Évidemment son subterfuge ne prenait pas, si encore elle avait eut l'air crédible mais bien âpretée dans sa robe noire en dentelle elle était démunie. La brune et la rousse au moins interrompaient leur ronde l'une autour de l'autre pour s'en prendre à elle.

"Vos détours pour critiquer mon paraitre seraient-ils un subterfuge pour ne pas afficher devant toute la foule que le défi est trop grand pour vous ?"

Ariez n'avait pas peur de se faire taper dessus, son aplomb était impressionnant et elle comptait piquer leur orgueil jusqu'à ce qu'elles se sentent obliger d'avoir quelque chose à prouver. Contre toute attente non, elle ne tremblait pas dans sa robe légère et son regard de jade les perçait à jour. Elle savait comment était les guerriers en armures, il fallait gratter leur égo suffisamment loin sous la carapace. Bon évidemment c'était avant que Meslial n'en rajoute une couche. Non seulement il l’incluait sans la consulter dans le défi, mais en plus il misait de l'argent sur elle.

**Mais QUOI ? Il se moque de moi là !!**

"Bien sûr que je suis puissante.... mais quand j'ai toutes mes facultés, je ne sais pas si dans mon état..."

Bon ça commençait à se voir que cette fois ci c'est elle qui essayait de se défiler. En plus son aplomb avait fait son effet et d'autres villageois semblaient parier sur elle. Elle finit par serrer fort l'arc entre ses doigts.

"Très bien "docteur" **qui veut me voir me ridiculiser devant tout le village mais quel idiot !!** mais il faudra m'autoriser à poser les deux pieds par terre."

Ariez savait bander un arc et elle savait viser. Elle connaissait cette arc là par cœur, ses forces et ses faiblesses, Meslial avait à l'époque eut le bon gout de prendre un viseur donc ça allait l'aider, la plus grande variable était évidemment la force du vent, surtout à cette distance la flèche pouvait dévier sur plusieurs mètres.
Ariez se tourna vers le clocher et rendit les béquilles à Meslial sans manquer de lui lancer un regard noir pour l'avoir mis dans une situation pareille. Elle posa son pied amoché à terre, une douleur lui vrilla la cheville d'avoir à supporter le poids de son corps de nouveaux mais elle ne s'y attarda pas, se contentant d'avoir le meilleur appuie possible.

Elle banda l'arc au maximum pour avoir la puissance suffisante. Honnêtement ses muscles se tendaient tellement qu'on aurait cru que les manches de sa robe allaient craquer, sans doute pas adaptées pour supporter un tel effort. Elle ralentit sa respiration doucement et ferma un oeil en restant très concentrée. Le monde autour d'elle s’effaça, elle n'entendait plus que le bruit du vent, regardant sa danse avec les feuilles pour se caler sur lui au maximum, ressentir sa course et le trajet qu'il donnerait à la flèche. Depuis combien de temps n'avaient elle pas réellement tirer avec un arc ? Elle ne savait le dire, ça n'avait plus d'importance, elle se vida une dernière fois l'esprit, prit une grande inspiration, sa poitrine se gonfla d'espoir, elle ajusta son tir, et décocha sa flèche.

Résultat :

1-10 : tir parfait, la flèche atterrit (miraculeusement) en plein milieu du clocher et reste même planté dedans dans un grand bruit de cloche retentissant
11-30 : la flèche touche le clocher vers le centre, le fait sonner en rebondissant dessus
31-50 : la flèche touche le clocher sur un des cotés en frôlant et fait sonner légèrement
51-70 : la flèche manque la cible de peu
70-90 : la flèche manque de plusieurs mètres
91-100 : la flèche manque complètement la cible, rebondit sur un bâtiment adjacent et manque de tuer quelqu'un en revenant se planter au milieu de la foule

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'Dé à 100 faces' : 59

Résultat des tirs à l'arc de la rousse et de la brune.

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#1 'Dé à 100 faces' : 45

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#2 'Dé à 100 faces' : 10

Ariez était estomaquée, la brune avait commencé à abimer sa confiance en faisant un tir réussissant le défi lancé par Ariez : la cloche avait sonné. Mais alors quand la rousse, dont l'aura était si puissante qu'elle avait fait régner un silence de mort en se concentrant pour tirer, planta la flèche en plein milieu faisant retentir le clocher comme s'il était midi, Ariez se sentit minable. Ces deux femmes, ces deux guerrières, avaient pris une revanche criante sur elle, et partaient maintenant parfaitement réconciliées, bras dessus bras dessous, pour fêter ça autour d'un verre dans la taverne de la ville.

Au moins les tensions s'étaient calmés, le sang n'avaient pas coulé, personne n'était mort aujourd'hui. Personne ? Si, un petit égo irréductible de grande gueule se sentait blessé, roulé dans la boue, et Ariez se sentait morte à l'intérieur. Morte de honte.

