Le besoin de solitude se manifeste parfois dans les plus étranges conditions. Tel un serpent qui s'insinue, parmi la chaleur de ceux qui nous accompagnent. L'être ondoie, au fil d'un fleuve paisible, sans remous, empli d'une faim pernicieuse. Le manque se creuse bien souvent au coeur du plein. Et ses crocs déversent un venin dont le remède échappe à nos mains. Comme s'il n'existait pas au présent. Comme si tendre le bras, ou simplement ouvrir sa paume à ce qui est donné, dans l'ici et le maintenant, ne faisait plus sens.

Lorsque semblable sentiment s'éveille chez Saen, il prend conscience qu'un trouble ronge son esprit. Même si sa nature demeure mystérieuse. Un premier pas est fait. Il lui faut cependant poser le suivant quelque part. Dans une direction. Sans savoir... Peu importe en réalité. L'homme compose régulièrement avec l'imprévisible. Néanmoins, une donnée persiste, une certitude. Il souhaite marcher seul, un temps.

L'appel du désert prend place avec évidence en sa psyché. Voilà ce qui porte ses pas solitaires sur un navire en partance pour Layane. Mais, parfois, le trouble qui nous habite se révèle fidèle à son nom. Davantage peut-être, en présence d'un individu dont la pensée peut s'égarer aisément. Se confondre, s'abîmer gaiement dans le flou.

"Layane?!" Le matelot, presque aussi grand que lui, sec et efflanqué, l'observe de ses petits yeux verts en soulevant un sourcil. Le bateau a levé l'ancre depuis une heure à peine, quand il répond au jeune homme assis en tailleur contre le bastingage. Ce dernier souhaite avoir une estimation de la durée de la traversée. "On navigue vers Oagran, m'sieur. Et j'espère que vous avez emporté des vêtements chauds, parce que le capitaine fera pas demi-tour pour vous, ah ah!!" Sans réelle moquerie, son rire s'éloigne au même titre que sa démarche un peu chaloupée, et laisse Saen dans un état de perplexité momentané.

Finalement, il rit aussi. Certains marins l'observent d'un oeil bizarre, sans qu'il y prête attention. Il a probablement embarqué sur le mauvais navire. Bien qu'il ignore comment avoir fait telle erreur. Evidemment, personne ici, le connaissant un temps soit peu, n'ignore le comment du pourquoi. Sa voix porte comme une brise empreinte de légèreté et de sérénité. "Soit. ...Le nord. Oui. Pourquoi pas, au fond?"


Oagran. Un petit village pittoresque assez charmant... Enfin, aux yeux d'un grand naïf, probablement. Quoique pas si naïf. Mais avec un brin d'optimisme sur le monde et les êtres un rien trop grand et par conséquent, dangereux, par moments.

Bien qu'il se soit changé quelques temps avant de débarquer, Saen laisse le froid glacé du nord étreindre ses sens. C'est là une chose agréable sur laquelle il peut se fixer, afin de faire abnégation du bruit et des odeurs flottant dans l'air. L'esprit rodé aux séparations mentales comme physiques, il arpente ce qui semble être la rue principale, après avoir quitté le petit port. Une enseigne l'invite à gagner la douceur, très relative, d'une auberge. Souvent satisfait de peu, rien ne l'incommode réellement.

L'inconnu au large chapeau s'avance vers le comptoir et s'y installe en saluant l'aubergiste. Celui-ci lui jette un regard en biais, voilé de scepticisme. Autant il accueille de tout dans son établissement, forcément, vu la localisation. Autant l'énergumène ci-présent lui paraît sortir du lot habituel déjà dépareillé et malfamé. Soit. Si il a de l'or, tant mieux! Les affaires sont les affaires.

Le jeune homme lui commande à boire tout en sortant une carte de son sac sans fond. Il déroule le parchemin et observe distraitement les annotations. Son doigt vient glisser à la surface de la Forêt Morte. Pensif, il hésite un instant, puis...

