Rao  ᘎ  Braith
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Est-ce qu'elle prend un malin plaisir à ralentir son pas ? Si ce n'est le cas, sa race est tout simplement d'une lenteur catastrophique. Quelle que soit l'explication, je la tiens pour responsable. Toujours droit, j'attends, aussi immuable et digne que les statues me représentant à l'époque. Plus digne encore, cela va de soi. La matière de Terra ne saurait m'incarner à la perfection.

Mes iris flamboyants daignent descendre sur la bipède. Deux minutes, c'est long. Une seconde est longue dans toute cette fichue éternité. Mes babines se délient pour phraser ma pensée. Elles se rétractent en voyant la fière humaine offrir son épaule au sol. Et cela se clame future-plus-grande-chasseresse-de-tout-Arcane. Quelle peine. Je roule des yeux. Quelle vulgarité. Un discret soupir file de mes narines.

Ridicule petit être qui s'en va feignant l'innocence. Il ignore volontairement son jugement. Soit. Je tends l'oreille, à l'écoute de ses pas. Dès qu'ils s'effacent, un éclat moqueur se libère. Cette glorieuse vision s'est ancrée dans ma mémoire. J'espère cette combattante plus capable que ce qu'elle laisse voir. Ses râleries et son arrogance, entre autres. Par les Flammes de mon être, j'espère qu'elle ne me fera pas honte.

Le temps s'égraine. Je demeure ainsi. Enfin, je sens l'espace m'aspirer. Un frisson brûle mon échine. L'appel. En une infime fraction de temps, je me retrouve sur le parvis de la prison d'Ignis. La chaleur embrase immédiatement mon corps. La jouissance des retrouvailles explose en un profond rugissement. Ma gueule s'ouvre grand. "OOooooOOOOrrrrR !" L'exclamation s'étire dans le désert comme le ciel. Je contemple l'immensité sableuse. Quel merveilleux paysage.

Qu'est-ce.. Je sens cette chose terrible monter, faire tressailler les nerfs autour de mes yeux. Je ne vais pas pleurer. Ils... Ils m'ont manqué. Ceci est l'expression d'un manque, guère davantage. RAH. Ma patte se frotte à mon visage, un petit coup de langue et c'est parti. Mon oreille se dresse au son vague. Mmm. Qu'ouïs-je ?

Mon regard perce les environs lumineux. Une minuscule tâche obscurcit le tableau. D'un bond faramineux, je la rejoins. Le vent si ténu effleure la peau de mon abdomen. Un ronronnement de plaisir sourde dans ma gorge. Mes délicats coussinets s'enfoncent dans la plus belle mer qui existe en ce monde. Sa douce étreinte m'enivre délicieusement. Je me roule dedans.

Dans mon extase, il me semble oublier quelque chose. Peut-être quelqu'un. Un pic de panique gangrène mes membres. Dressé sur mes quatre pattes, je cherche la petite tâche collée à mon existence. Rien. Je gratte les montagnes ensablées à sa recherche.

"Braith ! Braith tu m'entends !?"

Quelle mégarde. Pourvu qu'elle ne s'asphyxie pas. Je ne veux pas retourner dans ma cellule. Pas déjà.

Rao  ᘎ  Braith
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Un cri. Je reconnais la voix. Nul besoin d 'hurler voyons, je savais qu'elle n'était pas si loin. Ma patte avant droite, relevée vers l’arrière presque en angle droit pour dégager le sable gratté, s’abaisse naturellement. Mon regard flamboyant suit le mouvement et l’origine du bruit, puis découvre le corps insignifiant accrochée à l'une de mes griffes. "Ah te voilà !"

Aussitôt le membre s'immobilise en l'air. L’ordre s’agence dans ma conscience. Le Pacte prend les commandes. Mon coude droit se déplie très lentement. Mes coussinets se rapprochent du sable en douceur. J'observe les fils magiques articuler mon corps tel un automate. Ça faisait longtemps. Et peut-être pas tant. 

Braith glisse sur le sable comme enveloppée dans des draps de soie. Fidèle à sa requête royale. Elle s'éloigne maladroitement. Pourquoi, je l'ignore. Mon séant embrasse le sol, qui se module selon ma présence. Quel agréable constat. Je ponctue son allure alcoolisée non pas d'un commentaire moqueur mais d'une explication quant à son ensevelissement indésiré. Et indésirable.  

