L’entrevue avec la foraine avait légèrement remonté le moral d’Elfazelle. Néanmoins, le sentiment de ne pas avoir mérité sa place sur le podium prenait le dessus, lui laissant le goût d’une victoire amère.
Son carquois fraîchement acquis et son arc dans le dos, elle glissa la précieuse patte de Dulcius dans son sac, puis sortit enfin de l’arène.
Elle s’attendait à ce que Rymaïn l’accueille à la sortie, et la chercha donc du regard. Cependant, aucune chevelure de feu n’était visible à l’horizon…
A la fois déçue et inquiète, Elfazelle entreprît de rentrer chez la baronne, prenant soin d’éviter les rues où le festival battait son plein.
Une fois sur place, elle demanda à Solensil si elle avait vu sa mentor ; la réponse fût négative.

« Mais où elle est passée ? J’espère qu’elle va bien »

La brunette monta dans sa chambre (en réalité, le bureau de son hôte), posa l’arc et le prix dans un coin, et examina le porte-bonheur qui lui avait été offert.
Ce geste désintéressé la perturbait, d’autant plus que la foraine avait l’air d’y tenir vraiment.
Elle reposa l’objet sur la table de chevet et laissa ses réflexions de côté, puis entama la lecture d’un roman d’aventure pour se changer les idées.
Elle guettait d’une oreille le retour de sa mentor ; cependant, ses yeux commencèrent à picoter, et la fatigue l’emporta avant qu’elle n’ait entendu quoi que ce soit.

Un rayon de soleil perça à travers un nuage, pour s’arrêter sur son visage. Elle avait dormi profondément, les émotions de la veille l’ayant éreintée.
Il était encore tôt, et la maison était silencieuse. Ainsi, Elfazelle s’approcha à pas de loup vers la chambre de la chasseresse en essayant de ne pas faire grincer le plancher.
Elle colla son oreille contre la porte ; aucun bruit ne lui parvint.
Elle hésita un instant, puis entrebâilla la porte doucement.
Dès qu’elle pût constater que la pièce était vide, elle referma la porte.

« Elle n’est pas rentrée cette nuit ? »

Travis l’entendît descendre l’escalier, et accouru pour lui donner un morceau de papier plié en quatre, en lui spécifiant qu’il provenait de Rymaïn.
Elfazelle ne se cacha pas pour le lire, et s’enquit auprès du domestique du moment où il l’avait reçu.

« Il y a une heure ? Roooh, mais pourquoi elle ne m’a pas réveillée ? » dit-elle à moitié anxieuse, à moitié agacée.

Elle se précipita à la cuisine pour avaler un morceau de pain, monta les marches deux à deux, enfila une tenue confortable puis sortit de la maison, après avoir pris soin de glisser le gri-gri de fourrure dans sa poche.

Le chemin jusqu’au lieu de rendez-vous lui était connu, puisqu’il s’agissait du parc où Rymaïn l’avait questionnée sur ses motivations la première fois qu’elles se sont rencontrées.

Elle avança d’une marche rapide, et aperçu peu de temps après une chevelure rousse.
Même si elle n’avait pas couru, elle s’était dépêchée ; son cœur faisait des bonds dans sa poitrine et elle respirait fort.
Elle s’approcha sans discrétion, et apostropha sa mentor d’un ton inquiet avec une pointe d’agacement :

« Mais où tu étais passée ? Je ne t’ai pas trouvée après le concours ! Et pourquoi tu me donnes rendez-vous ici ? On ne pouvait pas parler à la maison ? »

Elle avait prévu de se plaindre de sa victoire non méritée et de lui donner son prix mais, comme à son habitude, Rymaïn avait contrarié ses plans, et cette idée lui était désormais sortie de la tête.

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Elfazelle n’avait pas vraiment réfléchi avant de parler. Bien sûr qu’elle savait que sa mentor avait tendance à s’emporter facilement, seulement ses émotions avaient pris le dessus et elle ne pensait qu’à savoir pourquoi Rymaïn l’avait laissée.
Elle fut néanmoins surprise par sa réaction colérique et recula instinctivement de quelques pas.
Elle resta interdite le temps de se reprendre.

« Quelle importance ? »

Elfazelle soupira et baissa les yeux, un peu déçue :
« C’était important pour moi… »

La petite brune releva la tête ; toutefois sa mentor ne réagit pas, semblant avoir l’esprit ailleurs.
Ne sachant trop quoi dire, elle fixa la jolie rousse en attendant que celle-ci daigne poser son regard sur elle.
Malgré les nombreuses semaines passées ensemble, Elfazelle avait encore du mal à la comprendre, principalement à cause de son impulsivité qui jaillissait au moment où on s’y attendait le moins.
Enfin Rymaïn commença à s’agiter, cherchant ses mots, un brin énervée.
Vu son attitude, la brunette se préparait à accueillir un reproche et commençait à serrer les dents, mais ce furent des excuses qui passèrent ses lèvres. Elles furent très brèves certes, néanmoins elles ne pouvaient être que sincères.
Malgré sa nature rancunière, Elfazelle décida d’attribuer cet épisode au manque d’empathie de sa mentor. De toute façon, il ne servait à rien d’envenimer les choses ; Rymaïn s’était excusée, c’était déjà un premier pas.

« D’accord » lui répondit-elle d’un ton posé.

Assise sur le banc, sa longue chevelure rousse tombant sur son visage, elle sembla tout à coup pleine de regrets ; pour hier soir ou pour s’être énervée ?
Elfazelle se posa à ses côtés, et prît la parole en regardant le paysage :

« Non, c’est bon. C’est juste que j’étais inquiète de ne pas t’avoir retrouvée, surtout vu que tu es partie avant la fin du concours… et puis, je me suis sentie un peu seule hier soir, j’aurais aimé parler de ce qu’il s’était passé, c’était vraiment difficile pour moi. »

Elle regardait désormais ses pieds, se sentant un peu honteuse de verbaliser ses faiblesses, puis elle soupira.

« Si tu veux garder le secret je comprendrais, mais pourquoi tu es partie avant la fin du concours ? Tu allais gagner en plus, c’est dommage »

Nonobstant le fait qu’elle aurait été fière de voir sa mentor rafler la victoire, cela lui aurait évité par la même occasion d’avoir à monter sur le podium.

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