Ses emplettes en poche, Valion rentra chez lui faire ses comptes. Par habitude, il dépoussiéra avec nostalgie l'épée Vaillance que lui avait un jour offert son père. Les paroles du premier demi-dieu qu'il avait rencontré dans un temple lui revinrent brièvement en tête et il sentit son cœur se serrer. Non, la forge n'était pas pour lui, du moins pas en l'instant. Il n'avait ni l'argent, ni la tranquillité d'esprit pour compléter sa formation et s'engager dans pareille entreprise.

Avec un léger soupir, il quitta le domicile de son oncle où il logeait toujours, du moins lorsqu'il était de passage à présent, et se dirigea vers la maison de ses parents. Il y retrouva sa mère en pleine préparation du repas de ce midi, toujours avec ce sourire triste mais bienveillant qu'elle lui adressait depuis la veille, et lui demanda où était Danae. Valion rejoignit sa sœur dans la cour, où elle était affairée à étendre le linge. Il lui donna un coup de main en silence, puisqu'elle boudait toujours, et l'intercepta avant qu'elle ne rentre, une fois la tâche finie.

« J'ai quelque chose à te donner. Regarde. »

Il sortit les pierres de télépathie de son sac tout neuf et lui en tendit une. Danae s'en empara avec méfiance et l'observa avec cet habituel soupçon de nonchalance. Même si son ton restait un brin condescendant, elle ne put dissimuler la surprise dans sa voix.

« Qu'est-ce que c'est ? »
« Des pierres de télépathie. Ce sont des objets magiques qui permettent à deux personnes de communiquer peu importe à quelle distance elles sont l'une de l'autre. Comme ça, quand je repartirai, on pourra quand même se parler. »

Son visage adolescent se renfrogna subitement et la colère envahit ses traits.
« J'en veux pas de ton caillou ! Tu peux te le garder ! »
Elle jeta la pierre et repartit comme une furie.
« Dana' ! »

L'aîné des Lameblanche laissa échapper un long soupir, contenant difficilement son agacement. Il ne comprenait pas sa réaction. Avec sa récente acquisition, ils pourraient prendre contact à n'importe quel moment, alors pourquoi n'en voulait-elle pas ? Dépassé par le comportement de sa cadette, Valion se mit à la recherche de l'objet magique qu'elle avait balancé sans aucune considération. Si elle l’avait perdu, elle allait l'entendre... Mais heureusement, il le trouva au bout de quelques minutes et le rangea immédiatement dans son sac également neuf. Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir en faire si sa sœur n'en voulait même pas ?

Pourquoi n'était-elle jamais contente de lui ? Sachant qu'il n'avait pas trouvé la réponse en dix ans, il abandonna l'idée d'y arriver miraculeusement aujourd'hui. Mieux valait qu'il retourne en ville et passe par la taverne pour s'enquérir des différentes rumeurs et contrats de travail.

Être prêt à reprendre la route était une chose, savoir où aller une autre. Après sa deuxième venue au Temple du Feu et sa rencontre avec les pirates, Valion était déterminé à trouver sa voie, et la bonne. Mais... en attendant il fallait toujours qu'il se remplisse les poches ! Résolu mais empli d'espoir, il jeta un coup d’œil au tableau où certains parchemins commençaient à accuser le coup, notamment à cause de la pluie.

Un recrutement ? L'ancien brigadier-chef décrocha le papier pour l'observer de plus près. Un noble qui avait pour projet de rebâtir sa gloire d'antan. Ça n'était pas sans faire écho à son aspiration lorsqu'il était enfant. Intrigué, il poursuivit sa lecture. De la chasse, avec le soutien potentiel d'une invocation. De quoi faire ses armes sans forcément y laisser sa peau. Il n'aurait pas pu demander mieux. Sa curiosité piquée et sa volonté emballée à l'idée d'aider autrui, même si un noble serait une première, et de devenir pleinement chasseur, Valion pénétra dans la taverne. Il allait pouvoir savourer une bonne choppe et un repas chaud avant d'aller faire ses bagages.