En leur choisissant un sens neuf et différent? Lagertha possédait probablement de nombreuses raisons de faire, comme d'être...
Et lui, avait-il été judicieux en lui faisant telle suggestion plus tôt? Il n'avait pas tant réfléchi sur l'heure, submergé et malmené par des émotions vives, liées à sa rencontre, qu'il avait eut grand peine à endiguer et contrôler. Il se recula et vint prendre place sur la chaise où ses affaires pendaient. Elle ne désirait pas lui faire courir de risque, par le passé déjà, c'était le cas. Mais lui, s'il le souhaitait? Et l'avait souhaité? Son besoin, cependant, s’effaçait comme le tracé du sable sous la vague des besoins de la nordienne. Il se fichait peu de son propre ressenti, tant qu'elle pouvait demeurer sereine avec ses décisions.
Pourtant... Quelque chose d'autre, de plus, de différent, avait émergé le temps de cette absence. De leur séparation. Bien loin de ce qui avait pu exister les premières fois. Il posa un coude sur la table et vint appuyer sa joue contre son poing fermé en observant vaguement la jeune femme et en tâchant d'analyser ce qu'il se produisait dans sa tête. Une autre partie de son esprit s'accrochait à ses mots, et lorsque la dernière phrase tomba, il demeura silencieux plusieurs secondes, avant d'entrouvrir bêtement la bouche en réalisant qu'il aurait du comprendre quelque chose de précis. Quoi? Ses lèvres refermées il se laissa aller contre le dossier de sa chaise en posant ses avant bras sur le rebord de la table devant lui et nouant ses doigts. Dans un premier temps, la donné antérieure!
"Et si ce sont des risques que je veux prendre? Etant donné qu'ils m'apportent plus de bien que de mal." Voilà, ça, c'est dit. Maintenant, le reste!
Assurément, il devait relier les idées consécutives entre elles et lui et Lagertha. Mais était-il seulement son ami? Voulait-elle qu'il le soit? Comment répondre si, déjà, il ignorait ce qui les liait? Le seul ami qu'il ait jamais eut et qu'il pouvait associer à cette situation... Non, c'était si loin, il chassa cette pensée qui devait rester enfouie. Finalement, son regard brilla et un sourire enthousiaste traversa son visage. "Nous pourrions devenir ami? J'y suis disposé, même si j'ignore ce que c'est vraiment, haha." Peut-être la nordienne exprimait plus... L'allusion à la délicatesse de sa situation lui ouvrit de nouvelles portes pour réfléchir. Il douta subitement. Puis repris, avec calme. "Te souviens-tu du jour où je t'ai proposé d'explorer, avec moi, cet univers dans lequel nous étions tombé en croisant la route l'un de l'autre? Tu m'avais donné ton accord, à l'époque. Si cela tiens toujours, que dirais-tu de continuer à essayer?" Il n'avait pas à la forcer. Si la confiance siégeait au coeur des préoccupations de la nordienne à son égard, rien ne pourrait lui offrir de réponse, si ce n'est un partage et un apprentissage graduel de chacun, comme de leur lien.
Ses sens attisés par la viande séchée qui trônait devant lui, il s'avança pour porter un morceaux à sa bouche, qu'il prit le temps de savourer, patient et curieux de sa réponse.
La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
J'avais déposé un regard sur lui un peu sévère, lorsqu'il m'avait assuré que c'était des risques qu'il voulait prendre. Je n'avais rien répondu cependant, je n'avais pas de bonne réplique et préférais laisser courir pourtant, ça m'était resté en tête. Quelque part, je ne pouvais me cacher que ça m'avait fait plaisir, d'une certaine manière, sans trop comprendre pourquoi. Dans un second temps pourtant, j'en avais ressentis de la gêne. Qu'il soit prêt à en prendre, je ne pouvais aller contre. Par contre, j'étais presque persuadé que je n'allais pas le laisser faire. Je ne pouvais pas le tolérer et je ne savais pas pourquoi. Je continuais à le toiser, les bras croiser, lorsqu'il évoqua la possibilité de devenir ami. Je laissais échapper un court rire, les lèvres closes en détournant le regard avant d'envisager de m'installer sur le chaise en face de moi.
