Les jours se suivent et se ressemblent, mais ils avaient au moins l'avantage de m'apporter une tranquillité toute relative. Je mangeais à ma faim, malgré un estomac tordu la plupart du temps, appréhendant chaque entrée comme étant possiblement la sienne. Je n'avais pour autant construit une peur bleue de cet homme, loin de là peut-être même, mais les ressentiments que j'avais à son égard étaient poignants. Aussi, je craignais la possibilité d'une rencontre. Malgré tout, le temps avait fait son effet et si le soir même m'avait vu fondre en larme, dès le lendemain matin, j'avais récupéré ma figure impassible. Mon esprit n'était pas pour autant tranquille évidemment, mais j'avais récupéré mon panache habituel. Cela n'avait été qu'un fâcheux incident après tout, comme il y en eu tant et comme il y en aura d'autres à l'avenir.

Le troisième jour, on m'avait offert la possibilité de me laver et j'avais saisi l'occasion avec un ravissement contenu. Je n'avais pas touché à la bière, mais l'eau chaude coulant sur ma peau avait été des plus agréables. D'autant plus que je n'étais resté si longtemps sans me nettoyer. Quel bien fou cela pouvait procurer.

Le quatrième jour, l'instant que je redoutais temps arrive. Hawke me convoque et je suis amené jusqu'à lui, comme un paquet qu'on livre à son destinataire. Je rechigne à être tenue pour me guider, même simplement par le bras, mais n'avais pas grand choix avec la vision fermée. Je note cependant des éclats de voix, du brouhaha par là où mes pas me mènent. Je pensais simplement que c'était dans leur habitude d'être à ce point bruyant, dans la vie de tous les jours, pour la plus petite raison qui soit. J'entends mes pas claquer sur un sol qui n'est plus de terre, aussi, je me rends bien compte que j'entre dans une bâtisse. A la fin de mon périple, j'entends la voix de Hawke éclater comme un couperet. Mon sang fait un tour et je m'accorde la crispation qu'il m'inspire, le temps que mon visage lui soit caché. Une fois dévoilé, je me dresse impassiblement et pose mes iris noisettes sur lui, un vide abyssal au fond du regard.

Ainsi donc, il avait besoin de mon avis ? Quel importance avait-il pour me faire mander ? A cet instant, j'hésitais à l'envoyer valser d'un revers de main. Pourtant, un petit instinct de survie au fond de moi m'intime de rester de marbre, pour l'instant du moins. Je pouvais bien prendre le temps de savoir ce qu'il me voulait, il était encore trop tôt pour lui faire ravaler sa fierté si bourrue et mal placée.

Je l'observe, le regard creux, notant un sourire bien peu plaisant sur son visage. Je ne prends même pas la peine de lui répondre et me contente de le suivre silencieusement. Que me voulait-il ? Et de quelle assurance était-il doté pour croire que j'allais aider mon ravisseur dans quelque entreprise que ce soit ? Cet homme était décidément doté d'un aplomb peu commun.

Hawke transpire d'une gaîté non dissimulée. Cela ne m'évoque rien de bon ni de confortable et une légère grimace m'échappe à ce constat. A une distance respectable, je le suis silencieusement, l'un de ses sbires sur mes talons, s'assurant que je ne lui ferais pas faux bon. D'un regard en arrière, je peste en mon fort intérieur, sans dévoiler l'agacement que cela me provoque.

Étonnement, cette fois-ci ma tête n'est pas parée de son sac habituel. Est-ce qu'il était suffisamment confiant pour pouvoir ainsi s'en accommoder ? Est-ce que cela annonçait ma fin toute proche ? Elle était pour moi la seule raison valable à une telle liberté. Pourtant, cette idée m'échappe rapidement quand à notre avancée, j'entends au loin les jappements distinctifs de mes calis. Un frisson mord mon corps et je m'immobilise soudainement. On me rappelle évidemment à l'ordre et je me vois contraint de reprendre ma route. Leur sort m'est mille fois plus précieux que la plupart des autres et l'inquiétude s'empare de mon être.

