Un bleu sans faille surplombait la ville de Lüh. Aucun nuage à l'horizon. Aucun souffle d'air. Et simplement, cette chaleur écrasante, propre à faire cuire un oeuf sur le sol de pierre.
Tout cet azur si bleu, si parfait, cela mettait Nora de méchante humeur, va savoir pourquoi. En baissant les yeux vers l'eau qui lui faisait face, la jeune femme fut prise subitement de l'envie d'y jeter quelque chose - n'importe quoi - pour troubler cette surface si lisse et si propre.
La jeune femme trouva une petite pierre à quelques centimètre de là où elle était assise, joua un instant avec entre ses longs doigts fins, avant de la lancer sans remords face à elle, vers l'étendue d'eau artificielle. Le caillou fit quelques rebonds sur l'eau avant de se faire engloutir mollement par l'étendue silencieuse du bassin.
Nora s'ennuyait... Elle s'ennuyait même ferme.
Son expérimentation de la veille - changer un bracelet quelconque en un objet magique en combinant du sang d'abeille et de chat - avait été un terrible désastre.
Tout son labo avait fini avec de la souillure sur les murs. Nora avait pu trouver deux/trois pauvres du bas quartier assez naïfs pour nettoyer tout ça en échange de quelques pièces. Elle leur faisait assez confiance pour ne pas se servir dans son barda ; ou plutôt elle faisait confiance en la peur qu'elle leur inspirait. Nora avait laissé quelques petites surprises à leur attention derrière ses piles de bouquins et proche de ses objets précieux : des pièges à souris. Les malheureux risquaient de passer un sale quart d'heure s'ils mettaient la main au mauvais endroit.
En attendant, Nora était dehors et elle s'ennuyait. Assise sur un muret, elle avait les pieds qui pendouillaient sous une sorte de fontaine/rivière décorative. La ville de Lüh regorgeait sans cesse de surprises architecturales de ce type. Depuis qu'elle était arrivée, le paysage de la Cité n'avait cessé de l'impressionner.
Sans surprise, son quartier préféré de la ville était celui des bas-fonds : le plus mal famé. Toutes sortes de personnages, plus étranges les uns que les autres, y circulaient. L'agitation et l'étrangeté de la "Grande Lüh" contrastait sans nul doute avec les petits hameaux et villages qu'elle avait visité depuis lors.
Les citadins passaient près d'elle en la regardant de manière affectée et manquaient parfois de lui écraser les mains. Ils ne devaient pas avoir l'habitude de rencontrer une demoiselle vêtue d'une robe sombre et longue, patienter dehors ainsi, les bras en arrière d'elle, les jambes dans le vide et la moue contrariée. Ou peut-être la regardaient-ils car Nora était belle et étrange. Difficile à dire, mais Nora penchait avec conviction vers la seconde option.
"Pfffff..." soupira longuement Nora, avant de se relever en époussetant sa robe.
Soudain, en voyant une petite fille passer avec un bouquin sous le bras, un éclair de génie - l'idée de faire un tour à la bibliothèque - émergea dans l'esprit de Nora. Bien sûr ! Elle n'était pas une adepte de la lecture, mais elle pourrait très certainement continuer ses petits loisirs en recherchant des informations sur les objets magiques corrompus dans le lieu de prédilection du savoir ! Peut-être même pourrait-elle trouver un bon livre sur les invocations ?
La jeune trentenaire se mit à réfléchir à toute allure aux différentes recherches qu'elle pourrait mener, les noms d'ouvrage potentiels, les sections à visiter. Devait-elle s'adresser à la bibliothécaire pour trouver son chemin ? Pourrait-elle trouver quelque chose sur les invocations ? Existait-il d'ailleurs des invocations corrompues ? Son cerveau en ébullition s'enflammait déjà à l'idée de mettre la main sur de nouveaux axes de réflexion.
À peine eut-elle le temps de s'en rendre compte, qu'elle se trouvait déjà face à l'édifice monumental. Les portes dorées l'appelaient. Elle avait l'impression que le bâtiment hurlait son nom pour la faire entrer. Nora ressentit comme une inspiration, une aspiration même : elle sentait qu'en franchissant les portes de ce haut-lieu de connaissance, elle se ferait vite happer par un univers inconnu encore plus vaste, un savoir méconnu et de nouvelles aventures palpitantes. Tremblante d'excitation, Nora s'approcha des murs de l'enceinte et fit une prière muette en touchant les portes de l'édifice pour que ce lieu libère, expressément et juste pour elle, toute son énergie positive.
