Ode aux héros

Souviens-toi, humain, qu'il suffit d'une étincelle pour embraser les Ténèbres. Ainsi, si tu possèdes en toi une infime parcelle de mon héritage, rien ne pourra te briser. Tes semblables auront beau te calomnier ou te molester, ils n'atteindront jamais ce qui fait réellement ton être. Ne courbe jamais l'échine, car tu leur es infiniment supérieur.

Je t'attends depuis si longtemps, mortel qui repoussera le fléau du mal gangrenant le monde des Hommes. J'ai crié ton nom dans mes cauchemars et mes nuits sans rêves. Toi, qui viendras me libérer du fléau du déshonneur. Toi, qui guideras l'humanité vers son juste dessein.

La cellule qui se déploie sous ton regard n'est que le reflet de l'infamie qui ronge mon âme. L'épopée s'est muée en élégie, et le cor de guerre en un silence assourdissant. Les sculptures miroitant sur les rives de glace sont ma réelle pénitence, car la solitude ne m'effleure plus depuis longtemps. Elle est le lot des êtres supérieurs que nous sommes, ceux ne pouvant trahir leur devoir au profit de la facilité.
La culpabilité, en revanche, est mon ultime fardeau. Car je n'ai pu mener les mortels vers la Voie qui était la leur. Celle que tu emprunteras aujourd'hui, si tu espères pouvoir me libérer au péril de ta vie. Car la vraie gloire ne s’acquiert jamais sans sacrifices.


L'humble porte de la cellule de Nimuë est légèrement plus petite que ses sœurs. Elle est engoncée au détour d'un couloir étriqué du Temple d'Aqua, sans particularité notable. Sur son fronton, est marqué en lettres blanches : "Entre, veilleur de Lumière". Le nom de la demi-déesse siégeant en ce lieu est à demi effacé, comme s'il ne s'agissait que d'une information négligeable.
En saisissant la poignée de l'embrasure, vous serez marqués par le froid qui en émane. Vous regrettez pourtant bien vite cette sensation, car vos os seront bientôt plongés dans une étreinte glaciale digne du frimas d'Oagran.
L'enclave de givre dans laquelle vous venez de vous inviter n'offre pas d'échappatoire. Elle scintille comme le diamant le plus rutilant, sous la lumière pâle filtrant au travers des imposantes statues guerrières vous encadrant.
L'écho de vos pas grevant le marbre translucide semble se réverbérer à l'infini, tout comme vos paroles qui ne trouveront pas d'interlocuteur. Vous êtes seul, ou du moins vous en avez la conviction.
Votre regard note une large cuve remplie d'eau à votre droite, près de laquelle est déposée une tunique blanche semblant être taillée pour vous ainsi qu'un drap de bain ouaté. Le frisson hiémal parcourant votre corps ne vous invite pourtant pas à la baignade, d'autant que le liquide s’avérera à peine tiède. Le choix est votre.

HRP:

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Episode II - La Dame d’Aqua

Il m'a fallu une vingtaine de minutes pour me préparer. Vérifier le packtage, mettre le semblant de couronne sur le front, m’habiller suffisamment chaudement, et surtout quitter le plumard des yeux. J’dis pas que j’suis tombé amoureux, c’est sûrement le fait qu’elle est venue pour disparaître aussitôt en demeurant un grand mystère plus qu’autre chose, mais j’ai p’tet sentis le coussin où elle a déposé son odeur. Je sais, c’est idiot mais voila. J’l’ai fait, j’l’ai fait. Puis après le long soupir, j’suis passé à autre chose. Elle avait à faire, et moi aussi !        

En sortant, j’ai pu trouvé la satisfaction d’une brume toujours présente. Moins épaisse, mais ça suffirait pour la bonne heure de marche que j’avais à faire. Ça devrait m’éviter des mauvaises rencontres jusqu’au poste avancé de Rorn. J’ai à peine fait trois pas que Perce Cheval et Kara l’doc se sont r’pointés, habillés pour le départ. Mon regard les a déshabillés de haut en bas. Qu’est-ce qu’ils foutaient en tenue de voyage ?    





















Mon visage se tordait en reculant légèrement, comme-ci je venais d’éviter leur connerie qui tentait de me mettre une avoine en pleine tronche. J’avais beau m’dire qu’ils pourraient pas être plus stupide que la dernière fois, et bhin croyez-moi croyez-moi pas, ils arrivaient toujours à faire plus con ! Finalement c’était une bonne chose qu’elle se soit tirée avant d’entendre ça. J’rai passé pour un con bien comme il faut.







