L'encre au coeur des maux...

∴ Château Helireah, chambre de Nérée ∴
Ignis 59

Le parchemin trônait au milieu d'un drap paré de fines dorures. La nacre du tissu se mêlait à l'ambre pâle du rouleau dans une douceur bien moins amère que le goût de l'encre scellée. Quelques lignes, des lettres déliées par le regret, formant un simple adieu bercé par les vagues floues de son origine. La plume avait porté le vent du changement, l'éloignement protecteur d'une rage bientôt délivrée...

L'atmosphère vide de la chambre l'enveloppa de ses crocs et saisit son corps telle la morsure du blizzard. Malgré l'ardeur qui avait rongé ses sens ici-même, quelques temps plus tôt. L'olive trouva le ballet de fines poussières, étincelantes comme des joyaux suspendus dans un ruban de lumière. Ignis comblait la pièce d'un dernier embrasement, fermant ses paupières pour ouvrir l'obscurité sur de tendres et douloureuses images. Elle daigna s'y accorder un instant. Dédier son corps et son âme à la chaleur qui su les étreindre.

Pour les préserver, il lui fallait les quitter. Le destin se joue des désirs humains, nulle alliance ne résiste à ses prérogatives. La voie du sang appelle la négation du coeur... Un souffle, un dernier soupir, vidé d'une passion dont elle devait absolument s'astreindre pour avancer. Sur un chemin que beaucoup réprouveraient, ceux qui n'écoutent d'aucune façon, ceux dont l'âme se désavoue des écorchés, ceux dont elle ne fera jamais partie.

Semblable au bruissement du vent dans la nuit, la porte se referme avec une mélodie feutrée. Les murs glissent sous ses doigts agiles et légers, son corps s'imprègne des textures, des sons, des odeurs, une dernière fois. Ses pas résonnent dans l'écho de leurs anciens passages. Un voile s'est posé sur son regard. Le bijou vermeil demeure sur sa peau, seule et unique trace emportée, qui ne rejoint pas le sillon de souvenirs laissé derrière elle.

Codage par Libella sur Graphiorum
Crédits img : Sandara