Bororo continua le jeu avec plaisir, tous les soucis semblaient loin derrière lui maintenant, Ariez se sentit soulagée d'être définitivement sorti de ce moment de tristesse et de doute pour ne laisser dans la taverne que des éclats de rire et de la joie. Elle riait tellement fort qu'elle en aurait réveillé cette morne taverne, mais le voir ainsi mimer très grossièrement qu'il comprenait enfin qu'elle parlait de lui la fit littéralement se plier en deux de rire. Elle fut également soulagée qu'il ne relève pas la confidence qu'elle lui avait fait par accident.

"Quelle chance fabuleuse que vous soyez le très célèbre archer-guerisseur qu'il fallait trouver pour accomplir cette quête ! L'élémentaire de roche n'a qu'à bien se tenir... mais attention...!! il est si immobile qu'il se dissimule parfaitement dans l'eau, saurez vous toucher en plein cœur un ennemi si parfaitement inerte ? Vous devez avoir plus l'habitude des cibles en mouvement ce ne sera pas facile."

Elle recommença à rire devant tant d'absurdité mais ne put pas s'interrompre ainsi, le jeu d'acteur était trop drôle :

"On m'a conté qu'en tant qu'archer guérisseur vous aviez très récemment terrassé une affreuse entorse de la cheville qui accablait une frêle jeune femme, quelles sont vos autres exploits ? Auriez vous vaincu...."

Elle feinta l’étonnement et l'admiration :

"L'abominable secrétaire ?!"

Aidée par l'alcool qui la rendait plus tactile, elle prit la main de Meslial dans la sienne, posant son autre main par dessus , et entreprit une vigoureuse poignée de main ferme. Pour Ariez qui avait un visage si fragile, ses mains trahissaient son dur travail sans doute permis : bien qu'elle eut la peau du dos de la main douce comme du satin, ses paumes de mains étaient rugueuses avec des callosités formées par des années à battre le fer.

"Vous êtes engagé !!"

Ariez commençait à avoir la tête qui tournait, elle sentait son taux d'alcoolémie grimper en flèche, et ses idées s'embrouillaient. Dans son état elle eut beaucoup de mal à analyser la situation : mais de quoi diable parlait-il ? Elle avait l'impression qu'ils avaient enfin réussi à partager un bon moment ensemble, et l'esprit trop réfléchit du guérisseur rendait l'ambiance pesante à nouveau. Elle retira d'abord doucement ses mains posées sur celle du guérisseur, prenant du recul sur la situation.

"Je ne... comprends pas"

Elle essaya de se repasser le début de la conversation dans la tête, n'était-ce pas lui qui lui avait lancé au départ que la terrible forgeronne avait besoin d'un archer dans sa quête ? Et maintenant qu'elle voulait engager de façon purement fictive l'archer dans cette quête imaginaire, il parlait de sentiment et d'autre chose étrange. Il remit en lumière qu'elle avait fait la remarque qu'il était bel homme, et semblait se faire tout un tas d'idée sur la situation, maintenant. Elle se frotta péniblement le visage, essayant de remettre ses idées au clair, tout s'embrouillait :

"Oui vous êtes séduisant, et alors ? Je viens de vous rencontrer. Pourquoi dites vous ces choses étranges..."

Elle avait dit ça sans aucune méchanceté mais une peine grandissait sur son visage. Elle se releva et prit ses béquilles, tout un tas d'image très désagréable lui revenait en tête. Elle repensa très péniblement à Lawrence, son cœur se serra quand ce prénom revint à sa mémoire, pourquoi y pensait-elle maintenant ? Pour une seule raison : Meslial devait faire référence a un prétendu sentiment amoureux qu'elle aurait. La dernière fois qu'elle avait été amoureuse...

"Je sors."

Elle avait besoin de prendre l'air, elle se sentait mal pour plusieurs raisons : l'alcool d'abord qui la rendait vaseuse, elle avait peut être un peu trop bu et n'aurait certainement pas du finir cette deuxième bière, et ensuite, parce qu'elle avait peur de souffrir à nouveau.