J’sais bien que j’aurai dû leur dire d’aller voir ailleurs si j’y étais, mais la conviction et l’assurance qu’ils avaient quand ils m'annoncent ça droit dans les yeux, m’a mis l’doute. Si c’était vrai, du moins qu’ils s’étaient entraînés tout simplement au point d’avoir la confiance, c’était con de pas les prendre. Faudrait pas que j’me retrouve à un contre quatre et que j’crève bêtement. J’aurai pas dû, mais j’l’ai dis..




Au bout d’un moment, j’avais arrêté de les écouter et c’est avec soulagement que je voyais les murailles de Rorn se dresser de plus en plus haut devant moi. J’les connaisais les deux, à la première taverne, j’en serai débarrassé. De c’que j’avais entendu, il y avait eu une révolte récemment. J’ai pas trop suivi l’affaire, du coup j’sais pas bien qu’elle est le statut officiel alors j’me contente de tracer mon chemin sans me montrer pour un camp ou l’autre. J’aurai le temps de me renseigner tranquillement plus tard.

En passant sur le marché, j’me rend compte que mes maigres économies ne vont pas durer bien longtemps, alors j’accompagne les deux à l’auberge la plus proche. Pendant qu’ils s’installent comme chez eux et commence à commander de quoi réduire de moitié ma bourse, je jette un oeil sur le tableau d’affichage. J’allais devoir exécuter quelques contrats pour me refaire un peu de pécule. Au moins suffisamment pour assez de vivre et payer l'ardoise que les deux couyons étaient déjà en train de créer.

Par les Quatre c’était pas de la nian-niante les quêtes dans l’coin.. Buter de la bestiole ou rechercher des ennemis publics. Y’avait bien une petite recherche de pendantif aussi mais elle était à l’autre bout de l’île. Pas une seule escorte, c’est con, ça m’aurait arrangé. Souvent il s’passe rien et ça paye bien. Contrarié, je gagne la table où ils sont et me pose avec eux. Comment j’allais trouver du pognon sans que ça m’prenne trois mois ou que j’cours à ma mort.







Je ne répondais qu’à un roulement des yeux. Combattre quatre Chimères avec une brindille. Combattre quatre n’importe quoi avec ça en fait était stupide, et j’étais le plus stupide à avoir crû en ça ne serais-ce qu’un instant. La vérité me sautait au visage, mais qu’est-ce qu’il m’avait pris.. Bien que ça aurait été amusant de les voir essayer.









D’un geste je les fis taire. Si j’les laisse continuer dans trois heures j’en suis encore à les écouter. Ceci étant, c’était pas con c’qu’il disait. Enfin si c’était très con, mais pour ce qui est d’un Subalterne, ça méritait réflexion. C’est vrai qu’avec ça les quêtes tout comme les chasses seraient plus simple. Pareil pour les trajets. Mais encore fallait-il atteindre un Temple et ensuite réussir l’épreuve sans être amoché. C’est que la plupart c’était des vrais tarés et pas sûr que ça soit une bonne chose que d’en libérer une juste pour son p’tit confort.



J’ai à peine terminé ma phrase que se retourne de la table d’à côté le Fennec. Toujours fourré là où on l'attend pas. Après quelques politesses d’usage, il finit par me lâcher qu’il peut m’emmener là-bas. Il doit justement aider un pratiquant à faire son pèlerinage jusqu’à la création d’Aqua. Et quand j’lui d’mande combien qu’ça va m’coûter au juste ce p’tit service, il m’répond simplement que si j’en sors vivant, j’lui filerai un p’tit coup de main pour une de ses commandes. Quelque chose de simple et rapide. Autant dire de compliqué et long.

Mais comme j’ai pas bien l’choix, j’accepte. Les deux autres me disent qu’ils préfèrent rester ici pour s’assurer que l’on trouve une chambre à notre retour et quelque part ça m’arrange. Alors quand le départ est donné, c’est seul que je pars, accompagné du Fennec. Je sais pas bien c’que j’vais trouver là-bas, ni même si j’vais en rev’nir. Pourtant, ma seule pensée persistante, est une certaine déception de ne pas avoir croisé L’Ombre.


