Depuis combien de temps était-elle encore une fois enfermée là ? Elle ne se souvenait plus vraiment, plusieurs années, une trentaine ? Peut-être. Cela datait de son premier maître mais elle ne se souvient plus de son nom non plus, il était mauvais et avait reçu la « punition éternelle ». Elle ne l'aimait pas et avait presque été contente de retourner à « son châtiment éternel » à elle. Mais cela faisait longtemps maintenant et elle n'avait plus trop de quoi se réjouir. Bon en vérité, voir certains animaux passant près de sa fenêtre la réjouissait quelque peu. Cela lui arrivait souvent de s'y tracter -celle-ci étant à deux mètres de hauteur- grâce aux barreaux afin de regarder le paysage non loin d'elle :

« Mon beau soleil... Tu es encore là hein, tu ne m'abandonnes pas vraiment, j'en suis sûre ! En plus tu illumines tout le désert, tout ce sable renvois ta jolie lumière et c'est comme si tu étais partout à la fois... Je vois flou mais ça a vraiment l'air magn- Oh, une carmina ! Bonjour madame la carmina ! Tu viens me faire un coucou ? Comme c'est gentil de ta part madame la carmina ! Q-quoi ? Mais que fais-tu madame carmina ? Attention ! Laisse monsieur impa tranquille voyons ! Non ne t'approche pas plus ! Je te suurrveille ! Si tu es mauvaise je te pourchasserai et te tuerai quand je serais libérée ! Ouuuh la vilaine ! »

Se tenant à une main, elle ponctua ses dernières paroles par quelques gestes de l'index censés faire peur au monstre en question.

À d'autres moments, elle inspectait toute sa cellule au toucher comme si elle allait se modifier avec le temps. Mais non, elle était toujours un grand rectangle d'à peu près trente mètre de long pour deux mètres de large, les pierres dont elle était bâtie -à l'intérieur comme à l'extérieur- était toujours rugueuses et d'un blanc qui ne se ternissait pas. Du moins elle le supposait, car même si elle les avait déjà vues en sortant lors de sa première libération, elle ne les voyait pas à présent, sa geôle étant totalement plongée dans les ténèbres, une punition des plus sadiques pour une invocation de lumière. Autre détail sadique, la porte de sa prison -située au deuxième étage presque au fond d'un couloir du temple du feu-, donnant sur un des côtés en largeur, était éblouissante -aveuglante- vu de l'extérieur.

Et les ténèbres qui étaient bien sûr de nature magique engloutissaient toute lumière entrant dans la pièce : elle voyait toute la luminosité du désert via sa fenêtre mais aucun rayon ne la perçait, aucune lumière ne rentrait et cela lui donnait presque l'impression qu'elle était fausse ; si l'on emmenait une source de lumière -comme une bougie- dans sa cellule, elle apparaissait comme un point lumineux mais n'éclairait rien. Il n'y avait que la chaleur -ou la fraîcheur de la nuit- qui s'échappait de sa fenêtre mais c'était aussi le cas dans tout le temple. Bah... C'était toujours ça de prit !

Elle passait aussi son temps à réfléchir pour étoffer son -ses ?- épreuve, son dernier maître ayant réussi l'ancienne trop facilement à son goût. Parfaire ses questions, ses « pièges », c'était finalement le plus important pour l'instant ! Elle espérait grâce à cela choisir cette fois un maître qui lui conviendra réellement. Quelqu'un de Bon. Elle essayait d'ailleurs parfois d'apercevoir un possible futur invocateur depuis sa fenêtre mais la magie du temple le lui interdisait, elle ne le savait pas donc elle se demandait souvent si de nos jours, les fils et filles d'Ignis n'étaient pas boudés...

Actuellement, elle se réveillait, assise près du coin à droite du fond de sa cellule, d'une de ses phases de profond sommeil qui lui parut durer une éternité. En ouvrant les yeux, elle se demanda comme à chaque fois si elle dormait encore vu qu'il n'y avait aucune différence de luminosité ouverts ou fermés. Elle était loin de la porte, mais c'est à cet endroit qu'elle préférait dormir, sa cape et son masque humains traînant non loin et la haute fenêtre en face d'elle. Elle pensait avoir entendu un bruit, était-ce ce qui l'avait réveillée ou bien était-ce dans son rêve ? Pourtant, un petit dulcius tout mignon ne fait pas ce bruit-là d'habitude...