Prendre un peu l'air frais lui faisait du bien après le coup de chaud qu'elle venait d'avoir, mais ses pensées continuaient de s'embrouiller. Que s'était-il passé dans cette taverne ? Quel genre de signaux avait-elle envoyé par accident ? Comment en était-elle arrivée à repenser à Lawrence ? Pourquoi était-elle encore si affectée par cette vieille histoire d'amour alors que tant d'eau avait coulé sous les ponts, et pourquoi était-il si difficile de savoir communiquer avec ses semblables ? Elle n'était plus sûre de rien.

Meslial la rattrapa, ce ne fut pas difficile Ariez n'avait pas eut pour projet de le fuir et avec ses béquilles elle avait à peine eut le temps de faire cinq mètres -surtout qu'elle avançait moins droit que tout à l'heure-, mais il sembla tout inquiet pour elle par rapport à ce qu'il venait de se passer. Ce qu'il lui dit ne fit que l'embrouiller encore plus, il parlait de tout oublier et de reprendre à zéro dès lendemain matin, mais oublier quoi ? reprendre quoi à zéro ?

L'alcool brisait tous les filtres, et Ariez ne cacha pas son agacement de la situation et dit clairement ce qu'elle pensait :

"Mais oublier quoi au juste ? Je ne comprends même pas ce qu'il vient de se passer"

Le vent du soir balaya ses cheveux, elle remit délicatement en place une mèche avant de reprendre :

"On discutait de la terrible forgeronne et du brave archer, je vous ai juste serré la main pour souder notre duo d'aventuriers imaginaires, vous avez tout rendu compliqué docteur. On ne se connait pas encore bien, mais les fous rires et les moments de gêne c'est ce qui caractérise nos bons moments passés, je ne veux rien oublier de tout ça, et il n'y a rien à vous faire pardonner. Mais s'il vous plait arrêtez de vous imaginer tout le temps que je veux coucher avec vous, ça fait deux fois aujourd'hui que nous avons ce malentendu et ça me rappelle des moments pénibles."

Voila, comme je le disais, aucun filtre. Elle en devenait même bavarde, mais pendant tout son discours, légèrement moins articulé qu'à l'entrée dans la taverne mais toujours intelligible et réfléchit, elle n'avait pas lâché de ses yeux de jade le regard du guérisseur.

La communication semblait mieux passer quand Ariez était pompette. Elle était contente d'avoir mis les choses à plat, mais il voulu clarifier encore une fois les choses en disant que ça ne l'empêchait pas de la trouver très belle. Il n'avait pas dit belle, il avait dit très. Elle se sentit rougir. Tant pis, elle mettrait ça sur le compte de l'alcool, mais personne ne lui avait fait de compliment sur autre chose que son travail depuis longtemps. Ce n'était même plus une histoire de sentiment ou pas sentiment à ce niveau là, juste une question de pudeur.

*Il réfléchit trop ...c'est ...gênant*

Elle n'eut pas à répondre quoi que ce soit car il enchaina sur une deuxième phrase bien plus nostalgique, et parla de ses peines de cœur, il avait parlé d'une femme aussi tout à l'heure, qui faisait parti de son passé disparu. Peut être que la rupture avait était si douloureuse avec cette femme que son esprit se protégeait en oubliant tout ? Dans ce cas ce n'était pas une bonne chose qu'il s'en souvienne, car Ariez connaissait cette douleur, et elle n'avait jamais rien connu de pire. Elle continuait à béquiller tranquillement en suivant le docteur.

"C'est ironique... Vous voudriez vous souvenir, alors que moi je souhaiterais si fort oublier... ce sentiment... "

Elle en avait dit si peu et tellement d'un coup, une intense tristesse passa dans son regard mais cela ne dura qu'un bref instant, avant qu'elle n'essaie de dédramatiser.

"Un jour je comparerais avec vous mes peines de cœur pour voir qui gagne le droit de pleurer sur l'épaule de l'autre, mais pas ce soir là j'ai.. c'est loin chez vous ? oula..."