Le trajet avait pris plusieurs heures. J’en avais appris pas mal sur les divinités à défaut du service en retour. Franchement, ça me mettait le doute. J’me sentais déjà pas digne d’être véritablement considéré comme un Chef de village, bien que ça soit même pas un village et que ses habitants ne sont pas les plus hauts intellectuels. Alors de là à être le Libérateur d’une divinité..

Il existait aussi ce doute la concernant. Ce monde avait vu passer nombre d’entre Eux, et une grande partie n’était que haine et méprisance. Paraîtrait même qu’ils attaqueraient jusqu’aux convoies en pleine cérémonie pour l’un des Quatre. Et si c’était l’un d’eux ? Si je n’étais pas digne d’une telle prétention ? Si je mourrai avant même d’avoir commencé à vivre ?

Ces questions qui ne trouvaient aucune fin continuent d’être listées, jusqu’à ce que se dresse face à moi toute la splendeur indescriptible de la création divine. La barque que nous avions fini par prendre se heurte à la roche sculptée sur laquelle se dresse d’immenses structures n’en formant qu’une d’où émerge luminosité et cascades infinies. La beauté est telle, qu’il m’est impossible de descendre immédiatement. Il faudra que le Fennec me presse, pour que je m’y risque.  

Une heure plus tard, alors que l’après-midi est bien entamé, je parcours le dédale silencieux d’où ne proviennent que les échos de ruissellements. Je ne sais où aller ou quand m’arrêter. Plusieurs fois je m’apprête à en ouvrir, puis y renonce. Si c’était un monstre derrière ? Si c’était un fléau de plus ? Si c’était Celui qui me condamnerait ? Les doutes m’assaillent et je me sens de moins en moins autorisé à être ici. J’étais venu sur un coup de tête. Pire, un conseil de Perce-Cheval !  

Je fini par me détourner du projet et revient en arrière. C’est stupide. Je suis personne, je vais pas juste avoir à me pointer, oui, bonjour, je voudrai une Invocation. Sérieusement je ne sais pas ce qui m’a pris. Et pourtant, j’m’arrête. Une intuition. Aucun mot. Aucun bruit. Mais je ne peux pas m’empêcher de tourner la tête vers une petite porte. Mon instinct ose un murmure. Et si je l’étais ?

Le froid me glace et j’hésite à le prendre comme un avertissement. Mais c’est plus fort que moi, je suis happé par ce qu’il y a derrière. Je dois, ouvrir cette porte. Alors c’est le sang glacé que j’entre.



Finalement après de longues secondes à attendre comme ça, j’en conclut qu’il n’y a personne. Elle a p’tet été libérée depuis le temps. Il me fallait donc rebrousser chemin mais j’étais intrigué par l’endroit. Quelque chose m’attirait. Me demandait de rester. Mon regard commençait à scruter chaque centimètre de cet antre qui me ferait ressortir avec au moins deux si ce n’est trois engelures.C’est là que je l’ai vu.

Un lac dont la pureté de l’eau pouvait rivaliser avec les écrits fait sur celui trônant dans la Forêt de Jade. Je m’y approche, mes pas attisés par cette tunique fièrement dressée. Non loin, un drap de bain. Je me retourne et scrute de nouveau, essayant d’entendre le moindre bruit. C’était ça l’épreuve ? Et si elle était déjà dehors, un petit rafraîchissement après ces heures de voyages ne serait pas une mauvaise idée.

   

Toujours pas de réponse. Ca s’rai quand même con que j’me défroque dans une Cellule divine si l'Épreuve n’a rien à y voir. Et en même temps c’est plutôt explicite. On pourrait même y voir une sorte de symbolisme. Se délaisser de son passé, se laver de ce-dernier, ressortir propre et porter une nouvelle tenue. Plus étincelante et pure. Et puis merde, si ça n’a rien à voir on m’arrêtera.

Alors j’ai enlevé mes habits. Les uns après les autres. Retiré mes armes. Cette couronne que je lâchai après une petite pause. Quelque part, j’en ressentais presque un soulagement. Terminé de devoir m’occuper de débiles, d’essayer de leur faire piger des trucs. Il n’y avait plus que moi. Un lambda. Un n’importe qui. C’est avec un simple sous-vêtement que je disparaissais sous l’eau, plongeant mon visage dès que cela me fut possible.

