Seo-Jun sursauta lorsque Soka'Okara'Kanira apparu dans son champ de vision, ses traits se voilant de surprise. Il fut soulagé de constater que l'enfant du feu ne ressemblait pas à un fou furieux, mais restait trop impressionné pour sourire aux boutades lancées par le celui-ci. Sa stupeur était telle qu'il en avait oublié la bienséance, et il ne se souvint de s'incliner que lorsque Soka était sur le départ. Le jeune homme aux cheveux d'un noir de jais ploya un genou sol et se mit à bafouiller des salutations inaudibles. Lorsqu'il le releva la tête, il était seul.

Le noble fronça les sourcils en se remémorant les instructions données par Soka. Il avait mentionné la présence de nécessaire à peinture dans l'entrepôt. Il n'en avait pas trouvé, pourtant. Seo-Jun revint sur ses pas et franchit la porte du débarras, laissant planer son regard d'obsidienne sur les étagères. Ses yeux s'ouvrirent de nouveau comme des soucoupes en constatant ce qu'il avait manqué lors de son premier tour. Un pinceau, une palette emplie de pigments de couleurs frais installée près d'une cruche en terre cuite remplie d'huile, ainsi qu'une toile vierge et un chevalet l'attendaient sagement dans un coin de la pièce.

Le jeune homme savait être distrait, mais de là à manquer des objets aussi imposants, il y avait un monde. Il décida que cela n'importait finalement que peu, et installa le matériel. D'une main experte, il mélangea l'huile et les pigments pour se créer sa palette et sa peinture fut bientôt prête à travailler. Juché sur une chaise en bois trop petite pour sa stature, l'héritier des Hwang croisa les jambes et posa son menton sur son poing. D'habitude, il adoptait cette position réflexive dans un large fauteuil mais il fallait faire avec qu'il avait sous la main. Qu'est-ce qui pourrait faire plaisir à un demi-dieu ? Une représentation du Temple ? Non, cela lui évoquerait trop sa prison. De son manoir ? Peut-être, mais l'idée de ne l'emballait pas plus que ça. Un portrait de lui, bien sûr ! Voilà une idée excitante.

Le visage du jeune homme s'illumina lorsque son pinceau alla trouver la toile, qu'il commença à main levée. Il lui était souvent inutile de commencer par un brouillon, car son esprit savait déjà inconsciemment où il allait en venir. Les formes et les couleurs s'assemblèrent lentement, amenant à Seo-Jun une forte sérénité. Si seulement tous les instants de sa vie pouvaient être ainsi... Au bout d'une heure, le tableau fut finalisé.

La peinture représentait l'image furtive qu'il avait pu avoir du canidé. Il manquerait sans doute certains détails, mais il avait l’œil pour reproduire les proportions aussi était-il presque sûr de la ressemblance de son œuvre avec l'original.

La peinture n'était pas encore sèche, aussi lui faudrait-il amener Soka vers son cadeau. D'un pas pressé, le jeune homme se dirigea vers le hall, là où son appel avait fonctionné. La peinture maculait ses mains, et une tache orange pouvait même être aperçue sur le bout de son nez.

"J'ai fini votre présent, Messire Soka." lança-t-il avec une joie vibrante.

Seo-Jun avait de nouveau sursauté lorsque Soka etait apparu dans son champ de vision. Il se redressa et semblait presque au garde à vous. Cette position se relâcha doucement lorsque l'enfant du feu prit la parole d'une manière joviale.
Le noble adressa un sourire poli à Soka tout en frottant son nez à l'aveuglette pour tenter de faire partir la tâche.

"Très bien je tacherais de m'en souvenir."

Il n'aurait jamais escompté tomber sur un demi-dieu aussi peu imbu de sa personne, et ouvrit des yeux ronds en le voyant manquer une marche. Cette maladresse n'était cependant pas pour lui déplaire : il lui trouva un côté touchant et se sentit immédiatement plus à l'aise en la compagnie de l'enfant d'Ignis.

"Je vous... te remercie pour le compliment, Soka. Tu en auras autant que tu en souhaites si nous quittons le Temple ensemble, bien sûr."