La béquille venait de glisser sur un pavé un peu trop lisse, heureusement il restait à Ariez quelques réflexes et elle se rattrapa de justesse. Les béquilles, la nuit, en étant un peu bourré, ce n'était pas ce qu'il y a de plus sûre. La jeune forgeronne avait bien faillit se rattraper sur sa cheville.

Durant le trajet Ariez sentit son attachement aux habitants de cette ville, il devait avoir beaucoup de patients mais se souvenait de chacun d'eux avec beaucoup de précisions et s'enquit de l'amélioration de la santé d'une vieille femme qu'ils croisèrent en route. Ariez trouva cela attendrissant. Elle resta silencieuse pendant le reste du trajet, elle était de toute façon bien trop concentrée sur ses béquilles afin d'éviter de se casser la figure. Elle entra dans la modeste demeure du guérisseur et ne pouvait pas s’empêcher d’être un peu impressionnée par la situation dans laquelle elle se retrouvait. Elle avait l'impression d'entrer dans son intimité et de ne pas y avoir sa place.

Elle sentait ses bras commencer à fatiguer d'avoir tant béquillé jusqu'ici, même si le chemin n'avait pas été très long elle aurait difficilement pu faire 100 mètres de plus à la seule force des bras. Elle vit un petit canapé à l'angle de la pièce sur la gauche et partir s'assoir, elle fit un soupire de soulagement une fois installée et débarrassée des béquilles.

Il y avait une petite bibliothèque à côté du canapé et son regard s'y attarda un instant, à priori comme on pouvait s'en douter la plupart des ouvrages concernaient les plantes et la médecine. Une migraine commença à pointer le bout de son nez, elle se prit la tête entre les mains et se frotta les yeux pour tenir éveillé encore un peu. De son côté il commença à se faire un thé.

"Vous aimez vraiment les plantes. J'ai la tête qui tourne un peu... je vais éviter de reprendre quoi que ce soit, merci. "

Ariez avait peur de tomber de fatigue très rapidement et commença à se mettre plus à l'aise, elle défit les cordages des pièces de son équipement pour ne rester qu'en pantalon souple et chemise blanche en lin, elle posa délicatement son épée à terre entre le sofa et la bibliothèque, et sentit déjà ses paupières devenir lourde.

"Je vous avais dit que je ne prendrais pas votre lit, sur le canapé c'est très bien."

Il ne broncha pas, elle fut contente de gagner si vite sa place sur le canapé, elle n'aurait de toute façon pas pu dormir normalement dans le lit et aurait même préféré dormir par terre. Mélanger son parfum à celui du docteur dans son lit ne ferait qu'ajouter encore plus d’ambiguïté à leur déjà très étrange relation.

Elle attendit la boisson, suivant les bons conseils du docteur qui voulait qu'elle s'hydrate un peu avant d'aller dormir, elle lutta péniblement contre le sommeil jusqu'à l'arrivée du rafraîchissement, elle réussit à articuler un "Merci". Elle n'eut pas l'occasion d'en boire une gorgée, en ne pensant fermer les yeux qu'un instant, elle tomba immédiatement dans un profond sommeil en renversant son verre.

Elle eut le sommeil agitée et revit en rêve le désastre que fut sa relation avec Lawrence, heureusement tout souvenir de ce rêve fut effacé par un mal de crane au réveil et un frisson, elle s'était endormie sans une couverture sur le dos. Elle émergea très difficilement de son sommeil, et fut un peu désorientée, se demandant un instant ou elle était avant que quelques détails ne lui reviennent. Elle se releva en glissant à moitié dans la flaque du verre qu'elle avait renversé, pas tout à fait capable de réfléchir normalement.