Elle n'était pas chaude, ce qui n’était pas étonnant, mais le bien fait que cela me fit valait la multitude de frissons qui déformaient ma peau. Avant d’en sortir, je restai quelques secondes et finissais par me sécher. Autour de moi, toujours aucun bruit. Aucune présence. En m’approchant du tissu, le doute n’était plus permis. Rien qu’au regard je le devinais bien plus à la taille de ma carrure que ce que je portais en arrivant. Alors, dans un doute de moins en moins prononcé, et une énième hésitation à m’en saisir par crainte d’offenser l’éventuel Captif encore présent, je m’en équipais.  

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Ode aux héros

Sous les paupières closes de Nimuë, la frontière entre rêve et passé s'était étiolée. Les faits se paraient d'atours trop beaux pour être sincères, et les victoires avaient le goût amer du mensonge. Le souvenir était un don cruel, car il ne permettait que de survivre et non d'envisager le futur. Chaque prétendant à l'épreuve passait sous le spectre de fantômes lui paraissant trop exemplaires. Comment un mortel aurait-il pu défier le songe d'une demi-déesse ? Peut-être était-il temps d'être réaliste.

Le claquement caractéristique de la porte de sa cellule tira Nimuë de sa méditation. Un peu hagarde, elle alla se dissimuler au pied d'une immense sculpture de givre représentant un de ses guerriers muni de Claiomh Oighear. La fille d'Aqua n'était plus sûre de se rappeler correctement de son nom. Chose cruelle que le temps qui passe, emportant dans l'oubli même le plus vertueux des hommes.
Sa petite taille avait au moins l'avantage de lui permettre de se dissimuler aisément, aussi observa-t-elle à sa guise le nouvel arrivant.
Elle grimaça quelques peu en voyant son accoutrement et en entendant son langage grossier. Certes, il lui fallait accepter d'être plus terre à terre, mais de là à partir avec un manant... Se remémorant que l'habit ne faisait pas toujours le moine, l'hermine décida de ne pas refermer immédiatement sa porte et observa Arthurus sans un bruit.
Lorsqu'il fut sortit du bain et habillé de manière plus convenable, la Dame du lac décida enfin de se révéler.



Le sort de métamorphose effleura ses membres. Ses pieds nus dansèrent sur le sol de marbre sans occasionner le moindre bruit, et elle avança vers Arthurus d'une démarche légère. Son visage au port altier était assombri par une mine sévère. Elle était pâle et sublime, sous ses longs cheveux miellés arborant les reflets d'Ignis.
Le corps mince de la demi-déesse se déployait sous une tunique blanche identique à celle revêtue par l'humain. Elle semblait aussi fragile qu'une poupée de verre, mais son aura imposante contredisait cette première approche.

Lorsqu'elle arriva à distance respectueuse de l'homme, elle plaça une main d'albâtre sur son cœur qui ne battait plus depuis longtemps, dardant ses étendues outremers sentencieuses dans le regard sombre de son interlocuteur.

"Je vous salue, mortel. Je suis Nimuë, faiseuse des Héros de l'ancien monde. Etes vous prêt à arpenter la Voie du Bien, dusse-t-elle vous coûter la vie ?"

Sa voix cristalline évoquait un vol d'étourneaux se dispersant au lever du jour, ou la lumière se reflétant sur l'eau la plus pure.
Elle pencha légèrement la tête sur le côté, comme pour mieux détailler Arthurus, attendant qu'il prononce les mots qui pourraient décider ou non de sa chute.

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Episode II - La Dame d’Aqua

Le souffle chaud tente de vaincre le froid enveloppant mes mains jointes lorsque vient pour moi le temps de la voir pour la première fois. Sa chevelure aux couleurs de braises surplombent un regard de glace s’approchant avec une détermination assurée. Son regard aurait dû me contraindre à la prudence, mais une seule pensée dominait mon esprit. Sa beauté. Envoûtante. Le Feu, la Glace et la fine Neige forgeaient avec perfection la divinité gagnant ma hauteur.          

L’écho de la mélopée de sa voix venait caresser les parois là où tout autre s’en aurait heurté. En réponse, il n’y avait que mon silence. J’étais encore submergé de l’aura se dégageant de sa silhouette, et ce n’est qu’avec lenteur, que mon esprit se faisait violence pour analyser les douces paroles. Nimuë était à l’entendre une faiseuse de héros. Une nouvelle réconfortante car cela impliquait de ne pas risquer de libérer un fléau.

