Elle avait cherché son visage maintes fois dans la foule, et s'était détestée pour cela. Revna savait n'avoir aucun droit de le revoir, mais pourtant, elle espérait toujours percevoir l'éclat vipérin de son regard au détour d'un angle de rue. Ce jour ne faisait pas exception, et alors que la jeune femme emplissait sa besace de cuir de diverses fioles bon marché, elle se demanda si leurs chemins se croiseraient enfin aujourd'hui. Elle fronça les sourcils à cette idée, inquiète de constater à quel point son attraction envers le milicien avait virée à l'obsession ses derniers jours. Le regard clair de l'empoisonneuse parcourut sa chambre de droite à gauche, emplissant son esprit des événements encore frais s'y étant déroulés. L'empreinte des lèvres douces de Jade et son parfum sucré résonnaient dans son esprit aussi fraîchement que si quelques minutes s'étaient écoulées depuis leur dernière rencontre. Revna porta vivement une main sur la partie inférieure de son visage à ce souvenir, à nouveau ulcérée par son incapacité à ne pas pouvoir penser à autre chose dès que son esprit n'était pas occupé par le travail. Elle poussa un soupir de mécontentement, plaça la lanière de cuir sur son épaule menue, et grogna de douleur lorsque sa cheville endolorie se rappela à elle. Une fois qu'elle avait suffisamment bougé, elle l'oubliait presque, mais les premières minutes de marche étaient toujours délicates. La jeune femme descendit précautionneusement les marches menant à la taverne dans un tintement de fioles, puis salua d'un petit geste de la tête le tenancier occupé à salir sa vaisselle. Elle ne put s'empêcher de glisser un regard vers les quelques habitués des lieux, tenant vaillamment leur place malgré l'heure matinale peu propice à la boisson. Bien entendu, il n'était pas là. D'un geste de la main, elle poussa de la main le battant de la porte.
Souvent l'amour meurt Les pensées ailleurs depuis quelques temps, ces derniers jours n'avaient pas fait exception. Sinon davantage encore. Depuis que j'avais quitté sa chambre, les choses s'étaient mué en une réalité étrange. Je n'avais pas déserté mes différents postes et plus anormal encore, j’obéissais aux ordres sans broncher. Silencieux, impassible, comme si je ne voulais rien laisser paraître. Alors que les rumeurs à la garnison allaient bon train.
A l'inverse, en tant de solitude, tout était différent. Mes pensées allaient inlassablement vers elle et plus d'une fois j'avais marché jusqu'à la porte de la taverne, sans jamais parvenir à l'ouvrir. Mes raisons de lui faire face étaient, même pour moi-même, terriblement floues. M'excuser ? D'avoir réagis comme je l'ai fais ? M'expliquer peut-être ? Alors que j'en serais sans doute tout bonnement incapable. Simplement la revoir ? Si seulement elle acceptait. J'avais peut-être touché sa dignité en fuyant ainsi la dernière fois. Ça serait compréhensible. Moi-même j'aurais peiné à avaler un refus de sa part, si j'avais tenté quoi que ce soit. En avais-je eu envie à un moment ?
A nouveau, les pensées se bousculent et m'envahissent l'esprit. Cherchant à les fuir, je ferme les yeux, les sourcils froncés et mes poumons se vident longuement. Et puis un choc. La porte s'est ouverte sur moi, s'écrasant contre mon épaule. Je grimace et grogne nerveusement. Sans rétorquer outre mesure, comme s'y j'en avais perdu le goût depuis un moment. Et puis, je l'ai bien cherché à faire le piquet devant une porte de taverne, aussi mal fréquentée soit-elle.
En guise d'excuse, je tiens brièvement la porte pour laisser sortir le client, projetant de partir à sa suite. Mon sang se glace, chaque parcelle de mon corps avec, quand ce n'est autre qu'Ostara que je perçoit passer l'encadrement. Mes mâchoires se serrent et je la fixe, plongé dans un profond mutisme et une incapacité à respirer. :copyright: 2981 12289 0
Le battant finit sa course dans un bruit mat, tirant l'attention de la jeune femme vers l'obstacle. Revna regardait sans y croire l'élégante silhouette aux cheveux noirs maintenir l'interstice ouvert sur sa route. A l'expression peinte sur son visage lorsqu'il releva enfin les yeux, il n'en menait pas plus large. Les secondes se figèrent alors qu'ils se dévisageaient dans un malaise palpable. Un bruit de verre brisé derrière eux suivit de jurons rompit la transe dans laquelle l'empoisonneuse était plongée. En une inspiration précipitée, elle détourna la tête, repositionna sa besace sur son épaule, et s'empressa de dépasser le milicien.
"Merci" lui dit-elle se faisant, d'un ton froid.
Revna releva fièrement le menton, et s'employa à lutter contre l'envie de lui jeter un nouveau regard. D'un pas trop rapide pour qu'il semble naturel, elle s'empressa de reprendre sa route. Au bout de quelques pas, elle réalisa être partie dans la mauvaise direction et repassa, la honte chevillée au corps, devant Jade pour reprendre le bon chemin. Par les Quatre, comme si elle ne s'était pas déjà assez ridiculisée devant lui ? La jeune femme tira néanmoins une certaine fierté à ne pas lui avoir adressé un regard dans sa confusion.
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EPSILON