Avide de connaissances, la jeune femme démarra son exploration, la main se baladant le long des rangées de livres, arpentant les sections et soufflant d'extase en découvrant le nom de certaines catégories. Il y avait bien une section totale dédiée aux invocations. Nora se retint de courir pour rejoindre le rayonnage qui parlait des objets ou invocations de magie noire. C'est-à-dire ceux qui avaient "mal fini".
* Mal fini *, pensa Nora. * C'est bien relatif.*
Après quelques minutes, heures, jours (?!) - Nora avait perdu la notion du temps -, la jeune femme se rendit compte qu'elle avait quasiment tout feuilleté. Rien de plus. Rien d'essentiel. Rien, rien, rien !! Déçue et frustrée, l'idéaliste obsessionnelle qu'elle était se détourna des rayonnages pour tenter de trouver des informations ailleurs.
Nora débuta son investigation en tournant autour du bureau de la bibliothécaire, qui lui jeta un regard acéré et glacial. Rien sur le bureau, pas envie de parler à la mégère. Nora se détourna et continua d'arpenter la bibliothèque, à la recherche d'un je-ne-sais-quoi. La main posée sur le menton, les doigts glissant sur les ouvrages et les surfaces, Nora se sentait comme un chien de chasse reniflant sa proie. Son instinct lui disait vivement de ne pas abandonner.
... Soudain, le voilà !! Nora repéra un nouveau livre qu'elle n'avait pas encore lu ou consulté à propos de la magie sombre.
La jeune femme s'approcha de la table sur lequel il était posé, mais il était déjà utilisé par une autre personne attablée.
Une vieille femme qui n'avait pas l'air commode... Avec son sourire le plus élégant, Nora se reconstitua son masque de charmante dame et pianota de ses doigts légers les rebords de la table où la vieille était assise.
"Pardon... Noble dame... ?" fit-elle de sa voix la plus douce (et Dieu, que c'était dur d'avoir l'air gentille !).
Tout en disant cela, Nora prit place face à la dame et croisa les jambes vivement, charmeuse et aussi élégante que possible. Son regard vif et brûlant toisa la femme, un sourire carnassier se dessinant entre ses lèvres minces, maquillées d'un rouge sombre.
Une routine s'était instaurée. J'étais désormais une habituée de la bibliothèque, bien que l'équipe gérant le lieu ignorait mon nom ils avaient désormais pris l'habitude de, je cite, cette vieille bonne femme qui passe ses journées le nez dans les bouquins. Cette bibliothèque, qui restait bien trop pauvre à mon goût, n'avait déjà plus aucun secret pour moi. J'arrivais le matin à l'ouverture et ne partais pas avant la fermeture. Ce que je faisais ensuite ? Et bien je quittais Luh pour une destination inconnue des humains. Pour chacun j'étais un mystère : les gardes de la ville me saluait avec un sourire tous les matins, j'empruntais alors le même chemin jusqu'à ma table non sans récupérer les livres que j'étudiais que j'avais soigneusement rangé la veille juste avant la fermeture : assez tôt pour ne pas me faire remarquer mais assez tard pour que personne ne les emprunte. Ensuite je quittais la bibliothèque par le même chemin, souhaitais le bonsoir aux gardes en faction et m'éloignais dans le soir naissant droit devant moi.
Ce que je faisais ensuite ? Et bien je me reposais voyons ! Une fois assurée d'être au delà de la portée humaine, je reprenais ma forme originelle pour rejoindre une grotte assez vaste pour m'accueillir pour la nuit. Méditant ce que j'avais apprise la journée, je me reposais ainsi pour permettre à ma mana de se régénérer pour une nouvelle journée d'étude sous métamorphose.