Après quelques secondes d'attente où elle pensa vraiment avoir rêvé, elle entendit le bruit à nouveau. Ce n'était définitivement pas le petit dulcius tout mignon, en plus vu sa taille et son poids, elle ne l'aurait sûrement pas entendu...

Le son était lent et régulier, s'arrêtant par moment, elle n'arrivait pas à le définir, sa perception extrasensorielle n'existant pas dans le temple. Minarîa s'approcha doucement de la porte d'entrée, s'arrêtant à peu près à mi-distance, pour essayer d'écouter plus clairement. Elle se concentra intensément : elle ne pouvait pas compter sur ses sens ? Elle compterait sur sa déduction ! Elle gardait les yeux fermés comme si cela pouvait l'aider.

Qu'est-ce ça pouvait être ? Tap tap tap pause tap tap tap pause. Un congénère voisin qui essayait d'envoyer un message codé ? Non, ce serait bien la première fois... Elle se reconcentra, ça se rapprochait. Était-ce ? Des bruits de pas ? Elle n'osait plus vraiment y croire, cela faisait si longtemps... Mais elle ne devait pas trop s'en réjouir, elle n'était sûrement pas la seule enfermée à cet étage. Elle soupira légèrement bruyamment afin d'exprimer sa tristesse et sa frustration.

Elle se rapprocha un peu plus près de la porte et manqua de sursauter quand elle l'entendit. Ce fut un chuchotement qu'elle comprit à peine. Elle savait que sa perception n'était pas d'actualité mais là, elle se demandait vraiment si la porte n'insonorisait pas un peu non plus ! Elle se colla dessus pour mieux entendre, c'était une voix masculine, s'adressait-il réellement à elle ? Il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir...

« Qu-qui êtes-vous ? Vous tenez-vous bien derrière « ma » porte ? »

Simon... Oh ! Il allait entrer, il allait entrer, il allait entreeer ! Elle se décolla de la porte et attendit, immobile, une certaine excitation mêlée d'angoisse s'emparant d'elle.

Elle inclina légèrement la tête sur le côté, quelque peu surprise. Elle ne se souvenait pas que cette porte fût si dure à ouvrir au temps de son précédent maître... La magie du temple ? Elle l'aurait bien aidé mais n'avait pas le pouvoir de le faire, seul un humain envisageant de la libérer pouvait l'ouvrir.

Trompé ? Comment-. Il était là ! Tout s'était passé si vite, plongée dans ses réflexions, elle n'eut pas le temps de l'apercevoir dans la lumière de la porte. Il l'appelait.

« J-je suis là. »

Elle voulut lui expliquer pourquoi il ne voyait rien lorsqu'ils entrèrent en collision. Il n'était pas très grand, se tête lui arrivant à peine au-dessus de la poitrine ; ses cheveux étaient soyeux et il était torse-nu, elle sentait ses muscles saillants contre elle. Muscles présents également sur ses bras, couverts de... Bandes ?

Elle prit conscience qu'ils étaient l'un contre l'autre, fait qui ne la dérangerait pas vraiment si  ses mains n'avaient pas glissés du haut de sa tête jusqu'à ses avant-bras sans qu'elle ne s'en aperçoive. Elle avait peur de sa réaction mais aussi de l'avoir griffé. Elle s'écarta de lui avant de retourner en courant au fond de sa cellule, ses sabots claquant sur la pierre.

« C'est n-normal, être ici sans lumière fait partie de ma... Punition. »

Il avait l'air scandalisé par sa « punition », elle en était vraiment surprise, agréablement. Il avait l'air... différent, de quoi ? Elle ne le savait pas encore vraiment. Elle lui répondit presque en chuchotant, parlant autant pour lui que pour elle-même.

« Disons que l'explication a été d-donnée mais que la faute est impardonnable alors la fessée est interminable. »

Elle l'entendait s'approcher doucement -en faisant des bruits un peu bizarres-, et se demanda s'il comptait venir jusqu'à elle et ce qu'il ferait si c'était le cas. Elle voulut aussi lui expliquer le lien qu'elle avait avec la lumière quand il se remit à parler.

Il aurait vraiment voulu qu'elle reste près de lui ? Il ne semblait pas au courant de devoir passer une épreuve, bien que la sienne fût effectivement en partie basée sur une « discussion ». Il pensait qu'elle avait peur ? C'était gentil et attentionné... C'était un homme bon, elle le savait à présent. Une part de son épreuve ne servait plus vraiment mais cela ne faisait rien, elle était contente. Mais  peut-être prenait-il sa timidité, ses bégaiements comme une faiblesse, d'ailleurs peut-être pensait-il que c'était pour ça qu'elle s'était éloignée.