Meslial releva finalement les yeux vers elle, pour croiser évidemment un regard noir, mais surtout vexé. Vexée d'être la seule à ne pas avoir réussi. Tellement vexée qu'elle en oubliait sa victoire : elle avait parfaitement détournée l'attention, et l'avoir battue à plat de couture avait suffit à calmer tout le monde alors le sacrifice de sa fierté en valait le coup, mais elle ne voyait pas les choses ainsi. Ariez se vit proposer un câlin de réconciliation.

"Tsss ! Comme si tu l'avais mérité Meslial !"

Elle tourna le tête, boudeuse, le menton relevé, essayant de rester digne, mais il fallait bien cracher le venin de cette honte pour se relever.

"C'était facile pour elles, quand elles ont vu dans quel sens le vent avait dévié ma flèche ! M'afficher comme ça devant tout le village, tu es fier de toi j'espère ! J'ai été parfaitement ridicule. En combat à l'épée je gagnais facilement, mais à l'arc ! Tu sais depuis combien d'années je n'ai pas tiré à l'arc !"

Elle posa ses mains sur les hanches, le fixant à nouveau du regard.

"C'est toi l'archer entre nous deux non ? Pourquoi tu n'as pas tiré toi même ? Je suis sûre que tu aurais réussi... Tiens, essaie. Vise le centre du clocher et gagne le, ton maudit calin !"

Mais peut-être que Meslial avait tout intérêt à rater...

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'Dé à 100 faces' : 78

Ariez était très sérieuse et elle voyait bien qu'elle mettait la pression sur Meslial, le pauvre avait l'air hagard et ne savait pas exactement quoi faire, il essaya bien de se trouver des excuses en disant qu'il n'était pas vraiment un archer en fin de compte, mais comprit bien qu'aucune excuse ne marcherait. Quelque part Ariez était fière de son coup, il pouvait ainsi mieux se rendre compte exactement de la pression qu'il avait mis sur elle en l'exposant ainsi devant tout le monde comme une archère de talent, et en attendant d’elle des résultats. Elle lui infligeait la même chose maintenant, renvoyant le défi sur lui comme un miroir, lui mettant la pression pour obtenir des résultats en supposant qu'il en avait le talent, sans rien en savoir en fin de compte.

Il prit le temps de se concentrer, elle ne savait pas si elle voulait qu'il réussisse ou non, au final le résultat n'avait aucune importance. Ariez retint son souffle quand il décocha la flèche, mais la vit rapidement partir bien loin de la cible. Vraiment loin, il manqua de plusieurs mètres, et toujours pas la moindre trace de vent.

Il y eut un moment de flottement, Ariez était comme figée, le temps de réaliser ce qu'il venait de se produire, elle se tourna lentement vers Meslial, l'air plus surpris qu'en colère. Son regard se détendit, plein de malice, elle voulut dire quelque chose, mais finit par éclater de rire. La situation lui semblait tellement comique, l'armurière valeureuse et l'archer guérisseur semblait encore bien loin d'impressionner qui que ce soit grâce à leurs exploits.

Elle essaya bien d'articuler quelque chose, car il fallait bien que Meslial comprenne qu'elle ne riait pas de sa très piètre performance, quoique très comique, mais bien de la situation ridicule dans laquelle tout cela les avait mené.

"Hahaha ! Quitte à faire exprès... hihihi tu aurais pu rendre ça plus crédible !"

Ariez n'écartait pas la possibilité qu'il ait manqué la cible exprès pour ne pas la froisser, certes être la seule à rater aurait abimé encore plus son égo, mais cela aurait aussi prouvé qu'elle avait raison de penser que Meslial était meilleur à l'arc qu'elle. Elle finit par retrouver son sérieux, espérant que Meslial pourrait rire avec elle. Elle sécha les larmes qu'elle avait au coin des yeux, cela lui rappela le fou rire qu'ils avaient eu ensemble dans son cabinet la veille. Il semblait que ces moments de gêne et de rire soient centraux dans la construction de leur relation, aussi voulut-elle profiter de ce moment pour faire encore avancer un peu les choses.

"Et si tu n'as pas fait exprès..."

Elle s'approcha de lui et l'enlaça tendrement, un grand sourire aux lèvres, posa sa tête en douceur contre son épaule.

"Voila pour te consoler.... un "calin de réconfort et de réconciliation" "

Souffla t-elle doucement à son oreille. Il fallait bien le réconforter après un tir aussi nul, elle profita sereinement de cette étreinte, l'égo complètement apaisé, la colère retombée, son envie de bouder était disparue aussi vite que l'envie de répondre favorablement à son envie de câlin était apparu. Elle resta ainsi, fichée dans ses bras, quelques instants.

Ariez pensait partager avec Meslial une étreinte tendre et réciproque, surtout que c'était, lui semblait-il, l'idée du guérisseur à la base. Mais maintenant qu'elle était dans ses bras pour lui offrir sa douceur, elle se sentit repoussée et Meslial lui tourna le dos pour faire semblant de regarder au loin. Sa première intuition fut de se dire qu'elle avait mal interprété ce qu'il lui avait dit tout à l'heure et avait peut être prit le mot "câlin" trop au premier degré ? Mais une autre intuition lui vint, la façon dont il avait repoussé son bassin en priorité, sa promptitude à se tourner... elle sut.