"J'avais oublié que tu étais là. Tu es tellement minuscule dans cet océan." 

Son manque de réaction ne pique guère mon intérêt. Aussi j'attends, indifférent, la suite. Les rayons solaires s'infiltrent joyeusement sous mon poil lustré. La chaleur diffusée dans tout mon corps me donne envie de sombrer dans les royaumes oniriques. Là-bas, je suis toujours un dieu. Je tâte la mer de sable au rythme discret d'un ronronnement de contentement.

Par malheur, mon regard se tourne vers celle qui m'est désormais liée. En récompense de songer à sa personne, je la découvre nue comme un ver, affairée à chasser les mouches. J'aurais mieux fait de la laisser sous terre. Voilà qu'elle m'observe, le visage contrit et l'air incertain. Hmm ? J'accepte toujours le doux son des excuses. Mais de quoi parle-t-elle au juste ? Ah oui, le Pacte. Ce n'est jamais agréable. Mes griffes se rétractent pour de bon et mon fief royal se dresse. "Mmm." Il ne faut pas leur laisser croire qu'ils ont raison. C'est très mauvais pour leur race.

Un soupir s'échappe par mégarde de mes babines immaculées. Je me rapproche d'un pas agile, leste, et digne. Je m'arrête à une certaine distance, afin de ne pas m'offrir un torticolis en la regardant.

"Alors, tu voulais me dire quelque chose ?"

Finissons-en, que je retourne me plonger dans cette mer de bonheur.  

Rao  ᘎ  Braith
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Comment veut-elle que je me concentre sur ses propos en se tortillant de la sorte ? L'envie de poser un doigt sur sa frêle personne pour la faire cesser me saisit. Mon regard dérive et je la chasse en silence. L'humaine trouverait sûrement matière à se plaindre. Je m'en fiche, évidemment, mais ne désire pas l'écraser par inadvertance comme tout à l'heure. Il faut bien que l'un de nous deux fasse attention à sa survie, pour préserver ma liberté à peine retrouvée.

Par les flammes de mon être, qui m'a dégotté une bipède aussi peu dégourdie ? D'abord, elle manque de se laisser ensevelir. Maintenant, elle lutte pour survivre face à un bête tissu. Son existence risque d'être, à ce rythme, longue et ennuyeuse. Un soupir cueille sa déclaration. Je lève négligemment  ma patte avant gauche, libérant une avalanche de sable dans le mouvement. J'examine mes griffes une à une, avec soin, et ne lui octroie qu'une attention distraite.

"Oui. Je suis au courant de vos ridicules articulations sociétales."

Dans l'ensemble. Elles sont insignifiantes pour ma divine personne. Qu'elle fasse ce qui la chante, seul le Pacte peut réellement forcer mon obéissance. Si elle l'ignore, elle l'apprendra. La direction annoncée déclenche un léger éclat méprisant. Ma taille ne constitue aucun problème. C'est la dimension de leurs cités qui pèche par leur manque d'ambition. Moi, en revanche, je suis auréolé de gloire quelque soit mon apparence.

"Tu as de la chance de m'avoir libéré, humaine, car je reste infiniment puissant malgré l'enfermement."

Bien sûr qu'une banale métamorphose reste dans mes capacités. Voilà qu'elle revient sur cette histoire de recensement. Cela devient agaçant. J'ai compris la première fois, je ne suis pas idiot, nul besoin de répéter. Je la trouve un poil présomptueuse. Son ronchonnement semble autant porté sur l'état de ses bottes que la nécessité législative. Si elle désapprouve tant, pourquoi me l'imposer ?

"Oh ? À peine sorti et tu m'en demandes déjà tant. Pour une si petite personne, tu possèdes une aussi grande que déplaisante audace. Je verrai selon mon humeur du moment. J'espère que cela t'ira, car je n'ai guère d'autres alternatives à te proposer."

Nul reproche ici, il s'agit d'un simple constat. Elle ne m'a donné aucune raison de m'investir davantage. Sans lui laisser le loisir de répliquer, je me retourne vers l'océan sableux. Grâce à moi, elle sauvegarde son énergie et l'eau dans son organisme. Deux précieuses ressources qu'Ignis convoite toujours. Ma gueule pivote à demi vers sa silhouette.

"Alors ? Allons-y. J'ai besoin de me dégourdir les pattes."

