Au moulin, une fois la meule enlevée, on se débarrasse de l'âne.
Sa réponse tarde à venir et un sentiment mitigé crispe mes doigts. Je me stoppe dans l'élan qui me rhabille et attends. Le silence, lourd et pesant, me force à enfin lever les yeux vers elle qui semble mettre tout en œuvre pour occuper son esprit, en se rhabillant elle aussi. Si mon impression première à notre rencontre était de devoir la protéger, en cet instant, c'était différent. Une envie de la rassurer, peut-être. C'était grotesque, je suis tout simplement incapable de faire ça sereinement. Alors je me contente de lui laisser le temps qui lui est nécessaire avant de me répondre. Une fois fait, je ne décroche mes yeux d'elle que dans un second temps, reprenant mes propres affaires.
❝ Ça va. ❞
Pour ma part, je lui réponds aussi distraitement que si elle m'avait posé la question au réveil. Je me rééquipe plus lentement qu'elle et mes quelques regards indiscrets s'allongent en voyant la toute autre allure qu'elle arbore. Rien à voir, évidemment. Elle est sans doute déjà plus proche de son rang, à présent. Sans jugement véritable, mais avec un léger ressentiment, ma mâchoire se crispe et je détourne définitivement le regard pour finir de sangler mes cuirs. Un bon bain n'aurait pas été de refus après tout ça, mais tant pis. Je ne pouvais pas abuser, à ce point, de son hospitalité.
Malgré tout, mes yeux s'accrochent à elle lorsqu'elle enjambe les corps et qu'elle intercepte la matrone, d'une voix étonnement sûre malgré les événements. Cependant, cette lettre m’inquiète. Et si elle s'aventurait à alerter les autorités pour le meurtre de deux hommes sous son nez ? Même si ils ne l'étaient pas de ma main, elle n'aurait aucun mal à me faire porter le chapeau. Mon air se raidit. Elle finit par quitter la pièce après la matrone qui était déjà repartie. Mais le silence m'invite à penser qu'elle reste dans le couloir.
Les deux corps attirent alors mon intention. Mes instincts reprenant leurs droits. Je m'abaisse à leur encontre et fouille leurs poches pour en soutirer leur possession. Trois centaines de tsuris ne leur sera plus très utile. Rien d'autre de particulièrement intéressant. Par contre, ma mémoire me ramène à l’acquisition de parchemin à Oagran. Et si... Ah, l'un deux porte des gants. Parfait. Pour l'instant, les garçons de cuisine mandés ne sont pas là alors, ni une ni deux, je m’exécute. Je lui retire un gant, aplatit sa main au sol et sectionne un doigt à l'aide de ma hache. Un bout de tissu déchiré et je l'enroule pour le glisser dans ma poche. Avec le sang accumulé, ça passerait inaperçu et maintenant que je lui remets son gant, davantage encore. Espérons que Sintharia n'ai pas vu ça.
Finalement je me redresse et rejoins le couloir, manquant presque de la percuter alors qu'elle se trouve là, inerte et sans voix. Je ne saurais dire pourquoi, mais j'aurais presque pu la serrer dans mes bras. A défaut, je me contente de grimacer un peu et d'adoucir ma voix.
❝ Désolé pour tout ça. ❞
J'étais sincère et si je l'avais troublé, ce n'était évidemment pas mon intention. Malgré tout, si je pouvais m'estimer victime d'une telle attaque, j'étais tout aussi responsable d'avoir vingt milles tsuris sur ma tête. Un certaine Démon serait en parfait accord avec ce fait. Les garçons de cuisine montent les marches et traversent le couloir avec leurs malles. Je me décale pour leur laisser place et entraîne, délicatement, Sintharia avec moi. Ils semblaient habitué à régler ce genre de problème. Pour les filles d'ici, les occasions ne doivent manquer, de soustraire la vie de leur client pour défendre la leur.