M'ennuyer ? Oh allons ! Je lis vite et la majorité des technologies inventées par ce peuple ne sont que des jouets de primitifs pour moi néanmoins il y a bien des choses qui me sont inconnues : l'histoire et les quelques nouveautés nées du nouveau brassage évolutif. Il y avait dans cette bibliothèque de quoi m'occuper pendant encore des mois. Alors même j'aurais de quoi faire pendant encore des années pour effectuer toutes les expériences que je gardais en mémoire.
Ainsi aujourd'hui encore je me trouvais à la bibliothèque. Le matin, comme d'habitude, j'avais récupérée tout les ouvrages que je souhaitais étudier durant la journée, notamment un grimoire traitant de magie corrompue et autres artefacts magiques. Le sujet m'intéressais au plus haut point de par sa nouveauté et le fiasco rencontré lors d'une expérience il y a quelques mois. J'étais donc installée à ma table de travail, plusieurs livres ouverts devant moi, d'autres empilés attendant leur tour et un carnet couvert de notes, occupée à déchiffrer un volume particulièrement épais. Le grimoire noir était ouvert à la page 394 et je ne m'occupais pas vraiment de lui lorsqu'une humaine m'interpella et eut l'audace de s'installer face à moi. Quel culot ! Néanmoins elle fut polie, aussi décidais-je de lui retourner la pareille avec une politesse distraite :
« Un instant je vous prie. » Demandais-je avec un doigt en l'air, sans lever les yeux de mon livre.
La danse de mes yeux démontrait que j'étais en pleine lecture sur la page de droite de l'ouvrage en question. Je pris le temps, une bonne grosse minute, de terminer mon paragraphe puis je me penchais sur le grimoire, tournais plusieurs pages jusqu'à atteindre la 327 ou je récoltais une information puis la 341. Je griffonnais quelque chose sur une feuille de papier devant moi, retournais à la page 394 et je levais les yeux.
« Vous me flattez en me considérant comme une noble. » Répondis-je avec politesse, presque comme une grand mère. Néanmoins, l'étincelle dans mes yeux et le geste effectué plus tôt trahissaient l'autorité qui m'habitais. « Je vous remercie d'avoir patienté : je déteste m'interrompre au milieu d'un paragraphe ! Je perd alors le fil et ne suis obligé de revenir en arrière pour m'y retrouver, c'est très désagréable. »
Que c'était désagréable ! Reprendre une lecture et se sentir perdue !
« Que puis-je pour vous ? »
Position d'attente polie. Dans l'ancien temps, seuls les inconscients, les ignorants auraient osés m'interrompre en plein milieu d'une lecture. Ceux qui me reconnaissaient devait rassembler leur courage pour venir me parler sans y être invités, mêmes les rois ! Mais ici, je devais faire preuve de plus de modestie. Aussi acceptais-je d'être traitée ainsi : humaine comme les autres !
« Un instant je vous prie. » lui rétorqua la vieille dame, le doigt en l'air.
Nora observa d'un air un peu interloquée ce doigt levé, et s'en détourna vivement pour attraper un autre livre d'une étagère placé derrière elle pour cacher le trop plein d'émotions qui l'agitait. Dans sa tête, la jeune femme tentait de trouver une façon de réagir pour ne pas apparaître trop brutale ou impolie, tout en maudissant cette vieille guenon de son audace. Elle détestait se trouver en face d'une personne plus hautaine qu'elle-même, et trouvait presque en même temps amusant le petit dédain qui émanait de son interlocutrice.
Nora feuilletait distraitement l'ouvrage dans ses mains, tout en observant du coin de l'oeil l'étrange lectrice face à elle. Cette dernière passait d'une page à une autre en notant les informations de façon particulièrement assidue.
La vendeuse d'artefact n'avait que faire de cette dame ; la seule chose qui l'intéressait étant le bouquin et si celle-ci ne se pressait pas davantage, elle allait le lui prendre des mains. Mais Nora tenait à sa réputation, et ne souhaitait pas se faire mettre dehors de la bibliothèque pour vol de bouquin ou étranglement d'une vieille dame sans défense. Aussi, elle attendit son heure.
Nora jouait avec ses cheveux sombres et pianotait sur la table un air qu'elle avait récemment entendu, tout en lisant avec insouciance les mots sans vraiment les enregistrer. Le récit de son livre parlait vaguement d'un marin perdu en haute mer, qui tentait de braver une tempête. Assez bien écrit, le livre aurait pu l'intéresser s'il avait parlé d'un voyage épique à la recherche d'un objet magique.