Il ne bougeait plus. Elle était déterminée à lui montrer qui elle pouvait être au moins jusqu'à ce qu'elle sorte de sa geôle, si elle en sortait. Elle voulait le mériter et être celle pour qui on méritait de venir dans ce temple et d'endurer la chaleur du désert. Elle se concentra afin de parler « normalement ». Il n'était pas son maître, pas encore mais il voulait « l'emmener », il était même passé au tutoiement. Elle pouvait y arriver.

« Tu ne me fais pas peur. Je... suis partie car j'avais peur d'avoir dépassé des « limites », et de t'avoir griffé. Je ne peux pas encore sortir, tu... vas devoir passer une épreuve, mon épreuve, si tu désires me libérer. Mais rien... ne nous empêche de discuter non plus si tu le souhaites. Et ça ne me dérange pas que tu t'approches. »

Elle essayait de parler de façon posée et aimable à la fois, un léger sourire sur ses lèvres. Elle commença aussi à se mouvoir et avancer lentement vers lui pour accompagner ses dernières paroles.

Elle l'entendit recommencer à s'approcher alors qu'elle continuait à marcher. Elle sentit soudainement quelque chose s'accrocher à sa jambe au bout d'une minute. Était-ce lui ? Bien sûr que c'était lui, personne d'autre n'était rentré dans sa cellule. Que faisait-il ? Il s'accrocha plus fort encore, que voulait-il faire ?

« Ah ! Ça... Chatouille... » Murmura-t-elle.

Il s'était mis debout en s'agrippant le long de son corps. Ils étaient tout proches l'un de l'autre, elle pouvait sentir son souffle sur elle. Il avait peur de lui faire mal cette fois. Toujours si attentionné, alors qu'aux yeux de certains humains, elle savait qu'elle n'était qu'une... Invocation, une esclave. C'était peut-être en cela qu'elle le trouvait différent, mais elle n'en était pas encore sûre. Il serrait fort mais elle était encore assez résistante pour supporter ça facilement, elle voulut le rassurer.

« Oui, vas-y... Ah, non ! Hi hi ! C'est mon c... mon cou. » Lui répondit-elle avant de chercher sa main, en effleurant sa joue puis son bras. « Je suis bien vers ta main ? J'ai peur de la prendre trop fort... »

Son cœur se remplissait peu à peu de joie, il voulait qu'ils soient liés ! Il était impatient de commencer ! Son sourire ne la quittait pas. Elle s'empara finalement de ce qui se trouvait être bel et bien sa main mais lui laissa le choix de la pression, ayant toujours peur de le griffer avec ses doigts crochus. Il voulait savoir de quoi en retournait son épreuve.

« Non ne t'inquiète pas, c'est... impossible. Je vais simplement commencer par te poser quelques questions si ça... ne te dérange pas. »

Elle respira un grand coup, et sélectionna mentalement les questions qu'elle voulait lui poser, profitant dès à présent de la douce chaleur de sa main dans la sienne. Elle l'aurait même menée à son nez pour la sentir si elle était sûre que ça n'allait pas le gêner. Elle débuta par trois questions sans compter la dernière qui n'en était pas une.

« > Pourquoi as-tu besoin d'une... Créature comme moi et pourquoi moi ? Plus que les autres.
> Si tu devais prendre quelqu'un sous ton aile, n'importe quoi, pour en faire ton disciple, que prendrais-tu et... pourquoi ?
> De quelle couleur est le soleil à tes yeux ?
> Et enfin, tu as droit à une question sur moi, n'importe laquelle. Tu pourras tout... me demander plus tard si tu réussis bien sûr. » Énuméra-t-elle en levant l'un après l'autre quatre doigts de sa main libre.

Et elle espérait vraiment qu'il réussirait, ce n'était que la première partie de son épreuve, mais ça représentait déjà beaucoup pour elle.

Minarîa le laissa parler à son rythme et ne lui coupa pas la parole une seule fois, il trouvait ses questions bizarres, ça la fit sourire, elle pouvait comprendre, bien qu'elles étaient importantes à ses yeux.

