En désespoir de cause

Pour ne pas changer, l'atmosphère se transforme à nouveau. Il revêt une fois de plus le costume du Démon, quand juste avant il se présentait comme un dirigeant respectueux, à vouloir soit disant me considérer comme une égal et non comme une exécutrice. Passer ainsi du chaud au froid avait tendance à m'électriser, moi et mes muscles se tendent instantanément comme mon visage se ride de tension, qui était elle même palpable.

Comme ça ce que je ramènerais serait un gage de pardon ? Il ne doute vraiment de rien celui-ci. C'est bien, mais quand c'est moi qui suis en face de lui, c'est déroutant. Pourtant, cette simple évocation me fait rouler les yeux vers le ciel en soupirant, mes doigts se crispant sur mes bras croisés. Mon regard quant à lui ne le quittait pas, du moment où il ferma la porte, m'approchant jusqu'à rejoindre son bureau. Est-ce qu'il agissait ainsi avec toutes ses nouvelles recrues ? Si c'était le cas, je doutais que beaucoup supporte bien ses sauts d'humeur. Finalement, il me libère enfin en m'indiquant la sortie, après m'avoir plus ou moins imposer un échange entre Astrid et l'un de ses hommes. Les secondes qui suivent sont muette, silencieuses alors que le plante mon regard dans le sien. Qu'il n'ai pas une seconde l'idée de lui faire le moindre mal, ou il le paierait cher. J'espérais bien que c'est ce qu'il lirait dans mon regard, mais après ça je me détourne en lâchant un simple :


Avant de lui tourner le dos pour sortir d'un pas lourd. Ne prenant même pas la peine de fermer la porte derrière moi, j'arpente à nouveau ce couloir que j'avais déjà trop visité. Bien vite, je tombe sur son Général qui m'arrête, assez logiquement. A ce moment je lui fais part de mon entrevue avec son supérieur. Notre supérieur peut-être. Quoi qu'il en soit, je lui explique rapidement les tenants et les aboutissants de notre mission et également, l'échange qu'il devait avoir lieu entre un de ses hommes et Astrid.


Avec le Général, je pensais pouvoir parler un peu plus librement, sans me prendre des claques telles que celle que le Démon pouvait me mettre à tour de bras.

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En désespoir de cause

L'amusement du général n'avait rien de contagieux, au contraire. Mon entretien avec le « Maître » avait été un peu trop tendu et perturbant pour apprécier cette légère pointe d'humour. Je reste donc parfaitement stoïque face à lui, attendant la réelle réponse à ma sollicitation. Néanmoins, je prends bien soin de m’imprégner de son conseil : la réflexion avant l'instinct. Une façon de faire très antagoniste de mes habitudes, mais au vue de notre effectif actuel, ça n'en serait que judicieux.

Après quoi il me guide jusqu'à la salle à manger où se tiennent les membres de mon clan, qui se lèvent tous de leur chaise en me voyant entrer, sans doute un peu inquiet par autant de contre temps. Je m'approche alors de la table, pioche un morceau de viande dans une assiette avant de m'asseoir à une chaise, lourdement et avec un long et bruyant soupir. Ils finissent par se rasseoir également, avant de commencer à me questionner sur ce qui s'était dit et ce qu'il allait devoir se passer.

D'un ton las, je leur expliquais tout : il y avait une alliance possible, envisageable même, mais pas si facilement. Dans un premier temps, il fallait nous faire « pardonner ». A ce simple mot j'entends déjà Ivar et Lothar rire et je les comprends, il y a avait quelque chose de risible, surtout pour nous. Mais j'essaye de temporiser leur caractère, même si j'aurais pu moi même en rire. Je continue donc en leur expliquant comment nous devions procéder : ramener du bois provenant d'un village de bûcheron et tout ça, visiblement dans l'illégalité. D'un point de vue éthique, ça ne posait pas de problème, c'était davantage l'aspect pratique qui était problématique et ça, c'est Hagen qui le fait remarquer en s'en inquiétant.

Il avait raison et je le savais. Tout ça me faisait penser à une chose que j'avais oublié : l'échange. Je porte donc mon regard vers Astrid en l'informant qu'elle devrait rester ici quand un de leur soldat se joindrait à nous. Comme je le présentais, elle était contre, mais je lui fais comprendre rapidement que nous n'avions pas le choix. Sa mine se décompose, visiblement agacée et elle se mure dans un mutisme en détournant son visage. Je passe le sujet rapidement et revient au sujet principal : la stratégie. Je déroule alors sur la table la carte, leur indique l'emplacement visé et leur fait par des indications dont j'avais connaissance.

Plusieurs minutes passent durant lesquels l'attaque de front fut instantanément mise de côté. Cependant, quelque chose d'intéressant pouvait être envisager : les approcher de manière amicale, leur proposer nos services pour des escortes, gagner leur confiance et, au moment opportun, détourner une cargaison. Ça semblait être une bonne solution et plutôt viable sur laquelle nous concluions. Une fois celle-ci terminé, je me lève de ma place, faisant grincer les pieds de la chaise sur le sol avant de me diriger à nouveau vers le Général.


Je voulais faire vite et si possible, bien. Partir ce soir aurait pu être envisageable, mais un peu précipité. Nous avions besoin de repos pour être efficace et cette journée avait déjà été, dans sa majorité, un peu compliquée. Néanmoins, un détail m'importait.