Seo-Jun sursauta lorsque le demi-dieu sauta au dessus de sa tête et brisa un objet dans le même mouvement. Par Ignis, s'il rentrait avec lui, il devrait être maintenu loin de son atelier sous peine de détruire toutes ses œuvres. Il suivit le canidé incandescent d'un pas rapide, soucieux de ne pas le perdre de vue. Ils atteignirent le sommet d'une petite colline, au tour de laquelle se dépeignait un charmant paysage agricole. Seo-Jun eut envie d'en figer les contours dans un tableau, mais se ressaisit rapidement en songeant aux épreuves qui devaient encore l'attendre ici. Il ne fallait pas qu'il laisse son esprit s'égarer. A sa grande surprise, des enfants viennent à leur rencontre. Cette épreuve était de plus en plus étonnante.

Le noble rougit légèrement à la nouvelle évocation de la tâche de peinture sur son nez, qu'il tenta de nouveau de frotter discrètement. Peine perdue, elle avait du sécher.

Le jeune homme inclina légèrement la tête vers les trois petits, dans sa manière usuelle de saluer des notables. Soka ne semblait en effet pas trop porté sur les manières cérémonieuses, mais il ignorait tout du statut des gamins et ne voulait pas faire de faux pas.

"Enchanté de vous rencontrer, Gibus, Kerry, Anna. Je me nomme Seo-Jun Hwang."

Seo-Jun adressa un sourire attendri à la petite fille, car elle lui évoquait son propre enfant, Jian.

"Merci, Anna. C'est de la soie."

Il allait proposer de lui offrir des robes plus belles encore, quand il réalisa que la petite ne pouvait sans doute pas quitter la cellule. Le jeune homme détourna son regard d’ébène vers l'enfant d'Ignis, qui buttait sur son nom. Cela n'était pas la première fois bien sûr, car la sonorité de son patronyme n'était pas courante sur l'île, mais il était amusant de voir une demi-divinité toute puissante avoir tant de mal. Surtout quand ladite divinité avait également un nom difficile à prononcer. Le noble sembla singulièrement étonné lorsque le divin lui offrait sa patte. Il ne connaissait pas cette coutume, mais ne voulait pas heurter la sensibilité de Soka. Était-ce une façon de sceller un serment chez les enfants d'Ignis ? Seo-Jun approcha timidement sa main tachée de peinture du coussinet divin tendu vers-lui, et la posa en douceur sur celui-ci.

"C'est d'accord."

Seo-Jun rougit légèrement à l'évocation des préférences du canidé flamboyant : voilà encore une tirade qu'il n'aurait pas cru entendre ici. Il reprit légèrement de sa contenance tandis que ses nouveaux compagnons lui expliquaient les termes de l'épreuve. Rien de bien difficile à priori, mais le jeune homme restait néanmoins sur ses gardes. Il passa un index songeur sur son menton. Il n'aimait pas la violence et ne souhaitait pas faire de mal à des voleurs, même s'il y avait de forte chance qu'ils ne soient pas réels. Une idée lui vint alors.

"Est-ce que les Crouzy aiment l'art ? Je pourrais détourner leur attention en leur offrant de dresser leur portrait, pendant que vous allez fouiller leur maison."

Son plan validé, il devait maintenant en déterminer les acteurs. L'homme aux cheveux noirs laissa planer son regard sur les enfants et Soka. Ce dernier était déjà hors course au regard de sa maladresse et de son pelage flamboyant, mais il lui faudrait trouve une manière délicate de l'amener.

"Soka montera la garde, et les enfants s'introduiront dans la maison des Crouzy lorsque que je les mèneraient dehors pour prendre la pose."

Seo-Jun s'accroupit devant les trois petits humains, et leva un index en l'air.

"Si vous parvenez a récupérer le trésor sans vous faire remarquer, je vous peindrais tout ce que vous souhaitez !"

Le noble se dirigea vers le manoir afin de reprendre le matériel de peinture, qu'il embarqua sous le bras. Ainsi lourdement chargé, il se dirigea vers la ferme des Crouzy. Il déposa la toile vierge à ses pieds et, sa main gauche ainsi libérée, toqua à la porte.

