Qu'il est agréable de sentir la chaleur du soleil sur son visage, surtout lorsqu'une légère brise vient tempérer ses ardeurs. Nul besoin d'être riche ou puissant pour savourer la vie dans ces moments là. Hélas peu de gens ont le temps de s'arrêter pour en profiter, trop occupés qu'ils sont à courir après on ne sait vraiment quoi.
Aldvin laissa un moment son unique œil errer sur les quelques nuages, qui n'avaient pas compris que personne ne les laisserait pleurer aujourd'hui, tout en écoutant le bruit cristallin que faisait la rivière à quelques pas de lui. Le jeune homme fini toutefois par être tiré de sa rêverie lorsqu'une tension se fit sentir sur son gros orteil droite. Esquissant un léger sourire, il se redressa et put constater que le fil à pêche, accroché au-dit orteil d'un côté et baignant dans la rivière de l'autre, était aussi raide qu'un ivrogne à la tombée de la nuit. Avec un peu de chance il pourrait manger du poisson frais ce soir.
Le mercenaire enroula une partie de la ligne dans sa main et commença à tirer délicatement dessus. Un coup trop sec et la ligne briserait. Nul besoin d'être brutal pour donner envie à un poisson de sortir de l'eau, il suffisait de lui faire comprendre qu'il n'avait pas le choix. Au fur et à mesure qu'il enroulait le fil autour de sa main, le pêcheur borgne c'était rapproché du bord, essayant de distinguer sa proie à travers l'onde claire. Lorsqu'il put enfin la voir il laissa échapper un sifflement d'admiration. C'était un sacré morceau ce poisson. Il pourrait sans doute en faire fumer une partie afin de la conserver pour plus tard. Décidément c'était une magnifique journée.
« Allez mon beau, c'est le jeu de la vie et tu as perdu. Maintenant tu vas sagement te faire manger et tes amis poissons te remercieront de t'être sacrifié pour eux. »

Dans un sacré vacarme aquatique la prise finie par sortir de l'eau, s'agitant comme une folle pour essayer de s'échapper bien qu'il n'y ait plus d'espoir pour elle. Le soleil faisait luire ses écailles et il fallait admettre que pour un poisson c'était un magnifique poisson. Aldvin le saisit fermement et commença à essayer d'enlever l'hameçon. Il avait connu bien des pêcheurs qui se contentaient de l'arracher, mais lorsqu'il tuait quelque chose le mercenaire essayait toujours de faire les choses bien et sans douleur. Après tout c'est aussi comme ça qu'il aurait aimé finir.
Occupé sur son poisson, il ne prêta pas beaucoup d'attention aux bruits de pas derrière lui. Ils étaient lents et peu discrets, son cerveau ne les considérait donc point comme une menace et le reste de son esprit avait autre chose à faire que de s'en occuper.
« Messire Aldvin ? C'est bien vous ? »
C'était une voix d'homme, bien qu'un peu fluette. Le guerrier leva les yeux de sa prise, qui essayait toujours tant bien que mal de s'échapper, pour détailler son interlocuteur. Grand, un peu chétif, les cheveux longs et blond, il s'agissait probablement du fils d'un des marchands qu'il allait devoir escorter. Il lui adressa un petit sourire et répondit d'un ton amusé.
« Tu connais beaucoup d'autres type dans le coin qui ont un œil en moins ?
- Non messire ... je voulais juste vous prévenir que la caravane est prête et que nous nous apprêtons à partir. Les autres mercenaires sont aussi en train de se regrouper.
- Et bien ne les faisons pas patienter trop longtemps alors. Je ... met mes bottes et j'arrive. Inutile de m'attendre je connais le chemin. »
Tandis que le jeune blond retournait vers le village, à quelques centaines de mètres, Aldvin lui se concentra à nouveau sur le poisson. Il avait espéré pouvoir le cuisiner avant le départ, car partir avec un poisson dégoulinant dans son sac ne lui faisait pas tellement envie. Il laissa échapper un fin soupire avant de se  diriger vers la rivière ou il plongea l'animal. Alors qu'il ouvrait la main pour la laisser partir la situation lui tira un sourire. Finalement elle avait bien fait de garder espoir.