❝ Je suis pas sûr de savoir vraiment non plus. ❞
Bien sûr, il y avait mon clan qui pouvait répondre à ce mot, mais chacun d'entre eux étaient bien plus que ça. Ils étaient ma famille avant tout, plus que de simples amis. Ezelya pouvait peut-être s'associer à cette définition et encore. Enfin, je ne savais pas vraiment. Mon regard se perdait un instant sur le bois de la table, pendant que je tirais bruyamment la chaise. Le Démon ? Non, il n'en était pas un. C'était trop différent de ce que je pourrais appeler un ami. Bref, ces questionnements me polluaient l'esprit, j'étais parti vadrouiller seule pour faire de la place dans ma tête, pas pour y rajouter des poids. J'écarquillais les yeux, avant de secouer doucement la tête pour retrouver un air sérieux, les sourcils froncés, finissant de m'asseoir sur la chaise. Pourtant, ils se tordirent en relevant le visage vers Saen, me souvenant de ce qu'on avait pu se dire.
Mes yeux se déportèrent alors sur le côté, lui répondant d'abord par un silence. Que pouvais-je bien en dire de cet "univers dans lequel nous étions tombé" ? Un autre rire courte, sans son, m'échappa. Cette habitude qu'il avait de parler bizarrement, comme un sage, je l'avais presque oublié. Je laissais mon dos se reposer sur le dossier, allongeant les bras sur la table, le regard un peu lointain. Si on essayait, ça remettait en cause mes convictions passées, à refuser de l'impliquer dans ma situation, mais même en lui rappelant, il allait sans doute me répondre exactement pareil que tout à l'heure. C'était des risques qu'il était prêt à prendre, apparemment. Cette conversation risquait de tourner en rond. J'inspirais alors profondément, essayant de faire le vide.
❝ D'accord, mais si ça va trop loin, ou que j'estime les risques trop grands, je veux pouvoir choisir d'y mettre un terme. Et ça c'est pas négociable. ❞
Ma tête basculait sur le côté, posant un regard à la fois sévère et tourmenté sur lui. Il fallait que je prenne mes précautions, dans tous les sens du terme. Pour lui, pour moi, pour mon clan. Si jamais ça tournait mal, ou que les choses empiraient gravement, je tenais à pouvoir tout stopper, pour le bien de tout le monde. Mes yeux étaient rivés sur lui, attendant qu'il y consente, sans quoi je me refuserais toute tentative de comprendre ce fameux univers. Il pouvait sans doute trouver que j'étais un peu dur, mes mon expérience passé m'avait montré que je faisais trop de mauvais choix sous le coup de l'instinct. Même si j'avais le sentiment qu'il ne me voulait pas de mal, l'humain était trop complexe pour que j'en sois certaine. Une fois les termes d'un genre d'accord posé, j'attrapais le deuxième verre que je remplissais d'eau avant de boire une gorgée.
❝ Commence donc par me raconter ce que t'as bien pu faire, depuis la dernière fois. ❞
Mon air s'adoucissait quelque peu, pour laisser place à la légèreté d'une conversation anodine.
La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
Pas négociable... Les deux derniers mots tournèrent dans sa tête sans plus laisser de place à l'avant comme à l'après, obscurcissant les mots comme les gestes de la nordienne. Saen avait cessé de manger, reposant le reste de viande séchée sur l'assiette devant lui, inspirant lentement. Une boule étrange s'était formée au creux de son estomac. Encore un état qui perturbait la quiétude qu'il tâchait de retrouver et pensait voir éclore dans ces retrouvailles moins incertaines qu'auprès de la rivière. Finalement, la brume s'était glissée dans son coeur jusqu'ici, et le flou qu'il chérissait tant, venait de muer en horrible inconnu qu'il n'arrivait plus à accueillir avec joie et excitation. Il croisa lentement les bras, observant son vis à vis avec une douceur toujours palpable, mais un regard éteint. Son ton clair dévida ses pensées, avec des mots, toujours aussi peu fidèles à l'esprit, mais unique moyen de communication à l'heure actuelle.
"Lagertha... Je ne sais probablement pas comment fonctionne la plupart des paramètres relationnels entre deux êtres. Cependant, j'entretiens certaines formes de fondements personnels, à défaut d'en faire des certitudes immuables. Pardonnes-moi mais... S'il est question d'avancer ensemble autour d'un lien mutuel, pour ma part, ce sera en toutes conditions." Il était difficile pour Saen de mieux formuler sa pensée. Car il ne tenait pas à imposer quelque chose, mais à exposer son ressenti et la manière qu'il avait de fonctionner. Certes, la jeune femme venait de faire la même chose, par conséquent, il était fort possible que les respect de l'un comme de l'autre les entraîne dans une impasse.