Je ne vais pas l'attendre des années. Par où est cette crevasse déjà ?

Rao  ᘎ  Braith
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Tel un agaçant grésillement, la réplique agite mes délicates oreilles. Comme si j'étais gros. Je l'ignore. Son insulte n'en vaut pas la peine. Voilà qu'au bout de quelques pas, une nouvelle et désagréable parole m'empêche d'avancer. Nous perdons du temps à bavasser ainsi. Tant pis pour elle. Moi, je me régale ici. Son intonation mesquine s'achève sur une note particulièrement déplaisante.

Pattes avant levées, mon buste pivote de moitié en un brusque volte-face. Mes coussinets effleurent à peine le sable qu'un puissant grognement se libère. Crocs dévoilés, mon expiration brûlante souffle ses vulgaires frusques. "Comment oses-tu, bipède ?" Menacer de me contraindre de la sorte. Toute l'ampleur de mon mépris sourde dans cette dénomination simpliste. "Fais attention." Même si ma puissance n'égale pas celle d'antan, mieux vaut ne pas s'attirer ma rancune. Elle aurait tôt fait de se noyer dans la mer étincelante et moi de trouver meilleure libératrice.

Ma colère se consume doucement. L'humaine ne rétorque rien d'intéressant, de toute façon. Je me redresse et l'observe enfin s'avancer, puis lui emboîte le pas. Ma démarche altière trouve écho dans mon allure mesurée. La bipède progressant de sa terrible lenteur, j'en suis bien obligé.


Diantre, je ne me souvenais guère de l'étroitesse de cette crevasse. L'un de mes royaux sourcils s'arque avec un léger dépit. Que je ne puisse pénétrer une habitation située sur mon propre domaine effleure quelque peu ma fierté.

Mais soit. Ces humains ont au moins eu l'intelligence de profiter de cette enclave, où les animaux hostiles les plus massifs ne peuvent s'aventurer. S'allier à l'imprévisibilité et la cruauté du désert requiert du courage et de l'inventivité, je leur reconnais.

Mes iris d'or et d'ambre descendent sur le petit être au niveau de mes jarrets avants. Puisqu'il demande si gentiment, je prends plaisir à m'exécuter. Mon séant profite du sable chaud une dernière fois. L'assurance étire mes babines. Elle va voir ce qu'elle va voir. La magie pulse dans mes membres. Ma peau dégage une lumière chatoyante et mes flancs d'écailles étincèlent.

Ma fourrure soyeuse rentre sous mon derme et mon museau recule. Toute mon apparence adopte les caractéristiques humaines. Bien sûr, je sélectionne uniquement les plus esthétiques. Si ma voix perd de son intensité, la faute à leurs poumons minuscules, le timbre résonne avec familiarité lorsque je m'exprime.

"Alors ? Ne suis-je pas le plus beau de ton espèce ?"

Il y a de quoi être impressionné, je sais.

Rao  ᘎ  Braith
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Un sourire étincelant étire mes fines lèvres. Paupières closes, j'inspire pleinement. La réaction s'avère aussi satisfaisante que je l'imaginais à ce stade. Oh, elle fera mieux avec le temps. Personne ne s'habitue à mon incroyable magnificence. La fierté se lit sur mes traits divinement beaux. Le fief haut, je suis suffisamment de bonne humeur pour accéder à cette nouvelle sollicitation. "Évidemment. Que-"

L'humaine se reprend curieusement. L'étonnement lève mes sourcils et la grossière interruption les arque. Dans ma grande mansuétude, je laisse passer l'affront. Elle pénètre la crevasse et je la suis avec grâce. Son humeur respire le contentement. Amusant. Elle doit certainement le tirer de ma royale présence. Très bien, nous allons peut-être pouvoir nous entendre.

"Ce village sait accueillir ses prestigieux arrivants."
La joie anime mon regard. La luminosité prononcée souligne agréablement mes sens, et mon profil. J'apprécie cette marque de profonde considération pour les divins solaires qu'ils vénèrent. Quant à l'architecture, mon regard ne peut quitter les nombreux miroirs qui habillent savamment les constructions. "Rien n'a changé depuis la dernière fois. Je pourrais m'établir dans cette cité, tant elle fait écho à ma beauté." Ma liberté fraîchement retrouvée m'évite de songer à l'ennui d'une vie sans éclat, qui m'attend au dehors. Puisque Braith souhaite devenir la plus grande chasseresse de l'île, cela ne devrait jamais arriver.