En revanche, pour ce qui était de sa question, elle me fait revenir aux choses. A force de lecture je m’attendais à trouver un monstre ou un protecteur, finalement, je tombais sur une bonté mais prête à envisager dès le début mon trépas. Un peu troublé, je réfléchissais enfin à sa question. Dans l'absolu, il était difficile de ne pas dire être prêt à mourir pour le Bien. Il me fallait néanmoins nuancer. Cela n’était probablement pas la réponse attendue par la divinité, ne devant être autre qu’un “Oui” assuré, mais je préférais une honnêteté à un mensonge face au divin.      



Il est vrai qu’il y a bien une partie qui est aussi sauvage, barbare et sanguinaire que le pense le Prince mais là n’était pas le détail à voir. Ce que j'espérais faire entendre, était que le Bien et le Mal, dans son simple terme, ne se portait qu’en fonction du point de vue de chacun. Je n’étais pas prêt à rejoindre une fanatique, aussi illustre soit-elle. Je devais connaître ce dont il était question pour prendre une décision. Tous les monstres combattent pour ce qu’ils jugent être une juste cause.  


 

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Ode aux héros

Ses sourcils se froncèrent à l'entente de la réponse d'Arthurus , et son regard se voila d'une dureté adamantine. Elle ne comprenait pas les références qu'il assenait dans son discours, profondément déconnecté des préoccupations d'une demi-déesse issue de l'ancien monde. Mais cela ne lui importait que peu : il osait sous-entendre que le Bien pouvait avoir plusieurs visages, et c'était bien tout ce qui importait. Ses phalanges blanchirent sous ses poings contractés. Le silence s'insinua entre eux, mur immatériel plus solide que la pierre.

"Je mettrais cette réponse ridicule sur le compte de l'impréparation. Vous n'avez pas la moindre idée d'à qui vous vous adressez, mortel." gronda -t-elle finalement d'une voix acide.

Elle se redressa du haut de son mètre soixante-dix et toisa l'homme d'un air ulcéré. Si un regard pouvait tuer, Arthurus serait mort foudroyé.

"JE suis la Voie du Bien. Je suis la créatrice de tout ce qui peut être qualifié de bon en l'Homme. Loyauté, générosité, dévouement, courage et courtoisie, sont les uniques fondements de mes actes, et vos héros les plus braves ne sont qu'une pâle copie de mon éthique, léguée au moment de votre création".

Elle s'interrompit quelques instants pour reprendre un calme plus apparent, sa voix reprenant les tonalités douces des premiers temps.

"Je vous rejoins néanmoins sur le second point, l'homme le plus digne ne peut mourir pour une cause qu'il ne comprend."

La demi-déesse tourna les talons et se rapprocha des imposantes effigies de glace essemant son caveau. D'un doigt frêle, elle en pointa quelques unes.

"Krennos, Grand chef de guerre de l'ancien monde, Buern, qui lutta contre l'envahisseur jusqu'à son dernier souffle. Maeghir, Reine d'Arzhur... Ce ne sont que des exemples des êtres d'exception que j'ai accompagné sur le chemin de la gloire."

Sa voix prenait une teinte mystique, dans l'écho entremêlé des glaces. Le dos toujours tourné à Arthurus, elle contemplait résolument les traits figés de ses anciens compagnons.

"Je ne m'abaisserais pas à moins, pour choisir mon libérateur. Je cherche un futur héros, une personne qui luttera sans relâche contre le mal gangrénant le monde. Si tu ne t'en sens pas capable, passe ton chemin, être de poussière."

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Episode II - La Dame d’Aqua

Mon visage se fermait de plus en plus à chacune de ses paroles. Sa beauté laisse entrevoir une ombre plus sombre qu’une nuit sans lune. Une âme mauvaise, méprisante et totalement abandonnée au fanatisme. J’observe les héros de jadis. Ceux d’un autre temps, à entendre leurs exploits, il n’y avait plus pareilles batailles à mener sur nos terres. Si ce n’est entre le Nord et le Sud. Elle appellerait donc au sang, et non à la paix.  Poussant son protégé à être prêt à mourir plutôt qu’à choisir la vie. A la fin de ses dernières paroles, je ne pouvais plus me taire.          