Sauver le monde du mal qui le ronge... Aussi bonne que forte, capable d'amener la lumière qui percera dans les ténèbres... Il en était de plus en plus convaincu depuis qu'ils se parlaient. Elle était vraiment émue, éradiquer tout le mauvais de l'île -et plus encore- étant son propre but, lisait-il dans ses pensées ? Elle faisait tout pour être bonne, mais serait-elle assez forte pour lui ? Cela faisait à peine quelques minutes qu'ils se connaissaient et elle se demandait déjà si cet humain n'était pas fait pour elle. Certes, il la voyait comme une... invocation mais ce mot n'était pas aussi malsain et cruel dans sa bouche et c'était bel et bien ce qu'elle était à présent. Et la lumière, cela faisait si longtemps qu'elle ne s'en était pas imprégnée, elle lui manquait tellement... Elle faisait pour autant toujours partie d'elle, même si elle en était actuellement dépourvue mais ça au moins, il pouvait en être sûr et elle essaierait de tout son cœur de percer les ténèbres si elle sortait !

Il l'avait l'air en pleine réflexion, elle ne voulait pas l'interrompre, elle attendit patiemment. Et impatiemment dans le même temps.

Il la prenait sous son aile ou elle le prenait sous la sienne.
Elle devint interdite, surprise par sa réponse. Il était prêt à la voir comme un « guide » ? Se pensait-il vraiment d'égal à égal vis à vis d'elle ? Voulait-il dire qu'il souhaitait apprendre d'elle et qu'elle apprenne de lui ? Elle rêvait depuis son premier invocateur d'un maître où l'échange se ferait des deux côtés. C'était vraiment quelqu'un de bien, était-ce lui qu'elle « attendait » ? Elle exultait intérieurement et se retint de sautiller de joie quand il enchaîna sur sa dernière question.

Il est d'un jaune brillant et éclatant et presque blanc.
Elle pouvait accepter le jaune, c'était l'une des couleurs qu'elle attendait quand elle élabora cette question. Il était pourtant encore plus proche de la vérité en ajoutant ces petits détails en plus. Le soleil, Son soleil est brillant et éclatant sans aucun doute mais surtout, il est blanc. À ce stade, si elle ne se retenait pas, elle prendrait Simon dans ses bras, le soulèverait du sol pour qu'il soit vraiment à sa hauteur, le serrerait contre elle et frotterait sa joue contre la sienne. Ah ! Il allait lui poser la question !

Ce qu'il voulait savoir par-dessus tout, c'était si ses réponses lui convenaient ? Désirait-il lui plaire tant que ça ? Une larme coula le long de sa joue alors qu'elle retint un reniflement peu flatteur.

« Tes réponses me conviennent. Elles me conviennent tellement que je ne sais pas si je vais te faire passer la deuxième partie de mon épreuve. » Lui répondit-elle en oubliant sa timidité.

Elle leva sa main libre à la recherche de sa joue afin de la caresser avec tendresse du dos de ses doigts pendant qu'elle parlait. Elle n'était cependant pas tout à fait sûre quant à ne pas lui présenter la suite de son épreuve, souhaitant rester juste envers d'autres maîtres potentiels. Même si elle le savait à présent, c'était lui qu'elle voulait, qu'elle choisissait. Ne serait-ce pas une perte de temps de la faire malgré tout ? N'était-ce pas mieux qu'ils soient ensemble le plus rapidement possible ? Elle ne savait plus quoi faire ! Elle choisit de lui confier plus amplement ses doutes, en espérant que cela ne lui donnerait pas une mauvaise image d'elle.

« Qu'en... Penses-tu ? Voudrais-tu tout de même tenter ce que j'avais prévu à la base ? Tout en sachant que si tu ne la réussis pas tu ne pourras pas me libérer ? »

Il voulait le faire en connaissance de cause. Il voulait le faire pour elle et pour lui et montrer qu'il était assez pur pour le faire ! Il voulait la mériter ! Une bouffée de fierté s'empara d'elle, oui elle était déjà fière de ce jeune homme, fière de son choix, fière d'en être arrivée là. Des étoiles dans les yeux, elle prit la parole en retenant encore des larmes de joie ainsi que quelques tremolos dans sa voix.

« C'est... Très courageux... J'espère que mon cœur et mon âme t'aideront autant que tu le souhaites, je ferais de mon mieux, même si tu devras rester seul pour cette partie de l'épreuve. Elle sera un peu plus... Physique. Si tu es prêt, je vais commencer, je t'expliquerai mieux quand tu y seras, ferme... Les yeux s'il te plaît. »

Elle attendit quelques secondes le temps de lui laisser réfléchir une dernière fois et d'être sûre que ses yeux étaient fermés -du moins s'il lui faisait assez confiance pour la suivre- et en fit de même, elle verrait à sa réaction s'il l'avait écouté. Elle puisa dans la magie des lieux dont elle avait droit et matérialisa la deuxième partie de son épreuve après les avoir téléportés chacun à deux endroits différents.