Finalement, la vieille lectrice fit mine de terminer de prendre des notes.
Nora releva la tête et esquissa un sourire quelque peu mystérieux, les yeux flamboyants d'avidité et de mépris mêlés, quand on s'adressa à elle :
« Vous me flattez en me considérant comme une noble. Je vous remercie d'avoir patienté : je déteste m'interrompre au milieu d'un paragraphe ! Je perd alors le fil et ne suis obligé de revenir en arrière pour m'y retrouver, c'est très désagréable. »
* Cause toujours * pensait Nora, se fichant éperdument du blabla de l'ancêtre. Tout ce qu'elle désirait, c'était ce livre qui l'appelait - lui criait même - de s'en emparer et de partir en courant. Obsession, quand tu nous tiens... Pour éviter d'avoir l'air d'une timbrée, Nora se planta les ongles dans la main et sourit de plus belle.
« Que puis-je pour vous ? »
« De quoi parle t-il ? Cet ouvrage entre vos mains ? » demanda Nora, tout à la fois enjôleuse et rogue.
Tout en disant cela, Nora se leva de sa chaise, fit glisser ses doigts sur la table et s'approcha de l'aïeule. Elle regarda de loin, par dessus son épaule, les inscriptions et les annotations que la vieille femme avaient prises.
« Intéressant, une épée ensorcelée ? Avec un sort de glace ? » s'étonna Nora. « Pourquoi une personne comme vous s'intéresse t-elle aux objets corrompus ? Une passion pour le sordide ? » se moqua à demi la vendeuse, affichant une moue condescendante.
D'un petit bon aérien, Nora se plaça de l'autre côté de la table, les deux mains placées face à elle, attendant une réponse et voire même, des indications plus approfondies sur l'objet de son désir : la magie corrompue.
Beaucoup ont fait l'erreur de me considérer comme une vieille femme sans défense. Oh ce n'est pas très grave, c'est même intéressant : cela m'offre plus de tolérance et de bienveillance. C'est une erreur que je tolérais volontiers : l'âge inspire généralement le respect. Cependant certains faisaient l'erreur de me manquer de respect et de se croire supérieur, plus fort que moi... Ceux là l'ont amèrement regrettés.
Impatiente, petite insolente, petite sotte. Voici les trois pensées résumant mon jugement primaire de cette femme. Les choses avaient pourtant bien commencées... Elle prit un livre pour s'occuper pendant que je finissais mon occupation. Toutes deux à lire ensemble, c'était bien, c'était très bien.... Et puis elle se mit à pianoter sur la table et commença à m'agacer. Ce pianotage trahissait une forme d'insolence irrespectueuse. C'était cependant insuffisant pour me fâcher.
Elle m'interrogea directement sur le grimoire : de quoi parlait-il ? Et bien de magie corrompue. Je m’apprêtais à lui répondre mais elle se leva, s'approcha de moi sans mon autorisation et se permit de lire mes notes par dessus mon épaule. Je la laissais faire : jusqu'où irait son insolence irrespectueuse ? Elle s'interrogea sur mes recherches autours d'une épée ensorcelée. Rien que cela m'énervait mais elle poussa le bouchon plus loin encore :
Une personne comme moi ? Que savait-elle de moi ? Une vieille femme étudiant la magie corrompue à la bibliothèque, voilà les seules informations qu'elle possédait sur moi à cet instant. Elle osa ensuite insinuer que j'avais peut être une passion pour le sordide en se moquant quelque peu de moi. Elle venait de commettre plusieurs erreurs et pouvait s'avérer chanceuse de ne plus être dans l'ancien temps et que nous soyons en public : un seul claquement de doigt, voilà ce qu'il me fallait pour invoquer la foudre et la réduire en cendres. Je lisais en elle comme dans ce grimoire : elle voulait ce livre, voulait l'emporter et se renseigner sur la magie corrompue. Il n'y avait que deux raisons évidentes qui justifiaient son intérêt pour moi : le fait que j'utilise actuellement ce grimoire et les informations qu'elle pourrait glaner dans mes notes.