Je savais mes paroles prompt à faire enrager la divinité. Mais peu m’importait. J’avais déjà bien assez vu notre monde être menés par de tels discours. Une guerre la rongeait maintenant et les hommes capables de la protéger étaient trop occupés à s’entretuer pour quelques mètres de terrain qui seraient perdus l’année suivante. Je ne comptais pas entrer en guerre. Pour ma part, j’opterai pour rester et améliorer, plutôt que de condamner et punir.  



Il fallait peut-être détailler, afin de faire comprendre le sens de mes propos, mais je doutais que la divinité soit en mesure d’une remise en question. Une absence de compétence, qui détermine la limite entre un défenseur du Bien et un fanatique. Tout en ayant porté mes paroles non sans une touche de déception, j’avais retiré ma tunique. Ce qu’elle exigeait n’était pas le chemin que je souhaitais entreprendre. Et tout en reprenant la mienne, je continuais avant que son courroux ne puisse m’insulter de nouveau.        



Puis vint le moment où je tenais dans ma main cette couronne faisant de moi le chef du village paumé. Cette coutume que j’avais toujours fuis. Incapable de me sentir digne de ça. Il y a même pas six mois j’étais encore un troufion de la milice à la Capitale, sans le moindre destin si ce n’est celui de laver les chiottes la semaine suivante. Mais cette échange, cette réflexion à voix haute qu’elle amenait, me fit prendre conscience d’une chose. Mon regard vint fixer le sien. Sans haine. Sans colère. Sans supériorité. Un simple regard.    



Je n’avais encore jamais rencontré pareil humain mais j’avais entendu et pas mal lu sur ceux qui ont marqué notre histoire. Probablement que beaucoup ont été romancés mais il est possible de trouver des écrits oubliés. Ceux qui parlent d’un homme, d’une femme, d’un enfant, d’un vieux. Ceux qui parlent d’un indigent qui un jour à fait le bon choix. Il n’était personne, à peine courageux. Parfois un voleur. Puis il faisait le bon choix.

 



Ma main serrait fortement la couronne d’or à chaque mot. Cette épreuve était ratée à n’en pas douté, et j’allais me prendre une rouste sévère si ce n’est peut-être même finir noyer. Mais je subirai le châtiment couronné. Car elle venait à l’instant de retrouver sa place. Je savais maintenant qui j’étais et quel était mon rôle. Si je sortais d’ici, je les aiderais à s’améliorer. Je reconstruirai cette camelote de village pour en faire un vrai village. J’allais être une simple pierre à l’édifice et cela me conviendrait. Mais jamais, jamais je ne sombrerai dans le fanatisme aveugle. Qu’il soit ordonné par le Prince, le Keizer, ou même une Enfant des Quatre. Ce qui ne fait avancer que certain, ne sera jamais la solution que je choisirai.



Qu’importe son choix, qu’importe sa sentence, j’avais appris. Appris qui j’étais. Qui je devais devenir. En mes yeux c’était allumée une flamme brûlante qu’aucun ne parviendrait désormais à éteindre si ce n’est en me transperçant la chair.        

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Ode aux héros

La tirade d'Arthurus ne tira pas un mot de la demi-déesse, ni l'esquisse d'un mouvement. Elle restait cloîtrée dans le mutisme, faisant face aux héros figés dans la glace, attendant patiemment que le flot de paroles irrévérencieuses soit interrompu.
La divine ferma ensuite les paupières, et laissa échapper un long soupir. La quiétude environnante n'était interrompue que par les larmes des stalactites s'épanchant sur le sol, dans une cadence morose. Il lui faudrait malheureusement attendre pour contempler d'autres horizons. Elle reprit la parole d'un ton placide.

"Non, vous n'avez pas écouté. Il est prétentieux de porter un jugement si tranché sur le fondement de quelques secondes de discussion."

Tournant toujours le dos a l'humain, l'enfant d'Aqua rouvrit les yeux. Son visage diaphane portait les traces d'une légère déception.

" Vous n'avez pas compris mes paroles, mais au lieu de demander a ce que l'on vous en explicite le sens, vous avez choisi d'en tirer les conclusions qui vous plaisent. Soit. J'ai été ainsi autrefois, aussi je passerais sur cet affront."

La demi-déesse songea a la couronne de l'homme, et se mit a espérer, pour le salut de ses sujets, qu'il n’était pas encore roi. Dans l'ancien monde, elle n'avait pas été si différente de lui, à croire détenir l'ultime vérité sur chacun en glissant une simple œillade. Les faits lui avaient appris qu'il s'agissait d'une piètre façon de gouverner. Le mortel n'était sans doute pas en capacité de l'entendre aujourd'hui, mais il lui fallait néanmoins prodiguer un conseil acquis dans le sang et le souffre de l'ancien monde.


