Ballade en terrain conquis

Qu'on me rappelle ce que je foutais là, par pitié, à me faire presque trainer par la main, par une gamine qui me sortait pas les yeux. Qu'on m'explique aussi pourquoi je n'avais pas rétorqué, pourquoi quand elle s'était retourné avec sa tête toute contente, j'étais resté immobile, les yeux écarquillés sans comprendre ce qui m'avait figé. Sa petite main avait attrapé la mienne et en toute logique, j'aurais dû l'enlever brusquement. C'était sans doute la surprise qui m'avait empêché de le faire, les gamins s'amusaient pas à me prendre la main en général. Je réussissais plutôt bien à les éviter ou à les faire fuir, d'habitude. Là, il faut croire que j'avais échoué et en beauté. Pourtant, c'était pas faute d'avoir été méchante avec elle. Alors pourquoi ?

Pourquoi je me laissais trainer sans broncher ? Peut-être un peu quand même, je grommelait discrètement en écoutant ce qu'elle avait à dire. Je fixais cette main qui avait attrapé la mienne d'un air sévère, alors que pourtant, dès qu'elle se tournait vers moi pour déballer son flot de paroles, je détournais les yeux nerveusement. Voilà. Elle me rendait nerveuse, comme tous les gamins, ça, c'était normal. Pour le reste, allez comprendre. Voilà qu'elle me demandait si j'allais venir en plus de ça. Si en soit, leur fête m'intéressait assez peu, je n'étais jamais contre manger ou boire à l’œil. Bonne excuse. Pourtant, je pouvais m'empêcher de penser que Rollo avait une idée derrière la tête à propos de tout ça. Instinctivement, mon regard se portait vers l'arrière, bien que je ne le voyais plus, avant de revenir rapidement sur Lou puis sur le chemin devant nous. Je grommelais, mais laissais échapper une réponse tout de même.


Du moins, c'était ce qu'il y avait à prévoir. Après tout, on allait resté là pour la nuit et Rollo m'avait fait suffisamment entendre qu'il souhaitait au moins assisté à leur fête. Bon. D'accord. Ça ne serait sans doute pas barbant et puis, j'aimais assez les festivités. Du moins, celles de mon clan, même si j'y participais rarement finalement.

On arriva alors devant sa maison, je suppose, puisque elle s'était arrêté et tourné vers moi pour me proposer d'entrer. Je restais là quelques secondes, sans trop bouger, ne sachant quoi faire. C'est comme si, depuis tout à l'heure, mon énergie m'avait quitté, celle qui me poussait à me défendre ou à me battre. J'avais les épaules lourdes et le regard bas. Bordel. N'importe quoi. Sans doute la fatigue. Mon regard passait de la porte à Lou, sans trop de conviction, avant de soupirer légèrement.


J'en rencontrais trop peu pour apprécier les voir en carpette. C'était de beaux animaux, d'un bleu agréable et leur tempérament étaient doux, de ce que j'en savais. Enfin, je n'allais pas leur jeter la pierre pour faire ce qu'il pouvait pour se réchauffer, après tout, les peaux d'Azurix n'avaient pas leur pareil. C'était juste un peu trop voyant à mon goût. Finalement, la gamine me lâchait enfin la main pour s'avancer et ouvrir la porte, j'en profitais pour croiser les bras en la suivant, me reposant sur mon épaule dans l'encadrement, avant d'observer la pièce et la gamine.

Ballade en terrain conquis

J'arrivais face à une grande pièce, semblable à celles que je connaissais chez moi. Cependant, au fil de mon observation, instinctivement je croisais les bras et fronçais les sourcils, restant dans le cadre de la porte. Posant mon regard brun sur chacune des personnes présentes, je ne prenais pas la peine de les saluer. Après tout, ils n'avaient pas non plus daigné m'accorder la moindre attention, que ce soit à moi ou... à elle. Mes yeux glissèrent dans le dos de cette dernière, ayant de rapide souvenir concernant ma propre enfance qui, même étant celle d'une non native, n'avait pas ce genre de retour à la maison. Du moins, de ce que je m'en souvenais. Mais peu importe, je n'étais pas là pour refaire les choses, mais étrangement, j'avais ressentis comme une boule au ventre, pleine de nerfs.