Frappé par sa propre lucidité à son sujet il détourna momentanément les yeux, captant l'éclat lumineux qui traversait une fenêtre. En d'autres temps, son dévouement aurait été inconditionnel, il n'aurait même pas réfléchi à ce qui était bon pour lui, du moment qu'il laissait à la nordienne tout l'espace dont elle avait besoin. Sans doute, à l'époque, cela n'engageait pas tant son bien-être? Ou, simplement... avait-il perdu quelque chose de lui-même en cours de route et qui composait l'essence même de son âme?
Il ferma les yeux un instant, cherchant la voie de la simplicité dont les portes lui était toujours grandes ouvertes par le passé. En vain. Pourquoi? Il secoua doucement le fief de gauche à droite, puis rouvrit ses paupières et posa son attention sur le visage familier qui lui parut alors bien étranger. Un soupir traversa ses lèvres, d'un dépit adressé à lui seul.
"Si je reste, ce ne sera pas pour te laisser tomber à un moment parce que tu le juges nécessaire. Je serais tout aussi incapable de trahir ta confiance en ne respectant pas une parole donnée, que de ne pas être à tes côtés lorsque tu en as besoin... Car j'en ai besoin moi aussi." Il se senti soudain inconnu à son propre égard et quitta à nouveau ses yeux, ne sachant quoi faire ou dire de plus. C'était posé, maintenant, le choix de la fin restait entre les mains de la nordienne. Qu'aurait-il vraiment à lui apporter, au fond, s'il n'était plus l'homme qu'il avait été et qu'elle avait su apprécier?
סּ סּ סּ
La nordienne n'eut cependant pas le temps de formuler une réponse et un avis à ce propos. Un éclat coloré venait soudainement de capter le brun des prunelles de Saen. Celui-ci tomba sur la fenêtre qui projetait maintenant une petite ombre dans la pièce. L'oiseau aux coloris particuliers était sensiblement reconnaissable pour son regard. Bien qu'anonyme aux yeux de tous ici, y compris les divins présents, car d'une puissance inversement proportionnelle à sa taille.
Le jeune homme se dirigea vers la fenêtre et l'entrouvrit pour le laisser entrer. L'enfant céleste métamorphosé s'engouffra avec grâce, puis vint se poser sur l'épaule de Saen en lui tendant l'étui d'un petit parchemin étroitement roulé. Saisissant ce dernier, il adressa un regard rapide à Lagertha. "Ne t'inquiètes pas, ce semi-dieu m'est en quelque sorte lié. Il ne représente aucune menace pour les personnes qui vivent ici, ainsi que l'emplacement de cet endroit."
Le mot était bref mais son coeur se serra en le parcourant, bien que son visage demeura impénétrable. Finalement... C'était à lui de poser une décision sur cet échange avec la jeune femme. Il releva le fief dans sa direction et repris avec le même calme. "Et bien... Nous allons pouvoir garder une pleine liberté chacun de nôtre côté. J'ai choisi, il y a fort longtemps, de renoncer aux mystères entourant mon origine. Aujourd'hui j'ai l'opportunité d'y voir plus clair et l'envie de la saisir. Je dois m'en aller." Il referma l'étui et le remis à Lao en lui souriant qui reparti d'un battement d'ailes.
Saen vint récupèrer ses affaires, tout en se tournant vers Lagertha avec un sourire empreint de mélancolie. "C'est peut-être mieux ainsi. Je crois... Que je n'ai plus réellement le désir d'abîmer mon coeur." Il ne savait pas si c'était le mot juste, mais de ce qu'il avait pu comprendre, cet organe avait une dimension symbolique. Et parmi toute les nuances de celle-ci, certaines correspondaient à son ressenti.
Il se rapprocha d'elle, toujours assise, et vint saisir délicatement son visage entre ses mains. Les paupières closes, il embrassa doucement son front, puis accompagna la fin de son geste d'un murmure empli de sincérité. "Merci d'avoir coloré mon monde d'une si belle façon, Lagertha." Sur ces mots, il sorti de la pièce et tâcha de trouver où on avait mené Eylun.
