Encore une journée banal dans la grande et belle Lüh. Les jours se succédaient sans grande saveur. Les tensions extérieures avaient forcé Aënaelle à repousser ses voyages. Mais elle savait ne pouvoir se retenir plus longtemps. Les murs de la ville avaient cela d’étouffant quand l’île entière vous appel.

Alors il fallait bien s’occuper. Et depuis son retour des montagnes, la jeune femme se focalisait sur l’écriture. Qu’est-ce que cela donnerait ? Elle l’ignorait. Certainement un mémoire. A ceci près que celui-ci raconterait son aventure.  Pas celle d’un autre.
Dans tous les cas, cela demande du matériel et c’est pour cette raison qu’elle déambulait dans les rues marchandes, un petit coffret de bois sous le bras. Habillée de ses vêtements de voyages, laissant deviner habillement ses armoiries, elle rapportait les productions artisanales dont elle avait besoin pour son ouvrage.

Mais cela attendrait. La noble demoiselle avait son attention captée sur une scène de rue. Rien qui d’ordinaire l’intéresserait. Sauf que la situation n’est pas vraiment ordinaire vu qu’elle implique un soldat de la garde dorée.
Un corps pour lequel elle avait du respect. Ainsi que pour ses loyaux agents. Cependant elle n’ignorait pas que l’organisation princière souffrait de vérole. Comme n’importe quelle organisation détenant le pouvoir.

Et il semblerait que la scène qui se jouait devant elle concernait un contaminé profitant de son statut.

Aënaelle soupira. Que faire ? Ce ne serait pas la première fois qu’il lui faut prendre position devant un garde doré. Les conséquences pourraient être grave.
D’un autre côté, ce n’était pas son genre de rester de marbre face à ce genre d’énergumène.

Elle s’approcha donc du soldat qui lui tournait le dos et qui empoignait toujours sa ‘’victime’’.

- Mes excuses, noble garde, loin de moi l’idée de vous déranger dans votre mission, mais si cette dernière ne consiste pas à mettre aux arrêts mon amie, j’aimerais m’enquérir de ses nouvelles.

Il n’avait fallu que quelques secondes à la demoiselle pour vêtir ce masque d’aristocrate aux paroles mielleuses. Ce n’était qu’un jeu qui consistait à se débarrasser d’un garde sans l’en offusquer.

- Et s’il s’agit de votre mission, je me devrais de vous accompagner, afin de donner mes salutations à Roderick… Pardon, le capitaine Mortier.

Si Aënaelle ignorait ce qu’il se passait en sous-main, il n’était pas difficile de remarquer la gêne du garde doré. Sa colère aussi. Si la mention du zélé capitaine avait un effet, cela suffirait-il ?

Son petit stratagème fonctionna à merveille. Le garde doré bafouilla ses excuses avant de partir sans faire d’histoire. Voilà qui l’arrangeait bien. Pas de bagarre, pas d’humiliation. Et surtout, cela lui évitait de se faire une fois de plus remarquer par les officiers de la garde.
Non pas que ça l’aurait dérangé de revoir Roderick, seulement elle se doutait que ce ne serait pas réciproque.

Ce qui avait moins fonctionné. Ou plutôt, ce qu’elle n’avait pas pris en compte, c’était la réaction de son ‘’amie’’. En effet, cette dernière ne semblait pas ravie de l’intervention.
Aënaelle ne se laissa pas décontenancer pour autant. Si cette inconnue avait fort caractère, cela l’intéressait davantage.
Elle observe donc, souriante, le manège qui se joue devant elle.

L’égo, la colère, la surprise, la gêne aussi. Cette chaine de sentiment était assez claire pour elle qui avait l’habitude d’y porter attention.
Elle avait eu les meilleurs cobayes pour s’entrainer. Les plus inexpressif, inflexibles. Les plus doués pour cacher leurs émotions.
Si sa maitrise n’était pas parfaite, cela lui suffisait dans le cas présent. La jeune femme savait avoir capté l’intérêt de l’inconnue.
Pas forcément comme escompté. Mais qu’importe, c’est le résultat qui lui importait.

Toutefois, Aënaelle s’inquiéta quand elle vit son interlocutrice ajuster sa rondache et lui tourner le dos. Elle s’apprêtait à s’avancer avant de voir son appréhension disparaitre… Ainsi que le visage halé de la guerrière de plus près.
La proposition était déconcertante, surtout en se basant sur les précédentes réactions. Quelque chose avait dû la décider. La question était de savoir quoi.
Peut-être une illumination. Avait-elle compris sa filiation et que donc, envoyer paitre une noble n’était pas une bonne idée. Qu’il y avait peut-être une opportunité à saisir ?
Etrange, si cette femme était bien ce qu’Aënaelle pensait, ce n’était pas vraiment le genre de la garde d’être avenante en dehors des hautes sphères.
Cela dit, elle n’avait jamais côtoyé de soldat, uniquement des officiers. La différence était de taille.
Enfin, il avait une dernière possibilité, en rapport avec le regard appuyé qui avait fait ravaler une partie de sa fierté à la guerrière.
Encore une chose dont elle n’avait pas l’habitude. Enfin. Si, mais à quelques nuances prêtes.

Et au final, peut lui importait. Car en ce moment, elle ne cessait de ce le répéter : seul le résultat importait. Alors si la personne qui avait son attention se décidait à lui offrir une choppe, pourquoi refuser ? Voila l’occasion d’oublier un probable mauvais départ pour se lancer sur de meilleure base.
Aënaelle, accepta joyeusement l’invitation.
De toute façon, parler dans la rue n’aurait pas été l’idéal. Autant laisser cette initiative et se focaliser sur plus important.