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La Fille de l'Hiver

Ce matin, j'étais affairée à aider chacun des villageois à ranger ce qui avait été une fête hier soir. Les festivités avaient été bonnes pour tout le monde, appréciées de tous et les rues en étaient le témoin direct. Cela m'avait amusé dans un premier temps, c'était signe de joie chez les humains, mais la fatigue les avaient emportés jusqu'au dernier, laissant un lot de travail impressionnant. C'était donc à une heure matinale que je m'y étais attelée en compagnie d'un bon nombre de volontaire. Nous avancions à une bonne allure et finalement, la fin de matinée approchant, Sirk retrouvait de sa superbe. Plutôt satisfaite, c'est avec ce sentiment qu'on était venu me quérir pour m'informer que le Seigneur s'était enfin levée. Un fin sourire illumina alors mon visage, voilà longtemps qu'Il n'avait dormis autant. C'était sans doute bon signe, du moins je l'espérais. Alors sans attendre, je rejoignais la demeure principale, escortée par des gardes comme à l'accoutumée. Saluée par tous à qui je répondais joyeusement, j'arrivais dans les lieux d'un pas léger avant que l'on m'indique qu'Il prenait son petit déjeuner dans la salle à manger. Remerciant l'informateur, je m'y rendais sans plus d'attente. Ou m'ouvrit la porte, j'entrais dans la pièce, saluais ceux qui étaient présents et mon regard cristallin Le trouva rapidement. Mais en voyant son air plus que contrarié, mon fin sourire qui ne m'avait pas quitté jusque là disparu en un battement de cils. Je m'étais immobilisée, d'autant plus freinée lorsqu'Il s'adressa à moi sur un ton de réprimande. D'abord surprise, j'arquais un sourcil d'incompréhension. A aucun moment, mon regard n'avait décroché de Lui et plus ses réprimandes fusaient, s'envenimaient, plus mon air perdait de sa surprise pour se confondre avec des traits qu'il y avait longtemps que je n'avais pas arboré.

Privée de parole, mon regard trouvait une certaine austérité, peu à peu, mais assurément. Mes bras humains se croisèrent lentement sous ma poitrine, la sévérité de mon regard grandissait. Que Lui prenait-Il ? Pourquoi me réprimander de la sorte ? Si toutes les fois précédentes j'avais tenu à conserver toute la compréhension dont je disposais, ce matin il n'en était rien. Ses mots étaient durs, violents, difficiles à entendre et profondément injustes. J'analysais au fur et à mesure, ce qu'Il consentait à me donner, à me forcer à prendre plutôt. Mon corps se tendait sous la crispation qu'Il m'imposait, lentement mais sûrement, jusqu'à ce qu'Il finisse par éclater, exprimant sa colère sur cette pauvre tasse lancée avec fureur sur un mur. Le fracas ne m'avait aucunement fait ciller, j'étais là, impassible non loin de la porte. Ceux qui lui servaient son repas exprimaient leur surprise, me concernant, il en était tout autrement. L'une d'eux marchait jusqu'à la tasse, se baissa pour nettoyer ce désastre qui n'avait cependant pas, heureusement, la couleur du sang. Ne lâchant rien du regard sévère que je Lui lançais, j'arrêtais la servante d'une voix neutre.

“ Laissez cette tasse. Veuillez partir s'il vous plait. Tous. ”

Même sous forme humaine, je pouvais aisément sentir la surprise dans le cœur de chacun, peut-être pas dans le Sien, mais dans le leur il y avait de quoi. C'était pour tous la première fois que je réagissais ainsi, le regard sombre et rigide et n'avait à aucun moment l'intention d'être contredite. Je ne lâchais rien de mes yeux sur Lui et les personnes présentes mirent quelques secondes avant de s’exécuter, mais le firent sans broncher. La pièce se vidait, la porte se fermait derrière eux, le silence s'imposait et je le tint durant quelques secondes durant lesquelles, encore, je ne lâchait rien de mon regard sévère sur Lui. Il était allé trop loin, beaucoup trop, injuste envers moi, envers ce que j'avais pu faire pour Lui, ce que je faisais tous les jours. Il fallait remédier à ça, qu'Il ne se reprenne pas à un pareil irrespect. Ma position tenue, haute et fermée, les bras croisés, je répondais enfin d'une voix impassible, alors qu'Il daignait finalement me laisser parler.