Voilà qu'elle s'aventure dans un bâtiment de piètre allure. Pourquoi quitter ce spectacle ? Hors de question que j'y pose une patte. La crasse et la sueur des badauds amassés m'atteint d'ici. Non merci. Je reporte mon intérêt sur les étals environnants. Les couleurs vives et variées ravissent mes iris. Je laisse courir mes doigts le long d'une étoffe pourpre. Pas aussi douce que la mer de sable, mais de facture agréable pour de l'artisanat.

"Hmm." J'examine les marchandises suivantes quand je sens une présence familière. À son odeur se mêlent déjà des effluves gras. Mon nez se fronce. Elle n'est restée qu'une poignée de minutes, heureusement. Je réponds à son interrogation par la vérité. La suivante me laisse perplexe. Sanza ? L'appellation ne me dit rien. Je ne prête guère d'attention à la faune, et ne suis jamais sorti avec un humain m'y ayant forcé.

"Je suis supérieur à n'importe quel vulgaire animal, cela va de soi." En revanche, la perspective d'un combat me lasse. J'ignore son étrange manège en espérant reprendre mon observation, mais sa voix m'en empêche. Un soupir distingué soulage mes poumons. Autant se prélasser avant de se salir les griffes.

"J'accepte ta proposition. Mais je crains que ta définition du correct effleure à peine la mienne." Sur ces sages paroles, je m'enfonce dans la ville sous-terraine à la recherche d'un établissement digne de ce nom. Mes iris d'un bleu précieux finissent par repérer une devanture élégante, aux couleurs profondes. Un charme certain pour un œil raffiné. Je me demande pourquoi un endroit à l'apparence si soignée se trouve tant en recul du cœur de la ville. Probablement pour distancer tout manant qui possèderait l'orgueil d'y entrer.

L'esprit empli d'espoir, je me tourne vers Braith. "Cet endroit ne sera peut-être pas une totale déception."

Rao  ᘎ  Braith
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Mes sourcils se froncent. Aucun problème ne saurait résister à ma grandeur, quelle que soit son importance. Il s'agit d'une atteinte à l'espoir que je porte. Avant de m'en offusquer, je laisse l'humaine préciser la situation. Son explication s'avère fort insatisfaisante.

Mes yeux se plissent avec méfiance. La notion de mariage effleure vaguement ma mémoire. Il me faut un temps pour la saisir. Un rituel ridicule pour une ridicule restriction. Je ne me souviens pas avoir dû braver pareille interdiction lors de mon premier passage. "Hmm." Mon visage basané se rapproche du sien tandis qu'elle s'agite. J'hume discrètement. Impossible de capter plus qu'une odeur avec ce nez de bipède. Soit. Leur race est suffisamment stupide pour inventer une telle règle.

Je l'observe d'abord en silence. Le résultat de ses gesticulations ne se montre guère à la hauteur de ma compagnie. Je me dois de lui signaler gentiment. Bras croisés sur ma poitrine, mon regard azuré balaie sa silhouette. "Tu réalises que cela ne change pas grand chose à ton apparence poisseuse ?" Aucune alternative ne se présente, de toute façon. Dire que je vais devoir m'afficher à son bras. Un soupir délie mes fines lèvres.

Sa tentative pour gagner ma complicité fait néanmoins émerger une perspective intéressante. Je souris, galvanisé par l'opportunité de démontrer un autre de mes talents. "Je suis très bon acteur." Avec assurance, mes jambes me mènent à l'intérieur de l'édifice. Le faste manifeste des lieux éclaire mes pupilles. De soyeuses draperies d'un chaleureux bleu roi nous accueillent. De délicieuses fragrances lèchent mes sens, même amoindris. Des coussins si denses qu'ils semblent capables d'absorber toute morphologie attisent mon corps délicat.

Fief haut, je demeure indifférent à cette vision. "Et bien, nous devrions passer un moment correct." J'ai connu un luxe inimaginable pour leur race mortelle. Après un millénaire d'enfermement, il me tarde toutefois d'asseoir mon séant dans ce maigre confort. D'un geste digne, j'interpelle le collectif présent.  

"Mes salutations, êtres semblables ! Ma noble personne requiert un bipède, quelque soit son genre, dédié aux besoins de notre couple au sein de votre modeste établissement."