La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
Aussi vite adoucit, aussi vite redevenu rigide. Mes sourcils s'étaient à nouveau froncés et me faisant le miroir de Saen, je croisais les bras moi aussi, reposant mon dos sur le dossier avec plus d'insistance. Quelque chose me semblait avoir changé dans son regard, sans réellement parvenir à mettre le doigts dessus. C'était intriguant, autant que cela devenait frustrant. Pourtant, j'essayais d'écouter ce qu'il avait à me dire, forçant davantage ma concentration face à cette homme qui usait des mots autant que je pouvais le faire de mon manque d'éloquence.
Des conditions donc. Comptait-il négocier les miennes, alors que j'avais précisé que c'était impossible. Ma tête se penchait légèrement sur le côté, accentuant mon air assez sévère et subitement dubitatif, tandis que mes dents commençaient à flirter avec ma lèvre inférieure nerveusement. Par réflexe, mon regard suivis le sien, une seconde, le temps de m'apercevoir qu'il n'y avait finalement pas grand chose à voir de cette fenêtre, l'abandonnant bien vite au profit du visage de Saen qui, définitivement, ne me plaisait pas de regarder quand il se parait de ces traits.
Le couperet tombait alors, me faisant perdre l'accroche que j'avais fixé sur son visage. Mon regard se perdait dans le vide l'entourant. Que pouvais-je bien faire de ces paroles ? Il parlait de besoin, quand je ne tenais aucunement compte des miens, personnels, pour peu que j'en ai conscience. Et les siens. Avait-il réellement besoin d'être à mes côtés, comme il semblait le formuler ? Cette sensation était étrange, autant qu'incompréhensible. Je ne saisissais aucunement pourquoi un tel individu pouvait ressentir ce genre de besoin, à mon égard, nous étions après tout si différent de mon point de vue. Évidemment, nous avions vécu des choses tout les deux, tant dans le combat que dans l'intime et cette simple pensée fit revenir à lui un regard incertain. J'inspirais profondément, prête à répondre, quand quelque chose m'en empêcha.
Impuissante, je ne pu que me redresser en l'observant quitter la table, desserrant quelque peu mes bras alors que mon regard le suivait jusqu'à la fenêtre. Je me tournais sur ma chaise, posant le bras sur le dossier pour m'y aider. Silencieusement, je regardais, m’interrogeant tout en conservant cette sensation étrange et inconfortable au fond des tripes. Alors qu'il se tournait vers moi un instant, je préférais le fuir, me retournant, comme une enfant qui ne voulait pas être prise à épier. C'était donc un enfant divin métamorphosé. Saen m'assurait qu'il n'était pas un danger, mais instinctivement, sans que je ne puis la freiner, ma main se posait sur la hache accroché à ma ceinture. La suite s'enchaina très vite, un peu trop sans doute.
Ses mots me rappelèrent à lui, interdite et toujours silencieuse. Mes yeux et mon visage le suivait, jusqu'à ce que mon corps dû lui faire face. Ne comprenant pas tout de suite ce dont il était question, je laissais le fil se dérouler sans chercher à le stopper. Mes pensées s'accrochaient à ses mots, davantage dans le détail. La mention de son cœur écorché fit bondir le mien, bloquant ma respiration jusqu'à ce qu'il s'approche de moi. Mes mains reposées sur le bois de la table et de la chaise se cramponnaient étrangement et mon corps ne parvenait à répondre autrement. Mon visage se relevait vers le sien lorsqu'il le saisit de ses mains et mes paupières cherchaient à rester ouverte, quand ses lèvres sur mon front les fit se fermer doucement. Un nouveau bon dans ma poitrine.
En rouvrant les yeux, il était déjà quasiment parti, la seconde suivante il avait quitté la pièce. Bouge Lagertha. Que fallait-il faire ? Le laisser partir ? Après tout c'était sa décision, qui se mêlait à celle que j'avais pris dans le passé. Alors pourquoi je me levais subitement de ma chaise ? Ses pieds mordant le bois dans un son strident tordant mes dents. En quelques enjambées, j'arrivais dans le cadre de la porte.
❝ Attends ! ❞
Je le cherchais du regard et le trouvais assez rapidement. Pourquoi lui demander d'attendre ? Rah, tant pis, je me poserais la question plus tard. Je m'élançais vers lui, d'abord déterminée, mais bien vite ralentis par l'incertitude en l'approchant, espérant tout de même qu'il se soit retourné à mon appel et à mon approche. Arrivant à quelques pas de lui, mon regard mit un certain temps avant de trouver son visage, puis ses yeux.
