Mort ou vif
Un peu de sang neuf ?

Rymaïn, Archibald & Eskel • Lüh, taverne
Été 59

Le pas vif cherchait à avaler le plus de distance possible pour échapper aux relents poisseux de cette atmosphère humaine. Le sillon flamboyant de sa chevelure à peine nouée dans son tracé, Rymaïn arpentait les rues de la capitale avec un désintérêt prégnant pour tout ce qui l'entourait. La chaleur de l'été s'éteignait à peine avec la fin de l'après-midi et, seule une brise légère, venait de temps à autres teinter de sa caresse rafraîchissante les âmes qui déambulaient dans la cité. Délestée de sa cape de voyage, ainsi que de son arc accompagné de son carquois qui avaient fini dans son sac sans fond, une simple tunique de tissu bleuté surmontée par une armure de cuir souple couvraient son buste. Ses masses, fixées au harnais cintrant le pantalon à hauteur de ses cuisses, demeuraient les seuls éléments caractéristiques de son tempérament guerrier. Bien que la lueur vissées à ses iris olive ne démentait aucunement l'ardeur sauvage et misanthrope qui l'habitait naturellement.

Pour cette fois, ses pensées ne digressaient pas vraiment d'une idée fixe, permettant au décor ainsi qu'à ces idiots le peuplant de ne pas entrer dans le champ de ses réflexions. Le voyage depuis le Kelder avait laissé du temps à la nordienne pour songer aux différentes choses qu'il lui faudrait mettre en place afin de servir au mieux et le plus intelligemment possible la dragonne céleste. Certains points s'avéraient encore délicats à appliquer, c'est pourquoi elle visait prioritairement la simplicité : trouver de l'or, afin de s'équiper autrement pour se dissocier de ce qui la spécifiait trop. L'idée d'user de l'argent de Nérée à cette fin ne lui plaisait pas du tout. Mais les tavernes regorgeaient de contrats de chasse ou même d'avis divers, peut-être y trouverait-elle de quoi satisfaire sa bourse...


Son choix se porta sur un petit établissement de la capitale, où elle avait déjà séjourné brièvement. Un lieu quelque peu moins fréquenté que la taverne populaire où elle évitait grandement de mettre les pieds. L'ombre de sa silhouette glissa dans une petite rue moins animée que les grandes artères de la cité et son pas la mena au devant de la bâtisse recherchée rapidement. Elle poussa la porte de bois et se dirigea directement vers un panneau d'affichage où plusieurs parchemins séjournaient, avec plus ou moins de fraîcheur, selon qu'ils avaient été placardés récemment ou non.

L'olive de ses prunelles capta aussitôt la représentation de la renarde abyssale et son sang ne fit qu'un tour. Dans un geste de rage elle arracha l'affiche qui se broya dans sa main après qu'elle l'eut à peine survolée. Bien entendu, cela ne changerait pas grand chose à l'affaire, mais sa frustration grandissante devait se canaliser quelque part. D'autant qu'elle avait relevé ce petit nom désagréable auquel toute personne devait se référer... La garde dorée figurait sous chaque sceau dont les parchemins avaient été martelés et le visage de la guerrière se crispa un peu plus à chaque lecture de ce dernier.

Rymaïn s'apprêtait à réserver pareil sort au portrait du loup azuré, apparut dans son champ de vision, lorsqu'une annonce détourna son attention. L'emportant à peine sur la colère qui bouillonnait au creux de ses tripes, elle remarqua que c'était la seule demande valable dans cet écœurant étalage... Elle fixa l'homme illustré, le cerveau momentanément brouillé par des pensées meurtrières, si bien que ce fut le visage de Qilin qui se superposa à celui du nordien recherché. Sa main droite vint se poser sur son front du bout des doigts, un fin soupir s'extirpa de ses lèvres, il n'était pas temps pour cela... Mais l'amertume creusait sa place au fond de ses entrailles et se devrait d'éclater un jour venant.

L'esprit à nouveau clair, retirant sans plus de douceur l'avis qui l'intéressait, elle lu à deux reprises ce dernier en réfléchissant. Des partenaires s'avéraient nécessaires pour une telle traque, une pensée qui vint plisser son front, la journée ne serait décidément pas agréable. Le prisme de son regard se détacha enfin du bout de papier, pour faire un rapide tour de la salle, évaluant et jugeant rapidement son contenu... Pitoyable. Les badauds présents ne risquaient pas de lui offrir la moindre satisfaction, sans doute fallait-il chercher ailleurs?

Une silhouette à l'écart attira néanmoins son attention alors qu'elle s'apprêtait à sortir. Assis seul, un jeune homme prenait son repas et elle reconnu aisément l'un des fils des propriétaires. D'une foulée rapide elle se retrouva devant sa table et vint poser le parchemin d'un geste un peu brusque à plat, sur la surface boisée devant son assiette. Elle fixa son regard une fois qu'elle eut l'attention de ce dernier et s'adressa à lui sans autres préambules, de son ton assez froid, mais relativement neutre.