"Savez-vous où je pourrais trouver un homme d'à peu près mon âge, qui se prénomme Maar?" Le regard brun qui le fixe en lui servant une chope ne semble pas très réactif. L'homme vient gratter sa barbe en faisant mine de réfléchir. Pour finalement lui annoncer que ce nom ne lui dit rien. Saen est bien en peine de lui fournir une description lorsqu'il la demande et passe pour un idiot. Enfin, ça, il ne le saisit pas vraiment.

Le reste de son après-midi est alloué à des démarches similaires dans le village enneigé, aux rues tantôt boueuses, tantôt verglacées. Tantôt teintées du sang d'un homme dont il a du péter le nez pour se départir d'un traquenard. Après plusieurs tentatives infructueuses, il s'en retourne à l'auberge où il a pris soin de louer une chambre, et s'allonge sur le lit, les bras croisés derrière la tête. Un fin soupir passe ses lèvres. Il s'endort, l'esprit un peu perdu, comme sa tentative, peut-être?

Le lendemain matin, il s'attelle à une nouvelle tournée, mais n'escompte plus s'attarder. Si aucune information utile ne lui est apportée, il partira au petit bonheur la chance. Initiative caractéristique de son inconscience... Ou insouciance? Cependant, au détour d'une ruelle, la chance en question semble lui sourire...

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L'homme qui lui fait face semble le chercher. De toute évidence, ses démarches ne sont guère passées inaperçues. Un fait logique, au vu de la taille du village. Finalement, une piste se présente... Incertaine, mais unique. Par ailleurs, si le clan se situe en plein dans la forêt, cela demeure une aubaine. Les membres de ce derniers pourront toujours le renseigner si il ne trouve pas Maar sur place.

Saen penche le fief, pensif, se gratte le menton. Puis, il hausse les épaule en levant les bras, un sourire léger mais sincère s'esquisse sur ses lèvres, alors qu'il répond d'un ton presque enjoué.

"Fort bien, ça me va!"

Ses bras reviennent le long de son corps et il emboîte le pas à l'individu, qui semble momentané surpris par sa réaction. Une expression qui s'évapore aussitôt qu'elle a parut. D'autres que Saen ne l'auraient probablement même pas relevée. L'homme au large chapeau ne se soucie pas vraiment de tels détails, bien que son esprit les enregistre. D'une nature peu méfiante, il se fie à ses instincts, sûrement un peu particuliers quant à la norme d'autrui. On lui offre de l'aide, il la prend avec gratitude.

Pourtant, cela faisait quelques temps qu'il ne vivait plus les choses aussi simplement. Une forme de quiétude l'a de nouveau gagné. Sans doute grâce à un cheminement psychique dont il n'a qu'une semi-conscience. Le marché lui semble honnête. Il ne réfléchit pas beaucoup plus loin. Prêt à composer avec les aléa de la vie et de son imprévisibilité.


Une fois installé dans une des cabines du navire, l'inconnu lui pose quelques questions, et donne certaines instructions. Notamment en ce qui concerne son lien potentiel avec des semi-divins, et le fait de ne pas faire appel à ces derniers. Saen n'y voit de toute façon aucun motif, à moins que l'on attente à sa vie sans qu'il ne puisse trouver d'échappatoire à lui seul. Ses pensées s'égarent alors qu'il se retrouve seul. Vers ses liés, précisément. La plupart lui soutire un sourire agréable, à une image près. Il la laisse passer, comme les autres, sans s'attacher aux émotions qu'elle fait naître, comme le flux tranquille d'un ruisseau qu'on ne peut contrôler.

Son esprit l'emmène ailleurs, alors que le vaisseau se met à tanguer doucement vers sa destination. Un adolescent aux cheveux sombres et au regard clair comme un ciel d'Aqua flotte à la rivière de ses souvenirs. Il n'ose pas les raviver davantage. Comme pour les préserver s'il devait ne jamais réussir à le trouver. Bien que de nombreuses questions se forment et se défont à l'arrière de ses pensées.