"Bonjour, je suis artiste peintre, j'aimerais vous proposer gratuitement vos services." dit-il d'une voix aimable, espérant faire sortir le couple de son antre.

Usant de ses (maigres) compétences de menteur, Seo-Jun adressa un sourire crispé à l'imposante fermière campée devant lui.

"Non Madame, je ne les connais pas, je ne suis qu'un artiste peintre. Je ne parle pas avec les renards.

Son débit de parole était trop rapide pour dissimuler son trouble. Pourtant, étonnamment, le subterfuge fonctionna et Simone Crouzy se contenta de lui adresser un regard noir. Le noble se sentit éminemment mal à l'aise et contempla son pinceau comme s'il s'agissait de la chose la plus sublime qu'il ait vu depuis des années. Il se racla la gorge et repris son travail. Une vingtaine de minutes plus tard, il avait fini son portait représentant la fermière fermement campée près de son mari épluchant les légumes. Le jeune homme s'était précipité, aussi le résultat était loin d'être aussi beau que ses œuvres habituelles, mais cela ferait largement l'affaire. Lorsqu'il dévoila le portrait aux Crouzy, Simone eut un petit gloussement de contentement.

"Parfait ! Elle ira bien dans la salle à manger. Combien est-ce que tu ... ?

Elle n'avait pas fini sa phrase que déjà Seo-Jun avait décampé, emportant tout de même le matériel de peinture sous le bras.

"Rien du tout, Madame ! Ce n'est qu'un loisir ! Portez vous bien."

L'héritier du duché Hwang entrepris de gravir la colline avec toute la célérité que son chargement lui laissait. Plus vite il mettrait de la distance entre ces affreux énergumènes et lui et mieux cela serait. Enfin, il parvint dans le champ de vision des enfants, à qui il adressa un regard fatigué.


"Tout le monde va bien ?" demanda Seo-Jun.

Seo-Jun tenta de garder un visage impassible pour ne pas effrayer les enfants, mais il n'en menait pas large. Voilà que l'épreuve se révélait aussi cauchemardesque qu'il l'avait imaginée : emplie de violence de toute part. Par Ignis, qu'il détestait se battre. Toutefois, l'entraînement aux arts martiaux qu'il avait subit depuis l'enfance allait sans doute enfin se révéler utile.

"Restez-ici, je m'en occupe." dit le noble aux trois enfants, essayant de sembler plus rassuré qu'il ne l'était vraiment.

Notant les larmes de Gibus, le jeune homme lui adressa un petit sourire puis se pencha pour essuyer du doigt la larme venant d'effleurer sa joue.

"Hé, ne t'inquiète pas... tout va bien se passer. Je te le promets"

L'homme aux cheveux d’ébène se redressa puis, d'un pas vif, entreprit de rejoindre la source des cris. Il entrouvrit la grange et se retrouva face aux Crouzy armés d'un sifflet et d'un balai. Seo-Jun leur adressa un pâle sourire et leva les mains au ciel en signe de reddition.

"Je ne veux pas vous faire de mal. Libérez-le s'il vous plait. Je réparerais les dégâts qu'il a commis."

Les yeux sombres du jeune homme s'illuminèrent lorsque les flammes étreignirent le canidé. Il s'agissait d'un des spectacles les plus somptueux qu'il lui avait été donné de voir : il fallait absolument que cela soit figé sur la toile. Ainsi, même s'il ne réussissait pas l'épreuve, il aurait largement rentabilisé son trajet.
Le monde extérieur se rappela brutalement à lui et il sursauta alors que le couple de fermiers vociféraient et usaient d'un sifflet qui semblait mettre à terre le demi-dieu. Seo-Jun soupira. Il n'avait plus vraiment le choix, et devrait user de la force.
Lorsque Simone Crouzy s'approcha armée de son balai et prête à en découdre, le noble lui fit une puissante clef de bras qui eut pour effet de lui faire lâcher son arme de fortune.

"Aïe !" hurla-t-elle.

"Je vous avait prévenue..." répliqua doucement le jeune homme, d'une voix ennuyée. Pourquoi n'avait-elle pas simplement obtempéré ? Cela aurait été plus simple pour tout le monde. Le caractère belliqueux des autre humains lui était insupportable.

