Il respectait son choix de ne pas s'étendre au sujet du drame, elle le remerciait intérieurement, la plaie était de toute évidence encore fraîche. Et comme elle était une rêveuse romantique, durerait peut-être même toute sa vie.

Une entrée par une porte dérobée ? Sa curiosité s'éveillait, tout cela lui évoquait les histoires de passages secrets donnant sur des pièces mystérieuses des romans dont elle s'abreuvait.

Sa garde s'installait devant la porte de la loge, en compagnie de celle de son délicieux hôte. Elle s'installait poliment, sa robe glissant autour d'elle comme une cascade sombre, elle caressait distraitement la mousseline transparente brodée de fils d'or aux motifs automnaux. Avant d'accepter le verre qu'on lui tendait, trempant ses lèvres délicatement dans le vin qui était doux et sucré, parfaitement à son goût, elle étirait un sourire satisfait. Elle ne se risquerait pas à boire quelque chose de plus corsé, cette rencontre durerait peut-être un peu plus longtemps que l'après-midi..

Son attention se portait ensuite sur le spectacle qui se déroulait en contrebas, élevée entre six enfants mâles cela lui évoquait leurs rivalités durant l'adolescence, qui perduraient encore aujourd'hui. Elle se recentrait cependant rapidement sur leur conversation. « Dans le nord, j'imagine, le seul endroit où je n'ai aucune influence. J'aimerais y faire affaire avec les locaux, dans le commerce de la fourrure peut-être. » Elle aimait vraisemblablement le danger et bien qu'elle avait largement les moyens, elle ne comptait pas dépenser son propre argent dans une folie pareille, elle aurait tout le loisir de trouver quelques mécènes dans cette entreprise. Elle y avait grandi et les étendues imprenables et glacées l'avaient toujours attirées, les nordiens lui avaient faits forte impression.

« Que pourrais-je faire ensuite pour vous ? » Des mots qu'elle murmurait presque, une délicate attention, s'accoudant de son bras libre sur son fauteuil.

Elle devinait aisément les patterns qui se répétaient, assemblaient les cartes qui étaient en sa possession, elle comprenait ainsi les sujets à ne pas aborder davantage. Pas le nord, ni les femmes, par chance cela laissait une foule de sujets probables et peut-être plus passionnants. Le trouble, néanmoins, la perturbait, elle était seule, bien qu'elle n'eut jamais été autant entourée qu'aujourd'hui, mais elle n'avait aucun ami qui n'était pas issu en premier lieu d'une relation intéressée, elle voulait faire les choses différemment à présent. Elle avait tout de même fait attention à son apparence, elle savait qu’elle était belle, de toute évidence puisqu'elle en jouait. Elle n’avait pas besoin de renoncer à sa beauté seulement pour prouver qu’elle était aussi intelligente et capable malgré ses vingt printemps.

« Vous connaître en premier lieu, davantage que les ragots et les médisances. Ensuite, je vous écrirais chaque jour, sans attendre de réponse, jusqu'à ce que vous m'invitiez à danser. Même si vous n'appréciez de toute évidence pas les mondanités. » La conversation semblait avoir été préparée à l'avance, une journée sans défaut, le décorum de l'arène parfaitement adapté, maîtrisait-elle si bien les arcanes de l'esprit humain ? Où est-ce le fruit d'une sensibilité innée ? Elle reprenait, peut-être avec la lueur de l'espoir dans le regard accompagnée de l'innocence propre à son jeune âge. « Je serais avec vous durant tout ce temps et si vous préférez avancer en silence pendant ce voyage, je comprendrais du moment que me parliez à l'arrivée.  » Épatante proposition, elle lui proposait l'apaisement, la normalité, une simple main tendue qu'il était libre de refuser et qui ne serait pas invasive. Et malgré un refus, elle serait encore là. C'était ainsi qu'elle voyait l'amitié, complètement désintéressé. « Je ne suis qu'une simple courtisane, mais nous pourrions passer des semaines fantastiques, un ami ça enrichit toujours la vie. » Il n'y avait aucune tentative de séduction dans ses mots, juste une innocence et une naïveté toute enfantine.

Et comme elle n'avait aucune connaissance martiale, elle ne trouvait pas grand-chose à dire sur le spectacle qui se déroulait sous ses yeux, elle imaginait qu'il y avait du bon et du moins bon. Elle-même qui n'avait jamais été capable de soulever une épée sans trembler, l'arc avait toujours été quelque chose d'impossible tant cela nécessitait de force. « Que voyez-vous ? » Il était convenant de ne pas trop s'isoler du cœur des festivités.