La coupe en argent oscille lentement entre mes doigts. Vide depuis quelques minutes, elle reflète allégrement le contenu de la chambre d'auberge. Teinté d'éclat, un faste discret mais pourtant bien présent. Pour une nuit, je n'ai pas hésité à me permettre quelques largesses agréables.

Mais la nuit en question ne sera finalement pas la seule. L'intriguante missive déroulée sous mon regard d'acier accapare mes réflexions. Ce n'est pas si rare, pourtant, l'origine me laisse un rien perplexe. J'ai des oreilles qui traînent partout, j'avoue que Miss d'Avesnes ne rentrait pas dans certaines catégories. Comme quoi. La surprise sera peut-être plaisante?



Sous une allure légèrement cahotante, Lüh défile au travers d'une petite fenêtre de la calèche. Une réponse vêtue de sobriété comme de bienséance s'en est retournée à la jeune noble quelques jour plus tôt. J'ignore quels biais de réputation ont mené mon nom jusqu'à elle, mais je me doute aisément que mon 'amitié' ne soit pas sa priorité. Heureusement d'ailleurs, qu'est-ce que je pourrais bien foutre de la sienne? Si elle n'est guère parée d'or...

« Merci. »

La porte du véhicule claque doucement. Le majordome qui m'accueille m'invite à le suivre au cœur du jardin de la propriété. Je balaye lentement et avec intérêt l'opulence des lieux. Le déplacement semble en valoir la peine. Et elle?

J'avance d'un pas souple et affirmé. Pour l'occasion, je porte une tenue qui siérait sans mal dans n'importe quel salon de la haute société... A un homme. Un haut éthéré en cette chaude saison, sans manches, semblable à une chemise de couleur blanc cassé, à la boutonnière cobalt. Pantalon noir, fuselé, et qui épouse mon corps, fait de coton d'excellente qualité. Ce dernier s'évapore auprès de bottines légères et d'un bleu profond, en fourrure de néoréon.

Un simili de gant en cuir protège partiellement ma main gauche. En vrai, il s'agit plus d'un brassard étroit, prolongé par une lanière, finement travaillée et gravée. Elle vient couvrir uniquement l'absence de mes deux dernier doigts, amputés depuis quelques années. Certains trouvent la vue naturelle déplaisante. En ce qui me concerne, c'est l'occasion de porter un objet de qualité, réalisé sur mesure pour ma personne.


La rencontre se profile avec plus de netteté. Je réponds silencieusement à son inclination, un bras replié dans mon dos, l'autre sur mon ventre. Son sourire ne trouve pas réponse similaire, mais mon regard demeure cordial. Baissé dans sa direction, comme bien souvent. Une jeune femme dont la taille épouse la silhouette fine et menue. Mon timbre clair, un peu grave, fait écho à sa salutation.

« Mes hommages, mademoiselle d'Avesnes. » J'ajoute, un discret sourire ourlant brièvement le coin de mes lèvres. « Peut-être vous serai-je également reconnaissante de m'avoir conviée. »

Oui, mon intérêt parle sans détour. J'apprécie que les choses soient claires dés le départ. Et sa demande, en cet instant, demeure encore bien nébuleuse. D'un geste bref de la main, j'intime à son majordome de me laisser faire. Et prends place, non totalement en face d'elle, mais à sa droite. Après avoir déplacé et fait pivoter ma chaise de moitié, offrant mon profil à la petite table où vient siéger mon avant bras droit. Je croise lentement mes jambes, presque avec nonchalance, malgré tout le sérieux qui imprègne ma personne.

Mon ton quitte doucement sa neutralité, laissant place à une voix un rien plus chaleureuse. Et sincère. Les faux-semblants ne m'intéressent guère. Après tout, autant être ouverte à n'importe quelle opportunité. Ma patience, comme ma capacité d'observation, se montrent toujours disposées à se tapir subtilement au cœur de mon attitude.

« Si vous aviez quelque chose d'un peu plus fort, je ne serai pas contre. » Tandis qu'elle signale aimablement à son serviteur de faire venir une boisson davantage à ma convenance, je profite du départ de ce dernier.

L'acier de mes iris se plante sans ambages dans les nuances boisées de son regard. « Epargnons-nous des mondanités inutiles, mademoiselle d'Avesnes. Qu'avez-vous à me proposer, exactement? »