Festival d'Aer

Voilà bien longtemps que je n'avais posé un pied sur les Landes Nord. Une éternité, il me semble. Trop occupée à redorer notre blason et à reprendre une place au froid, j'avais amplement délaissé ces terres qui m'avaient élevée. Un sentiment de renouveau gonfle mes poumons lorsque je mets un pied à terre après cette traversée du Thétys. L'Ecarlate m'ayant fait profiter de sa Reine, je ne pouvais rêver plus rapide arrivée.

En compagnie de notre sage, Dankrad et de son premier gardien, Amalrik, j'entre dans l'enceinte de Kelder. L'annonce du Festival en l'honneur d'Aer, sous l'égide du Keiser m'avait piqué au vif. Maintenant que nous étions rétablis, l'occasion était trop belle pour ne pas retrouver les nôtres. Et quelques autres parasites. Pourtant, je sentais dans mes veines un frisson d’appréhension. Comment allaient-ils nous accueillir ? Ma tête était mise a pris depuis plusieurs mois et même si je ne craignais rien entre les murs de la ville, je ne pouvais effacer cette sensation désagréable.

N'écoutant que mon courage, je prends la tête de notre petit cortège. Nos armes nous sont confisquées et on s'assure que nous ne soyons pas accompagné d'une divinité camouflée. Une fine grimace cueille mes lèvres, j'aurais aimé que Xion soit là.

Notre présence passe inaperçue dans un premier temps, si ce n'est quelques regards à notre encontre peut-être. Les festivités ne semblent pas avoir commencé. La foule nous entraine vers la place principale où je discerne Vradora, perchée sur son estrade. Elle annonce l'ouverture du Festival et la liesse de la foule dénote avec mon impassibilité.

A nouveau cette douloureuse sensation. Je ne me sens pas à ma place, comme des années avant cela. L'ambiance me parait étrangère, lointaine et je prends amèrement conscience que je me suis éloigné trop longtemps de mes terres. Dankrad pose une main chaleureuse sur mon épaule.

❝ Nous allons profiter de cette chaleur familière, chère Lagertha. ❞
J'accueille ses propos avec un timide sourire alors que la foule se divise et investi Kelder de long en large. La journée à peine commencée, il y avait tout à faire et mon regard balaye autour de moi comme une enfant qui découvre un nouveau monde. Amalrik m'attrape par les épaules et insuffle une direction. Tout trois nous dirigeons vers un premier tonneau de bière, autour duquel déjà deux Nordiens se trouvent.

Une main dans mon dos, Amalrik attrape une choppe en bois et la plonge dans le tonneau, trinquant avec nos partenaires. Leur voix s'accordent, les choppes s'entrechoquent et ils avalent goulument leur breuvage. Je suis le mouvement et trinque avec eux. Dankrad s'abstient, n'étant pas un grand adepte de l'alcool et préfère nous observer avec tendresse.

Festival d'Aer

J'avale une large lampée de ma choppe, tournée vers Amalrik et le Tréant, avec qui je partage un cours moment d'entrain. Nous trinquons tout les trois avant qu'une imposante guerrière force sa présence face à moi. Fronçant légèrement les sourcils, je la fixe en continuant de boire mon breuvage. Mes yeux bruns glissent une secondes vers ses armes et discerne l'emblème sur son tabard. Mon regard s'intensifie quelque peu en fouillant dans mes souvenirs. Hawke je crois.

Mon sang entre en ébullition à son défi lancé sans retenue. L'écho d'un rire contenu dans ma choppe marque mon intention d'y répondre. Déliant mes lèvres au bois, je la fixe à nouveau pleinement, l'idée puérile d'une réputation à tenir dans mon esprit.


D'un sourire imperceptible, je plonge ma choppe dans le tonneau, la remplissant au maximum avant de l'en extraire et la présenter fièrement à ma concurrente désignée. Mes yeux dans les siens, nos armes s'entrechoquent avant que chacune ne vide leur contenu le plus rapidement possible. Amalrik m'encourage, de même que ses compagnons pour elle.

Le liquide coule, les déglutitions sont plus bruyantes. Ma choppe s'assèche d'une dernière lampée, à laquelle suit un râle de satisfaction. Appréciant la résultat mais surtout le concours en lui-même, un plus large sourire se dessine sur mes lèvres.

Festival d'Aer

La guerrière à la peau brune a visiblement fini avant moi. Loin d'être touché, ma fierté ne s’affaiblit pas pour autant. Ses commentaires élargissent mon sourire alors que ma mémoire me ramène à ces jeux si habituels par le passé. Une légère mélancolie teinte mon regard, que j'efface rapidement en plongeant à nouveau ma choppe.


Un léger rire s'échappe, accompagné de ceux d'Amalrik et du Tréant. Leur regard derrière moi à quelque chose d'attendris, même si je ne les discerne pas. Pour l'instant, j'avais surtout à faire à une guerrière qui, je n'en doute pas, tiens bien mieux l'alcool que moi. Sa carrure sans doute. Honnêtement, gagner ou perde m'importait peu de toutes manières.

A nouveau, nos choppes s'entrechoquent et mes gorgées se succèdent. D'un regard en coin, je note la technique de mon adversaire et essaye d'en prendre de la graine. Le rythme changeant me provoque une légère toux et me fait perdre du temps, asséchant ma choppe à nouveau après elle. Un râle s'échappe de ma gorge et un plus large sourire lui est adressé.

