La liberté est grisante. Même lorsqu’elle est entravée d’un pacte qui s’annonce particulièrement difficile, à vrai dire, car après des siècles et des millénaires passés dans une cellule noire et parfaitement silencieuse, l’on apprend à ne plus faire la fine bouche.

Galifey peut de nouveau goûter au vent dans ses plumes, et aux vastes horizons s’étendant à perte de vue. Il a fait le tour de l’Île, rapidement, une première fois, le temps d’être capable de situer ses différents climats ; puis, en s’éloignant quelque peu vers les océans (où il a parfois plongé pour en explorer les profondeurs), il a repéré une autre Île, plus petite, lointaine, qui à sa simple vue lui a arraché un frisson terrible. Une sorte de mauvais pressentiment indélébile l’a alors dissuadé de s’en approcher plus avant.
Il préfère se passer des risques inutiles : tout juste sorti de sa cellule, et malgré ses précédents pactes, il demeure encore relativement faible.

À présent retourné du côté plus familier et accueillant de l’Île d’Arcane, le Demi-dieu se pose au sol et s’affaire à rencontrer la faune locale. Le hasard veut qu’il soit tombé sur La Vallée Sereine, un lieu qui porte particulièrement bien son nom : paisible, la clairière paraît ininterrompu et paradisiaque. Le son d’un cours d’eau non loin vient s’ajouter aux mélodies des piaillements d’oiseaux et du vent faisant bruisser les herbes.
Il y découvre une famille de Dulcius, inoffensifs et chaleureux ; un troupeau de Coba, qui a commencé par unanimement doubler de volume leur laine face à la surprise d’un griffon aussi immense et menaçant ; et quelques Escampettes Masquées, qui se sont téléportées aussitôt l’Invocation en vue.

Il passe deux jours en la compagnie de ces animaux. Il tente d’apprendre leur langage, comprend que ce dernier est bien différent de celui de l’Ancien Monde, ou même du Nouveau dans des temps plus reculés, et réalise que la tâche est spécialement ardue. Il y passe deux jours, absorbé par l’activité, avant de se décider à varier les plaisirs.

Là, il décide de se rendre à Lüh.
Alors qu’il en approche, depuis une hauteur qui le fait paraître à peine plus grand qu’un oiseau dans le ciel, il se rend compte que la capitale des Hommes a beaucoup évolué. Elle est plus grande et plus belle, mais aussi plus vieille -certains bâtiments ne parviennent pas à masquer les affres du temps. L’architecture, en revanche, semble être restée globalement la même. Quant à la population, elle grouille toujours autant ; quoi qu’elle semble désormais plus diversifiée. Homme et Invocation cohabitent. La chose lui rappelle fugacement l’un des candidats qui s’était présenté à lui : Arthur Boyd.

Galifey replie soudain ses ailes, et il entame un piqué en direction de la ville.
Au fur et à mesure qu’il en approche, sa taille s’amoindrit, encore, encore et encore, jusqu’à se retrouver à peine plus grand qu’un cheval lambda ; puis, alors qu’il s'avance dangereusement du toit d’une maison, il étend ses ailes à leur maximum : sa chute est arrêtée brutalement dans un courant d’air violent. Là, il plane tranquillement jusqu’à se poser délicatement sur les tuiles et s’y installe à la façon d’un chat.
Quelques regards se sont tournés vers lui mais, comme il ne bouge pas, ils finissent tous pas s’en désintéresser.
Le Demi-dieu ne cherche pas à cacher sa présence, mais il préfère observer en hauteur les animations de Lüh.

L’une d’entre elle ne tarde pas à retenir tout particulièrement son attention.

Un Frère, de Terra à en juger par son apparence de loup bipède et imposant, semble peiner à s’accoutumer à la présence et aux interactions des humains -des enfants, plus précisément.
Il finit d’ailleurs par leur tailler un short, littéralement, avant d’afficher un sourire fier et de se moquer d’une voix gutturale.

Le pittoresque de la situation arrache un rire discret à Galifey, qui décide que ce Frère lui sera d’excellente compagnie.