Le bouc avait lancé une offensive afin d'attaquer Seo-Jun par derrière, et il se retourna afin que le choc soit subit par la fermière. Le cri agonisant des deux créatures fit presque lâcher prise au jeune homme, mais il maintint sa prise. Le bouc semblait étonnement plus sonné que la fermière, de quoi était-elle faite ? Au moins ne se débattait-elle plus. Les bras du noble souffraient cependant de retenir son poids et il ne savait pas combien de temps il tiendrait.

"Donnez-moi ce sifflet et votre femme sera saine et sauve"

Il regardait le fermier d'un air furibond, tendant de feindre une violence qui ne coulait pas en ses veines. Bien sûr, il ne ferait rien de mal à sa femme mais il espérait que son adversaire en ait suffisamment peur pour lui donner l'objet.

Le soulagement manqua de faire vaciller l'héritier du duché Hwang lorsqu'il attrapa le sifflet lancé par Albert. Il dégagea la prise de son épouse avec bonheur, bougeant son bras engourdi pour essayer d'y retrouver de sensations. Seo-Jun écarquilla les yeux de peur, puis d'amusement en observant le ballet du demi-dieu débarrassé du fléau du sifflet. Il avait cru la colère de l'enfant divin réelle à son grognement, mais aimait particulièrement la réponse qu'il avait accordé au fermier. Un châtiment tout en non-violence, il appréciait particulièrement cette vision des choses. Le noble s'agrippa au dos du canidé flamboyant à son invitation, craignant de prime abord de se brûler, mais son poil était aussi doux que la soie l'habillant.
Le coup de fourche n'était pas passé loin. Seo-Jun ne put s'empêcher de pouffer en imaginant l'enfant d'Ignis jaillir de la grange avec une fourche empalée dans le postérieur, et tenta de faire passer cela dans une fausse toux.
L'accélération lui fit cependant passer l'envie de rire, et le noble se concentra pour éviter de vomir alors que sa prise enserrait un peu plus l'encolure du renard. Vaseux, il déposa un pied sur la terre ferme avec bonheur lorsqu'ils furent arrivés près des enfants.

"Plus jamais ça..." grogna-t-il d'une voix pâteuse avant de porter une main à sa bouche et de pâlir.

"Oh non..."

L'homme aux cheveux noirs s'écarta des enfants et alla vomir tripes et boyaux derrière un arbre. Pâteux, il resta un moment à genoux. Au moins ne risquait-il pas de prendre Soka pour sa monture s'il sortait avec lui.

Seo-Jun adressa un regard reconnaissant à l'enfant d'Ignis lorsque son épreuve personnelle fut enfin terminée. Toujours patraque, il ne prononça pas un mot lorsque Soka entrepris de raconter leur épopée à coup d'onomatopées bruyantes, se contentant d'acquiescer de temps en temps.  Le noble inclina légèrement la tête en guise de remerciement face aux compliments de Soka, qui le touchaient profondément : on ne disait que rarement du bien de lui, alors de la bouche d'un demi-dieu, cela était encore plus marquant.
Il observa l'échange entre le canidé et la petite fille d'un air un peu perdu, puis réalisa qu'on lui demandait de prendre position.

"Tes désirs sont des ordres, enfant d'Ignis."

Avant de partir, il ne put s'empêcher de s'incliner devant Soka, même si celui-ci n'apprécierait sans doute pas ce comportement.

"Au revoir. Prenez grand soin de vous."


Seo-Jun ignorait s'il sortirait vivant de cette quête qui, aux dires du divin et de la fillette, n'était pas une partie de plaisir. Il préférait donc faire ses adieux avant de s'engager dans la cave. Agrippant le nécessaire à peinture, le noble se dirigea vers le manoir, où il y déposa son matériel. Même si ce dernier n'était sans doute pas réel, il ne voulait pas le voir se salir dans l'herbe outre mesure. Le jeune homme n'avait pas apporté d'arme avec lui, mais l'entrepôt recelait tant d'objets divers qu'il y avait sans doute de quoi faire l'affaire. Il passa près d'une dizaine de minutes à observer les divers objets s'offrant à son regard, et jeta son dévolu sur un long bâton taillé en pointe et une lanterne vieillotte. Cela était loin d'être luxueux,  mais était toujours mieux que rien.