Elle se retournait alors vers moi, m'invitait ou plutôt, me forçait à la suivre à nouveau en me prenant la main, que je lui laissais bizarrement volontiers en la défaisant de mes bras enroulés. Faisant volte face, mon regard restait ancré sur sa mère, d'un air renfrogné, sans rien dire et en laissant un bref grognement s'échapper. Le corps et le visage tendu, je suivais Lou sans rien dire jusqu'à l'enclos. Mon air restait assez sévère, bien que mon allure s'adoucissait à la vue des Azurix. Pourtant, même si j'étais ravie de les voir, une pensée parasite m'empêchais de complètement en profiter, mon regard allant de temps à autres vers sa maison, n'ayant quasiment pas fais attention à ce qu'elle me disait.

Je l'observais maintenant s'approcher avec délicatesse de l'animal bleuté, sans un mot, les fixant tous les deux. Mes dents étaient serrées, mais je l'accueillais d'un genre de rapide sourire quand elle s'approchait avec l'azurix. Posant une main sur l'enclos en bois, j'avançais ma main lentement, présentant son dos pour laisser l'animal la sentir un instant. Une fois les présentations faites, je tournais ma main pour caresser le dessous de sa tête du bout des doigts. Mon regard s'apaisait un instant en l'observant ainsi se laisser faire. Sans sommation, je posais une question, simple, qui me brûlait les lèvres depuis un petit moment maintenant.


Pour être sûr que Lou comprenais que c'était à elle que je m'adressais et pas à l'azurix, je déportais mes yeux jusqu'à elle un instant, avant de revenir à l'animal. Cette question était bizarre, inhabituelle venant de moi. Comme si ça m'intéressait. Je crois que ça m'intéressait, d'une certaine manière, sans trop savoir pourquoi. Sans doute parce que je faisais le parallèle avec moi. Enfant, j'ai mis longtemps à me faire accepter, puis à me sentir bien chez moi. Quoi que ce n'est toujours pas vraiment le cas parfois, mais si il y avait bien un endroit qui me rassurait, c'était la maison et ici, celle de Lou, n'était pas rassurante. Ça m'embêtait.

Ballade en terrain conquis

Je fronçais les yeux, essayais de les détendre parfois, sans grande victoire. Mon regard s'était ancré sur le pelage bleuté, comme pour s'éviter de croiser celui de Lou. J'avais posé une question, qui se montrait intéressée, mais j'étais loin d'être à l'aise avec l'idée. Alors j'écoutais, silencieusement, l'attention sur l'azuryx, l'ouïe vers elle, caressant avec bienveillance l'encolure de l'animal.

Sa réponse était longue, bien plus longue et construite que ce que j'aurais cru d'une gamine. Moi, à l'époque où j'avais son âge, c'était limite si je parlais. Une différence. Pourquoi je les notais d'ailleurs ? Depuis que Rollo m'avait mit dans la tête qu'on se ressemblait, j'étudiais nos similitudes et différences, comme des choses auxquelles m'accrocher. Qui me faisait tenir sans doute. Ou alors, qui vraiment, me faisait rester, plus que de raison. C'était bizarre tout ça. Je laissais un genre de rire s'échapper, court, presque inaudible, quand elle me parlait de ses parents peu expressifs. Là, c'était plus eux qui me ressemblaient. Faut croire que le fait que je ne sois pas vraiment d'ici répondait à ce qu'elle venait de dire : je n'étais pas vraiment comme les natifs. C'était un fait après tout, pourquoi je cherchais à m'en défendre ?

Mes yeux dérivaient sur elle, un instant, à l'éclat de son rire. Un léger rictus venait attraper mes lèvres. Encore une différence. Elle s'amusait de petites choses. C'était sans doute pas plus mal, même si je me retrouvais en elle par certains points, il y en avait d'autres que je ne voulais pas partager. Sans doute plus pour son bien que pour le mien, d'ailleurs. Au moins, elle était assez lucide sur la situation. Non, elle n'avait pas le choix et non, ce n'était pas à elle de décider. Elle pouvait encore partir cela dit, loin d'ici pour s'éviter les emmerdes que ça entraîne d'être dans le coin. Mais, c'était sans doute pas à moi de lui dire, même si, à nouveau, ça me brûlait les lèvres. Je me contentais donc de reprendre la discussion là où elle l'avait laissé, continuant de caresser l'azurix, de mes mains comme de mes yeux.