Pour finir, il ôte son couvre-chef, ferme les yeux et s'endort. Privilégiant le hasard et la découverte neuve de celui qu'il a connu. Peut-être pour ne pas se meurtrir... Qui sait, si l'homme se souvient de l'enfant rencontré? Des mots échangés? Son optimisme ne veut pas y songer davantage.

Le sommeil le mène à plusieurs coups frappés à sa porte. Saen se redresse lentement, l'homme ouvre et lui demande aimablement de se couvrir le fief avec un sac en toile de jute bien épais avant de sortir, ceci afin d'entraver une analyse potentielle des lieux. Les prunelles orangées errent vaguement sur le chapeau tressé qu'il s'apprêtait à remettre. Au final, il le renoue autour de son cou, puis le glisse dans sa nuque, acceptant la condition imposée.

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Délesté des armes qu'il a retiré du sac magique, Saen demande néanmoins que ce dernier soit gardé précieusement. Il y possède de rares effets personnels, après tout. Ce sont les poignets liés et la vue occultée qu'il s'avance en compagnie des hommes côtoyés précédemment. Les bruits s'avèrent variés alentours, des échos de voix tintent, mêlés aux chants métalliques indistincts qui s'élèvent ici et là par instant. Ses sens aiguisés effleurent sans les retenir des bribes de propos, des sons portés par un vent léger... Il se laisse bercer sans plus y réfléchir, sans déposer de sens au creux de ces inconnues nimbées de mystères.

Transporté par la brume étrange qui habille son esprit depuis quelques jours, il se sent à son aise. Là où bien des hommes n'apprécieraient de se tenir. Restreints et entravés... Mais Saen n'est probablement pas une référence. Ces détails ne traversent nullement le bon sens qui lui est propre. Un vague sourire se dessine sur ses lèvres, tandis qu'un doux sentiment de curiosité naît en lui. A fond, le voilà qui explore le monde et les êtres, en cet instant précis, nageant en pleine incertitude, pour découvrir de nouveaux points de vue. Ce qu'il a toujours souhaité faire, à son départ de l'ermitage.

Les notes se voilent soudain et la chaleur embrasse progressivement chaque fibre de son corps. A l'évidence, le voici en intérieur. Quelqu'un lui retire le sac de jute et ses prunelles, s'habituant graduellement à la luminosité du lieu, se plissent à plusieurs reprise. Pour enfin tomber sur un décor assez sobre mais chaleureux. Quatre individus se tiennent entre lui et un homme assis quelques mètres plus loin. Deux de parts et d'autres de l'espace les séparant. Le jeune homme perçoit également des présences derrière lui. Presque imperceptibles, leur respiration, bien que posée, suffit à chatouiller ses oreilles avec légèreté. Au même titre que l'aura et la fine tension qu'ils dégagent, autrement perceptible, autrement sensitives.

Bien qu'il ne comprend guère la 'situation donnée' à laquelle il est fait allusion, Saen entend les mots de bienvenue et répond avec chaleur par un hochement de tête appréciateur. Sa voix grave s'élève avec calme et bienveillance.

"Merci pour vôtre accueil, monsieur Hawke. Je me nomme Saen, et je cherche un homme rencontré pendant mon enfance, que j'aurai grand plaisir à revoir. Malheureusement, j'ignore tout de son cheminement de vie et connaît uniquement son prénom, Maar. Pensez-vous pouvoir m'aider?"


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L'individu face à lui semble l'observer. Malgré un signifiant qui peut échapper à sa compréhension sociale, Saen n'en relève pas moins chaque détail. Le moindre mouvement, le plus infime regard, les échanges... Tous s'inscrivent dans les fibres mnésiques de son esprit. Dormant, en attente de liens, de relations. Particules solitaires qui trouveront à l'avenir, peut-être, une attache ou plusieurs, afin de former une constellation parmi d'autres. Voire reliée à d'autres.

