Le sel des sables, parfois, s'en retourne à la mer...

Rymaïn & Iryel de Blanchecime
Selmar ∴ Demeure de la baronne ∴ Ignis 59

Selmar... Un village peu animé en dehors de ses quais. Un lieu qui respire la tranquillité. Cherche-t-elle l'apaisement? Le silence? ...Un chemin? Il semblait pourtant tout tracé, il y a quelques nuits encore. Avant ce duel si particulier. Pourquoi est-elle incapable de sortir toutes ces choses de sa tête? Un fin soupir s'extirpe des lèvre rosées, puis, la nordienne inspire profondément, avec lenteur. Une bouffée d'oxygène alors qu'il lui semble étouffer en permanence.  

Sous le regard olive, se dessine une modeste demeure, à la pierre élégante, mais d'une simplicité particulière. Elle frappe à la porte, laisse filer quelques secondes en se demandant s'il ne serait pas plus judicieux de faire demi-tour, puis se fait happer par le bruit de la poignée. Le panneau s'ouvre, sur le regard azuréen plein d'assurance, qui plonge immédiatement dans l'incertitude de ses prunelles égarées.

D'un geste de la tête, la dame l'invite à entrer et lui offre de patienter un instant, indiquant un petit salon plus loin sur sa gauche. Rymaïn pénètre dans la pièce à l'atmosphère feutrée sans trop savoir quoi faire.


Quelques minutes s'écoulent, puis la baronne rejoint la guerrière aujourd'hui plus terne que flamboyante. Elle l'invite à s'installer où bon lui semble, déposant un plateau avec du thé, comme de l'eau fraîche dans une carafe. La noble s'assied dans un siège tressé de bois, aussi sobre qu'élégamment ouvragé. Près d'une fenêtre donnant sur le jardin de le maison. Rymaïn demeure stoïque pendant plusieurs minutes, avant de se laisser doucement tomber au sol, en tailleur. Délestée de son équipement en milieu inconnu, elle n'éprouve pourtant pas cette vulnérabilité caractéristique qui la prend en d'autres circonstances. Ses mains reposent sur ses cuisses, à demi refermées, un rien crispées peut-être? Sa voix brise soudainement le silence.

« Lors de mon rétablissement, suite à... » Elle s'interrompt, toujours un peu perplexe vis à vis d'une histoire dont elle n'a jamais vraiment saisit les tenants et les aboutissants. Puis, la facilité la débarrasse de cette préoccupation d'un revers de la main et elle l'ignore. « Je me souviens de vôtre présence. Nous avons parlé, c'est assez flou. » Une rechute avait donné l'avantage à la fièvre qui la rongeait alors, lâchant la bride à des propos plus ou moins délirants. « La seule chose dont je me rappelle, c'est la manière dont je me suis sentie... disons, libérée. »

Ses bras se croisent sur sa poitrine alors qu'elle expire avec force, mal à l'aise. Mais la réalité regagne du terrain, le visage de la dragonne se forme dans son esprit et une certaine assurance récupère ses traits crispés et ennuyés. Le timbre de sa voix résonne, inflexible, tâchant de se montrer neutre, bien que sur la toute fin, une pointe de colère s'immisce. « Je dois sortir certaines personnes de ma tête pour suivre pleinement la voie que j'ai choisie. Est-ce que vous pouvez faire ça? M'aider à me débarrasser de ce genre de parasites? »

Un silence cueille le regard de la baronne l'espace d'une seconde, ses traits doux bien que d'apparence fiers, offrent le même contraste à sa voix mesurée.


« Je crains ne posséder un tel pouvoir. Cependant, est-ce vraiment là ce que tu désires? Ces êtres qui prennent tant de place, sais-tu ce que tu ressens pour eux? »
« Je... Non. » Saisie par la question étrange, à laquelle la nordienne ne veut aucunement réfléchir, elle argue aussitôt, froidement, en s'enfonçant dans son propre déni. « Quelle importance? Si vous ne pouvez ri... »
« C'est important. » Nulle trace d'autorité dans ce timbre pourtant ferme. C'est une réalité pure et dure qui semble l'enrober, encore inaccessible à la rouquine, qui hésite. Veut-elle perdre son temps, ou se peut-il qu'il y ait davantage? Les questions n'ont pas le loisir de s'attarder dans son esprit. La voix demeure calme, mais affirmée.