J'inspirais bruyamment et expulsait dans un long soupire, ma tête devenant lourde à s'en pencher légèrement sur le côté. Je n'avais pas vraiment envie de parler de ça, maintenant, avec elle. Avec personne. C'est pas comme si j'en étais fière, ou que ça pouvait être d'une quelconque estime.


Ni du Keiser et encore moins du Prince. Ça m'allait bien comme ça, j'aimais pas trop l'idée d'être redevable à une tête pensante comme ses pieds, même si Tarnac serait sans doute un moindre mal. Je fronçais nerveusement les sourcils en repensant que c'était d'ailleurs pour ça que j'avais pas envie de venir ici. C'était des Pro-Prince dans ce patelin. Elle l'était aussi, fallait pas que je l'oublie. Elle le serait sans doute toujours, j'avais pas d'intérêt à nouer quoi que ce soit avec elle. Ça serait inutile. Mais je restais là, sans savoir pourquoi. Ça m'énervait. Je serrais alors les dents, retirais ma main de l'azurix et me reprenais d'une respiration par le nez.


Je me retournais vers elle rapidement, sans trop la regarder, posant ma paluche sur son crâne avec assez peu de délicatesse, avant de commencer à m'éloigner. Oui, voilà Lagertha, dégage d'ici. Y a des choses pour lesquelles t'es pas encore prête à te battre.

Ballade en terrain conquis

Les fêtes qui célébraient la venue d'une température plus clémente dans les Landes. Quelque chose qu'on fêtait aussi chez nous, d'une manière un peu différente évidemment. C'était après tout ce qui faisait le charme du Nord, si tous s'accordaient à marquer le coup, chacun le faisait avec ses propres manières. Ou du moins, en y apportant un petit quelque chose de singulier.

Pour ce coup-ci, Rollo, ses marchands et moi, on se contentait d'observer, un peu en retrait, écoutant d'une oreille distraite les histoires des chasseurs et autres guerriers. Personnellement, j'étais pas plus intéressée que ça, mais à chaque fois que je le montrais, Rollo me rappelait à l'ordre, me soulignant que ce clan, même Pro-Prince, nous avait accueillis et conviés à leur coutume. Le respect, disait-il. Grommelant à peine, je voulais bien comprendre ce qu'il me disait. Même si à mon humble avis, c'était plutôt leur ignorance de mon affiliation qui les avait guidé. Enfin, peu importe, j'étais seule après tout. Contre tous, si il leur venait à l'idée de me défier, j'avais quelques doutes sur ma victoire.

Plus tard, le banquet était annoncé. Invités, quelques uns des marchands répondaient à l'appel, mais pour la plupart, il refusaient. Là aussi par "respect". C'était à n'y rien comprendre. On me forçait à participer et à écouter, mais quand il s'agissait d'enfin bouffer, il fallait rester en retrait pour éviter de leur prendre trop de ce qu'il avait. Sérieusement. Enroulé dans mon manteau en fourrure, mon regard dansait avec les flammes du feu devant moi. Le petit groupe et moi-même mangions de la viande séchée, quand une silhouette attirait mes yeux.

Si l'obscurité ne me faisait voir qu'une ombre approchant, l'éclat du feu m'avait permit de distinguer les traits que j'avais un peu trop côtoyés aujourd'hui. Haussant les sourcils et levant les yeux au ciel, je continuais à mordre dans ma viande séchée en me forçant presque à détourner le regard. C'était sans compter sur Rollo qui me foudroyait le bras en y plantant son coude. Grognant assez bruyamment, je le repoussais d'un geste vif de la main. Cependant, je pense que la surprise serait assez grande de me voir me relever et partir à la rencontre de la gamine, sans même qu'il m'ait dit quoi que ce soit.

M'approchant d'elle, je notais qu'il y avait quelque chose entre ses mains. Ma ma sortait alors de mon lourd manteau pour amener la viande séchée à ma bouche, que je déchirais entre mes canines.


Pas que ça m'intéressait. Ou peut-être que si, allez savoir. Mais bon, faut dire qu'elle cherchait un peu. Tout à l'heure, alors que je lui avais demandé si elle était bien ici, elle m'avait répondu que oui et voilà que pendant les festivités de son clan, elle s'échappait pour s'isoler. On pouvait pas dire que c'était très convaincant.