Le temps était au beau fixe depuis que Aldvin et sa caravane avaient quitté le bois des Rois et l'homme ne s'en plaignait pas. Ils allaient suivre la rivière Blanche pendant un moment pour se rendre du côté de bois Vert. Avec un peu de chance, personne n'essayerait de les tuer en chemin. Aldvin chevauchait au milieu du convoi aux côtés d'un autre guerrier. Ce dernier était roux, portait une abondante barbe ainsi qu'une armure de cuir clouté qui devait lui permettre de se déplacer rapidement pour abattre ses adversaires avec son arc. Ils étaient au total six mercenaires pour trois chariots et cela s'avérait en général bien suffisant pour ne pas tenter les bandits.
S'il ne connaissait pas son compagnon de voyage lors de leur départ, il en allait autrement maintenant. Esmer, puisqu'il se nommait ainsi, était un bavard intarissable et il ne cessait de parler de sa jeunesse et de ses aventures, qu'elles soient avec des épées ou avec des femmes. Cela ne dérangeait pas le borgne outre mesure, le voyage serait moins long en discutant et pour le moment la route était assez dégagée pour qu'une embuscade ne les attende pas.

« Et c'est ainsi que je me suis retrouvé le cul dans la boue tandis qu'un géant essayait de m'embrocher avec sa pique. Je peux t'assurer que maintenant je comprends l'inquiétude des pucelles ! »

Il éclata d'un rire franc après cette remarque, caressant machinalement sa barbe. Bien que l'humour fut peu gracieux Aldvin sourit également, avant de l'interroger pour avoir la suite.

« Comme tu es toujours là, je suppose qu'il n'a pas réussi à avoir ta virginité ?
- En effet, parce que c'est à ce moment que Braus » L'homme désigna de la tête l'un des gardes qui chevauchait à l'avant du convoi. « A eu la délicatesse de l’occire, juste avant qu'il me plante. Comme quoi faut toujours avoir un chaperon pas loin si on veut rester pure.
- C'est vrai. Quand les temps sont durs, il vaut mieux avoir des gens sur qui compter. »

Le guerrier roux se tut un instant, ce qui devait être assez rare chez lui, et dévisagea son interlocuteur. Affichant une légère moue, il fini par reprendre.

« Et toi Aldvin ? Les temps sont dur pour tout le monde, mais tu sembles être un solitaire ? Tu n'as pas de compagnie avec qui travailler ? »

Le jeune homme tourna la tête vers son Esmer et lui adressa un grand sourire avant de répondre.

« Bien sur que j'ai une compagnie ! C'est la compagnie de Ralvan.
- Et tu formes cette compagnie tout seul ? Je ne connais pas de village appelé Ralvan, ou est-ce ? »

Visiblement le mercenaire était au moins aussi curieux que bavard, ou alors il voulait donner un peu de temps de parole à son allocutaire. Dans tous les cas l'aventurier était de bonne humeur et il n'avait pas envie de mettre un terme à la conversation.

« Je ne suis pas tout seul, j'ai Tinlia et c'est une jument rudement farouche. » Alors qu'il parlait il flatta l'encolure de l'animal en question. « Elle est plus puissante qu'un Homme et plutôt futé pour une bourrique. » Il prit un peu de temps avant de répondre à l'autre question, réfléchissant au meilleur moyen d'aborder le sujet. « Quant à Ralvan, ce n'est pas un lieu, c'est le nom du chef de la compagnie. Lui et les autres membres m'ont récupéré après une razzia d'Oboros sur mon village. Ils m'ont appris tout ce que je sais.
- Ah, c'est con pour ton village. Cela s'est il passé il y a longtemps ?
Très longtemps ! J'étais encore un mouflard à l'époque ça devait donc être il y a une vingtaine d'année. Il y avait eu seulement quelques survivants à l'attaque. J'en faisais partie et je voulais partir chasser les Oboros pour me venger. J'aurai mieux fait de préoccuper de mon œil, pas facile de se battre quand on y voit rien et qu'on a l'impression que son crane va exploser. Il ne m'aurait pas fallu bien longtemps avant de devenir de la nourriture pour bête sauvage si les gars ne m'en avaient pas empêché. »

Esmer éclata de rire. Visiblement lui aussi trouvait assez drôle l'idée qu'un gamin puisse vouloir se venger en allant affronter une meute de créature aussi terrifiante. Souriant aussi Aldvin termina son histoire.