« Oublier est une illusion. Mais. Je peux t'apprendre à minimiser l'impact que tu laisses autrui avoir sur toi. Une possibilité de mieux opérer des choix à leur égard. Or... Pour maîtriser davantage une chose, il faut d'abord connaître comment elle nous affecte. »
Soit. Les mots font sens... En quelques sorte. Une logique qui se tient probablement. La guerrière est bien incapable de s'y retrouver en termes relationnels et humains. Mais elle a saisit une chose dans tout cela : maîtriser. C'est ce qu'elle souhaite en cet instant, c'est ce qui se rapproche le plus de son mode de fonctionnement à l'égard d'autrui et de ses besoins. Divins mis à part.

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La baronne se redresse et s'approche, elle s'accroupit en douceur devant la nordienne qui opère un léger mouvement de recul. La voix aimable accompagne un geste qui ne semble guère mal intentionné. « Commençons par ce qui accapare inconsciemment ton attention. » Rymaïn l'observe, ses doigts qui manipulaient distraitement un objet à travers son haut se figent au même titre que son corps tout entier. La main de la baronne saisit délicatement le lien de cuir pour ramener l'éclat vermeil à la lumière du jour. Sa peau affleure la surface métallique gravée à l'arrière et s'imprime des deux lettres qui y sont incrustées.

La main fine relâche l'objet avec tendresse, le laissant reposer sur la blouse légère que porte la nordienne. L'écarlate tranche avec le bleu profond, symbolique de si réelles différences entre elle et...


« ...La duchesse Helireah. » La baronne retourne s'asseoir en poursuivant. « Comment ce lien a-t-il pris naissance? En quelles circonstances? »
« Pourquoi remonter si loin? Quelle nécessité? »
La dame prend une gorgée d'un thé légèrement fleuri, avant d'offrir une réponse qu'elle espère suffisamment claire.

« Le contexte occupe une place centrale dans la compréhension de toute chose. Il est impossible d'analyser un élément si on l'isole des circonstances dans lesquelles il a eut lieu. Comment saisir les motifs d'une bagarre, si on ne cherche pas les raisons qui ont poussé les protagonistes à agir de la sorte? Si on ignore que l'un d'eux vient de perdre un enfant et est rongé par la peine, la rage, le désir de vengeance... Un désir qui se sera tourné vers le premier venu, alors qu'il n'est pas nécessairement responsable. »

Elle marque une pause, puis demande calmement. « Vois-tu où je veux en venir? »

Rymaïn expire, un peu bruyamment. C'est davantage un soupir, qui s'accompagne d'une moue irritée. Elle détourne son regard, qui vient errer sans but sur des bibelots fait de cuivre. Ce n'est pas insensé, mais elle ne désire pas réfléchir autant. Malgré tout, cela semble nécessaire. Si ça l'aide, au bout du compte. Ses prunelles olive s'en retournent au noble azur. Sa réponse se situe à mi-chemin entre le grognement et l'amabilité. « Je crois, oui. »

Un fin et discret sourire embrasse le visage de la baronne. Elle n'en dit pas plus, patiente. Le chemin à parcourir n'est pas sien. Elle demeure simple présence pour marcher aux côtés de la nordienne. Éventuellement intervenir en cas de chute... Et encore, uniquement si la chute n'est pas nécessaire à la progression.


«J'étais blessée... » Les images défilent, étranges, ou étrangères? Le souvenir l'effleure sans qu'elle puisse lui donner des contours réels. Au départ. Puis, la brume s'estompe, révélant le sang mêlé à la cendre. Cette décision ne fut jamais un regret. Son timbre s'imprime d'une conviction palpable. « Mon clan s'est fait décimer, en grande partie. J'ai décidé de laisser derrière moi tout ce qui m'y rattachait encore. » Elle s'en était allée sans se retourner un instant. Mais la faiblesse des combats récents l'avait rendue vulnérable. Une créature s'est engouffré dans cette faille, pour mieux la détruire. La bête en est morte, Rymaïn, presque...

« C'est un peu vague, mais... Je crois que j'ai fini par céder près d'une propriété minière. Elle était là et m'a aidé. Elle m'a soignée et hébergée pendant plusieurs jours. » Un peu brutalement ramenée à ses échos, elle lâche platement. «C'est tout. » C'est même déjà trop, et pas assez? Cela lui procure un soulagement et un désagrément de converser ainsi.

« Tu avais donc besoin d'aide. Et la duchesse est celle qui t'as tendu la main... » La noble observe le liquide cristallin dans sa tasse, songeuse. « Peut-on voir les choses ainsi? » L'évidence est apparemment partagée.
« ...En effet. »


Le silence imprègne à nouveau la petite pièce agréable, malgré la danse singulière qui s'y joue. Entre une tension incertaine, faites de remous parfois brutaux, et sa partenaire, la sérénité bienveillante, qui s'allie avec douceur à la menace sourde d'une implosion quelconque.