Après leur passage, je m'engage vers l'escalier après avoir dépassé Sintharia. Avant de descendre la première marche, je me tourne vers elle.
❝ Tu viens ? ❞
Je n'avais aucune raison de l'inviter à m'accompagner jusqu'en bas ou de me tenir encore compagnie. Tout comme elle n'en avait aucun, d'accepter. L'intention était là, tout simplement, de l'éloigner du sang et de la mort que je laissais dans mon sillage.
Rang : Simple membre Crédit Avatar : The Fall - Charlie Bowater Date d'inscription : 08/10/2022 Messages : 75Liens vers la fiche : Fiche de Sintharia | Fiche de suivi Elément : Métier : Courtisane
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J’étais censée être l’intelligente. La mémorable. Maintenant, j’étais presque sûre de marquer les esprits pour toutes les mauvaises raisons.
Elle restait dans le couloir, figée dans une attitude droite, n'échangeant pas plus que de quelques mots avec la tenancière qui hâtait de donner ses instructions et la chose fut rapidement faite. Ce genre de chose était finalement monnaie courante. La jeune fille s'étonnait que sa compagne d'infortune puisse mettre autant de temps à se préparer, un bruit attira son attention, mais elle n'eut pas la force d'investiguer.
Sa lettre, elle, ne contenait rien de particulier, ce n'était que la lettre d'une sœur pour l'un de ses frères, espérant obtenir un soutien une fois rentrée à la capitale.
Reprenant ses esprits, elle se reconnectait avec le réel par ses mots, elle relevait la tête. « Pourquoi vous excusez-vous ? » Elle se tournait vers elle avec un sourire affecté, le frottement de la soie de robe aurait pu évoquer le bruissement de l'aile d'un oiseau. « Il est navrant qu'un homme dans la force de l'âge meure ainsi dans un bordel. Mais c'est naturel, il n'y a pas à se tourmenter, l'apoplexie frappe à tout âge. Et ce n'est de la faute de personne. » Elle parlait bien plus distinctement pour être entendue, mais son ton restait rassurant, lui servant un mensonge élaboré et pas seulement à elle, mais à tous les détenteurs du secret, elle semblait mentir et se convaincre avec une facilité déconcertante. Il n'était pas question de meurtre ici, d'un malheureux accident tout au plus, voici la version officielle. Nul ne trouverait les corps, ils seront sans doute lestés et jeter en mer, personne n'en parlerait et tous allaient passer rapidement à autre chose sans remettre en question la chose.
Il y avait des mensonges et des atrocités nécessaires si cela permet de protéger. Sintharia avait été un poison lentement brassé et distillé pour devenir une courtisane, il fallait être prêt à faire des choses innommables, elle n'avait jamais dû le faire et cette idée la répugnait, mais le monde était ainsi fait, il n'y a pas de place pour la faiblesse. Chaque fois il fallait repousser les limites du tolérable. Et en cet instant, elle se haïssait de savoir toutes ces choses et se replongeait encore dans ses pensées. Elle hochait ensuite positivement la tête devant sa question. « Vous avez un rendez-vous ? Vous avez décidément bien du succès ce soir. » La question était un brin mutine, elle badinait, il y avait des détails qui ne pouvaient lui échapper, les mots pouvaient mentir, mais pas le regard et pour le coup ce charmant étranger s'était un peu trop attardé sur la scène.
La courtisane avait bien vite repris le contrôle de la situation - du moins en apparence -, elle aurait aimé en savoir davantage, mais ça ne la concernait pas réellement. De sa main gauche, elle soulevait un pan de sa robe de ses doigts fins et entreprenait de descendre les escaliers. Une fois en bas, rien ne semblait avoir perturbé le calme de l'endroit, tout était normal. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher d'être sur ses gardes, elle attirait l'attention inévitablement. Sa place n'était pas ici. Elle ignorait les regards et reportait son attention sur la guerrière.