"Tu travailles ici n'est-ce pas? Je cherche des partenaires pour cette traque..." Sa main glissa de quelques centimètres sur le parchemin afin qu'on puisse en détailler le contenu avec facilité tandis qu'elle poursuivait. "...Des types fiables et expérimentés, est-ce que tu peux me renseigner quelqu'un?" Des habitués, chasseurs, ou autres personnes qui pourraient séjourner ici par moment, peu importe. Un fils de tavernier devait bien connaître un minimum de gens, il était facile d'engranger des informations lorsqu'on avait droit aux conversations diverses et variées de la populace de la capitale.

Codage par Libella sur Graphiorum
Crédits images : Aidin Salsabili

Mort ou vif
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Rymaïn, Archibald & Eskel • Lüh, taverne
Été 59

Surpris, l'homme avait chuté de sa chaise, bien que la nordienne n'y prêta pas plus d'attention et poursuivait ses questions. Il se redressa avec un sourire qui lui donnait l'air un peu ahuri... Non, en fait, il en avait l'air tout court à la réflexion. La réponse ne fut pas celle escomptée, que du contraire et Rymaïn ferma momentanément les yeux pour rester calme. Avant l'intervention de la milicienne qui ouvrit le barrage mental en même temps que ses paupières. Elle se redressa et obliqua à peine le fief vers la jeune femme pour la jauger de haut en bas avant de la toiser du regard ignorant totalement la main tendue. Les mots fusèrent, froids et sarcastiques.

"Occupes-toi d'abord des tiennes. Je crains qu'une telle charge ne te permette guère de diviser davantage ton attention." Le moment n'était guère propice pour énerver la guerrière aux masses, dont le sang bouillonnait déjà des nouvelles exécrables dont elle avait pris connaissance auprès du panneau d'affichage. Savoir qu'elle allait avoir une représentante de l'ordre à ses basques en s'engageant dans cette histoire, ne faisait qu'alourdir le poids de ses irritations actuelles. Si bien qu'elle ne laissa pas le temps à l'impudente de répliquer avant de poursuivre, la provocation suintant dans son timbre de voix. "Si la milice est sur l'affaire, pourquoi un recrutement externe? Est-ce du a un manque d'effectifs, ou..." Un petit sourire mauvais ourla fugitivement le coin de sa lèvre supérieure lorsqu'elle continua. "...Un manque d'idiots susceptibles d'accepter de collaborer avec toi?"

Sans attendre de réponse à une question qui n'en était pas une, elle la quitta du regard avec une indifférence royale et reporta son attention sur le jeune serveur. Elle n'était pas idiote cependant, et se doutait qu'il lui faudrait composer avec cette milicienne. Par ailleurs, si cette dernière envisageait sérieusement d'accepter la participation du type assis devant elle, là encore elle n'aurait pas son mot à dire. Sinon, elle aurait déjà tourné les talons après la réponse reçue plus tôt. Au moins, pour être prête à recruter le tout venant, la gradée ne devait pas posséder plus d'options en poche, c'est pourquoi Rymaïn ne se souciait même pas d'une exclusion potentielle. Bien que cela ne l'aurait clairement guère empêcher de déverser son fiel, en réalité...

Fixant à nouveau le serveur, elle arqua un sourcil avec scepticisme et lui demanda placidement. "Est-ce que tu sais seulement tenir une arme? Où est-ce qu'il faudra utiliser tes fesses comme appât au lieu de les protéger inutilement?" Si elle n'avait pas besoin de cet or, elle aurait quitté cet endroit depuis longtemps, ou laissé exploser sa rage, qui menaçait dangereusement de déborder. Après son séjour sur l'île, l'idée de s'entourer à nouveaux d'abrutis n'avait rien de réjouissant.

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Crédits images : Aidin Salsabili

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Rymaïn, Archibald & Eskel • Lüh, taverne
Été 59

La phrase qu'il débita au préalable eu le don de l'exaspérer davantage. Il ne répondait pas et, de plus, passait à nouveau pour l'idiot de service. A moitié, du moins. Car la milicienne s'était déjà présentée plus tôt, bien que Rymaïn n'eut fait l'effort inutile de retenir son nom exact. Elle ferma les yeux en tâchant d'inspirer profondément pour se calmer, lorsqu'un poing la percuta, lui coupant le souffle au passage. Elle se plia légèrement en deux sous le choc imprévisible, si sa tenue de cuir avait absorbée une partie de l'impact, ce fut sa rage qui se gorgea de la seconde, alimentée par une douleur diffuse, bien qu'assez peu conséquente. Il n'en faudrait pas beaucoup plus pour qu'elle explose de toute façon.