Hawke alourdis la sentence de ses propos orgueilleux. Mes traits se ferment et mon regard s’assombrit à son encontre, sans lui répondre. Il semble se plaire à me narguer de la sorte, je ne lui ferais pas le plaisir de lui dévoiler la moindre faille à ce propos. Pourtant, comme si ça ne lui suffisait pas, il m'annonce sans vergogne la trahison de certains de mes gens.

Pour seul signe d'agacement, je souffle longuement par le nez. Eux qui avaient une place au sein de cet élevage avaient décidé qu'il valait mieux passer à l'ennemi. Je ne pouvais décemment les blâmer, moi même je m'évertuais à prendre la direction du vent qui m'était le plus favorable. Mais l'amertume était bien là. Ce qui ne m'empêche pas de réfléchir à tout cela, avant d'arriver à notre destination.

Nous faisons face à Juliette, la maîtresse d'écurie, l'une des plus fidèles. J'étais persuadée qu'elle était là contre son gré et avait tenue à rester auprès de nos calis. Je lui offre une mine à la fois désolée et teintée d'une once de gratitude. Nous ne sommes pas proche et ne l'avons jamais été, mais son professionnalisme était indéfectible.

Me remémorant chaque mots de Hawke prononcé jusque là, l'évidence s'impose. Rassembler les calis au même endroit, contraindre mes employés à les aider et maintenant, me demander mon avis. Ce fou ne pouvait avoir qu'une idée en tête et je dois dire, que cela n'était vraiment pas bon pour ce que la porte de sortie que j'envisageais. Je sens alors toute l'amertume monter en moi, celle d'avoir été défaite avant la moindre tentative, une colère grandissante qui s'additionne à tout le reste. Et pour ponctuer le tout, la mine de Hawke me répugnerait presque à ainsi prétendre à mon aide, comme si il pouvait en disposer à sa guise.

Il n'était pas question de lui laisser un seul de mes protégés. Quel sort funeste ce serait pour l'un d'eux que de devoir vivre à ses côtés ? Qui plus est, quelle image aurait-on de moi pour avoir accepter son marché, ne sauver qu'un calis au détriment des autres. D'autant que j'étais intimement persuadé qu'Aeris ne s'y trouvait pas. Cet homme avait le don de me mettre dans les situations les plus déplaisantes qui soient et jamais je n'avais eu à combattre autant de manque de savoir vivre. Je n'en peux simplement plus. Alors je le fixe, le regard noir, mais les traits sobres.

« Allez vous faire voir. »

Mes paroles sont sèches, il m'était tout bonnement impossible d'aller dans son sens à cet instant. Les jappements des mes calis me brisent le cœur, davantage qu'il ne l'est déjà et intensifie la colère qu'il m'inspire. Je la sens monter en moi, insidieuse et prête à me dévorer, proche de mes propres limites.

« Quelle folie vous a suggéré que j'allais prodiguer des conseils à mon ravisseur ? Et avec plaisir je suppose ? »

Mes paroles me rapprochent de ma chute, je me sens prête à tomber de la falaise sur laquelle je me tenais avec peu d'équilibre. Mon visage combat la colère, se crispe. Mes doigts se serrent sous cette lourde cape de fourrure.

« Renvoyez-moi. »

C'était la seule issue qui me semblait salutaire. Il fallait que je m'éloigne de cet homme et de sa bêtise au risque de perdre bien plus que la face.

La lueur dans ses yeux... J'aurais préféré qu'elle m'indiffère, mais c'était loin d'être le cas. Telle une proie face à un chasseur, de vagues images ressurgissent. Je sentirais presque mon estomac se torde jusqu'à m'imposer des hauts le cœur que je parviens malgré tout à contenir. Il ne s'agissait pas que de peur, bien malheureusement. Grâce, ou à cause, de cette colère née il y a fort longtemps, mon corps gronde de plus belle et je ne perds rien de mon aplomb.

Sa réponse l'éveille d'autant plus et mes dents se serrent amèrement. Cela aurait été évidemment trop simple qu'il accède à ma requête. J'étais face à un homme détestable qui, en plus d'être idiot, s'amusait visiblement de la détresse d'autrui. Mes poings se serrent sous ma cape et mon cœur sursaute quand j'entends son ordre. Je coule un regard inquiet et réciproque à Juliette, menée au dehors, avant d'avaler difficilement ma salive en revenant sur Hawke.