Festival d'Aer

Ragaillardie par les mots de mon adversaire, mais probablement aussi par la chaleur alcoolique qui rosie mes joues, j'entame ma troisième choppe avec un nouvel aplomb. A nouveau, je m'inspire de sa technique, favorisant l'amplitude à la vitesse. Ce qui semble fonctionner. Mon godet de bois se vide à une allure rarement contemplé d'aussi prêt par mes yeux. Asséchée, je la détache de mes lèvres et apprécie ma victoire dans un râle satisfait.

Avec un plaisir non contenu, je frappe ma choppe contre la sienne, résistant à un coup déstabilisant. Mon corps se secoue légèrement et un rire s'échappe. Cette femme est d'une trempe comme on en voit peu et bien que brusque, j'apprécie ses mots engageants et sa main sur mon épaule. J’acquiesce d'un bref hochement de tête.

Son prénom m'échappe. Celui de son clan un peu moins. Me remémorant son entrée en matière, j'hésite à me présenter, alors qu'elle semble savoir qui je suis. Mais peu importe, la politesse avant les doutes.


Mon ton est ferme, mais bienveillant. Je réprime un hoquet en l'observant s'éloigner avant de me tourner vers Amalrik et Dankrad. Ils ont l'air de s'amuser de la situation. Levant les yeux au ciel, je leur sert une rapide grimace avant de nous engager, à notre tour, dans les rues de Kelder.

Festival d'Aer

Prologue:

Le dernier jour du festival nous appelle. La place centrale est déjà bien remplis de spectateurs. Pour ma part, mon cœur bondit de plus en plus intensément à chaque pas de la procession qui s'avance jusqu'à nous. Mon corps palpite. Mes pieds trépignent et mon souffle est court. Je sens la main d'Amalrik se posé lourdement sur mon épaule et fait disparaître nombre de mes incertitudes. Mes paupières se ferment et je tente, dans un acte désespéré, de faire le vide. Pendant ce temps, il s'affaire à remplir la pelote de poudre inflammable. Décidément, ils avaient tout prévu.

J'ouvre à nouveau les yeux, plus apaisée, faisant face au feu et à la foule cerclée. Vêtue légèrement, troquant le métal contre l'agilité. Mes simples bottes, un pantalon serré et une tunique cintrée de mon plastron de cuir. Le tout, pour le moment, camouflé sous de l'épaisse fourrure. Étonnement, alors que l'incertitude me guette à nouveau, c'est dans le regard d'Ekajeru que j'absorbe le courage nécessaire. Sans répondre à son attention de la même manière, je lui offre pourtant un sourire entendu. Le blanc sied parfaitement à sa peau et je lui dirais en temps voulu.

Suffisamment ragaillardie pour le moment, je profite avec davantage d'assiduité. Les tambours résonnent et leur écho bourdonnent dans mes entrailles. Ils sonnent et à leur silence, une nervosité plus complexe coule dans mes veines. Il est bientôt temps alors que le ballet s'entame avec une première danse. Mon tour arrivera bientôt et le monde, autour de moi, semble s'éteindre. Mes lèvres s'entre ouvrent, une respiration ample et longue s'en échappe. Une transe que je m'accorde alors que mon âme se perds dans le brasier rougeoyant.

Soufflée par Aer, j'inspire et me secoue. Libère mon corps de l'épaisse fourrure qui le tient prisonnier et la laisse tomber sur le sol. Je dévoile alors la corde, dont la naissance enroule mon poignet et la pelote que je tiens en main. De quelques pas, je m'avance vers le foyer, où je la plonge pendant qu'Amalrik entame sa mélodie.


Une fois enflammée, je l'attire à moi et reste impassible quelques secondes, avant d'entamer ma danse. Mon corps pivote, accompagne la corde nimbée de flamme. A l'image d'Ignis balayé par Aer, sont feu tournoie dans le vent. Je l'envoie au loin, le rapproche et le fait virevolter. Mes mouvements ne font que l'accompagner, humblement, sans fioriture. Ils ont l'allure martiale d'un combat contre le vide. Ou s'évertuant à guider Ignis vers la sortie. La corde mord ma peau ou mon cou, n'est que la continuité de mon bras et de mon corps. Le feu me nargue et tournoie sans cesse autour de moi. Je sens mon cœur battre à l'unisson avec le tambour d'Amalrik et de son chant. Il embrume mon esprit et le guide jusqu'à sa transe.


Les secondes s'écoulent, se transforment en minutes. Quelques unes, à peine. Amalrik frappe le dernier son et mon dernier pas. Sans que je ne parvienne à la retenir, une larme s'échappe et glisse sur ma joue. Elle est silencieuse, mais je sais d'où elle provient. Je relève la tête, fais une seconde face à Amalrik et revient vers lui pour laisser place à la prochaine danse. A ses pieds trône un seau d'eau dans lequel je plonge l'extrémité de la corde, qui fait silence dans un crépitement.

Amalrik soulève mon menton, recueille la larme sur ma joue et plonge son regard dans le mien. Le respect est au silence, mais sa voix me berce et me ramène avec douceur à la surface, comme si je l'entendais réellement. Non loin, le Tréant m'accorde un regard tout aussi accommodant et le croisant, nous hochons la tête respectueusement. J'attrape la cape de fourrure au sol, m'enveloppe et me tourne finalement face au brasier, autour duquel d'autres danseurs s'affairent. Bientôt ce serait le tour d'Ekajeru, et j'avais hâte de la voir. Ma tête et mon regard pivote vers elle et un court hochement de tête l'encourage à se dépasser. Ou à faire mieux, selon son interprétation.