Il lui fallait maintenant partir en mission couverture, il y en eut peut être dans le salon mais l'absence de lumière rendit la recherche difficile, elle essaya de se faire la plus discrète possible et fouilla précautionneusement les étagères. Malheureusement elle revint bredouille, et l'esprit embrouillée par une terrible envie de dormir, elle ne vit qu'une solution : la chambre. Il devait bien y avoir des couvertures dans le placard de la chambre. Elle se fit aussi discrète que possible, et avança à taton ce qui lui demanda une énergie incroyable pour la faiblesse physique dans laquelle elle était. Elle réussit à entrer dans la chambre de Meslial, elle ne voyait de toute façon que des ombres et était bien incapable de savoir s'il dormait en pyjama ou de façon plus légère, la question n'eut même pas le temps de lui traverser l'esprit qu'elle fouillait déjà dans son placard, elle trouva bien vite ce qu'elle recherchait au toucher, une grande couverture duveteuse, elle s'empressa de s'enrouler dans la couverture, mais fut prise d'un vertige et du s’asseoir un instant sur le lit.

*Je reprends mes esprits deux minutes et je repars dans le canapé..*

Elle ferma les paupières juste un instant, et se retrouva endormie la seconde d'après au bout du lit, enroulée dans la couverture.

Ariez eut une nuit agitée, l'alcool de la veille ne devait pas y être pour rien, elle se tourna et retourna dans le lit plusieurs fois sans jamais réussir à trouver un sommeil paisible, elle semblait agitée de cauchemars et avait des sueurs froides, finalement, son esprit trouva quelque chose à quoi s'accrocher, une présence rassurante, une chaleur... et alors qu'elle se sentait enfin rassurée par cette présence, elle s'y lova avec sérénité. Sans comprendre, bien sûr, qu'elle était en réalité rassurée par le fait d'être en train de câliner le beau docteur.

Seul le docteur savait s'il accepterait de lui servir de doudou, juste un temps, qu'elle arrive à faire au moins un cycle de sommeil dans le calme et la sérénité que sa présence lui apportait, ou si ce rapprochement inconscient mais soudain serait trop pour lui et qu'il essayerait donc de s'en détacher.

En tout cas la forgeronne réussit enfin à émerger, après quasiment deux heures à squatter son lit sans même le savoir, elle réussit péniblement à ouvrir les paupières. Elle sentit immédiatement qu'elle n'était plus dans le salon, déjà le matelas était bien plus confortable, et elle ne se souvenait pas qu'on puisse tenir à deux sur le sofa. A deux ? Elle fit immédiatement un bon dans le lit et réalisa qu'elle s'était endormie après être parti chercher une couverture dans la chambre. Meslial la regardait, elle se sentit rougir d'un coup et essaya de parler mais ne sut que balbutier sans qu'aucune phrase tangible ne sorte. Finalement, elle se releva, toujours pitoyablement emmitouflée dans sa couverture, et sortit de la chambre en traînant la couverture avec elle sans mot dire.

Elle constata les dégâts de la veille dans le salon : elle avait renversé la boisson anti gueule de bois de la veille partout par terre, ce qui expliquait les tambours dans sa tête actuellement. Elle resta prostrée à l'entrée du salon, ne sachant pas pour ou commencer pour nettoyer son bazar.

Pour rompre le silence très gênant qui s'installait entre eux Meslial recommença leur petit jeu d'hier en contant les histoires de la terrible forgeronne et de sa gueule de bois, ou quelque chose s'en approchant, mais ses paroles résonnaient juste dans la tête de Ariez comme des coups de tambour, elle émit un long râle en fronçant les sourcils pour émerger, essayant de repasser dans sa tête le récit de leur soirée d'hier. Pourquoi était-elle dans son lit au réveil, avaient-ils....? Non, non elle se souvenait simplement s'être endormie là bas par erreur, elle n'aurait pas pu oublier quelque chose de si important et Meslial ne serait certainement pas en train de dédramatiser en faisant le clown si quelque chose d'aussi sérieux était arrivé.

"Désolée j'ai tellement mal à tête... j'aurais mieux fait de prendre la potion que m'a tout spécialement concocté le brave guérisseur hier, mais je crois que le verre est tombé avant d'arriver à ma bouche. Je ne sais pas de quels autres maléfices je suis la pauvre victime, mais si l'une de vos créations peut améliorer mon état, je prends"

Elle n'arrivait pas à regarder Meslial dans les yeux car mille et une questions se bousculaient dans sa tête, elle préféra s'affairer pour l'instant à nettoyer ses bêtises de la veille aussi insurmontable la tache lui parut-elle sur le moment. Elle alla dans la cuisine prendre de quoi nettoyer et éponga la flaque en ramassant le verre, heureusement il n'était pas cassé. Elle replia ensuite la couverture dans laquelle elle était confortablement emmitouflée et remit en ordre ce qu'elle avait fait tomber hier de la bibliothèque dans sa quête d'une couverture.