La pièce était dans une constante pénombre, elle le savait car c'était comme ça qu'elle l'avait imaginée mais ne pouvait toujours pas le voir car si elle se sentait aveugle dans l'obscurité de sa geôle, elle l'était réellement à cet instant. Un labyrinthe circulaire se dressa devant lui, parsemé d'obstacles, de choix à faire et de créatures à sauver. Ses couloirs mesuraient deux mètres de largeur, irréguliers comme son sol, parsemé de pierres plates et translucides. Ses murs ressemblaient simplement aux murs de la cellule de Minarîa, dont certains jonchés de verdure comme si la nature reprenait son droit.

« Tu peux ouvrir les yeux. Bienvenue dans mon labyrinthe, Simon. Tu vas devoir le traverser à la recherche d'une ''chose'' que tu convoites et tu pourras utiliser tout ce que se trouvera autour de toi pour t'aider. Je te parle actuellement par la pensée, cela est possible ici, tu peux me répondre en pensant à moi si tu le... Désires. Tu ne peux plus revenir en arrière à présent, je te souhaite bonne chance. »

Elle le souhaitait du fond du cœur, elle pouvait d'ailleurs suivre son avancée dans sa tête, malgré sa cécité, elle le voyait comme un petit bonhomme ressemblant à une fine poupée sur un plan en trois dimensions. Elle en avait le droit, elle avait conçu son épreuve pour que cela soit possible.

Le premier chemin se constituait simplement en un long couloir arrondi menant au bout de quelques minutes à une intersection. Droite ou gauche ? Un œil avisé pouvait remarquer quelques dalles parsemées de rouge orangé habilement dissimulées sur le côté droit du couloir précédent, toutes rassemblées formant un soleil dont les ''branches'' pointaient aussi vers ce même sens. C'était la première indication à trouver, elle ne comptait pas le laisser totalement démuni et ne voulait pas d'un labyrinthe classique.

Il avançait à un rythme régulier, du moins ne le trouvait-elle ni trop lent ni trop rapide. D'ailleurs s'il était lent, elle penserait qu'il avance sûrement sans vouloir prendre aucun risque et cela serait tout à son honneur ; s'il était rapide, elle penserait qu'il est très à l'aise et porterait un nouveau regard admiratif sur lui. Dans les deux cas pourtant, elle serait un petit peu plus inquiète que dans le cas présent.

Elle reporta son attention sur l'avancée du jeune homme, il venait de tourner à droite ! Était-ce son incroyable instinct qui l'avait poussé dans cette direction ? Ou bien sa fabuleuse déduction ? Avait-il remarqué le soleil de feu ? Il était sur la bonne voie, c'était ce qu'il lui importait vraiment au final !

Elle sentit alors un léger chatouillement dans sa tête, il lui parlait ! Il voulait vraiment rester avec elle, même pendant qu'il était seul ! Oooh ! Elle exultait intérieurement mais s'incita au calme pour mieux lui répondre. Il voulait savoir son nom... Elle lui aurait bien sûr révélé après être sortie de sa prison, mais rien ne l'empêchait de le lui dire maintenant s'il avait besoin de le savoir. En réalité, elle s'en faisait plutôt une joie et puis, elle connaissait déjà le sien donc ce n'était que le juste retour des choses.

Elle inspira un grand coup avant de lui répondre puis s'arrêta avant même d'avoir commencé. Un mur se hissa subitement à quelques millimètres de lui, prenant un mètre de la largueur du couloir. Oui, il y avait des pièges, des pièges destinés à devenir des obstacles pour entraver légèrement son ascension, mais en aucun cas pour tuer ou blesser. Certes ils pouvaient tout de même blesser pour certains, comme des dommages collatéraux mais ce n'est pas en tant que tel qu'elle les avait imaginés à la base.

« J'imagine que cela répond à ta question ? Il serait peut-être préférable que tu te concentres un petit peu, oui... » Lui conseilla-t-elle, réellement inquiète pour lui. « Tout va bien ? Tu ne t'es pas fait mal ? »

Elle attendit sa réponse pour être sûre qu'il était toujours ''là'' avant de reprendre la parole afin de lui révéler son nom. Elle pouvait voir où il se trouvait sur son ''plan'' mais pas s'il était aplati contre le plafond.

