Qu'il était tôt, pour déjà vaquer loin de ses quelques mécènes. Et pourtant, les demandes affluaient, mais rien n'était vraiment satisfaisant, dernièrement. Que lui importaient ces jeunes arrogants qui ne savaient que salement agiter leur langue. De celles-ci, elle n'y prenait ni plaisir, ni information. Et quant aux rangs de ces prétendants, ils n'étaient pas suffisamment intrigant pour lui arracher quelques regards sincères. Alors, comme tant de fois, au pas léger, aux cercles de métal chantants, Erin avait pour habitude de redescendre là d'où elle venait.

Chanter sur une place, pour rassurer les plus fervents. Danser dans quelques tavernes pour attirer quelques piécettes, et surtout raviver quelques cœurs. Deviser et déclamer quelques tristes vers, ou partir dans un échange passionné avec certains étudiants, érudits néophytes, qui se plaisaient à trouver présence féminine qui s'intéressait à la langue. Comme si cela manquait.

Mais toutes ces activités étaient prenantes, plaisantes. Tant et si bien qu'elle termina à cette fameuse taverne, dont les portes lui étaient naturellement ouvertes. Là posée, à son entrée, l'artiste échangea quelques mots amusés à un des gardiens qui se tenaient à son entrée, s’enquérant de l'état de sa compagne, avec un intérêt non feint. La maladie continuant, la jeune femme insista pour glisser discrètement quelques pièces dans une main qui marquait l'expérience. Bien que celle-ci voulut les refuser au départ, les doigts de la douce main finirent par y forcer les pièces, avec un rire cristallin.

Râlant et remerciant la poétesse, le garde lui indiqua l'intérieur de la taverne, en murmurant quelques mots. Intriguée, bien évidemment, par cette confidence, Erin tapota gentiment l'épaule du gardien avant de le laisser à sa noble tâche. Cette taverne avait aussi bonne réputation, car chacun de ses membres tenait une stature qui forçait le respect, et l'ordre. Et bien que la maladie tape sans conscience de ces états, ce cher veilleur ne faisait pas exception.

Nouvelles prises et informations obtenues, bien qu'elle n'en avait demandé aucune, la jeune femme glissa ses pas dansant jusqu'à une table, où trônait, sombre et silencieux, un noble -sans aucun doute-.

- Qu'il est tôt pour boire autant. Qu'il est jeune, pour déjà s'y perdre, sourit la chanteuse de cette voix claire, qui, malgré les propos, ne marquaient aucun jugement, seulement de l'inquiétude. Et qu'il est seul, pour refuser une compagnie.

Elle étendit son bras pour désigner le siège vaquant.

- Accepteriez-vous que je m'installe, pour profiter d'un moment calme, sans main traînante ou remarques murmurées ?

Qu'il était charmant de voir ces visages interrompus dans leurs pensées, revenir au moment présent, et à l'observation de ce qu'elle présentait. Son sourire, marquant sa sincère inquiétude marquait son visage alors qu'elle vint s'installer, ainsi invitée. Tapotant le siège d'une main pour nettoyer une poussière inexistante, elle s'assit, glissant un avant bras sur la table, alors que l'autre ajustait brièvement quelques paillettes de métal doré, de sa chevelure trop longue.

- Quelle douce flatterie me faites-vous là. Quoi qu'elle soit toujours câline à mes oreilles, elle reste préférable quand teintée de sincérité, corrigea la jeune femme avec une douceur amusée. Je n'ai là ni déclamé de poèmes, ni chanté les dieux. Mais gardez-moi : je suis certaine que vous maniez aussi bien les prières dans les quatre en public, que les murmures pour les femmes en privé.

Son regard s'illumina d'une lueur un peu taquine, juste à peine, alors qu'elle se pencha vers une des personnes servant pour commander un simple verre d'eau où un quelconque fruit tremperait un peu… Avec un brin d'alcool.

- Un cocktail, pour vous accompagner, se justifia-t-elle, souriante. Quant à qui je suis, sûrement un étrange mélange entre celle qui murmures aux oreilles suaves de qui veut se présenter, et celle qui chante aux dieux et aux nobles, pour mieux satisfaire les égos et les murmures en naissant. Et...

Sa boisson arriva déjà, l'interrompant, une eau fraiche, avec une tranche de raphanos fraiche, plantée sur son côté. Avec une délicatesse choisie, elle entoura le verre de ses deux mains, ses doigts s'entrelaçant, longs et fins, sur celui-ci. Du même temps, le regard de la poétesse aux moeurs parfois légères s'attarda sur l'homme, avec un peu plus d'attention. Cicatrice au visage, mains usées. Le Noble ô combien entouré de mystères en rajoutait quelques autres. Mais tout ceci n'enlèverait rien au léger tourment enserrant son naturel curieux et inquiet.

- Mais si vous souhaitez poèmes à vos oreilles, il suffit de demander.

Un soir, l'âme bourbon chantait dans les bouteilles
"Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermielles
un chant plein de lumière et de fraternité !"

D'un doigt tendu brièvement elle désigna ce que buvait l'homme, observant toujours cet air où se mêlait soucis et malice.