“ Que me reproches-tu exactement ? D'avoir laissé monté Lagertha, de l'avoir laissé te rejoindre ? D'avoir laissé cette femme que tu désirais, que de l'aveu de tes propres mots tu voulais ? Tu me reproches d'avoir suivis tes désirs, c'est bien cela ? ” Ma voix impassible, d'ordinaire clair et douce, se teintait ce matin des profondeurs d'un volcan qui se réveillait, lentement, mais sûrement. “ Si quelque chose s'est mal passé, si hier soir elle n'a pas répondu à tes attentes ou que tu n'as pas répondu aux siennes, que quelque chose à merdé, ce n'est pas de mon ressort. Je ne suis pas omnisciente, ni toute puissante. Ce qui s'est passé entre vous hier soir ne regarde que vous. M'en tenir rigueur est d'une injustice sans nom, d'une ingratitude injustifiée. Si un évènement en particulier te contrarie c'est de son fait, du tiens ou du vôtre. Dis moi pour quelle raison et en quelle occasion j'aurais pu changé cela ? Tu aurais peut-être voulu que je vous chaperonne, comme des enfants ? ” Si Il s'aventurait à vouloir rétorquer, je ne lui permettrais pas d'un regard foudroyant. Le volcan entrait en éruption et mes pas me guidaient jusqu'à lui, une flamme, un incendie naissant dans mes yeux, un grondement jaillissait. “ En ce qui concerne ma protection, ni le Comte ni le Démon n'a besoin de cela. Si il y a bien quelqu'un que je veux protéger, c'est Toi, pas l'homme que l'île à fait de toi, parce que lui n’en a pas besoin. Pas l'homme que tu es devenu malgré toi. ” Je m'avançais encore, jusqu'à être proche de la table, Il se lèverait peut-être pour me faire face, mais en aucune façon je ne détournerais mon regard ou ne plierais. “ Avant de me reprocher de ne protéger que celui que tu crois que je veux que tu sois, penses, regarde plus loin que le bout de ton nez. Tu oses me demander ça, à moi ? Tu oses me demander de te protéger du plaisir, de l'amour qu'une femme peut t'apporter ? Tu oses me demander de t'éviter un bonheur possible ? A moi !? ”

Mes paroles étaient sévères, ma voix l'était également, ma contrariété ne faisait aucun doute, tout comme ma colère. Il était injuste ce matin, ingrat et médisant. Fini la douceur, la délicatesse, fini de prendre des gants, il avait jeté mes tentatives comme Il avait jeté cette tasse. Il ne voulait pas entendre ? Et bien j'allais le faire écouter. Il voulait la manière forte ? Et bien Il l'avait trouvé. Oui, quelque chose le contrariait, c'était évident et je pouvais aisément deviner, aux regards sans vie de Lagertha hier soir, que quelque chose n'était pas allé dans le sens souhaité. Mais me le reprocher, ça non, je ne le permettrais pas.

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La Fille de l'Hiver

Oui j’étais sévère avec Lui, autoritaire même, mais il n’y avait pas d’autre moyen de lui faire entendre raison. D’autant plus quand je pouvais voir que cela agissait d’une manière ou d’une autre. Il ne disait rien, ne répondait pas, mais il réagissait et c’était bien là le plus important. Je m’étais montrée ferme, peut être beaucoup, mais je savais tout autant de quoi il était question. Du moins, je m’en doutais. Il crachait son venin, sa frustration, sa colère sur la première personne qui pouvait lui paraître fautive. Une simple diversion, utile, pratique et efficace généralement, mais c’était mal me connaître. Je n’étais pas vexée, pas blessée parce que je savais ses mots à mon encontre vide de sens. Mais Il réagissait et je l’observais faire, redescendant d’un cran la tension en quittant la sévérité de mon regard sur lui, conservant néanmoins une certaine intensité.

Les bras toujours croisés, je l’observais s’énerver, frapper la table, la quitter, rejoindre la cheminée, finalement lâcher prise et finir par se retourner vers moi. La colère s’était atténuée, sans pour autant disparaître et c’était bien autre chose que je lisais dans son regard. Ces questions étaient néanmoins légitimes et révélaient enfin le mal-être qui le consumait. Il ne savait pas quoi faire après ce qui s’était passé hier, jugeant Lagertha comme une machiavélique femme, me faisant ainsi froncer les sourcils. Elle était peut être son apprentie, mais ce que j’avais vu d’elle hier ne me permettait en aucune façon de croire en de viles motivations. J’inspirais alors profondément avant de soupirer plutôt bruyamment, gonflant mon poitrail avant d’observer son regard, répondant d’une voix plus mesurée que l’instant d’avant.

“ Cela dépends du problème que tu y vois. Y en a t’il vraiment un ? Si tu penses que Lagertha t’as dupé en agissant ainsi, alors oui, il faudrait que tu t’assures qu’elle n’en fasse pas mauvaise usage. Mais... ” je m’avançais vers Lui d’un pas, adoucissant mes traits et posant une main sur son bras. “ Moi je ne pense pas que ce soit le cas. Hier, Lagertha était sincère, tu n’as pas vu ce que j’ai vu. Quand tu as piqué une colère, elle m’a empêché d’intervenir. Elle m’a demandé de la laisser faire. Crois-tu que si elle était simplement venu abusé de toi, elle se serait donné la peine d’essayer de te calmer ? D’avoir le désir de le faire elle même ? Ce n’est pas ce que je crois et je pense que tu aurais tord d’essayer de t’en convaincre. ” Je m’approchais encore un peu, intensifiait ma prise et mon regard qui se faisait compatissant, poursuivant d’une voix plus douce. “ Elle s’est opposée à moi, elle m’a imploré. Cette femme, Lagertha, n’est pas le genre à demander ainsi, n’est ce pas ? ” Je cherchais dans son regard un point sur lequel m’accrocher, tentant de lui faire entendre raison par ce biais. Non, je ne croyais pas que Lagertha avait été une usurpatrice hier, encore moins une manipulatrice. “ D’autant qu’il me semble que tu lui a fais ces révélations avant cela. ” Mon regard devint bienveillant et plus doux à son encontre, inclinant mon visage sur le côté. “ Quand elle est parti hier, elle était sans vie, elle marchais dans la nuit comme si elle avait perdu toutes émotions. Si elle te ressemble à ce point, tu es peut être en mesure de le comprendre plutôt que de chercher à la dénigrer. ”