« Du coup ils m'ont surnommé l'enragé. Mon comportement a dû leur plaire parce qu'ils m'ont proposé de les suivre et je dois avouer que j'avais pas mieux à faire.
- C'est sûr que t'avais pas froid aux yeux, enfin à l’œil plutôt ! Et ta compagnie alors, où est elle ?
- Pour le moment, ils se reposent. Donc tu me disais que Braus t'as sauvé la vie, tu as pu lui rendre la pareille j'espère ?
- Parfaitement ! Et pas qu'une fois, je peux te l'assurer ! Tiens quand on a dû escorter cette caravane dans le désert …. »

Tandis que le mercenaire roux continuait de raconter ses exploits, le guerrier borgne se félicita d'avoir réussi à détourner le sujet. Il était content d'avoir répondu à son interlocuteur, mais il n'appréciait pas vraiment de parler de sa compagnie. Même maintenant, même après toutes ces années, il n'arrivait pas à se dire qu'ils étaient morts.

« On se les gèle ici !
- T'as pas grand-chose à geler alors Sorus. »

Un ricanement parcouru le groupe, entre-deux claquements de dent. Dans ce pays il neigeait en permanence et lorsqu'il ne neigeait pas c'était parce qu'il faisait trop froid pour ça.

« Fermes la Ircas! Je me faisais juste la remarque qu'on est peut-être pas assez payé pour venir ici.
- Et que voulais tu de plus ? Ils nous ont déjà payé avec presque tout ce qu'ils avaient. »

Ralvan jeta un regard noir au râleur tandis qu'ils progressaient tous dans la neige. C'était en général suffisant pour clouer le bec de n'importe qui, mais cela n’empêcha pas le principale intéressé de recommencer grogner.

« Je dis qu'on aurait peut-être juste pas dû accepter ce boulot.
- Je suis le capitaine et j'ai accepté cette mission pour la compagnie. Alors, jusqu'à nouvel ordre tu marches et tu la boucles. »

Le ton du capitaine était sans appel et chacun pouvait être sûr que le prochain à critiquer la mission finirait le cul dans la neige. Cela n'effrayait pas Aldvin plus que ça, il n'avait aucun reproche à faire à la mission. Le petit groupe de Lupus qu'ils traquaient avait un peu trop tendance à s'échapper dans les montagnes et redescendre attaquer les villageois une fois que la traque était abandonnée. Ils avaient déjà fait bien trop de ravage alors cette fois pas question d'abandonner. C'est pour ça qu'ils étaient payés le double d'une mission normale et pour ça qu'ils se retrouvaient à grimper dans les hauts monts Nord de Zan.

Leur progression n'était pas très rapide mais d'après Loban, leur éclaireur, ils arrivaient à ne pas prendre trop de retard sur les Lupus. Pour le moment il neigeait peu et il pouvait encore à suivre les traces de la meute, mais tous redoutaient qu'une tempête survienne réduisant quasiment à néant leur chance de rattraper les créatures.

Le jeune homme jeta un regard à Ralvan, voir une pareille force de la nature donnait envie d'avancer pour pouvoir se tenir à ses côtés. Le capitaine du groupe de mercenaire portait des cheveux longs et brun, qu'il attachait souvent en queue de cheval. Pour l'instant il avait troqué son éternel chemise pour un lourd manteau de fourrure. On pouvait distinguer la pointe de son épée longue qui sortait parfois des plis du vêtement et sur son dos pendait un grand bouclier circulaire. Charismatique, intelligent et bon combattant il savait mener ses troupes où il le fallait et comme il le fallait. Il était un modèle depuis plus de quinze ans pour Aldvin qui s’efforçait comme il le pouvait de lui ressembler, sans vraiment y arriver.