❝ Est-ce que... je peux t'aider ? D'une manière ou d'une autre ? C'est moi qui t'ai emmené ici, si tu repars seul tu risque beaucoup... trop. ❞
Mon regard cherchait autour de nous, il y avait presque tout le monde, se questionnant sans doute. Il y avait Galifey plus loin, Xion et Svaarnelg aussi. Il n'avait qu'à demander pour que je lui offre une aide, mais je croisais les bras, mollement, mon regard tombant sur le côté.
❝ Tu peux rester, pour te reposer encore un peu avant de repartir. Enfin, je sais pas... C'est toi qui vois après tout. ❞
Pourtant, même avec ses mots, je ne me voyais pas lui tenir compagnie le temps qu'il lui faudrait avant de repartir. C'était à nouveau étrange, ce n'était pas forcément l'envie qui manquait, mais une de ses paroles me revint en tête, plutôt une image se matérialisant. Celui d'un cœur écorché. Je ravalais ma salive en faisant un pas en arrière, levant à peine mon regard vers lui avant de m'y ancrer plus franchement, inspirant profondément.
❝ Je te retiendrais pas, mais je te laisserais pas non plus partir d'ici seul. ❞
La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
Plaine Brumeuse, Rivebrume ¤ Ignis, an 59 Saen & Lagertha
Quelque chose s'était légèrement apaisé en lui, lorsque la nordienne avait accepté ce dernier contact tactile. Plutôt qu'un rejet, c'était là un ultime présent qu'elle lui offrait sans le réaliser. Mais était-ce vraiment l'absence de recul qui allégeait son âme? Ou la sensation grisante de cette peau familière, contre les paumes de ses mains, qui restait encore ancrée à ses sens alors qu'il s'éloignait? Au lieu de le charger d'un poids, cette décharge d'adrénaline vibrait en sillonnant chacune de ses veines, vivace et aérienne. Il n'osa pas s'en détacher. Pas si vite. Pas encore...
La voix retenti dans son dos, et le jeune homme se tourna pour accrocher le regard qui l'avait récupéré alors qu'il le quittait à peine. Saen l'observa un peu bêtement. De l'aide pour repartir? Il n'en avait pas besoin à dire vrai. Au moindre réel problème, il pourrait encore faire appel à Pru'ha. Bien que cette dernière lui balancerait probablement une tape à l'arrière du crâne s'il s'aventurait à la déranger de façon impromptue. Un sourire niais accompagna son regard momentanément vague alors qu'il se figurait la scène dans son esprit. Déjà oublieux de la réalité environnante l'espace de quelques secondes.
Puis le visage de la guerrière repris ses marques à l'avant de sa conscience, tandis qu'il se passait une main dans la nuque. L'attention le touchait, et il lui offrit un sourire sincère en y répondant.
"Et bien... Je te remercie pour cette proposition. Néanmoins je peux faire appel à l'un de mes compagnons célestes en cas de besoin. Enfin, idéalement j'aimerai éviter, mais je ne voudrais pas te... Heu, enfin, je suppose que tu ne le proposerais pas si cela t'incommodait, bien sûr, je..."
Oh là, On se calme et on arrête de s'empêtrer dans son cerveau! D'abord réfléchir posément et rationnellement. Où en sommes-nous de la journée? Son groupe était parti aux aurores. La marche avait duré quelques bonnes heures cependant, avant d'installer le bivouac. Essentiellement à cause de la brume environnante et la prudence permanente. La rencontre de Lagertha, jusqu'à leur venue ici, une heure, tout au plus. Bon, il pouvait envisager de redémarrer avant l'approche de la nuit, mais seulement s'il démarrait de suite.
Par ailleurs, Eylun devait probablement encore se remettre des sensations fortes du vol avec Galifey. Plongé dans ses réflexions et de nouveau absent, Saen se frottait désormais le menton en passant inconsciemment sur sa fine barbe. Il revint pleinement à la nordienne, sans l'avoir concrètement quitté des yeux, et sourit doucement, le regard aimable. "Ecoute, il n'est pas si tard, mais vu qu'Eylun risque de se reposer encore un moment... J'accepte ton aide, ainsi que ton hospitalité. Je vais me poser quelques temps auprès de lui, si ça ne te dérange pas, ensuite nous prendrons les dispositions nécessaires à mon prochain départ." Acheva-t-il en souriant avec la candeur la plus totale qui le caractérisait si bien.