La réponse, ou, plus exactement, l'amorce d'une nouvelle question, se trouve avortée. L'homme à la chevelure blonde semble fixer un point au dessus de l'épaule de Saen. Confirmant la ou les présences pressenties par ce dernier. Il oblique légèrement du fief, mais les propos le ramènent à son interlocuteur et détournent son regard de sa curiosité inopinée. Alors il n'avait pas eu affaire au... Et bien... Membre le plus ancien du clan? En vérité, il ignore qui il est censé rencontrer ou quel genre de personne est à même de l'aiguiller. D'autant que le fonctionnement des clans nordiens lui échappe royalement. Le bref aperçu de celui de Lagertha, probablement tout aussi singulier que d'autre, ne peut l'orienter. Mais pourquoi se poser d'inutiles questionnements, au fond?

"Ah. Dans ce cas, je vous remercie!"

Il accueille avec une simplicité caractéristique le départ de chacun. Lorsque le bois claque en douceur, le silence prend ses aises. Saen constate qu'une personne demeure dans son dos. Comme il n'a pas reçu d'indications plus précises, il hésite. Peut-il faire volte face? Maintenant que ses yeux sont libres de regard, sans doute n'est-ce pas un problème? La voix grave, un rien plus profonde et plus tonnante que la sienne, qui résonne derrière lui, règle vite ce dilemme. Passant simultanément à ses côtés, un homme de forte carrure, le dépassant de plusieurs centimètres, vient prendre la place du blond. Sans s'asseoir.

Bien qu'il ne capte pas encore son regard, Saen devine aisément le ciel d'Aer dissimulé et étire un sourire déjà présent. Pas de place pour le doute. Le temps a modulé un timbre dont il reconnaît néanmoins la jeune couleur et l'accent singulier. La sérénité qui l'étreignait étend à présent de nouvelles branches. Bourgeonnant d'une excitation modérée, mais grandissante. D'une innocence et d'un souvenir rayonnant toujours inscrit dans ses chairs et ses pensées. Une sensation de joie se mêle à sa curiosité, comme à la félicité étrange qu'il éprouve en cet instant.

Saen fixe le ciel qui se pose alors sur ses prunelles orangées. L'éclat de rire allège les craintes refoulées, loin dans un coin de sa tête, son regard semble briller davantage à cet écho agréable. Même s'il n'en saisit pas vraiment la nature. Il finit pas répondre avec une certaine évidence... Ou naïveté? A un peu tout en même temps, peut-être? Penchant un rien le fief sur la gauche.

"Oh? D'accord, pourquoi pas. Markus c'est bien aussi!" Peu soucieux des raisons pour lesquelles ce prénom s'est transformé, pas regardant, ou probablement pas d'un naturel inquisiteur, il s’imprègne simplement de cette nouvelle donnée. Puis ajoute, revenant aux premiers dires de son ancien compagnon d'aventure passée.

"Tes amis se sont montrés aimables avec moi chaque instant. Je ne leur ai rien trouvé de... louche. Enfin, je ne sais pas, peut-être que la définitions de ce terme m'échappe un peu, ha ha." Termine-t-il, plissant brièvement le regard. Cela n'a aucune importance, non? Ils l'ont aidé de façon efficace, sans demander des choses inconcevables pour lui, ni le blesser. Ce sont des gens biens, forcément. Il s'exclame, aussi posément que possible, mais avec un entrain teinté d'une joie perceptible.

"Et bien, je suis content. Tu es là."