Poussant une grande inspiration, le noble retourna dans le hall et poussa la porte indiquée comme étant celle de la cave. Ses mains tremblaient. La noirceur et l'humidité ambiante semblaient doucement se greffer dans ses veines, et l'envie de retourner vers la lumière l'étreignit. Il secoua la tête. Non, il n'était pas venu aussi loin pour reculer maintenant. Le jeune noble alluma sa lanterne, et put distinguer des lignées d'étagères semblables à celles qu'il avait connu dans l'entrepôt. Seo-Jun butta sur un objet et étouffa un grognement de douleur. Personne n'avait donc jamais fait le ménage ici ? Au bout d'un quart d'heure à heurter des obstacles, le jeune homme réalisa qu'il était en train de tourner en rond. Une oppressante impression d'être observé coulait sur sa nuque, et il sursauta lorsqu'une goutte d'eau vint trouver son chemin jusqu'à son cou. Le souffle court, l'héritier du duché Hwang interrompit sa marche et s'assit. Il lui fallait méditer pour retrouver un tant soit peu de sérénité et de facultés intellectuelles. Le vide le happa, et il se retrouva rapidement dans une clairière apaisante.  Son lieu rêvé favori le calmait toujours. Armé d'une résolution plus ferme, le jeune homme se redressa et fixa les alentours. C'était définitivement un labyrinthe : il lui suffirait de tourner toujours dans la même direction, et il s'en sortirait. D'un pas plus affirmé, Seo-Jun repris sa route, tournant toujours à droite. Et sa ténacité paya : une nouvelle porte se dessina bientôt devant son regard.

Le soulagement qu'il avait ressentit en franchissant l'interstice fut de courte durée : il lui semblait que le lieu qu'il arpentait maintenant était encore plus sombre que le précédent. Tout ce décor jurait atrocement avec la personnalité flamboyante de Soka, qu'était donc le sens de cette épreuve ? Le noble frémit en constatant qu'il n'était plus seul. Il laissa échapper un petit cri en constatant la présence d'ignobles gros rats sur le sol, qu'il tenta de frapper avec son arme de fortune. Ce mouvement ne les agaça que plus, et Seo-Jun se mit à courir à toutes jambes pour tenter de leur échapper, gardant sa lanterne bien devant les yeux. Il cria lorsqu'une des créatures parvint à lui attraper le mollet, et lui lança un coup de bâton dans la tête. Avec l’énergie du désespoir, le jeune homme parvint à atteindre une seconde prote et s'y infiltra prestement.  

L'héritier du duché Hwang constata avec malheur que ses pérégrinations n'étaient pas finies. L'eau lui montait jusqu'au dessous des genoux, et l'endroit empestait. Tout autour de lui semblait tanguer. Pour ne pas se laisser aller à la terreur, Seo-Jun usa de son imagination et se visualisa en toute sécurité, en plein air, jouant avec Jian. Tout allait bien. Ses pas le portèrent plus aisément, jusqu'à un escalier descendant encore dans les profondeurs. La peur compressa de nouveau la poitrine du jeune homme. Il ne pouvait se mentir jusqu'à dire que descendre dans cette crypte équivalent à une danse en pleine nature. Ses mains se remirent à trembler, et il tenait sa lampe de plus en plus difficilement. La panique afflua lorsqu'il commença à évoluer dans l'escalier, si étroit qu'il avait l'impression qu'il se refermait sur lui.

Le noble atteignit finalement un long couloir marqué de treize portes. Le silence était profond, effrayant. Lorsque Seo-Jun trouva la force d'actionner la première poignée, il regretta immédiatement ce mouvement. Il venait d'arriver dans un tombeau. Il fit brusquement marche arrière, ferma la porte, tomba à terre et se recroquevilla. Le jeune homme pressa ses longues mains tâchées de peinture devant son visage et se mit à pleurer, de peur et de fatigue. Il n'était pas un guerrier, et cette épreuve était bien trop ténébreuse pour lui. Pourquoi ne lui demandait-on pas de suivre les papillons ? Là, il aurait été dans son élément.
Il songea à Jian. S'il ne revenait pas, que deviendrait sa fille ? Il lui fallait finir cette épreuve. Les portes suivantes s'ouvrent dans la même salve, ouvrant sur d'affreuses tombes plus glauques les unes que les autres. Avait-il mal cerné Soka pour que cela soit son épreuve ? S'armant du peu de courage qu'il lui restait, le jeune homme ouvrit une dernière porte.