Pour ce qui est du labyrinthe, il suffisait de contourner le nouveau mur pour continuer d'avancer. Une autre intersection avec un autre choix de direction à faire se tenait derrière, plus précisément, deux fossés se tenaient là. L'un des deux disposait d'une corde suspendue au plafond permettant de le traverser, l'autre était simplement entièrement entouré d'une lumière aveuglante d'où l'on ne pouvait voir si quoi que ce soit pouvait aider à passer ni même s'il était juste impossible de le faire.

Elle se détendit quelque peu, il avait évité le mur, mais le ton de sa voix la préoccupa légèrement. Il n'était pas comme d'habitude, était-ce parce qu'il était à présent sur ses gardes ? Elle espérait qu'il ne lui en voulait pas pour ce piège ni ne lui en voudrait s'il tombait sur les prochains. Ah ! Il lui redemanda son nom, c'est vrai qu'elle n'a pas eu le temps de lui le dire juste avant...

« Non non non non ! Ça ne me dérange pas du tout, je t'assure ! Je ne sais pas si cela t'aidera vraiment mais, je me nomme... Minarîa. »

Elle se tût alors qu'il reprenait son cheminement, ne voulant pas le déconcentrer, mais continuerait à lui répondre s'il lui adressait de nouveau la parole. Elle s'aperçut de son allure un peu plus lente depuis le précédent mur et se demanda s'il ne s'était pas blessé. Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir bien longtemps qu'il était déjà devant le fossé lumineux ! ? N'avait-il pas hésité une seule seconde avant de s'y diriger ?

Minarîa ne se posa pas plus de question avant de se téléporter de l'autre côté du gouffre. Elle l'attrapa au moment où il ne sentit plus le sol sous ses pieds, suite à quoi elle le hissa jusqu'à elle, sur la terre ferme. Contrairement aux apparences, le choix qu'il a fait était bien le bon et elle avait tout à fait prévu d'agir comme ça si son ''futur maître'' prenait cette voie. Malgré cela, elle avait été légèrement surprise par... Sa façon de faire. Était-il totalement inconscient du danger ? Ou bien était-il totalement confiant ? Et si c'était le cas, en quoi avait-il confiance ?

Elle reprit ses esprits avant que tout ne tourbillonne encore plus dans sa tête. Prenant conscience qu'elle tenait encore Simon contre elle, elle le poussa gentiment hors de la lumière après l'avoir lâché. Profitant du fait qu'elle se tenait tout près de lui, elle lui parla de vive voix.

« Va... Comme tu t'en doutes, ce n'est pas encore... fini. Je ne suis pas loin. »

Elle retourna à sa place initiale quand le bruit de ses pas s'estompa puis revisualisa son plan des lieux. Simon se trouverait bientôt devant une volée de marches scintillantes, les pierres translucides au sol réfléchissaient la lumière du fossé derrière lui, formant une myriade de petits points lumineux sur les murs. Elle trouvait tout ceci magnifique, oh oui !

Les reflets s'arrêtaient au bout de l'escalier, là où des racines montantes prenaient place sur ce qui semblait être un cul-de-sac ? La végétation était si dense que l'on ne pouvait plus apercevoir ce qui se tenait derrière, pourtant elle était terne et pâle comme si elle manquait de soleil, de lumière. Surtout, elle se mouvait très légèrement, à la manière d'un être vivant.

Sa joyeuse exclamation après avoir posé les pieds au sol la surprit réellement et lui fit plaisir en même temps. Que trouvait-il de si génial ? Le fait qu'elle l'ait ''sauvé'' ? Son nom ? Le fossé lumineux peut-être ? Dans tous les cas il semblait heureux en effectuant son épreuve et cela provoqua en elle des étoiles au milieu de ses grands yeux ronds ainsi qu'un large sourire qui en effraieraient beaucoup.

Après que Simon soit arrivé devant elles et ait déposé quelques pierres translucides à leur base, les racines bougèrent un peu plus au contact des reflets lumineux ; comme si, vivifiées, elles voulaient écarter leurs bras et leurs jambes afin de laisser passer leur cher et tendre. Cela permettait d'apercevoir quelque peu une ouverture derrière, sans pour autant distinguer encore un vrai passage, car ce n'était pas assez. Ce n'était pas assez pour qu'un humain puisse s'y faufiler, pas assez de lumière pour leur permettre de récupérer assez de force et de s'épanouir totalement.