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Un sourire quelque peu béat aux lèvres, le regard brillant d'un éclat chaleureux, Saen observe son ami réagir. En effet, il l'a trouvé! Mais le soupir qui précède ce propos, lui semble difficile à cerner. Un fil logique se tisse assez bêtement sous son crâne. Est-ce pour cela, un prénom différent? Maar souhaitait-il ne pas être trouvé? Y réfléchir n'engendrerait pas d'agréables pensées. Le jeune homme élancé occulte aussitôt cette idée, elle disparaît derrière un mur épais, érigé par les filaments étranges de son cerveau. Pas de questionnements, pas d'inquiétudes! Voilà! Facile!

Son sourire ne s'est pas éteint, ainsi. Il s'affiche d'autant plus avec de clarté au toucher, puis au son franc du rire grave qui résonne. Et s'ouvre pour en faire l'écho, une tessiture plus bas, le mystère enrobant ses paroles. "Ah ah! Le temps est insaisissable, il me file entre les doigts et les pensées, lui aussi."


Pourquoi n’a-t-il pas cherché plus tôt ? La réponse est sans doute un peu trop évidente, pour qu’il désire réellement y songer. La formuler, et ainsi matérialiser ses craintes ? Certainement pas ! Ce qui est dissimulé au-delà des multiples portes dans sa psyché, peut bien y rester, après tout.

L'homme au chapeau se redresse avec lenteur, ses pas rejoignent le tracé de ceux de son aîné. La pureté polaire qui s'infiltre dès que s'ouvre la porte, le fait cligner des yeux un bref instant. Deux mains bourrues le saisissent par les épaules pour l'amener plus en avant. Lorsqu'il s'est réadapté à cette lumière si particulière, l'orange de ses iris tombe sur les compagnons de Markus. Qu'il salue à nouveau, officiellement, d'un signe de tête des plus amicaux et d'une voix doucement enjouée.

"Enchanté. Vous êt..."

Emmené au loin. Ou, plus exactement, dirigé par une incitation un poil ferme de la part de Markus, sa question s'évapore dans les volutes glacée de son souffle. Soit, rien ne presse. Il aura tout le loisir de faire connaissance plus tard, non? Si, bien sûr!


L’intérieur dégage une atmosphère accueillante. Chaleur, calme, personnalité. Saen y découvre l’empreinte d’un Markus qu’il connaît, au fond, si peu encore. Son regard particulier épouse chaque détail, vogue ici et là, laissant libre court à de multiple possibilités d’interprétations. Qui ne se forment jamais véritablement. L’esprit du jeune homme prend, tel que donné, sans apposer de connaissances certifiées.

Une fois installé, il accepte le verre et remercie son hôte. Le liquide tournoie au rythme que son poignet lui imprime, ondoyant sous ses yeux rieurs et satisfaits. Il ne réfléchit guère plus loin. La situation lui sied bien ainsi. Il se sent bien. Le reste n’a aucune importance.

Ses prunelles retrouvent le regard qui lui fait face, prêt à poser des questions, comme demandé. Mais son vis-à-vis ne lui laisse point l’opportunité de mettre sa propre invitation en œuvre. D’un autre côté, Saen ignore s’il a des questions précises. Oui, sans doute. Trop, probablement. Au final, c’est mieux ainsi d’ailleurs. Un échange reste un échange, les contours sont parfois dispensables. Sa voix grave résonne calmement et posément dans la demeure.

"Oh... Mon devenir n'étant guère présent, je l'ignore encore ma foi. Et c'est bien ainsi, les 'maintenant' à venir recèlent une incertitude grisante."

Il gratte distraitement sa fine barbe, en fronçant des sourcils, un rien dérouté par cette étrange seconde question. D'un timbre empreint d'une perplexité innocente, il offre une réponse indécise à son interlocuteur.

"Et bien...J'ignorais que le monde soit en mesure de me traiter d'une quelconque façon, en vérité. Que veux-tu dire, exactement?" Il s'appuie en parallèle au fond de son siège, amenant son verre à son visage. Les effluves épicées lui tirent un sourire en coin. La gorgée de rhum glisse avec agrément sur sa langue puis dans sa gorge. Il déguste avec un réel plaisir l'alcool offert.