«Si seulement le vieux Wilfrid était là, il pourrait nous raconter une histoire pendant qu'on marche. »

Ircas lui portait des cheveux courts et blond. Il avait dû être très beau autrefois, mais une balafre courait maintenant d'une partie à l'autre de son visage. Ce qu'il avait perdu en charme il essayait de le récupérer en humour et il ne s'en sortait pas trop mal. Une grande pique était accroché dans son dos et il venait de resserrer son manteau pour lutter contre le vent glacial.

« Ouais lui il a été malin. Il a décidé de raccrocher avant de se retrouver perdu dans cette putain de neige à risquer des engelures. »

Le trait principal de Sorus était son mauvais caractère, mais on pouvait y ajouter la loyauté et la dextérité au combat. Le tout en faisait un individu supportable, mais pas forcément toujours agréable. Son imposante hache à deux mains avait déjà découpé plus de bandit que ce que son crâne chauve avait dû porter comme cheveux.

Ils marchèrent un moment en suivant les marques laissées par l'éclaireur. Depuis longtemps ils avaient quitté les chemins que les hommes fréquentaient encore. D'un désert blanc, ils étaient passés à des hautes falaises desquelles la moindre chute aurait été mortelle. Puis ils avaient traversé un glacier, vaste étendue d'eau attendant un dégel qui ne viendrait sûrement jamais. Voilà qu'ils s'apprêtaient maintenant à devoir gravir un nouveau pic. C'est alors que Loban revint vers eux, trottant dans la neige. Cet homme n'était jamais fatigué de courir et il pouvait à lui seul couvrir presque une fois et demi la distance que ses camarades faisaient. Il avait aussi une très bonne ouïe et se débrouillait bien avec un arc. Ayant vécu pendant longtemps près du désert sa peau était un peu plus sombre que celle des autres, mais le froid n'avait pas l'air de le déranger plus que ça et son manteau devait lui suffire. Tandis que les sicaires se rassemblaient autour de lui, l'éclaireur pris la parole.

« Les Lupus sont en train de faire un drôle de détour. Je ne sais pas pourquoi, mais cela peut nous permettre de leur couper le chemin.
- Si les Lupus font un tour ce n'est sûrement pas pour rien.
- T'as pas tord l'enragé, mais tu vois les nuages à l'Est ? »

En parlant Sorus montra un petit groupe de nuage, un peu plus sombre que les autres.

« Crois en mon expérience dans une dizaine d'heure une tempête va pointer son nez et on va perdre nos petits amis. Moi ça me ferait drôlement chier d’être venu aussi haut pour pas toucher un Tsuris à la fin.
- Bien, dans la mesure où nous sommes plus malin qu'une bande de Lupus, et que nous avons une mission à remplir on va tenter notre chance. Dites-vous que dans une demi-journée il ne nous restera qu'à rentrer pour toucher de quoi nous la couler douce pendant un petit moment.
- Ça c'est bien parlé capitaine ! Celui qui abat le moins de Lupus paye son coup quand on rentre ! »

La proposions d'Ircas entraîna un tas de hochement de tête et de regard de défi, puis le groupe se remit en route. Ils marchèrent pendant encore deux bonnes heures d'un bon pas. L'idée de bientôt en finir avec cette mission leur avait redonné un peu d'énergie et  même Sorus se retenait de râler. Puis ils finirent par l'entendre. Un grondement sourd, comme un écho lointain, qui vint frapper leurs oreilles, les poussant à s’arrêter quelques instants.

« S'il te plaît Sorus, dis moi que c'est ton estomac. »

Mais même Ircas savait que ce n'était pas le bruit d'un estomac et tous firent glisser leurs armes respectives dans leur main. Lorsque le grondement se fit à nouveau entendre, ils échangèrent quelques regards entre eux. Quel que soit le responsable de ce bruit, il était en train de se rapprocher.

« Loban tu montes sur la butte là bas et tu nous couvres. Les autres en formation comme d'habitude. On va s'approcher doucement. »

Aldvin vint se placer à droite de son capitaine tandis que Sorus se mettait à gauche. Ircas resta un peu en retrait prêt à soutenir celui qui en aurait besoin. Alors que Loban avançait d'un pas prudent vers la position qu'on lui avait indiqué, les autres mercenaires se mirent à progresser tout aussi lentement vers l'origine du bruit.
Plus ils avançaient et plus le vent soufflait fort, levant des tourbillons de neige autour d'eux. Il commençait à être difficile de voir à plus de quelques pas et il fallait presque se pencher en avant pour éviter d'être repoussé par la force du vent. Criant pour couvrir le bruit du zéphyr , Ralvan tourna la tête vers la gauche.