Enfin, autre chose qu'un caveau s'offrit à son regard. Un bureau défraichi portant un crane, une bougie éteinte, une coupe et un affreux couteau ornait la pièce. Seo-Jun grimaça en observant l'occupant des lieux, un squelette à l’accoutrement grossier. Était-ce le destin qui l'attendait ? Son regard se posa sur une tapisserie représentant Soka sous des traits qu'il ne lui connaissait pas. Avait-il déjà arboré ce faciès de démon ? S'il était à l'origine de l'épreuve qu'il venait de traverser, peut-être. Cette pensée le fit frémir un peu plus encore. Il ne connaissait en effet rien du tout de l'habitant de cette cellule. Et s'il s'agissait d'un monstre ? Il ne voulait pas partager sa vie avec un tel demi-dieu. Aucune issue ne semblant se dégager de cette pièce, Seo-Jun ressort et tente de trouver une solution à l'énigme des treize tombeaux. Cela fait bien une heure qu'il errait dans le couloir, mais rien n'y fait. Le jeune homme retourne dans le bureau, soupira, et s'adossa à la tapisserie. Et tomba à la renverse.

"Par Ignis ?!"

Son cri se perdit dans le lointain. Paniqué, Seo-Jun oublia la douleur qui venait de percluse son corps et regarda frénétiquement autour de lui. Une pièce secrète venait de s'ouvrir à lui. Las de tant d'aventures, le noble ne s'en émerveilla cependant pas : les récits d'aventures étaient à son sens faits pour être lus confortablement installé dans un lit, pas vécus. Le décor est cependant somptueux, il devait bien l'admettre. Jamais ne pourrait-il reproduire l'éclat de ses flammes après avoir arpenté tant de ténèbres. Un sifflement admiratif lui échappa alors que des fresques dépeignant le parcours de Soka s'offraient à lui. Elles étaient suffisamment bien réalisées pour qu'il en comprenne rapidement le sens : la flamme purificatrice. La lumière chassant les ténèbres. Une belle image, malgré la terreur qu'il avait du vaincre pour y parvenir. L'histoire de ses relations avec les humains toucha particulièrement Seo-Jun, qui ressentit l'envie d'éteindre le canidé malgré la sale épreuve qu'il venait de lui faire subir.

Le coeur serré, le jeune noble saisit le flambeau et revint sur ses pas. Le retour passa comme dans un rêve et, en un rien de temps, Seo-Jun revint dans le hall du manoir. Si rapidement que cela aurait put être un rêve. D'un pas pressé, le jeune noble alla rejoindre le haut de la colline où il avait laissé Soka et les enfants. Le retour à l'air libre le fit frissonner de plaisir. Plus jamais ne le prendrait-on à aller dans une cave.

L'accueil chaleureux des trois enfants redonna un temps le sourire à Seo-Jun. Toutefois, les réjouissances ne furent que de courte durée, car Anna lui rappela que l'épreuve continuait. L'héritier du duché Hwang raffermit sa prise sur le flambeau l'ayant guidé jusqu'à la surface, et suivit les instructions de la fillette. Il sursauta lorsqu'un immense cercle de flammes multicolores apparut, dissimulant la silhouette de Soka.
La peur le prit lorsqu'il réalisa qu'il devrait le rejoindre aux travers du feu, et le risque inhérent à ce passage. Il ne pensait pas être malveillant, mais qui pensait l'être ? N'était-ce pas une notion fondamentalement subjective ?
L'hésitation marqua les traits de Seo-Jun alors que son regard suivait le parcours dansant des flammes. Il ne voulait pas mourir. Cette pensée le surprit. Il n'y a pas si longtemps, il regrettait de n'être pas parti à la place de son frère aîné, démontrant le peu d'attachement qu'il prodiguait à son existence. Pourtant, alors que sa vie était directement menacée, il sentait l'instinct de survie pulser dans ses tempes, lui crier de s'enfuir. Oui, après tout, pourquoi tout risquer pour cet être divin qui souhaitait de nouveau le voir souffrir ? Après tout ce qu'il avait déjà vécu dans la cave ? Était-il dons si cruel ?

