L'au-dehors du Temple de l'Eau dégageait un parfum enivrant. Le vent qui soulevait l'herbe appelait aux aventures. D'ailleurs, en cet instant, Meslial Bororo avait l'impression d'être un de ces aventuriers dont il avait lu beaucoup de récits.

Dès qu'il franchit la porte du Temple, il courut jusqu'à son cheval. Pour communiquer sa joie et pour vérifier qu'il se trouvait toujours là.

Il broutait négligemment et releva la tête lorsqu'il aperçut son maître. Il ne prit pas peur à la vue de cette créature qui mesurait dans les deux mètres. Elle n'était pas effrayante.

« Imaq, je te présente Lustre. »

Meslial jeta un œil vers Lustre et lui caressa l'encolure.

« Voici donc ta première rencontre dans ce nouveau monde. »

Son sourire de joie devint mélancolique. Décidément, la blessure qu'il avait au cœur d'avoir perdu son ami n'était pas prêt de se refermer.

« Lustre est plus qu'un cheval pour moi. Ce n'est pas juste un moyen de me déplacer plus rapidement sur les terres de Lüh. C'est également le souvenir vivant d'une aventure que j'ai vécu avec une demoiselle... »

Sa tête s'abaissa. La tristesse était lourde à porter. Une larme en profita pour couler plus rapidement sur son visage.

Il attrapa entre son pouce et son index l'anneau qu'il avait récupéré de son amie avant qu'elle ne soit emportée par les eaux. Pour continuer à voyager et à vivre des aventures, même après la vie. Qu'elle continue dans la mort et au-delà.

« Une amie qui est décédée récemment. Une maladie qu'elle subissait depuis sa petite enfance. Elle s'est battue contre elle. Elle a même pris le risque de partir de son domaine familiale pour vivre sa vie. Partir à l'aventure ! »

Des regrets passèrent dans le cœur de Meslial. Il aurait voulu aller voir les parents d'Elisabeth. Les rencontrer. Tout leur raconter. Mais cela était au-dessus de ses forces.

Ce fut comme une implosion silencieuse dans les pensées arrêtées nettes de Meslial. Ne savait-elle pas qu'il ne fallait en aucune façon qu'il retire son chapeau ? Il était sujet à des crises irrationnelles qui avaient plus d'une fois effrayées ces parents. Il avait même un jour donné un coup à sa mère. Il s'en était voulu longtemps. Très longtemps. Ce fut après cet épisode que les parents acceptèrent cette psychose... à regret.

Meslial se laissa d'abord faire par Imaq. Il était à la fois sous le choc et démuni contre ce genre d'acte. Il n'était pas concevable de refuser une étreinte. Il serrait fortement les mâchoires, attendant que la crise remonte du plus profond de sa psyché torturé. Il fermait si fort les yeux qu'il voyait le petit peuple invisible, juste des points blancs pour les yeux de l'humain qu'il était.

*C'est étrange... Cela fait au moins cinq six secondes et toujours rien... *

Il ressentit sur sa tête le menton de la douce Imaq qui lui réchauffait le cœur de ses paroles qui glissaient comme du miel. Ses cheveux étaient noirs et ébouriffés. La cause en était à l'enfermement constant dans son chapeau et l'électricité statiques qui en résultait. C'était également le seul trait de sa personnalité qui était victime d'un certain relâchement dans son esthétique.

*Toujours rien ? Vraiment. Toujours rien. *

Meslial sentait maintenant Imaq qui desserrait son emprise. Mais il n'avait pas envie de la quitter. Il laissa donc encore ses bras autour du corps. Il trouvait étrange la nageoire dans son dos mais il savait que cela ne le dérangeait pas et que cela deviendrait vite quelque chose d'habituel.

*Où aller ensuite ? Je ne sais pas... *

L'apprenti-guérisseur recherchait la prochaine étape de son voyage. Maintenant qu'il y pensait, il était parti du foyer familial sans savoir où aller. Il n'avait jamais eu de plan. Si ce n'était cette folle course à la libération d'un dieu ou d'une déesse depuis le départ d'Elisabeth. Il ne comprenait pas encore bien les allers retours qu'il avait tant effectué ainsi que les épreuves auxquels il avait été confronté. Mais cela était terminé.

*Une page du livre qui se ferme. Une autre s'ouvre. *

Il s'éloigne alors de l'étreinte d'Imaq. Il fit un pas de plus en arrière pour ne pas avoir à trop lever les yeux pour lui parler.

« Sincèrement. Je n'en ai aucune idée. »

Il regarda Lustre et pensa qu'il pourrait peut-être emmener Imaq là où il avait laissé Elisabeth sur les eaux.

« Peut-être pourrions-nous essayer de passer de village en village. Je commencerais à me faire connaître. Je construirais ma réputation petit à petit, au jour le jour. »

Sa main passa sur son sac en bandoulière. Il était affreusement maigre. Il y avait à peine de quoi se sustenter seul.

« Non. Nous n'allons pas faire ça de suite en fait. Vois-tu, mes connaissances théoriques de la médecine demandent des médiums physiques très précis. Des plantes en particulier. Comme tu peux le voir, mon sac est vide de toutes plantes. Je te suggère donc de partir dans quelques forêts ou quelques coins aux alentours et de m'aider à récolter quelques ingrédients. Nous pourrons ensuite aller dans les villages où je me ferais connaître et où j’achèterais quelques fioles et livres de connaissances. »

Il caressa le cou de Lustre. Il allait alors monter dessus afin de commencer le voyage lorsqu'il eut une soudaine pensée. Il reposa le pied au sol et se retourna vers Imaq :

« Hum. Comment allons-nous faire pour voyager ? J'ai un cheval mais pas toi. Est-ce un problème pour toi... Mama ? »

Meslial avait hésité avant de surnommer Imaq de cette façon. Le chemin avait tracé son sillage dans sa tête, à force de l'entendre l'appeler « son fils », ajouté au fait qu'elle dégageait une atmosphère de paix et de tranquillité.