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Quelqu'un vint lui proposer de le mener aux écuries, alors que Lagertha semblait acquiescer à sa réponse. Il suivit la personne, qui le renseigna sur l'état de son variquan dont on s'était occupé avec bienveillance, et qui récupérait des forces. Il avait cessé de trembler un peu plus tôt et dormait profondément à présent.
Saen le remercia, puis l'observa partir distraitement. L'ambiance du campement était relativement calme, et les écuries, en cet instant, aussi désertes que silencieuses, à quelques bêtes près éparpillées dans les différents box. Le jeune homme accrocha ses affaires à cheval sur une des paroi, puis se laissa glisser tout près d'Eylun. Pelotonné dans un coin, celui-ci lui laissait presque toute la place. Saen croisa ses mains sous sa nuque, en observant le carré de ciel brumeux qui se détachait au delà du petit toit couvrant les écuries.
Sa voix grave et basse résonna avec un léger amusement dans l'atmosphère confortable des lieux.
"Désolé mon grand. Mais je crois qu'elle te trouve toujours aussi moche!"
Un peu perdu, il ne sut quoi penser et ferma les yeux sans réussir à trouver le sommeil. Alors il attendit, simplement, en laissant la houle de ses émotions filer sans tenter d’attraper ces dernières. Il avait fait un choix après tout.
La rivière chantera-t-elle aux cœurs brumeux de la plaine...?
C'est vrai ça, il avait tête de nœud au minimum. Quelle crétine. Cela dit, ses mots laissait entendre qu'il s'était lié à plus d'un enfant divin, ce qui me fit légèrement hausser les sourcils. De surprise oui, mais dans le bon sens. En tout cas, un poids avait quitté mes épaules, d'un soulagement quelconque. Qu'il soit de le savoir protégé ou parce qu'il acceptait ma proposition, je ne sais pas réellement, sans doute un peu des deux à vrai dire, c'était suffisamment satisfaisant pour que je ne cherche pas davantage.
J’acquiesce alors simplement à l'arriver de Falko qui prenait les devants pour l'amener rejoindre son variquan à l'écurie. Un sourire timide l'accompagnait, jusqu'à ce qu'il soit trop loin. Pourtant, je restais fixée un instant ici, le regard en avant, sans trop comprendre pourquoi, comme je lui avais dis pourtant, je ne me voyais pas rester à ses côtés pour le temps qu'il lui restait. Je voudrais, mais je ne voulais pas... écorché davantage son cœur.
Alors je retourne dans la maison qui est la mienne, depuis peu, gravissant ses marches que j'allais gravir un nombre important de fois, je suppose, me retrouvant dans cette grand pièce. Je restais là encore, quelques secondes silencieuse, fixant le sol sans intérêt avant de me décider à rejoindre le lit pour m'y laisser tomber avec lourdeur. Le temps passant, le sommeil me gagne lentement, pendant quelques minutes peut-être. Somnolante, sans vraiment dormir, mon lot quotidien depuis longtemps. Une bonne grosse sieste, voilà ce que j'aurais aimé faire, mais je crois bien que la présence de Saen entre ces murs m'en empêchait, d'une manière ou d'une autre. Et puis il allait aussi falloir que je me fasse au froid. Il ne faisait pas chaud dans les landes, mais la proximité des plaines glacées rendait le tout... et bien, froid. Froid ? Froid !
Je me redresse soudainement, brusquement, quitte le lie et quitte la chambre, traverse la pièce et la terre. Mais quelle empotée. Mes pas sont vifs et brusques jusqu'au pont, que je traverse rapidement, faisant raisonner le bois sous mes bottes. Mais quelle idiote. Je me précipite jusqu'aux écuries et le cherche, jusqu'à tombé sur le box plutôt vide finalement. Le souffle assez court, je m'arrête et observe la bêtise que j'avais commise.
❝ Saen... ❞
Je me renfrogne aussi, sous l'énervement que cela pouvait me provoquer. Je reprens lentement mon souffle, serrant les dents en laissant mon regard sur lui alors qu'il émerge. D'un ton presque sec, je l'informe de ma décision.
❝ On va te préparer une maison. Beaucoup sont libres. Il fait trop froid pour se reposer à l'extérieur, même quelques heures. ❞
Sans attendre son consentement, là encore il n'avait pas le choix et je ne comptais pas le laisser négocier quoi que ce soit, je m'en retournais, rejoignant Sig chez elle pour lui demander de l'aide. Il ne faudrait pas longtemps, mais au moins quelques longues minutes.