Les prémices de la colère du jeune noble s'évanouirent lorsqu'il discerna les contours de Soka au cœur du cercle enflammé. Les fresques de la dernière partie du caveau lui revinrent en mémoire. Non, cela n'était pas un acte de cruauté, mais de protection. Il ne voulait pas lier son âme à un être malveillant. Cela le peinait maintenant plus qu'autre chose.

Une part de lui lui soufflait d'aller vers l'enfant d'Ignis. Qu'il ne brûlerait pas dans les flammes. Fallait-il l'écouter ? Ou rentrer bredouille et rester à jamais la honte de son père ? Cette dernière pensée acheva de le convaincre.

L'homme à la chevelure d'obsidienne ferma les yeux, serra les poings et avança un pas hésitant dans les flammes. Il entrouvrit une paupière et constata que le feu ne le brûlait pas. Émerveillé, il contempla ce spectacle quelques minutes avant de relever le visage vers Soka. Un sourire enfantin planait sur ses traits alors qu'il rejoignait le renard, tout en observant les alentours d'un air fasciné.

Les dessins se muant dans les flammes fascinaient Seo-Jun, qui avait du mal à se détacher de cette vision. La joie franche qui en émergeait tranchait si cruellement avec la froideur de la cave qu'il avait arpenté qu'il s'en sentit un peu plus triste pour l'enfant d'Ignis. Il avait réellement aimé les humains, sans aucun doute.
La joie enfantine laissa place à un air sérieux alors que Seo-Jun écoutait les propos du divin. Ses prunelles noires songeuses étudiaient le canidé, alors qu'il ne prononçait pas un mot et le laissait exhumer tout ce qui lui venait sur le cœur. Le voir sincèrement contrit rassura le noble quand à la nature de l'âme vibrant derrière l'enveloppe immortelle.

Il ploya un genou au sol, et entoura l'encolure de Soka de ses bras.

"Tout va bien." murmura-t-il, comme il le faisait à sa fille lorsqu'elle émergeait d'un cauchemar.

La peine du canidé l'avait sincèrement touché, particulièrement son discours sur ses actes ratés. Il ne pouvait que comprendre cette assertion, car il se la répétait en boucle à son égard.

Lorsque Seo-Jun se retira de l'étreinte qu'il avait initié avec Soka, il se sentit immédiatement plus léger, comme si le contact avec l'enfant d'Ignis avait retiré les effluves sombres restant collées à sa peau après le passage dans la cave. A moins que cela ne soit l’œuvre des flammes ?

Le canidé ne semblait cependant pas vouloir perdre plus de temps, car il aborda directement le sujet de sa libération. Seo-Jun se sentit soudainement honteux. Ses motifs n'étaient pas nobles, loin de là. Il n'allait pas sauver la veuve et l'orphelin ou mener de grands combats. Soka n'allait certainement pas vouloir le suivre, mais il devait s'en tenir à la vérité.

"Je voulais te libérer pour que mon père soit enfin fier de moi."

Ses joues s’empourprèrent, car il avait conscience que ses motivations étaient profondément idiotes.

"Depuis la mort de mon grand frère, je suis l'héritier du Duché Hwang. Ma position est fragile, car ... je ne possède pas les qualités inhérentes au chef d'une grande famille. Les Hwang ont un lien particulier avec Ignis. Je savais qu'en me liant avec un de ses enfants, je pourrais enfin prouver au monde que je suis digne de ma position. Mais je n'ai pas réfléchi à la suite. Si tu me suis dans le monde extérieur, je ne t’emmènerais pas au combat ou à la chasse. Car je déteste la violence et tout ce qui fait, dans l'esprit de mon père, un homme."

Il baissa la tête.

"Mes motivations sont égoïstes, excuse-moi. Je comprendrais que tu ne souhaites pas effectuer un pacte avec moi "