« Pourrais-tu me dire, ce que t'apporte sa présence... Son attention à ton égard? Sa considération. »
Les longs doigts fins s'affairent distraitement parmi les mèches ardents. Délient l'attache qui maintient une queue basse en place. Vainement, la nordienne tente de focaliser son esprit ailleurs. Les mots résonnent avec bien trop d'éclat. Un souffle las cueille la fin de son geste. Ses mains retrouvent ses jambes, nouées entre elles, tendues. En vérité, les mots lui viennent avec aisance, et cela, plus encore, la terrifie.

« Je suis...  En sécurité. J'ai la sensation que je pourrais faire n'importe quoi d'innommable. Et qu'elle serait toujours là. Sans jugement. Compréhensive. » Cette idée l'égare, encore. Le doute revient, à quoi bon tout cela? Mais un autre sentiment colore ses pensées, suffisamment puissant pour qu'elle baisse d'autres barrières, sans le réaliser véritablement. « C'est... Un repère. Une attache, qui me permet de ne pas sombrer complètement. » Le réel de ce fait l'étreint avec une force un rien brutale. Soudain, ses désirs, l'affection portée à la jeune noble, se mélangent, deviennent plus flous... Ou, prennent-ils une consistance autre?

Un doux sourire tire les traits plus âgés. La dame repose sa tasse, croise les main délicatement sur ses jambes. Sa voix n'impose rien, elle reformule sa propre interprétation. Peut-être fausse, ou seulement partiellement? Ou non... Qui sait vraiment?

« Une main tendue. Une personne à qui se raccrocher parce-qu'elle nous accepte. Parce-que sa présence nous apaise. Nous enveloppe d'un cocon qui nous protège... Parfois de nous-même. Pour nous permettre de donner ce qu'il y a de beau en nous... »


Perdue. La guerrière est perdue. La description qu'elle perçoit résonne, tel l'écho de son ressenti pour Nérée. Mais, cela ne ressemble guère à ce qu'elle imaginait. Si la sienne avait été autre... N'aurait-elle pu assimiler cela à une forme d'amour maternel? Elle hoche le fief dans un râle léger. Stupide. La nordienne ignore de quoi il retourne. Et de toute façon, il y a ce désir, cette envie d'elle, cette attirance indéniable. Non, cela se mêlerait et rendrait la chose extrêmement malaisante. Soudain, ses mots s'emportent, la colère gronde au fond de ses entrailles. Pourquoi tant réfléchir?!

« J'éprouve du désir. J'ai envie d'elle. Dès que je la vois, la touche, l'entends... Tout m'emporte dans un déluge physique démesuré. Chaque fibre de mon corps se tends, s'électrifie. Je...   »

La voix de la baronne l'interrompt, conservant une bienveillance à chaque mot délié.

« Tu ressens un tel bien-être, tant de confiance en toi, alors que ce n'est jamais le cas habituellement, que tu éprouves, naturellement, une affection profonde et intense. Mais... Est-ce celle que tu crois? Ou es-tu dépourvue d'autres modes de démonstration pour faire part de ton ressenti? Car on ne t'as guère enseigner, comment aimer... Et à quel point il existe une infinités d'amour, de forme d'affection? Pense, à celui que tu voues aux enfants divins Rymaïn... Et tente, à ton rythme, d'envisager que plusieurs possibles coexistent. »
Frustrée par cette interruption. Le calme de son vis-à-vis l'incite néanmoins à entendre... Voire écouter. Bien qu'elle n'est pas certaine de tout saisir. La rage s'effrite, sous les angles de phrases tellement brutales de part leur réalité. Mais douces aussi, amenées de la sorte. Vraies. Sans doute? C'est probablement beaucoup trop. A assimiler, à comprendre, à reconnaître.

C'est aussi pour cette raison que la dame se redresse lentement. Elle passe à côté de Rymaïn, pose une main réconfortante sur son épaule.

« Tu as plus de temps que tu ne le crois. Prends-le... Ne vas pas trop vite, mais ne mets pas de côté ce qui te fait peur. Réfléchis à ces mots, réfléchis à 'tes' mots. Tu voulais apprendre pour mieux maîtriser... Voilà ta chance. Rymaïn. »
Là dessus, elle s'éloigne en laissant la nordienne aux prises avec ses pensées. Pour cette fois, du moins.

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