"Meslial dites moi..."

C'est la première fois qu'elle l'appelait par son prénom et non pas docteur ou monsieur, mais elle était trop vaseuse pour s'en rendre compte, et au vu de leur proximité après tout, cela ne la choqua pas plus que ça.

"J'étais dans votre lit mais on a pas... enfin je veux dire on a quand même pas..."

Trop de questions la perturbaient, car elle sentait très bien sur elle l'odeur du docteur alors qu'elle était sur le lit et non pas en dessous, mais évidemment comme elle dormait elle n'avait pas connaissance de s'être collée au docteur comme à un doudou pendant pratiquement un cycle de sommeil complet. Elle releva son regard de jade vers le docteur tandis qu'elle posait LA question, ses joues se gorgeaient de sang et elle rougissait, mais qu'importe la difficulté à maintenir son regard, elle devait savoir si elle avait poussé la folie éthylique un peu trop loin.

La question d'Ariez avait fait l'effet d'une bombe, Meslial perdait complètement ses moyens. A tel point que Ariez ne comprit pas la réponse, "je ne pense pas" "Je le saurais" "Je m'en souviendrais" tout cela résonnait dans la tête d'Ariez et elle n'était pas sûre de comprendre, c'était-il passé quelque chose mais le docteur préférait ne pas en parler ? S'il ne s'était rien passé pourquoi ne pas simplement dire "non rassurez vous il ne s'est rien passé jamais je n'aurais abusé de votre état de faiblesse" ? Il finit par dire qu'il ne s'était rien passé mais sa réponse n'était pas franche. Ariez rassembla les éléments pour en conclure que non, il ne s'était vraiment rien passé, mais évoquer cette possibilité ne rendait certainement pas le docteur indifférent, il aurait pu éclater de rire ou se moquer d'elle et repartir dans le jeu, mais la question était ici prise très, TRES au sérieux et la possibilité d'une réponse positive les faisait rougir tous les deux, Meslial ne soutenait même plus son regard et fuyait.

Il finit par lui servir le thé et un long silence s'installa tandis que Ariez regarda la tasse dans laquelle flottait le sachet d'herbe, il dérivait dans la tasse comme elle dérivait dans ses pensées.

"Merci"

Ce fut la seule parole qu'elle osa prononcer, merci pour la tasse de thé, pas d’ambiguïté. Elle releva finalement les yeux vers Meslial, il semblait réfléchir à tout un tas de chose et en priorité un sujet de conversation. Ariez elle avait bien une idée en tête pour désamorcer toutes les tensions romantiques qu'il y avait entre eux depuis leur rencontre, peut être que ça ne désamorcerait rien du tout, ça ferait sans doute pire, mais cette idée lui tambourinait dans la tête et c'est la seule chose sur laquelle elle arrivait à se concentrer.

"Meslial."

Elle se releva doucement et claudiqua pour se mettre face à lui, elle ne lui laissa pas vraiment le temps de réfléchir qu'une seconde plus tard elle avait une main dans sa nuque et ses douces lèvres jointes aux siennes, le contact ne dura qu'une seconde à peine, elle se détacha directement, affichant un petit sourire, les jours toujours en feu mais le cœur étonnamment plus serein.

"Comme ça c'est fait, vous arrêtez d'y penser, et on passe à autre chose. "

Elle retourna derrière sa tasse de thé et la bu d'une traite, laissant Meslial pantois.

"C'est par ou la salle de bain ?"

Comme c'était à prévoir Meslial était pétrifié par ce que Ariez venait de faire, c'était peut être une idée abominable, finalement, mais elle se sentait soulagée de l'avoir fait, comme si leur drôle de relation allait enfin pouvoir avancer, qu'importe vers quoi tant qu'ils quittaient ce statut très gênant de non dit et de sous entendu. En tout cas il parvint à lever le bras pour lui indiquer la salle de bain, elle le remercia et prit ses affaires pour aller se laver.

