La pérennité d'un héritage?

Un pion sans échiquier n'est plus un pion

La bicoque de la famille Haleb est simple, mais élégante. Je transporte l'or de mes prunelles sur chaque détail qui les accroche. Ils ne sont guère pauvres, mais le montre avec une certaine modération. Cela me plaît. Ma main un rien fermée vient heurter le panneau boisé à trois reprises. L'écho de mes frappes éveille des bruits feutrés et la porte s'ouvre vers l'intérieur.

Une jeune femme, plus jeune que moi, blonde, se tient quelques centimètres plus bas. Un sourire aux lèvres m'accueille, puis délie une demande quant à ma présence et mes besoins. Je ne la reconnais pas, elle doit ignorer qui je suis également. " Mon nom est Ember. Vôtre famille possède un anneau qui m'est extrêmement précieux, puis-je entrer? "


Son regard s'agrandit autant que son sourire se mue en un "o" parfaitement rond. Surprise, agréable semble-t-il. Décidément, j'ignore que penser. C'est plaisant. Mais bizarre. À la fois familier comme étranger. J'entre à sa suite et fini dans une pièce de vie à l'atmosphère douce, paisible, un rien colorée de teintes chaudes. Une femme d'âge mûr se tourne dans ma direction et m'adresse un léger salut après avoir pris connaissance de mon nom.



« Bienvenue chez toi, Ember. »
Les sensations qui se mêlent en moi possèdent des nuances dont l'origine me fait défaut. Je me souviens avoir été plus à mon aise dans la forêt. Auprès du frère et de la soeur, lorsque mon enveloppe actuelle venait de naître à la vie. Mon corps... Ma vie. Pas la sienne. Quelque chose se forge doucement. Une certitude et un désir d'indépendance. Un homme entre dans la pièce.

Il sourit, m'approche en ouvrant les bras et m'attend. Comme s'il respectait que je puisse ne pas souhaiter répondre à son appel amical et tactile. Pourtant je m'y plie, j'ai envie de tester et de comprendre. De mieux identifier qui je suis ou qui je puis être.

Son épouse s'approche alors que nous nous séparons et me tend un petit coffret de bois. Je soulève doucement le couvercle, l'ambre contemple le vermeil étincelant du bijou. Comme... Sa peau. La sienne. Son corps. Je ne saisit pas l'objet et le dédaigne soudainement en me détournant. Le silence m'accompagne depuis mon entrée en ces lieux. Et nul ne dit mot pendant un moment.

Le regard de l'homme à changé. Rieur auparavant et bienveillant, le voilà perplexe, tourné vers sa femme. Elle... Je vois que son expression demeure amicale, mais moins avenante tout de même. Pourquoi? Son timbre est pourtant chaleureux.



« Ember, accepterais-tu de laisser Amko'Unn nous rencontrer? Nous aimerions parler avec lui. »
Je l'observe tout en réfléchissant. Demande particulière. Serait-ce réellement à moi de choisir? Finalement, j'opère un tour des êtres en présence, m'arrêtant une ou deux secondes sur chaque visage. Ma main droite vient se placer sur ma hanche, qui est un rien relevée. Une posture que j'ai faite mienne. Mon timbre est empli d'assurance, mon visage revête les traits de l'impassibilité. Comme 'elle'. Rien ne doit transparaître en cet instant.

" Non. "

Pas de réaction. De la part du singe j'entends. Voilà qui est intéressant. Jusqu'où ai-je le contrôle et le droit de décision? Les ai-je seulement réellement? Qui sera le reflet lié et délié à la fois? Quoi que doivent m'enseigner les êtres de cette lignée, j'ai conscience de ne pas le souhaiter véritablement. Depuis les années infinies écoulées, je ne suis probablement pas la seule, non?



« Amko'Unn, ne devriez-vous pas vous manifester? Cette situation me paraît... Inhabituelle. »
Il n'est pas là. Je pressens physiquement et mentalement qu'il n'est pas là. Un fin sourire gagne mes lèvres. Les regards se font hésitants. Puis, Bo'Sinn, l'homme âgé, m'approche. Il prend délicatement mon bras qu'il croise avec le sien et m'invite dans un autre lieu de la demeure. Un jardin. Nous sommes seuls, il me lâche doucement et s'installe en tailleur sur un muret qui borde plusieurs plantations.

Sa voix s'écoule comme l'eau paisible d'un fleuve.


« L'anneau est un ancrage nécessaire. Du moins... C'est ce que l'on nous a toujours transmis. Peut-être que le choix te revient légitimement, après tout. Je le respecte. Sache néanmoins que nous serons toujours là pour toi. »  
Il ferme les paupières, sa respiration est lente, profonde. Apaisante. Mes pas se détournent, mes propos s'élèvent dans la fraîcheur d'une brise qui me transporte ailleurs. Loin de Son monde, Son délire personnel. Loin de cette famille qui n'y est pour rien.

" Je le sais. Merci, Bo'Sinn. "