« Il faut que je boive et autre chose que du vin, si je veux passer la nuit qui vient. » Il fallait qu'elle pense à autre chose, d'autant plus que la matrone semblait vouloir lui demander quelque chose.
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┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈┈ Armement
Au moulin, une fois la meule enlevée, on se débarrasse de l'âne.
Je suppose qu'elle essayait de me rassurer en maquillant ce qu'elle venait de vivre avec un mensonge éhonté. Ou d'apaiser son propre esprit peut-être. Un peu des deux sûrement. Quoi qu'il en soit, les garçons de cuisine avaient intérêt à faire vite. Une soit disant mort naturelle avec une mare de sang, c'est un peu contradictoire. En plus de ça, je n'étais pas sûre de ce qu'était réellement une apoplexie. Un terme bien élaboré pour désigner je ne sais quoi, mais l'orgueil m'empêche de demander.
Un léger rire, contenu, accueille le succès qu'elle m'attribuait. Il se voulait ironique, alors qu'elle entame la descente des marches. Pour répondre à ses mots, j'en laisse couler quelques uns, d'une voix à peine haute.
❝ N'importe qu'elle femme nue en aurait. ❞
Car je n'étais pas tout à fait d'accord. Les demoiselles qui avaient partagé le lit avait simplement fait leur travail. Pour les deux gus et mon rendez-vous et bien... J'étais nue et sortie d'échanges charnels. L'attirance qu'ils avaient peut-être ressentis n'avait rien d'exceptionnel.
En suivant ses pas descendants, je rabats instinctivement ma capuche sur le haut de mon crâne. A bonne hauteur, j'inspecte d'un regard circulaire, le rez-de-chaussé qui n'a pas grand chose de différent de tout à l'heure. Même les cris n'avaient pas alerté, camouflés dans le bain des gémissements de plaisir d'une autre chambre, qu'on entendait d'en bas. Je repère le jeune homme qui attends sur une table dans un coin, mais aussi les regards qui s'aventurent sur Sintharia. Un grondement m'échappe et je la suis à nouveau et l'écoute d'une oreille distraite alors que mes yeux se braque sur notre sauveur, de tout à l'heure.
❝ Qu'est-ce qu'il me veut ?... ❞
Rhétorique. Je n'attendais de réponse de personne, ni de moi-même. Il note à son tour, ma présence et se raidit quelque peu. Si il est si impressionnable que ça, je ne suis pas sûre d'avoir envie d'écouter ce qu'il a à me dire. Je fais un premier pas en sa direction et me rappelle soudainement la présence de Sintharia, avant de braquer mes yeux sur elle, puis sur son public.
Ne sachant pas ce qu'il me voulait, j'avais peu d'intérêt à l’entraîner là dedans. Par contre, la laisser seule au milieu des autres n'était pas pour me plaire. Ni l'inviter à aller boire seule, dans sa chambre, je suppose. Ce serait particulièrement morbide pour le coup. Mon regard revient alors à elle, pour la questionner.
❝ Tu crois que tu pourrais avoir une autre chambre ? ❞
Je m'avançais peut-être. Sans être certaine que deux morts dans le sienne l'incommoderait, je me montre bien présomptueuse en sous-entendant que ce serait difficile à supporter, pour elle. Je me reprends donc, d'une légère grimace. Un pas me rapproche de la table occupée par mon rendez-vous et je lâche simplement à son encontre une dernière invitation.
❝ Bois à notre table. Si tu veux... ❞
Je me rappelais amèrement ma propension à donner des ordres à la volée. Pour ma part, en tout cas, la beuverie touchait à sa fin pour cette soirée. Heureusement d'ailleurs que je n'avais bu que du vin et que les événements l'avait bien dilué. Je fini donc de m'éloigner et m’assois face à celui qui m'attendait avant que l'on entame notre conversation, dans le secret gardé par des murmures inaudible à l'assemblée.