Haletant, le chasseur émergea de la cellule du félin d'Ignis, la capitaine de la Reine dans ses bras. L'adrénaline le porta au bout du couloir avant qu'il ne trébuche et s'affale lourdement. Le corps de la jeune femme roula au devant, inanimé. Le cri s'étouffa dans sa gorge terriblement sèche pour devenir un faible murmure. L'inconsciente ne put offrir que son silence en réponse.
Valion rampa jusqu'à elle. Si la blessure s'était refermée, d'autres craquelures subsistaient. Le temps passé dans le désert divin avait éprouvé leur corps autant que leur esprit. La fiole de Sanguine avait refermé la plaie béante mais semblait étirer ces fines ouvertures. Dans sa recherche mentale, effrénée, d'une solution, un éclair de lucidité lui rappela la présence de son sac magique.
Fourrant ses mains à l'intérieur, les objets curatifs dont il connaissait le nom se succédèrent rapidement dans son esprit. Il restait incapable de se souvenir précisément de ceux en sa possession. Des bandes de tissu effleurèrent ses doigts, puis une fiole. Il la tira sans savoir à quoi elle correspondait, puis regarda la jeune femme. Etait-ce la douleur qui l'avait emmenée dans les limbes ou une blessure tierce ? L'usage d'un autre produit curatif n'allait-il pas aggraver son état ? Il ne savait plus. Le contrecoup des violents échanges et la fatigue accumulée le désorientaient complètement.
Al-Hazred n'était pas très loin. La raison perça suffisamment pour lui donner confiance en l'attente d'une prise en charge compétente. Il avala de longues gorgées d'eau, grâce à sa gourde intarissable, de nouveau fonctionnelle, et essaya de faire boire la pirate. Ses mains caleuses saisirent ensuite son buste pour la soulever et reprendre la marche. La charge s'avéra nettement plus lourde.
Un pas maladroit, acharné, les mena à l'entrée de l'impressionnant édifice. Un voile sombre couvrait l'immensité céleste. Le jeune homme plissa les paupières à la recherche de leurs montures. Il descendit les marches, incertain, n'osant pas lâcher Ezelya. L'incompréhension ouvrit la porte à une once de panique. Les variquans avaient disparu.
Les vents froids du désert lui soufflèrent cette réalité en pleine face, manquant de le faire tomber. Et maintenant ? La sueur et la crasse collaient sa peau. Un poids invisible comprimait sa poitrine. Peut-être celui des pattes du demi-dieu ardent. Chaque minute passant, il se sentait défaillir. Il crispa inconsciemment son étreinte. Ses pensées s'agitaient avec véhémence avant de sombrer dans le néant. L'urgence s'alliait à l'inaction.
« Hé ! Toi là ! »Le chasseur se retourna brusquement. Un groupe se tenait en haut des marches, soigneusement armés d'après les nombreux cliquetis métalliques. L'interpellation s'adoucit en découvrant la silhouette tenue. Ils s'introduisirent comme gardes dorés et lui demandèrent s'il avait besoin d'aide. Valion tut l'identité de sa compagne mais se présenta comme chasseur, et résuma brièvement leur état. Ils acceptèrent de les conduire à la ville forgeronne.
Ses souvenirs font état d'une créature à six pattes et d'une voix autoritaire l'invitant à déposer la jeune femme. Il avait rétorqué ne pas avoir besoin d'assistance. Pourtant son visage avait heurté le sable à un moment. En pleine course. Ses membres l'avaient trahis pour se redresser. Et puis plus rien. Il se réveilla dans une chambre modeste, Ezelya à ses côtés, toujours inconsciente.
Leurs affaires et des vêtements propres trônaient sur une chaise. Derrière la porte, des éclats de voix se faisaient entendre. Il tendit l'oreille et comprit qu'un médecin discutait avec une garde. Cette dernière avait payé la chambre pour la nuit. Rien n'était grave, il repasserait le lendemain en fin de matinée.
Le chasseur engourdi se releva avec automatisme, guidé par la nécessité d'en savoir plus. Il observa les bandages entourant la capitaine, sentit l'odeur d'un cataplasme, et finit par se redresser un temps indéfini plus tard. Titubant, les yeux gonflés, il s'aventura dans l'établissement. Les signaux de son corps paraissaient contradictoires. Avait-il mal, faim, soif ? Concernant sa tête et son cœur, le message n'était pas plus clair.
Il s'enquit de leurs montures, louées pour venir au temple et peut-être perdues, si ce n'était pire. La discussion chaotique lui appris que le décalage entre leurs propos n'était pas seulement dû à son état. Quand Valion interrogea la personne sur la date, il réalisa avec stupeur que la saison du dieu céleste venait de commencer. Une trentaine de jours s'était donc écoulée depuis le début de l'épreuve.
Le jeune homme demanda immédiatement papier et encre. Il remercia la femme et retourna dans la pièce allouée. Les affaires virées de la chaise, il prit place près de la petite table de chevet et commença à écrire. Sa famille devait impérativement recevoir de ses nouvelles. Ils devaient être morts d'inquiétude. Certes, la présence de Slavko assurait sa survie, mais cela ne faisait pas tout.
La plume gouttait, les mots lui échappaient, et sa conscience suivit. Le chasseur se recoucha, ne sentant pas le sommeil le saisir.