"L'attention que vous portez aux faibles est tout à votre honneur, Arthurus. Mais vous jugez promptement au regard de vos propres attentes, et croyez détenir des vérités qui vous échappent. Dès lors, ce n'est pas le faible que vous protégez,  mais la vision préconçue que vous avez de lui. Cela est inoffensif tant que vous n'avez pas de pouvoir, mais pourra être porteur de chaos à l'avenir. Car, vous n'entendez que ce qui vous sied. Et cela, mon cher enfant, est la marque des tyrans."

Après une brève pause, elle se retourna enfin vers l'homme. Une ombre soucieuse planait désormais sur ses traits délicats.

"Je ne vous fais pas la leçon car cela me plaît, peu importe ce que mes frères et sœurs pourront dire à ce sujet. Je le fais, car j'ai vu de mes yeux le mal causé par des hommes tels que vous, croyant bien faire mais oubliant de se créer des bases solides avant de sombrer dans le gouffre du pouvoir. J'ai moi-même fais la terrible erreur d'aider une telle personne par le passé, et je veille à ce que cela ne se reproduise plus. Vous avez le potentiel d'être celui que je recherche, mais il vous faudra apprendre à écouter si vous souhaitez retenter mon épreuve. Au revoir, fils des Hommes."

La Dame du lac lui adressa un sourire chaleureux, bercé d'une pointe de mélancolie. Puis elle avança d'un pas gracieux vers les imposantes effigies guerrières, se préparant mentalement à passer de nouvelles longues journées sans croiser âme qui vive.

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Ode aux héros

Markus

Combien de temps s'était-il écoulé depuis le départ d'Arthurus ? Un jour ? Une année ? Dans cette cellule, les minutes s'effritaient en un murmure onirique, immensitude étriquée dans la glace. Les échos du monde extérieur semblaient à l'enfant d'Aqua à la fois trop proches et lointains, si bien qu'elle n'en distinguait plus les contours.

Pendant l'espace d'une heure, ou peut-être d'une seconde, Nimuë resta figée devant les étendues miroitantes de sa prison de givre. Cette grotte représentait à la fois le vide abyssal et la sérénité la plus extatique. L’incommensurable y toisait la finitude, tout en ne pouvant vivre sans l'infiniment petit constituant ses fondations. Une juste image de l'épreuve attendant les mortels foulant son sol.

Le gémissement de la porte de son antre prit la demi-déesse par surprise. S'était-elle donc perdue si longtemps dans ses pensées ? Son esprit entamait-il finalement sa descente dans les limbes ?
Elle s'effaça d'un pas discret sur l'abord d'une crevasse jouxtant une des immenses statues parant sa cellule, puis détailla l'humain de grande taille venant d'interrompre sa valse solitaire avec l'oubli. L'enfant d'Aqua laissa couler ses iris opalescentes sur sa stature impressionnante, pour un humain. Cela pouvait tout à la fois être sa force comme sa faiblesse, car les géants oubliaient souvent qu'un jet de la plus petite pierre pouvait les réduire à l'état de poussière.
Il était toujours poignant de les voir jeter leurs anciennes frusques sur le sol. Les mortels ignoraient sûrement pourquoi ils devaient passer par cette phase, que certains jugeraient sans doute humiliante. Là n'était pourtant pas son intention. "Roi ou mendiant, présentez-vous à moi en vérité, délesté du fardeau de votre passé": voici les termes qu'elle voulait insinuer dans leurs esprits.



Le frimas caractéristique de la métamorphose emporta son corps dans une silhouette de feu et de givre. Elle s'écarta d'un pas souple de la statue puis avança vers l'inconnu, dardant un regard résolu sur ce dernier. Son corps éthéré arborait une tunique aussi blanche que la sienne, et ses pieds nus effleuraient plus la glace qu'ils ne s'y déposaient. Nimuë ne prononça pas un mot avant d'arriver à sa hauteur, se contentant de le fixer avec une intensité glaçante.

"Je vous salue, mortel. Je suis Nimuë, Guide des Héros de l'ancien monde. Que venez vous chercher ici?"