« Je croyais qu'on avait plus de temps avant l'arrivée de la tempête. Tu t'es trompé ?
- C'est pas une tempête ça ! Mais je n'ai pas la moindre putain d'idée de ce dont il s'agit. »

Ils continuèrent à progresser dans la tourmente et finir par réussir à distinguer une forme sombre se dressant au milieu du chaos. Lorsqu'il parla, toute trace d'humour avait disparu de la voix d'Ircas.

« Juste en face, c'est une butte de neige hein ?
- Ouais, une saleté de butte qui bouge. Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?
- J'aurai dû écouter ma mère au sujet des invocations.
- Peuh » Cracha Aldvin. « Qu'est-ce que ta mère y connait au combat ? Une bonne lame et des amis loyaux c'est tout ce dont on a besoin. Les invocations ne sont pas fiables, elles rendent paresseux et finissent par pousser les Hommes à s'entre-tuer pour le pouvoir.
- Moi j'aurai dû l'écouter au sujet de faire un autre métier. L'enragé celui là tu évites de lui foncer dessus.
- Bon s'il utilise une tempête pour nous impressionner c'est qu'on lui fait peur et donc qu'on a une chance. On fait comme d'habitude et tout se passera b... »

Pendant quelques pas de plus seul les bruits du vent et de la neige s’écrasant sur leur manteau se firent entendre dans la vallée. Puis finalement c'est Aldvin qui craqua le premier.

« C'était pas une dent rouge ça ?
- On est monté si haut ?
- Fait chier !
- On ne peut plus faire demi-tour. Sorus et Ircas vous passez à gauche, essayez de viser ses yeux, ou n'importe quoi qui semble un peu fragile. Aldvin tu viens avec moi, on va voir si on peut détourner son attention. Faites attention à sa queue.»

Au-dessus de leur tête, une flèche siffla se dirigeant vers l'ombre. Le projectile ne l'atteignit pas pour autant, car il se retrouva complètement dévié par le vent. Le groupe maintenant séparé en deux reprit sa progression vers ce qu'ils estimaient être leur ennemi.

Aldvin avait la trouille, mais il ne fit pas demi-tour pour autant. Sa place était aux côtés de ses camarades et cela même si c'était raide et sous dix pieds de neige. Rapidement il passa en revu toutes les batailles et toutes les missions qu'ils avaient effectué et auquel ils avaient survécu, il n'en trouva aucune pire que celle qu'ils allaient affronter maintenant. Il sera les mains autour de sa longue épée, se demandant qui entre elle et la peau de leur adversaire se briserait la première. A côté de lui, il entendit son capitaine beugler.

« Et saloperie ! Il paraît que tu as faim, ça de dit de venir manger un humain ! »

Pour attirer son attention c'était réussi. Il y eut un grognement puissant, suivi de bruit de pas sourd et une gueule immense, peut être assez large pour contenir deux hommes côte à côte. Peu soucieux de tenter l'expérience Aldvin se jeta en arrière roulant dans la neige froide. Il se redressa un instant avant de sauter à nouveau pour éviter une patte gigantesque. Ses réflexes le poussèrent à frapper rapidement, mais son arme ricocha dans un bruit métallique sans entailler la peau de la créature. Quelque part quelqu'un cria.
Le mercenaire secoua la tête pour chasser la neige et essaya de repérer la bête. Un bruit attira son attention et il vit à nouveau la patte écailleuse s'abattre sur lui. Mais il n'avait plus le temps pour esquiver, plus le temps pour fuir. S'en était fini de lui. On lui avait raconté que lorsque l'on allait mourir, le temps ralentissait, il n'en eut pas l'impression. Il ne perçut pas Ircas lorsque le guerrier surgit au milieu des tourbillons de neige. Il ne sentit rien lorsque le combattant le percuta d'un violent coup d'épaule. Il se croyait encore mort lorsque ses fesses heurtèrent le sol tandis que le mercenaire dressait sa lance vers le membre afin de repousser son assaut. Il n'eut pas le temps de crier lorsque la gravité transforma son camarade en cadavre tandis que l'épaisse arme traversait la chair. C'est le hurlement, terrifiant, de la bête blessée qui le ramena à la réalité et au danger de rester immobile.