Elle hésita quand même un peu à traverser la chambre, honteuse d'avoir oser demander s'il s'était passé quelque chose, et surtout honteuse d'avoir envisagé un instant que c'était le style de Meslial que d'abuser des gens saouls, lui qui était au petit soin pour lui préparer des tisanes... Enfin bref, oubliant ses réflexions sur le coté attentionné de Meslial, elle fila à la salle de bain. Elle se demandait ce qu'il se passait dans la tête du docteur en ce moment, lui qui avait tendance à trop réfléchir, son esprit devait aller dans tous les sens maintenant, cherchant des explications partout, cela fit sourire Ariez avec tendresse. Elle commença a se déshabiller pour pouvoir se laver quand Meslial lui annonça que les serviettes se trouvaient dans la chambre, et non pas dans la salle de bain. Le plus incroyable la dedans était sans doute qu'il venait de la tutoyer. Leur relation avancé réellement grâce au baiser... elle se retrouva à sourire sans même s'en rendre compte.

Elle remit le vêtement qu'elle était en train d'enlever pour être présentable (aurait-il survécu à la vision d'une forgeronne nue dans sa chambre ? nous en doutons) et sortit un instant pour chercher la serviette, quand il demanda s'il pouvait venir à Luh avec elle.

"Bien sûr ! Il me semblait même que c'était déjà prévu : Pour améliorer ton arc et pour consulter le registre de ton achat et trouver des indices. A moins que tu me redemandes car tu as autre chose à faire à Luh ?"

Elle s’avança en claudiquant sur un pied vers le meuble et finit par trouver la serviette qu'il lui fallait pour sa toilette, elle se redressa vers lui

"Enfin ça ne me regarde peut être pas, mais dans tous les cas bien sur que tu peux venir, j'ai même une chambre d'ami..."

Elle évita de rajouter des blagues inutiles comme des "enfin si on fait encore chambre à part" et ce genre d'autres choses, elle repartit vers la salle de bain et fit sa toilette, il était juste prévu de refaire les pansements aujourd'hui puis qu'elle puisse rentrer à Luh, pas d'aventure périlleuse de prévu, elle ne remit donc pas ses pièces d'équipement et sortie ses habits de ville, à savoir comme à son habitude des robes noires dans un style un peu gothique assez séduisante. celle ci avait des manches et en décolleté en dentelle mais était assez simple sur le bas, marquant simplement sa taille. Elle ressortit finalement de la salle de bain, ses cheveux encore mouillés noué en chignon pour éviter de mettre de l'eau partout, quelques gouttes perlaient quand même sur son visage et descendait la course de son cou.

"Meslial ? Le cataplasme sur ma cheville je peux l'enlever ? Je voudrais mettre mes bas mais je ne sais pas si..."

Elle laissa sa phrase en suspend, cherchant le docteur des yeux.

En lieu et place de son beau guérisseur, c'est une vieille dame qu'elle trouva dans la maison. Elle eut un moment affolement ou elle s'imagina que Meslial s'était enfui, qu'elle se retrouverait délaissée à nouveau comme avec sa dernière idylle. Après tout s'enfuir en courant après un baiser d'Ariez semblait une réaction masculine normale. La vieille dame la rassura, il était partit... euh... combattre ? Enfin bon le but de la manœuvre était apparemment d'apaiser les esprits à grand coup de flèches pour éviter les coups d'épées, ou en cas d'échec de panser les blessures.

Des guerriers, chasseurs, miliciens, ou simplement criminels, passaient leur temps à se taper dessus pour un rien dans la capitale, rien dans la situation ne surprenait Ariez, deux guerriers qui se tapent dessus après tout cela fait une distraction pour tout le village, mais elle voyait ça d'un autre œil maintenant que Meslial pouvait être impliqué, et s'il se prenait un coup ? Qui serait la pour le soigner ?