Qu'avait-il en tête pour ainsi nous isoler ? L'apparent calme dont il fait maintenant preuve ne me dit rien qui vaille. Il me fait face et mon regard noisette balaye la zone et je prends d'autant plus conscience, avec une appréhension contenue, que nous sommes bien seuls. Il me fixe, de sa si grande taille, mais je ne faiblis pas et ma peau fourmille de colère à sa simple vue. Mes poings, à nouveau, se serrent discrètement sous ma cape.

Je ferme les paupières à l'entente de ses mots et les rouvre en le fixant. J'inspire profondément et pince mes lèvres nerveusement, prenant quelques secondes afin d'éviter de briser la fine barrière qui me sépare d'une perte de contrôle me semblant inévitable. Mais plus je reste en sa présence, plus elle s'effrite.

« Pire ?! Que d'être enlevée à ses terres, dépossédée, humiliée, arrachée aux seuls êtres qui m'apportent un tant soit peu de paix... ? »

Je me sens faiblir sur ses mots. Mes yeux glissent jusqu'à eux une seconde et ma voix, ferme jusqu'à présent, s’éraille. Les entendre risque de me faire perdre pied bien davantage. Je serre les dents et inspire à plein poumons, reprenant le ton précédent.

« Et tout ça pour quoi ? Un peu de tsuris et de quoi assouvir votre sadisme ? »

Les secondes passent et je parviens de moins en moins à conserver les traits neutres. Ils se tordent discrètement de dégoût à son encontre et pendant un instant, je garde le silence avant de reprendre.

« Je regrette mais non, vous m'avez déjà trop pris pour que cela puisse être pire. »

Pour des natifs de ces terres, vivant au milieu d'une guerre incessante, mes mots peuvent sembler inconsidérés et ingrats, mais ils étaient sincères et véritables. Face à cette évidence, le poids de la fatalité semble me calmer quelque peu et surpassant la colère, l’écœurement prend place. Il ne méritait pas l'empathie que j'avais pu avoir à l'encontre de son peuple et je coule vers lui un regard d'une glace noire.

L'absence de paroles en réponse aux miennes me glace le sang. A se demander ce que je préfère entre ses inepties ou son silence qui m'impose tant de questionnement. Peut-être me sert-il le calme avant la tempête. En aucune manière je n'espère avoir été entendue, ou même vaguement écoutée. J'avais déjà perdu tout espoir le concernant, si seulement j'en avais eu un peu avant.

Mon regard empli de noirceur ne le quitte pas et force la détermination. Pourtant en mon fort intérieur, il en va tout autrement. Il s'approche, me dépasse sans me frôler, mais sa proximité provoque un frisson d'effroi, mord ma peau et foudroie mon échine. Cet homme n'avait finalement rien fait de plus que me pousser dans une fosse et pourtant, en simple déclencheur, il alimentait maintenant tant de ressentiment. Longtemps enfouis, je peine à les contenir maintenant qu'ils se sont éveillés.

Je serre les dents en le suivant du regard, mes traits se froncent et je darde sur lui une sévérité glaçante. A contrario, ses mots sont si risibles qu'ils m'empêchent de retenir un rire sardonique. A croire qu'il brise chaque barrière, l'une après l'autre. Notre relation ? Sérieusement ? Je détourne le regard en levant les yeux au ciel. Quelle idée franchement ? Par quelle folie peut-on qualifier cela d'une relation quand je suis contrainte et forcée d'être ici ? Mais la vérité... Voilà un mot lourd de sens, que je n'avais jamais véritablement arboré. Oui. Je lui avais offert une part de vérité et en y songeant, je maltraite ma lèvre inférieure entre mes dents.

Je m'étais promis de ne montrer aucune faiblesse, à personne et voilà que je la servais sur un plateau d'argent à mon ravisseur. Quelqu'un qui me voulait du mal. Quelle idiote tu es Brisielle. La colère coule lentement de lui, à moi. Douloureux constat que celui-ci. Il me fallait reprendre contenance au plus vite, retrouver celle que j'étais en arrivant ici. Tournée vers lui, j'écoute ses paroles et délie lentement mes traits, bien que sa vue rende l'entreprise difficile. Et alors qu'il ouvre la porte qui m'assène les glapissements de mes calis, à nouveau mon âme faiblit. Me secouant intérieurement et imperceptiblement, j'arbore une mine grimaçante, d'un sourire dédaigneux à son encontre, en croisant les bras sous ma cape.