Il ramassa son épée et commença à réfléchir à ce qu'il pouvait bien faire. Quelqu'un cria à nouveau et il se mit à courir dans cette direction, sans être trop sûr qu'il s'agissait du meilleur choix à faire. Sorus était en train de beugler comme un bougre tandis qu'il poursuivait avec sa hache ce qui devait être la patte arrière du monstre. Leur ennemi semblait trop occupé ailleurs pour songer à faire autre chose que la déplacer par réflexe et le mercenaire en profitait. Sans y penser Aldvin se jeta aussi dans la bataille, venant frapper encore et encore le membre d'acier de la créature. Il commençait à peine à saigner lorsqu'un violent coup de queue frappa Sorus. Le combattant disparu, projeté en l'air comme un vulgaire insecte et le mercenaire borgne ne le revit jamais.

Le désespoir commença alors à le saisir. D'abord, il frappa ses tripes, paralysant le bas de son corps, puis il remonta insidieusement jusqu'à son cerveau le remplissant de terreur et de promesse de mort. Sa lame glissa sur le sol et quelques larmes roulèrent sur sa joue. Il cria à son tour comme un forcené, appelant une mort rapide. Le monstre avait dû se retourner durant le carnage, car ce n'est pas sa queue qui vint le quérir, mais sa gueule. Elle était pleine de dent aiguisées, elle ferait bien le travail et bientôt il cesserait de trembler.

« Attention ! »

La voix, jaillie d'il ne savait ou, surpassa sa terreur, obligeant son corps à une nouvelle esquive vers l'arrière. Aussi rapide qu'une lame les énormes dents se refermèrent, étaux de mort sans pitié, mais ne trouvèrent que le vide. Une seconde de plus et le jeune homme se serait fait arracher la jambe. Néanmoins il ne put éviter l'intégralité de l'épaisse mâchoire de la créature qui lui heurta violemment le tibia. Ce dernier se brisa sur le coup, lui arrachant un gémissement de souffrance. Il chuta sur le dos dans la neige froide, étourdi et épuisé. Levant les yeux il put distinguer à travers la tempête Ralvan, dont la queue de cheval virevoltait au vent, qui se dressait sur la tête de la créature. Ce dernier adressa un léger sourire à son protégé avant de lever au son épée. Il poussa ensuite un cri de colère et de vengeance tout en enfonçant l'arme dans l’œil du monstre. La bête laissa échapper un nouveau hurlement, laissant Aldvin complètement assourdi. Elle secoua ensuite la tête, furieuse et pleine de rage, faisant voler le capitaine dans les airs. Ce dernier lâcha son arme et se prépara au choc avec le sol, qui ne vint jamais. Un seul œil semblait suffire au monstre qui referma sa mâchoire titanesque sur le héros. Incapable de bouger, tétanisé par la peur et la douleur, le guerrier borgne regarda le spectacle comme s'il ne s'était s'agit que d'un mauvais rêve. Il ne restait plus que lui, il serait le prochain et cette fois il ne pourrait pas esquiver.
Cependant, le monstre ne lui porta aucune attention, il se contenta de déployer des ailes plus grandes qu'un navire et commença à s'envoler. Il soulevait des couches de neiges incroyables par le seul battement des ses ailes et le guerrier cru qu'il allait finir étouffé sous la neige. Mais il n'en fut rien, chaque battement dégageant la neige que le précédent avait envoyée. Au fur et à mesure que la bête s'éloignait du champ de bataille le climat retrouvait progressivement son calme. L'adrénaline quittant petit à petit le corps d'Aldvin ce dernier laissa échapper un grognement de douleur. La souffrance et la fatigue le tirant vers l'obscurité, il entendit des bruits de pas se dirigeant vers lui. Au moins il était encore en vie.