La demande et idée de son possible futur libérateur étonna Minarîa. Ce n'était vraiment pas ce qu'elle avait prévu, mais il ne souhaitait pas faire de mal à la nature, ce qui la rassurait ; et puis il avait pris le temps de lui en parler avant de s'exécuter. C'était un bon point pour lui ! Elle cherchait un moyen de le mettre sur la bonne voie sans pour autant lui dire exactement ce qu'il devait faire, car il fallait qu'il trouve par lui-même s'il voulait réussir l'épreuve, c'était pour ça qu'il était là après tout, oui oui.

« Les bouturer ? Ce n'est pas une... Mauvaise idée. Je suis désolée, je ne vais pas pouvoir te fournir de... pelle ni de charrette ; si tu souhaites vraiment faire ça, tu devras te débrouiller tout seul... Mais pour que tu sois au courant, toutes les plantes que tu vois ne prennent pas racine au même endroit, donc... Ça risque d'être très long. Réfléchis-y bien et n'oublie pas de regarder autour de toi, d'accord ? »

Le ton de sa voix se fit légèrement mitigé puis doux, mais elle ne pensait pas avoir réussi à lui indiquer le bon chemin et s'en voulait. Qu'allait-il faire à présent ? Compterait-il toujours passer plusieurs heures à bouturer ces plantes pour les replanter après ? Et quand après ? Elle ne savait pas encore quoi en penser s'il le faisait...

S'il résolvait tout de même cette énigme en illuminant suffisamment la végétation grimpante -ou d'une autre façon- et passait de l'autre côté, Simon se retrouverait cette fois au bout de quelques mètres devant un embranchement de trois intersections. Un jeune Chien d'Ignis couché contre l'un des murs non loin, était blessé aux côtes -un peu de sang s'y trouvait- mais pouvait survivre si quelqu'un lui administrait les premiers soins. Il fuirait pourtant un peu plus loin en prenant le passage du milieu si cette même personne se risquait à s'approcher de lui.

Minarîa patientait calmement quand Simon se mit à bouger et entreprit de faire plusieurs allers-retours entre l'escalier et les plantes. Avait-il comprit comme elle l'espérait ? Son message pour le mettre sur la bonne voie l'avait-il aidé ? Oh ! Comme ce serait merveilleux ! Il résolu l'énigme quelques minutes plus tard avec humilité... Il semblait ne pas y croire, ce qui la fit sourire en se retenant de l'applaudir.

Il s'adressa à elle devant les trois intersections : il avait déjà vu l'animal et avait l'air d'être sur le bon chemin en ayant remarqué son sang malgré le fait qu'il soit trop méfiant. Ce qui était en partie de sa faute, elle le savait, mais elle avait créé son labyrinthe comme cela, il fallait maintenant qu'elle l'assume... Et puis au moins il était sur ses gardes, et ça, ce n'était pas mal !

« Il... n'y aura aucun monstre ni guerrier totalement armé prêt à te recevoir dans mon labyrinthe, Simon. Certes tu sais déjà qu'il y a des pièges, tous du même... acabit que celui que tu as déjà vu d'ailleurs. Je ne sais pas si cela peut te rassurer, mais ce Chien d'Ignis n'est pas encore adulte et est encore très... téméraire. »

Le chien le regardait d'ailleurs s'approcher jusqu'à ce qu'il comprenne que le jeune homme venait à lui. Il se leva alors, d'une façon à la fois vive à la relève et douce pour se stabiliser dans une position apte à se mouvoir. Il avait mal mais sa douleur était encore supportable et il était trop fier pour boiter ou autre devant un aventurier... Il se mit donc à trottiner progressivement à rapidité moyenne pour lui mais forçant tout de même un humain à passer au pas de course. Il ménageait pourtant bien son côté gauche en évitant de trop s'y appuyer avec ses pattes ; sa blessure n'était pas encore trop sérieuse mais des perles de sang s'en échappaient de façon irrégulière grâce à ses lapements, en tombant sur le sol.

La salle où ils se trouvaient était grande et de chaque côté du chemin d'où Simon était arrivé, se trouvaient deux colonnes composées des mêmes pierres que les murs -difficilement discernables au premier coup d'œil dans la pénombre-, mesurant à peu près un mètre de diamètre. Le Chien d'Ignis s'en servit en tournant deux trois fois autour pour le semer, contournant grandement un trou pas très grand au sol vers un des coins de la pièce, ce qui le ralentit. Ce trou ressemblait à un rectangle légèrement arrondit dont les côtés étaient devenus piquants à cause de la brisure de la pierre, certains de ceux-ci étant colorés de sang, sang qui continuait quelque peu hors du trou jusqu'à l'endroit initial du chien. Quand celui-ci fut satisfait de son manège, il prit enfin l'intersection centrale avant de se coucher sur son côté sain, huit mètres plus loin contre le mur de droite, haletant, essoufflé, épuisé et sa blessure sanguinolente. Ne sachant quoi faire, il commença à se mordiller tout autour par instinct.