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La réaction lui tire un sourire gêné. Bien sûr, sa question doit sembler bête ou inappropriée. Il n'a pas compris, comme à son habitude. Pourtant, la gêne s'envole rapidement. Malgré les propos d'un Markus qui tente vainement de lui fournir une explication plus claire, il ne se sent pas mal à l'aise en sa présence. Ou, disons, encore moins qu'avec d'autres? Car oui, au fond, Saen ne s'est jamais senti réellement mal à l'aise. L'inadaptation sociale dont il est pourvu, fait corps avec son esprit, sans vraiment être problématique... Voire conscient? Oh, ce n'est guère important. Ses pensées se forment déjà en d'autres lieux de réflexions.

L'homme a bel et bien saisit le sens global qu'on peut traduire par un "Qu'est-qui t'es arrivé depuis la dernière fois?" . Une question intéressante, même si il n'est pas sûr de la réponse. Entre "bonnes" ou "mauvaises" choses... Trop de blanc et de noir. Son parcours semble teinté de nuances qu'il n'arrive aucunement à définir. Par ailleurs, depuis ces nombreuses années, cela en ferait un paquet de trucs à narrer. Que choisir? Faut-il résumer? Quelques événements sont trop importants à son coeur pour l'être. Ses iris s'égarent momentanément. Avant d'amorcer une réponse...

"Et bien, disons que j'ai vécu un peu de tout, mais jamais rien d'inintéressant. Il y a ce demi-dieu, que j'ai délivré au Temple d'Aer. Un être assez extraordinaire et..." Ses mots s'évaporent doucement pour rendre sa place, apparemment légitime, au silence. « Je vois, je vois. » Que peut-il réellement voir, si il n'écoute déjà pas vraiment?

Le brun paraît ne pas prêter grande attention à cette réponse qu'il cherchait néanmoins. Ou non? Saen se renferme, imperceptiblement. Est-ce que Markus se soucie vraiment de tout cela, de lui? Les années se sont écoulées. Les jeunes gamins, après tout, ne se sont croisés que l'espace de quelques heures. Pour certains humains, Saen le sait d'expérience, cela ne représentent rien. Une goutte d'eau dans l'océan d'une vie de rencontres multiples.


La psyché de Saen se fragmente, comme à l'accoutumée. Songeuse vis à vis du temps passé, entre leur première rencontre et ce jour. Concentrée vis à vis du comportement actuel de Markus et de sa demande, agrémentée d'un étalage visuel plus précis. L'homme élancé n'en a pas grande utilité, sur la forme. Son regard observateur a déjà noté les multiples détails qu'offrent la demeure de son ami. Sur le fond, cependant, il n'aurait probablement pas assimilé tout cela au point de vue qui lui est partagé.

Son verre un peu plus plein qu'auparavant, il s'imprègne à nouveau de l'odeur ambrée. Puis le vide d'une traite, bien que lentement. Quelques amples gorgées suffisent. Finalement, boire s'avère la seule idée judicieuse qui lui traverse l'esprit. Pourtant, les résultats l'ont rarement été. Ses prunelles observent distraitement les phalanges de la main posée sur le récipient. Sans émotions particulière.

Que faire ou dire d'autre? Il ignore les attentes de son vis-à-vis, suite à cette dernière question. Au final, le regard plongé dans un verre aussi vide que ses pensées, il entrouvre les lèvres.

"Je ne sais pas. Cela semble te rendre... Fier? Je suppose, que c'est bien? Sa voix plutôt basse demeure assez neutre. Aucun jugement dans les termes ou le timbre employés, comme toujours, une simple constatation. Probablement trop littérale pour beaucoup d'humains. Sur son dernier mot, l'orangé a retrouvé le ciel clair. Un sourire en demi-teinte peint plus bas sur ses traits.

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