Le soucis c'est que Ariez était une bonne combattante pour le protéger... à condition d'avoir ses deux jambes. Et des habits appropriés. Qu'à cela ne tienne, elle s'empara de ses béquilles, toujours dans sa robe noire en dentelle, son chignon bien vissé sur le crane, avec dans son allure uniquement son air déterminé pour faire comprendre à quiconque voudrait encore se mettre entre son début d'esquisse de relation avec le guérisseur que non, aujourd'hui fallait pas la faire chier.

"Bien, emmenez moi la bas !"

Ariez claudiqua aussi vite qu'elle le pouvait (donc c'était très peu rapide) vers la scène d'agitation qui venait réveiller la ville. Comme prévu, une belle rousse et une belle brune lui faisait concurren... hum ? enfin donc bon pourquoi se sentait-elle en concurrence avec ces deux personnes là ? Meslial ne pouvait quand même pas tomber sous le charme de toutes les femmes en armure armée d'une épée ayant besoin de soin qui croiserait sa route. Il y avait tellement de monde amassé autour de la scène elle eut du mal à savoir ou l'affrontement en était, ni à trouver Meslial

"Meslial ! Ou es tu ?! Laissez moi passer ou est le guérisseur ?Il va bien ?"

Ariez essaya de se frayer un passage à petit coup de béquille, mais elle était prête à y aller à grand coup si quiconque voulait du mal au guérisseur cher à son cœur.

Ariez finit par entendre la voix de Meslial et réussit à le localiser, elle se fraya un chemin jusqu'à lui en donna des coups de béquilles ou d'épaule sans trop de délicatesse. Le guérisseur était apparemment maintenu hors du combat par un homme noir imposant. Elle arriva à hauteur de son amo...ami qui avait l'air d'aller bien, elle en était rassurée. Il voulait arrêter ses deux femmes, mais Ariez comprit rapidement que c'était plus compliqué que ça. Déjà le grand baraqué semblait vouloir laisser les choses se faire, et Ariez comprit que les frères de la brune avait lancé des paris pour galvaniser la foule

" Les arrêter ? Mais je suis en béquilles... que puis-je faire"

Ariez regarda rapidement autour d'elle. A vrai dire que ses femmes se tapent dessus n'avait pas beaucoup d'importance pour elle, il fallait bien que les combattants usent leurs armes pour qu'elle ait du travail, et Meslial aussi, mais elle semblait comprendre qu'avec son grand coeur le guérisseur ne souhaitait pas voir le sang couler. Ce devait être une question de principe et Ariez respectait ça, en plus c'est la première fois que Meslial comptait sur elle, sa fierté était en jeu. Elle voulait être à la hauteur. Maintenant comment arrêter deux lionnes féroces prêtes à s'entretuer dans l'arène que formait la ronde des habitants criants autour d'elles ?

Ariez finit par apercevoir l'arc de Meslial par terre, elle claudiqua jusqu'à pouvoir le brandir à nouveau, c'était peut être la solution. On ne pouvait plus les empêcher de se battre maintenant, mais peut être fallait-il concentrer leurs énergies combattives sur une autre sorte de duel ?

"Hey ! Vous avez l'air toutes deux féroces avec vos épées et vos belles armures, mais je ne suis pas impressionnée ! Je paris qu'aucune de vous deux ne peux faire sonner la cloche de la ville en la visant d'une flèche, c'est beaucoup trop haut ! "

Ariez prenait un air narquois pour les faire réagir, leur orgueil pourrait peut être les sauver de cette situation périlleuse. Mais Ariez avait-elle l'air crédible ? Narguant deux féroces guerrières en robe en dentelle avec des béquilles ?? Il n'y avait peut être qu'une seule façon de le savoir.

"En tout cas la première à y arriver sera sans aucun doute la meilleure d'entre vous deux ! Voyons si en plus de l'allure et de la rage vous avez aussi la technique et la précision !"

Ariez, ayant prit un air assuré alors qu'au fond d'elle elle tremblait de ton son corps d'avoir fait preuve de tant d'audace, tendit l'arc vers elles, pleine d'espoir.