« Ai-je seulement le choix ? »

Je ne crois pas. Je ne sais pas ce qui m'attends derrière cette porte, ni qui si ce n'est pas lui. Las de tout ceci, mes paupières clignent plus longuement avant que je ne soupire mon épuisement. Tant psychologique que physique, je souhaite ardemment que tout cela cesse. Alors plutôt que de protester, je m'engage en direction de la porte, détournant volontairement mon regard du sien. Pourtant, juste avant mon passage de l'encadrement, je m'arrête à ses côtés et, fixant face à moi, je porte une dernière rafale.

« La vérité... C'est que je n'accepterais aucune excuse de votre part. »

Trop proche de lui pour me permettre de le fusiller du regard sans risquer d'être troublée, je m'engouffre dans les écuries, fin prête à affronter ce qu'il me préparait.

J’entre et mon échine se glace instantanément. Mon cœur explose et s’arrache à ma poitrine. Je peine à contenir un gémissement de douleur. Les voir tous ici me détruit. Enfermés, apeurés pour certain. Quelques-uns s’approchent de moi, ravis de me voir, je le suis également malgré tout. Ils quémandent une caresse que je leur accorde avec douceur. Leur présence me force à la bienveillance, ne souhaitant pas les perturber outre mesure.

Je fais à peine attention aux personnes qui sortent, en revanche, je ne peux m’empêcher de balayer l’endroit du regard et… Quel effroi. Elle est là. Jappe de bonheur un peu plus loin et s’apprête à bondir vers moi. Je l’arrête d’un claquement de langue discret, que seule une oreille avertie pourrait entendre dans ce brouhaha. Mon être se déchire en la voyant, j’avais tant espéré qu’elle n’y soit pas. Mais il ne pouvait sans doute pas en être autrement. Rester auprès de moi devait être plus fort que son instinct de survie et en se laissant amener jusqu’ici, elle s’assurait notre proximité. Mais pour quel risque ?

Je jette un œil à Hawke, qui s’affaire à essayer de sympathiser avec l’un des plus difficiles. En cage. L’ironie est extraordinaire. Et de toutes mes forces, je contiens ce qui s’anime en mon esprit. A contrario, mes gestes se part de bienveillance et de douceur. Je m’accroupis avec souplesse, caresse chaleureusement ceux qui me quémandent. Là, maintenant, j’invite Aeris d’un bref mouvement de tête à me rejoindre. Parmi les autres, elle passera mieux inaperçu.

Mon cœur bat à tout rompre jusqu’à ce qu’elle arrive jusqu’à moi et, immédiatement, je la sers tendrement contre moi alors que sa queue bat les vents. Je fais de même avec les autres. La présence de tous réchauffe mon âme et un sourire sincère étire agréablement mes lèvres, malgré le contexte peu engageant qui nous tourmente tous. J’étais déchirée de les voir ici, mais si allégée de les retrouver. J’en perdais d’autres notions, comme la présence de Hawke non loin, mais sa voix bourrue ne faisait pas défaut. Elle me glace le sang, imperceptiblement.

Je reste moi-même accroupis, ne lui accordant aucune attention. Mes traits sont parfaitement adoucis, ma voix délicate et bienveillante. Je ne voulais surtout pas provoquer davantage de stress à mes protégés.

« Et si c’était le cas ? Vous auriez la grande générosité de me la rendre et je devrais sans doute vous en êtes redevable, c’est bien cela ? »

La douceur particulière de mon timbre dénote tellement avec la morsure de mes paroles. Aeris est là oui, mais sans savoir ce qu’il lui réserve, je ne peux prendre le risque de lui avouer. Ce que j’avais évoquer était une possibilité, mais il pourrait tout aussi bien choisir de l’utiliser autrement, pour me faire souffrir davantage. Je continue d’apporter toute la tendresse qu’il m’est possible d’offrir à mes protégés, équilibrant difficilement mes attentions pour ne pas trahir Aeris. Un coup d’œil vers Hawke et je poursuis, en me relevant pour rejoindre une mère et ses petits. Deux calis me suivent, dont Aeris.