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En désespoir de cause

Liol ? Miorst ? Des noms déjà oublié malheureusement, mais dont j'allais me servir sans ménagement. Cette "expédition" allait prendre plusieurs jours et ils nous fallait de quoi tenir. Pour le reste, je réponds au Général en secouant la tête, lui expliquant que nous n'allions rien prendre de ce qu'il nous "offrait". Puisque le "Maître" voulait qu'on se débrouille, c'est ce que nous allions faire. Et puis, des charrettes ou un bateau, ça n'allait pas être des plus utiles, surtout quand il me souffle à demi mot que ramener mieux que cela serait bien apprécier.

Quoi qu'il en soit, j'étais resté impassible tout le temps de notre petit entretien. Il ne fallait montrer aucune faiblesse, ni aucune force trop importante, au vue de la position que le Démon voulait avoir : celle de Maître. J'étais assez intelligente pour le comprendre, mais pas assez pour user de subtilité non plus. Je me contentais donc de peu à montrer, dans les deux cas. Il jugerait de mes aptitudes après notre retour avec sans doute plus de justesse que mon simple comportement.

Une fois fini, je remercie le Général d'un bref hochement de tête avant de me détourner pour rejoindre les miens, à table. Une éprouvante activité nous attendait et quoi de mieux pour l'affronter qu'un bon repas et une bonne nuit ? Nous avions poursuivis le dîner avec quelques rires de Lothar et Ivar, l'ambiance était redevenue bon enfant malgré la gravité de ce qui s'était déroulé avant cela. Astrid faisait toujours la tronche, mais j'avais autre chose à faire que m'en occuper.

Plus tard, la table complètement vidé du moindre vivres, nous quittions la pièce pour rejoindre l'auberge où une nuit reposante nous attendait. J'avais plutôt bien dormis, malgré les tumultes qu'avait pu éveiller le Démon chez moi. J'y avais réfléchis seulement quelques minutes, n'étant pas très fervente d'état d'âme, je me suis rapidement assoupie à cause de la fatigue.

C'est au petit matin que je me lève, le soleil réchauffant à peine le ciel. Pour plus d'économie, j'avais dormis avec Astrid et les hommes ensemble. Je réveille Astrid, frappe à leur porte et nous nous dirigeons vers l'entrée de Sirk, comme convenu. Une fois sur place, nous attendons patiemment. On aurait pu commencer à se rééquiper auprès de ceux que nous avions "attaqué" la veille, mais je préférais attendre le Général pour ça. Ivar patientait accroupis, Lothar bras croisé adossé à la palissade, Hagen droit comme un i et Astrid, égale à elle même, en retrait presque détourné de nous. Moi, je demeure impassible, les bras croisés sur la poitrine, fixant la venue du Général.

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En désespoir de cause

L'aube commence à montrer le bout de son nez. Le Général nous rejoint, accompagné du laron qui allait nous accompagner, en échange d'Astrid. Quelques échanges succincts entre les deux parties, qu'ils soient verbaux ou ceux de nos forces respectives. A l'injonction du Général, concernant l'état dans lequel je ramènerais le sien, je ne réponds rien, si ce n'est un regard plein d'égo. Pour qui me prenait-il ? Une incapable sans doute. Finalement, l'espoir que j'avais d'être traité avec un minimum de respect par un potentiel frère d'arme s'était évanouit bien vite. Néanmoins, une pensée me viens concernant Astrid sur laquelle je pose un regard inquiet. A propos de sa condition, mais aussi de ses états d'âmes actuels qui ne me disaient rien qui vaille. Avant qu'elle ne quitte le groupe, je lui murmure de ne pas faire de vague. Ce à quoi elle me répond par un bref soupire, sans même me regarder. Il faudrait qu'on parle de ça à mon retour. Je comprenais sa frustration, mais elle n'avait pas son mot à dire, surtout en terrain hostile, alors que nous étions surveillé de toutes parts.

Sans plus de commodités, le Général nous guide vers les marchands, auprès desquels j'achète des vivres pour environs une semaine. Au vue de ce qui nous attendait, ça ne serait pas de trop. Comme j'avais prévu, je ne prends ni charrette ni bateau, je trouverais certainement mieux là bas. Concernant les épées que vendait l'autre, je n'étais pas sûr que cela soit très utile. J'en avais moi même une nouvelle de très bonne qualité et les autres se battaient à la hache. Il n'était pas temps de faire des achats inutiles.

Les préparatifs bouclés, le ciel se teinte de ses couleurs d'aurore et je sonne le départ. Ce Lygar nous suit, il avait un bon gabarit et je n'aurais peut-être pas à m'en occuper plus que de raison, il saurait sans doute se défendre. Le but n'étant cependant pas de nous mettre en danger inutilement, je veillerais à ce que nous soyons un minimum face au danger. D'autant que je ne me résignais pas à faire appel à Armalys, surtout en sa présence. Je préfère garder ce genre d'informations en ma possession, le Démon n'avait pas à le savoir.

Nous partons donc, les portes s'ouvrant, nos armes nous étant remises, les cartes en mains. Le chemin serait déjà long avant d'arriver là bas, toute la journée au moins, surtout à pied. J'avais opté pour laisser Gyllir à l'écurie de Sirk, un seul cheval ne serait pas utile et je risquais de la mettre en danger. Nous arriverions dans dans la soirée, aux portes de ce village de bûcherons. Nous nous y présenterons certainement le lendemain, en tant que mercenaire en quête de travail. Il fallait jouer finement, nous n'étions que cinq, quatre plus exactement. Au moins, ce Lygar se fondait assez dans notre groupe. Pour ma part, étant la seule femme, je me ferais certainement passer pour autre chose que la chef dans un premier temps. Nous ne serions qu'un groupe, formé pour plus d'efficacité, sans chef à notre tête et surtout sans clan. A voir ce que cela allait donner une fois sur place.

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