Il se relève donc, bondit du toit avec souplesse et plane sereinement jusqu’au Fils de Terra qui commençait déjà à s’éloigner.
Lorsqu’il se pose à ses côtés, il ne tarde pas à calquer son pas sur le sien le plus naturellement du monde.

« Est-ce ta première sortie ou bien aimes-tu toujours taquiner ainsi les humains ? »

La question est une façon courtoise d’aborder l’imposant loup : en vérité, Galifey recherche plus la compagnie d'un membre de sa famille qu'une réelle réponse.

L’imposant loup grogne. Galifey répond par un sourire qui semble déjà ancré constamment sur son bec ; ses yeux, en revanche, se plissent ostensiblement d’un air amusé. Son Frère ne semble pas avoir l’envie de se défouler sur lui : à vrai dire, il paraît même ne pas savoir comment se défouler. Cela le rend pittoresque et attachant.

« J'ai été libéré il y a quelques jours à peine... et, à l'évidence, les petits êtres d'aujourd'hui nécessiteront un laborieux apprivoisement de ma part... »

Ah. Cette révélation explicite les choses.
Galifey adresse un regard compatissant au Fils de Terra. Il se souvient de sa première escapade à lui. Il en a gardé un souvenir infernal et cruel, ponctué par les hurlements de douleur de sa famille et par le sang giclant de tous les côtés. Maintenant qu’il y pense, sa première Invocatrice ressemble un peu à Lagertha, en ce sens où toutes deux ont des ambitions mort-nées de part leur incapacité à reculer pour mieux sauter. Il se demande combien de temps il restera libre, cette fois.

« On finit par s’habituer à eux. » Commence-t-il, songeur. « Au bout d’un temps. Les humains des Quatre sont moins terribles que le furent les nôtres. »

Des bottes frappent les dalles inégales à un rythme régulier et rapide -suffisamment rapide pour les rattraper, malgré une allure aux sonorités nonchalantes. Un humain s’approche d’eux.
Le Demi-dieu aux couleurs chatoyantes tourne sa tête plumée vers le nouveau-venu à présent à leur hauteur. C’est semble-t-il un soldat au faciès peu avenant, la stature alourdie par une armure et les sourcils froncés. Il a l'air d'avoir l'habitude de côtoyer des Invocations : il n'est pas intimidé pour un sou.

« Ce n’est pas très malin de faire ça ici. »

Intrigué, Le griffon attend la suite.
Si l’humain prend la peine de leur donner ce conseil, c’est qu’il n’a pas de mauvaises intention -à moins d’avoir quelque chose à y gagner, mais la probabilité est mince dans un contexte comme celui-ci.

« Malheureusement, l'exercice s'avère plus difficile en forêt... On y trouve pas la même faune, voyez ? »

Les babines retroussées, le loup accueille l’homme avec plus d’agressivité. Galifey le laisse faire : il est relativement indifférent de la chose, si l’on occulte la curiosité éveillée par l'avertissement.

En revanche, il n’en dirait pas tant des voix qui attirent son attention en arrière. Il aperçoit, au niveau de la place et de la fontaine, quelques soldats qui interrogent les habitants. Ils ne sont que trois, et semblent à la recherche de quelque chose en particulier.
Lorsqu’une femme pointe finalement leur direction en hochant la tête, Galifey n’a plus de doute sur la nature de la chose recherchée.
Il pourrait tout à fait s'enfuir, mais pour être parfaitement honnête, la situation l'amuse et l'excite plus qu'elle ne l'inquiète. Il le perçoit comme un jeu.

Fermement, mais pas brutalement, il détourne le trajet de l’humain et du Demi-dieu sur leur droite, dans une ruelle annexe. Son pas est plus pressé -à peine-, mais il ne l’explique pas : il part du principe que tout le monde a déjà compris ce qu’il se passait.

« Dis-moi, jeune homme. »

Son regard écarlate se pose sur l’humain.

« Qu’est-il malin de faire lorsqu’on a raté la première occasion de l’être ? »

Il ignore ce qui les attend si jamais ils sont attrapés, mais il préfère, dans le doute, ne pas prendre trop de risque dans la course-poursuite qui risque de débuter d'un instant à l'autre.