« C’est ainsi que vous procédez ? Enlever, enfermer. Quelques friandises en espérant que votre prisonnier finisse par vous accepter ? »

C’est exactement ce qu’il semblait faire avec Hurricane. Son caractère était déjà difficile par nature, mais l’enfermer ainsi n’arrangera jamais les choses. Sa confiance se gagne. Certainement pas en lui faisant croire à de la bonté déguisée. Il est trop intelligent pour se laisser berner.

Je m’accroupis face à la petite famille. Elle allaite et remue sa queue à mon approche. Le voyage à dû être difficile pour la petite fratrie. Par chance, en les comptant à vue de nez, aucun n’a succombé et le choc n’a pas entachée leur faim. Ma main se dépose tendrement sur la tête de la mère, qui se love au creux de ma paume. L’un des petits peine à trouver sa place parmi les autres. Je l’attrape délicatement et l’insert entre deux de ses frères avant qu’il ne se jette sur la mamelle de sa mère. Mes lèvres s’étirent en les observant. Ils approchent des deux mois, bientôt leur sevrage devra s’opérer. Mais dans ces conditions et avec un changement si brutal d’environnement…

Même si je m’échine à faire disparaitre sa présence de mon esprit, mon regard ne peut s’empêcher de bifurquer discrètement vers lui à chacun de ses gestes. Je ne pouvais que me rendre à l’évidence : il m’effrayait et ce n’était pas le cas avant… cela. Je m’ébroue légèrement pour souffler ce souvenir de ma tête, malgré l’échange qu’il opère avec quelqu’un au dehors. Je me reconcentre sur les petits avant de sentir la glace d’Aqua givrer mon dos et attirer à mes yeux son eau.

Mon visage se crispe et mon corps entier avec lui. J’avais beau avoir déjà évoqué qu’il m’imposait le pire, l’entendre de sa voix était on ne peut plus violent. Mes yeux se ferment, mes lèvres se pincent avant de s’ouvrir à peine et une inspiration saccadée abreuve difficilement mes poumons. A nouveau, j’ai envie d’y céder, mais je ne le peux face à un bourreau qui ne ferait que s’en délecter.

Le grincement de la porte qui se referme me rappelle à la réalité et quelques secondes de silence s’ouvrent sur sa voix rauque et glaçante. Objectivement, elle ne l’est pas, mais pour moi, elle avait tout d’un froid mordant et ses mots ne cessent de me déchirer la peau. Avant, j’avais un plan. Aujourd’hui, j’avais seulement l’impression de subir sans aucune prise sur mon sort. Alors je me redresse, gracieusement avant de lui faire face de ma place, la chaleur dans la voix et la glace dans le regard, encore brillant de la souffrance dans laquelle il me noie.

« Auriez-vous autant d’aplomb face à une mère à qui vous auriez arraché l’enfant ? »

Une question qui n’appelait aucune réponse, elle posait simplement mon ressentis face à son mépris. C’est ce qu’il avait fait oui, m’arracher mes petits, me forcer à l’accepter en prétextant qu’il ne voulait que leur bien-être. Tout à fait risible, leur place n’était pas du tout là. Mais actuellement, je n’avais pas le choix et je resterais aussi longtemps qu’il le faudra.

Mes poings se serrent d’une frustration grandissante depuis lors et mon Aeris le sent. Elle vient loger son museau au creux de ma paume, la force à s’ouvrir pour y cueillir une caresse qui fragilise mon visage avant que mon regard ne se tourne vers elle pour m’en cacher au mieux. D’autres se rapprochent et c’est à ce moment que je m’accroupis pour continuer mes caresses, quittant du regard ce bourreau qui me torturait.

« Je vais rester auprès d’eux, mais ce n'est pas un réel choix. »

Contrairement à ce qu’il se plaisait visiblement à croire. « Choisir c’est renoncer ». Ces mots prennent tout leur sens en cet instant. Maintenant, tout ce que je désirais, c’est qu’il parte. Mais je savais aussi que s’il me laissait à la moindre solitude, je m’écroulerais dès son dernier pas.