Il l'avait remercié, mais pour quelle raison ? Parce qu'il était content de voir un Chien d'Ignis ? Parce que rien de vraiment dangereux l'attendait ? Et puis, était-ce la première fois qu'il voyait ce genre de monstre ? Ou alors un chiot de ce genre ? Ou autre chose ? Minarîa réfléchit encore un peu à quelle pouvait être la raison -les ?- de ses remerciements avant de se raisonner et de penser qu'elle allait juste les accepter avec plaisir.

« De... Rien. »

Bon dit comme ça, ce n'avait pas l'air de lui faire vraiment plaisir mais elle s'améliorerait ! Pendant ce temps, Simon se tenait déjà devant le Chien, et n'avait pas l'air se s'être laissé abuser par son manège, attendant simplement que celui-ci prenne une intersection ; c'était perspicace. Il recommença à s'approcher petit à petit, quand un grognement s'échappa de la gueule du monstre, cependant sans montrer les dents.

Le chien cessa de se mordiller ; certes, il ne comprenait pas le langage humain mais il restait observateur, et voir le jeune homme poser la main sur son arme le mit légèrement sur la défensive. Lorsque son autre main arriva à son niveau, il la mordit vers la paume, il n'avait pas encore assez confiance mais ce n'était qu'un avertissement, ses dents se plantèrent un peu dans sa peau puis il le lâcha. Il n'avait pas eu l'intention de lui arracher le bras non plus.

La douleur commençait lui faire faire des petits mouvements saccadés, il posa sa tête devant lui pour se reposer, toujours en regardant le héros de lumière du coin de l’œil. Cela devenait insupportable, il le laisserait finalement s'occuper de lui et aviserait selon ses gestes...

Sentant que Simon n'essayait pas de retirer sa main par la force mais qu'au lieu de cela, restait plutôt immobile, le Chien d'Ignis se mit à l'observer attentivement, immobile lui aussi. D'abord intrigué quand il recommença à bouger, il suivit des yeux tous ses moindres faits et gestes avant d'être surprit en le voyant fouiller dans sa besace, puis en sortir un objet.

Le Chien huma l'air et reconnu vite l'odeur du pain, haussant ce qui lui servait de sourcils avant de s'apercevoir que son ''adversaire'' le lui tendait. Vexé et quelque peu blessé dans sa fierté, il fronça cette fois ses sourcils, tout en se crispant, ce qui augmenta légèrement la pression de sa mâchoire et donc de ses dents sur la main du jeune homme.

Oui, il avait mal prit cette façon qu'il avait eu de l'amadouer, le prenant pour un simple cabot asservit par les humains. Lui, c'était un monstre, un molosse ! Ou du moins, il était censé le devenir à l'âge adulte... Bref, il était carnivore quoi. Un carnivore pas assez affamé pour s'abaisser à manger du pain, même s'il était blessé. Et que ça faisait un mal de chien.

Tout ceci ne dura que quelques secondes car la crispation de son corps lui rappela en effet bien vite qu'il avait très mal, suite à quoi il lâcha totalement prise et s'écroula en respirant fort. D'abord couché sur le ventre, il tenta de prendre une position qui lui ferait moins mal en s'allongeant sur son côté sain, pattes avants et arrières non tendues et ballantes, tombant sur le sol. Il se trouvait totalement à la merci de Simon, mais il n'en pouvait plus, et puis même s'il s'y était mal prit, il avait essayé de le nourrir et avait l'air de ne plus vouloir l'attaquer, donc bon...

Pendant ce temps, Minarîa observait la scène sans pour autant pouvoir vraiment observer -ceci découlant du fait qu'elle pouvait seulement voir leur positon. Que faisaient-ils ? Immobiles ? Que se passait-il ? Le Chien d'Ignis n'était pas mort au moins ? Et Simon ? Non, il ne pouvait normalement pas mourir dans son labyrinthe. Ne pas en douter, ne pas en douter... Mais qu'avait-il choisit de faire ? AaaAah... Elle ne devait pas interférer ni le déconcentrer, c'était ce qu'elle avait prévu ! Les mains tantôt devant sa bouche, tantôt de chaque côté de sa tête, elle était presque sur le point de perdre ses moyens.