La nordienne demeura immobile un instant, les mains toujours posées à plat sur la table, alors que la voix de la milicienne tintait de façon désagréable à ses oreilles. Sans lui accorder le moindre regard, ou se soucier de ce que faisait l'andouille assise plus tôt sous son nez et qui venait de partir, elle tenta de garder son calme. Tentative vaine, mais comme son adversaire avait décidé de passer par la raillerie entre les coups, autant ne pas lui offrir la satisfaction d'une réplique directe. Valait-elle seulement la peine de se salir les mains ou de faire usage d'un peu de réflexion? ... Oui, juste un peu, parce que son degré de répondant était assez bas pour ne pas se fouler davantage.

Quand le silence retomba enfin, les iris olive captèrent la chope de bière au moment où Rymaïn obliquait à peine pour enfin accorder un regard glacial à la milicienne. Elle ne pris pas la temps de répondre à ses sarcasmes précédents, tant l'occasion était trop belle. Sa main fusa, et du plat de la paume elle heurta avec violence le dessous de la chope qui vint percuter le nez de sa propriétaire, l'aspergeant du liquide encore présent. Elle ne lui laissa pas le temps de réagir pour saisir son col avec ses deux mains et la pousser en arrière. Un bruit sourd annonça que le bassin de la soldate venait d'entrer en collision avec une table, alors que le genou de la guerrière aux masses se levait avec fluidité. Ses mains tirèrent sur les pans de vêtements de la jeune femme pour l'attirer vers l'avant afin que son ventre rencontre la rotule qui se dirigeait dans sa direction.

Peut-être avait-elle réussi à la toucher? Dans la confusion, elle se préoccupa surtout de son équilibre, car la réaction de la milicienne venait de les faire basculer toutes deux au sol et Rymaïn se trouva en dessous d'elle. En d'autres circonstances et se serait protégé le visage, mais elle n'éprouvait qu'une seule envie, la massacrer. Si bien qu'elles avaient échangé autant de coups sur le corps et le faciès de l'une et de l'autre avant de sentir que des badauds tentaient de les séparer.

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Rymaïn, Archibald & Eskel • Lüh, taverne
Été 59

Dans la confusion violente qui s'était emparée d'elles, Rymaïn ne chercha aucune subtilité ou coup bas à prodiguer à l'autre femme. Son instinct l'amenait très rarement à protéger son visage, la rage rivée à son corps privilégiant sa liberté de mouvements au détriment de sa défense. Son crâne vibra méchamment lorsqu'un poing heurta sa tempe, et un goût de sang se déversa dans sa bouche un rien plus tard. Soudain, la milicienne fut arrachée à leur échange brutal et deux bras puissants vint saisir ceux de Rymaïn alors qu'elle se relevait pour porter un nouveau coup sans se préoccuper du détail de la situation.

Mauvaise idée, le contact inconnu sur sa peau rencontra aussitôt la prise de la nordienne qui avait fait volte face, tordant le poignet ayant le malheur de la tenir la seconde avant. Son autre coude heurta de plein fouet le nez du type qui recula en beuglant et du être maintenu par deux de ses comparses pour ne pas lui rentrer dedans en représailles. Elle se détourna, pour arrimer la hargne de son regard sur la jeune milicien. Des gouttes carmines perlèrent de sa lèvre inférieure, fendue dans la mêlée. Peu soucieuse des dégâts corporels, sa main glissa sous son col afin de vérifier la présence et l'intégrité d'un pendentif. La pierre glissa entre ses doigts une seconde, puis elle retint un rire mesquin, mais cracha son sarcasme.

"Le mensonge pour habiller l'absence d'humilité. Quand un fruit est pourri, on peut bien tout jeter."

Gagner ou perdre, ça ne l'intéressait guère. Seul donner des coups avait primé sur l'instant. Quant au reste, peu importait à présent. Si la jeune femme comptait digresser pendant la mission pour satisfaire son ego, ce n'était pas le cas de Rymaïn. Elle ne valait clairement plus la peine d'une attention davantage poussée, même celle de ses poings ou de ses armes. "De toute évidence, ce n'est pas moi qui ai quelque chose à digérer." Passant une main dans ses cheveux pour dégager correctement son visage, elle tourna les talons et s'éloigna sur un simple propos. "Je n'attendrais pas quelqu'un qui dois s'abreuver d'alcool afin de reprendre ses esprits pour si peu." Elle fendit la foule de badauds toujours groupée en petit cercle dans l'attente d'une suite croustillante. Ceux-ci s'écartèrent avant même qu'elle ne les touche, pas franchement à leur aise. La porte de la taverne claqua dans un bruit sourd et la jeune femme aux marques s'éloigna en direction du quartier général de la Garde Dorée. Ce contre-temps lui avait presque ôté de l'esprit le désagrément de cette perspective, qui venait distiller dans sa mémoire un souvenir brouillé par l'adrénaline s'évacuant lentement de son corps.

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