Ballade en terrain conquis

Mon morceau de viande réduisait bien vite et quelques mâchonnement se révélaient un peu trop bruyants avant que je ne les contiennent en un raclement de gorge assez peu distingué. J'écoutais alors la réponse de Lou, mon regard réchauffé par les flammes tombant sur sa tête plus basse. Au départ, l'histoire qu'elle me contait avait l'air d'avoir une fin tragique et pour réaction, mon visage s'en trouvait tordu en une grimace désolée.

Jusqu'à ce que le dénouement heureux tombe. Je levais alors les yeux au ciel en soupirant, à moitié soulagé de l'apprendre et presque tout autant en colère d'avoir été ainsi menée en bateau. Décidément, cette gamine avait décidé de m'en faire voir de toutes les couleurs. Préférant donc camoufler ces quelques états d'âmes, je trépignais sur place un instant, regardait un peu les alentours avant de revenir à une position relativement confortable, ayant d'ailleurs finis mon bout de viande, me permettant ainsi de croiser les bras sous ma cape en fourrure.

Ainsi donc, son amulette n'allait pas être sacrifié et à la place, elle en faisait d'autres. Hm. Pourquoi pas. Après tout, est-ce que les Dieux allaient s'en offusquer ou même s'en rendre compte ? Je haussais les épaules et les sourcils tandis qu'une moue dubitative, mais complaisante, agrémentait le tout avant que mon regard ne glisse jusqu'au feu. Je n'avais pas grand chose à répondre à ça, ni même quoi que ce soit à rajouter d'intéressant alors je préférais garder le silence, jusqu'à ce que mon intérêt soit de nous appelé. Fronçant alors les sourcils nerveusement, mes yeux bruns trouvèrent ceux de Lou.


Dans quelles conditions et surtout pour quelles raisons ? Tout ça m'échappait un peu pour être honnête. Ça me semblait bizarre à dire vrai, enfin, qu'elle souhaite me revoir et en même temps, j'en éprouvais un sentiment étrange. Hm, nan, cette chaleur ça devait être à cause du feu. Quoi qu'il en soit, la perspective n'était pas déplaisante, je me plaisais même à l'imaginer d'un fin ricanement.


Je ricanais, mais me sentais gênée. C'était d'ailleurs sans doute pour cette même raison que j'avais détourné le sujet. Je me raclais encore un peu la gorge alors que mon regard cherchait à s'ancrer quelque part sans conviction, mais surtout loin de son visage. J’apercevais au loin Rollo qui ne cessait de nous observer, à qui je rendais un regard insistant.

Ballade en terrain conquis

Est-ce que je voulais en faire une, je ne savais pas vraiment, mais j'avais déjà trouvé un morceau de bois quelque part que je taillais négligemment. Ça n'allait pas être joli c'est sur, mais je suppose que l'intention suffisait. Rapidement, les guerriers se retrouvaient autour du feu et, respectueusement, je m'éloignait de la gamine pour les laisser tranquillement apprécier leur rite. Je retrouvais Rollo et sa clique et ainsi, on écoutais nous aussi silencieusement, d'un peu plus loin.

Les paroles du chef était lourdes, à l'image de Harald parfois, quoi qu'un peu moins enjouées peut-être. Le grand feu crépitait ensuite de toute les amulettes en offrandes qu'il dévorait bruyamment. J'aimais assez cette musique, le feu d'Ignis qui dévore, il y avait quelque chose de puissant et d'apaisant.

Finalement, tous reprenaient leur occupation, je n'y prêtais déjà plus vraiment d'attention, pourtant, une petite silhouette ronde au coin du feu m’interpellais. Attirée, comme une luciole, je me relevais et m'avançais jusqu'à elle, sans délicatesse, jusqu'à ce qu'apercevant ses yeux clos, je me faisais discrète. J'aurais sans doute pu repartir aussi vite, d'habitude je l'aurais, mais, j'étais une luciole comme j'ai dis, alors je n'arrivais pas à aller contre.

Je me tenais là, à côté d'elle, mon regard naviguant entre le feu et cette petite masse endormie. Quelques minutes de silence passaient jusqu'à ce que je me décide à lancer cette fameuse amulette au feu, le faisait crépiter timidement. Je le contemplais quelques secondes avant de me retourner, laissant planer mes yeux sur la gamine un instant, avant de définitivement la quitter. On repartais le lendemain matin, aux aurores, sans un mot de plus.