Je restais calme, comme si son insolence et son manque de respect n’existaient tout simplement pas, comme s'il s'agissait d'une conversation autour d'une tasse de thé.
« J'effectue quelques recherches sur la magie corrompue effectivement... »
D'un geste tranquille, en la regardant droit dans les yeux avec un sourire de grand mère gâteau, je fermais mon carnet de notes pour qu'elle ne puisse plus lire. D'un geste tout aussi lent, je fermais le grimoire, l'attirais vers moi, plaçais mon carnet dessus et croisais les mains dessus d'un air détendue. Le message était très clair : ces objets sont actuellement ma possession et je ne souhaitais pas les partager pour l'instant. J'avais fais ceci en lui expliquant gentiment :
« Je ne fais que me renseigner plus avant à propos d'une épée que j'ai vue sur l'étal d'un marchand. L'âge a de positif que le temps libre ne manque pas. »
Elle ne pouvait me reprocher aucun de mes gestes, aucun de mes mots... Allait-elle comprendre et se rattraper ou bien continuer son petit manège de petite sotte ?
L'ancêtre la regardait droit dans les yeux d'un air calme. Nora sentait tout de même une pointe d'agacement pointer dans ses réponses, ses yeux vrillant peut-être d'une lueur qui n'était pas tout à fait aussi tranquille qu'elle voulait le faire croire.
Toujours souriante, Nora commençait à s'amuser. S'humectant le bas de la lèvre et se mordillant légèrement, la jeune femme respira discrètement pour cacher son excitation. Elle adorait les situations comme celles-ci, où chacun jouait un rôle et cherchait à convaincre l'autre d'abandonner. Si elle s'écoutait, elle aurait déjà fait une petite danse de la joie, puis mordu la petite vieille. Mais non, il fallait rester calme et douce, et c'est la posture qu'elle tenait alors parfaitement, habituée à porter un masque en toute circonstance.
Le regard agréable et charmeur, Nora finit par reprendre sa place en face de la grand-mère. Elle essaya de se rappeler sa propre mamie, qui avait pris soin d'elle toute sa vie et qui était décédée dans l'oubli. Ce souvenir ramena de la douceur et de la nostalgie dans le visage de Nora, qui un instant se perdit dans ses souvenirs.
Revenue à elle-même, toute tension, excitation, volupté avait disparu de ses traits s'ils en avaient subsisté auparavant pour ne laisser place qu'à de la tendresse et une pointe de tristesse. Quand elle regardait la grand-mère, Nora voyait désormais la vieille Myrta. Elle sentait ses poils se dresser le long de ses bras et dans sa nuque quand elle y repensait.
Nora s'ébroua un peu, sourit de toute sa belle rangée de dents nacrées, et répondit d'un ton sympathique :
"Un étal, oh, vraiment ? Je suis moi-même marchande et je vends des épées. Si ça se trouve... Oh si ça se trouve, c'était mon étal ?" Elle pointa du doigt sa poitrine et sourit bêtement. "De quel type d'épée s'agissait-il ? J'en ai des tas, avec des sorts de toutes les sortes ! Que je fabrique moi-même, qui plus est." continuait-elle en riant de façon bienveillante.
Son rire tintait comme quelque chose d'agréable et de doux. Le regard rieur, Nora pencha un peu la tête de côté, et caressa un peu la table du bout des doigts comme si elle repensait à un événement survenu plus tôt, amusant et heureux.
Nora espérait ainsi, en ayant enlevé toute animosité ou sentiment d'envie, de ses gestes ou de son esprit, que la vieille femme se rende compte que l'intérêt était partagé dans ces échanges. Vendeuse et créatrice d'objets, elle avait l'habitude de contraindre les éléments - hommes comme objets - comme elle le désirait.
"C'est pourquoi... Comme je fabrique des objets, c'est pourquoi le livre... Ce livre que vous tenez, m'intéresse beaucoup." expliquait-elle, presque convaincue de ses dires. Elle se stoppa et fit comme si elle cherchait ses mots, pour mieux se faire comprendre.
"Ce livre m'éviterait de créer des objets maléfiques malencontreusement. J'aimerai beaucoup pouvoir obtenir plus de connaissances. Bien sûr, dans l'intérêt de tous." finit-elle, avec un sourire timide.
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