Sa voix évoquait une brise légère annonçant l'arrivée de l'orage, douceur bordée du spectre de la puissance. Elle attendait la réponse de l'homme avait un sourire patient.

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Ode aux héros

Le visage diaphane de la semi-déesse s'était assombri à l'écoute des propos du colosse.

"On ne gagne jamais une Guerre, jeune âme. Tout au plus, peut-on ne pas la perdre."

Le silence emplit la grotte. Nimuë détailla le guerrier d'un air sincèrement peiné, puis leva doucement une main d'albâtre vers lui. D'un geste tendre, presque maternel, elle lui effleura la joue. Son toucher était rude et froid comme le marbre, mais restait néanmoins délicat.

"La Flamme que j’ai léguée à l’humanité devient mortelle en temps de combat. J’ai voulu votre race trop courageuse. J’en suis navrée." souffla l'enfant d'Aqua, d'une voix emplie de tristesse.

Son regard se fit soudainement moins tendre, alors qu'elle s'éloignait de quelques pas de l'homme brun.


"Markus, je dois vous avertir qu'à ce jour personne ne m'a semblé digne de recevoir ma bénédiction. Toutefois, si vous parvenez à me convaincre que vous pouvez être l'élu qui mettra un terme à votre Guerre, je jure de vous guider avec dévouement. Votre clan et vous même brillerez plus que quiconque de votre ère."

Elle s'interrompit pour sonder les traits du Nordien.


"Mon épreuve est à la fois la plus simple et la plus délicate qu'il soit. Simple car vous l'avez déjà affrontée. Délicate car vous ne pouvez affronter pire ennemi que vous même. Elle consiste à lutter contre votre pire cauchemar. Certains y sont devenus fous. Souhaitez-vous néanmoins tenter votre chance ?"

Codage par Libella sur Graphiorum

Ode aux héros

Les yeux clairs de l’homme papillonnèrent, découvrant la cellule qu’il n’avait au demeurant jamais quitté. À quelques pas de lui, la silhouette éthérée de Nimuë se déployait avec grâce. Ses traits restaient sévères, mais une certaine inquiétude pouvait se distinguer au creux de la givre de ses iris. L’impassible fille d’Aqua avait senti son cœur se serrer en vivant le cauchemar de Markus. Il n’était pourtant pas dans ses habitudes dans verser dans l’émotivité. Un sourire fugace plana sur le visage lactescent de l’immortelle, dans une frêle tentative de procurer un réconfort au guerrier vacillant. L'enchantement prodigué par le silence se brisa lorsqu'elle prit la parole.

« Comment vous sentez-vous ? »

Elle avait souhaité emprunter un ton doux, mais ses habitudes martiales flottaient encore sur ses lèvres et sa phrase prit des accents plus rudes qu’elle ne l’avait envisagé.  
L’enfant d’Aqua fronça le nez comme si cette effusion d’amabilité la révulsait, et elle se frotta la nuque, visiblement gênée. Elle n’attendit pas la réponse de l’homme pour poursuivre.

« J’ai admiré votre bravoure. Vous êtes un être courageux, mais meurtri. Prenez soin de votre cœur, Markus, ou vos démons viendront vous ronger plus amplement encore qu’ils ne le font aujourd’hui. »

Elle sembla vouloir ajouter quelque chose mais décida de s’abstenir. Ce souvenir n’appartenait qu’à Markus, et elle ferait de son mieux pour l’oublier. La demi-déesse chercha ses mots pendant de longues secondes. Elle souhaitait lui prodiguer quelques conseils sans l'offenser, mais ne voyait pas comment y parvenir. A court d'idée, l'enfant d'Aqua se lança sur la première approche qui avait germé en son esprit.

«Votre apparence est de roc, mais votre âme est plus fragile qu’une sylphide. Je ne peux lier mon destin à un être si brisé. Consolidez-vous, cherchez en vous la force de vous reconstruire.  Et peut-être nos chemins se recroiseront. »

Nimuë sembla vouloir vers lui, mais l'hésitation l'emporta sur la volonté. Elle resta figée, la glace de son corps se fondant avec celle du sol, attendant la sentence qui ne tarderait sans doute pas à naître de la bouche du candidat malheureux. L'enfant d'Aqua était persuadée du bien fondé de ses interventions philosophiques auprès des mortels, mais ces derniers ne l'entendaient fréquemment pas de cette oreille.

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