C'était gênant, évidemment, mais elle avait une certaine fierté, en tant que femme, que son corps le trahisse ainsi pour dire qu'elle lui plaisait, et qu'il perde ses moyens à cause d'elle. Mais elle était aussi terrifiée, est-ce que tout cela allait trop vite ? Elle ne l'avait rencontré que la veille, que lui était-il donc passé par la tête pour enlacer ainsi un quasi inconnu ? Meslial enchaina des banalités pour essayer de se défiler, évidemment. Ariez sentit qu'il avait besoin d'espace et que lui aussi devait se demander ce qu'il se passait entre eux et si tout cela n'allait pas trop vite.

"Oui... les patients... naturellement."

Ariez se montrait compréhensive, et ne comptait pas l’empêcher d'aller accomplir son devoir. Mais en attendant elle et sa cheville en vrac était coincée à Heilan, et il lui semblait bien que Meslial et elle avait un projet de retourner à Luh ensemble pour en savoir plus sur le passé du guérisseur, mais était-ce encore d'actualité ? Elle ne le savait plus, toutes ses certitudes avaient été brisé en même temps que son étreinte. Elle ramassa ses béquilles et le regarda intensément, ses yeux de jade cherchaient manifestement à trouver des réponses à toutes ses questions dans les iris brune de Meslial.

"Je comprends tes impératifs Meslial, et j'avais prévu de repartir aujourd'hui. Il te faudra t'organiser avec tes patients... enfin si tu veux toujours m'accompagner. Je peux attendre jusque demain, mais tu sais, l'armurerie..."

Ariez ne voulait pas mettre un coup de pression à Meslial (ha bon?) mais il fallait bien qu'il décide quelque chose, elle n'avait pas les moyens de rester à Heilan indéfiniment, elle avait son commerce à faire tourner et elle était déjà sensée rentrer la veille, c'est Meslial qui avait prolongé son séjour en lui prescrivant un cataplasme à changer aujourd'hui.

"Je t'accompagne au cabinet pour changer mon cataplasme ? Je suis ta patiente aussi après tout ! "

Elle lui sourit doucement et commença à se mettre en route, même si elle commençait à s'habituer aux béquilles, sa vitesse de pointe était loin d’être rapide, autant qu'elle se mette en route immédiatement au risque de mettre encore plus Meslial en retard.

Ariez avait employé un mot. Un Mot. Patiente. Et voila l'humeur de Meslial qui changeait du tout au tout, comme ayant trouvé une porte de sortie grande ouverte par Ariez pour se tirer de cette situation ambiguë qui s'installait entre eux. L'esprit du guérisseur étant tout chamboulé, c'était sans doute plus simple pour lui de se raccrocher à des choses qu'il connaissait : blessure, cataplasme, patient, plutôt que de se lancer dans cette grande inconnue : baiser, câlins, sentiment. Alors Ariez, mesurant son effort pour béquiller tout le long de la rue, remontant de la grand place du village jusqu'à son cabinet, se laissa ranger dans cette petite case rassurante pour Meslial, celle de la patiente. Car elle voyait bien que dès qu'elle avait évoqué ce mot, il s'était détendu. Il disait qu'elle était sa dernière patiente, affirmait-il qu'allait la suivre ou juste qu'il avait retrouvé le gout de remonter le fil de son passé ? Elle n'était plus sûre de rien.

Ariez aurait préféré une réponse franche "Oui, Ariez ma bien aimée je vais m'organiser pour te suivre, car ce voyage est important pour moi et que je souhaite sincèrement que nous vivions encore des aventures, même quand tu seras parfaitement guérie", ou quelque chose du même style. Au final il ne donna pas de réponse claire et se perdit dans un monologue dont Ariez ne retient pas grand chose, car ce n'était pas les mots qu'elle aurait voulu entendre, et qu'elle réfléchissait à tout autre chose.

**Le papy qui...? Le fille de quoi ? Je n'y comprends plus rien**

"... Donc tu... viendras avec moi ?"

Etait-ce dur pour Meslial de juste dire "oui, je te suivrais" ? Elle avait l'impression que prendre une décision qui allait sous entendre également "oui, je t'apprécie beaucoup" allait lui arracher la langue, mais elle voulait l'entendre.
En lui posant la question elle finit par arriver dans le cabinet, elle en poussa doucement la porte, persuadée en cette heure matinale de n'y trouver personne... c'était sans compte la petite bagarre qui avait eut lieu au bar, juste après que les guerrières aient fait la paix, pour savoir laquelle des deux avaient la meilleure descente de bière. Paris perdus, disputes, alcool... Les prémisses de bien des petites blessures, nez cassés, coupures sanguinolentes, yeux au beurre noir, qui rendait la salle d'attente de Meslial... pleine à craquer. La secrétaire, affichant un regard noir vers le couple "d'amis", prit sa voix la plus désagréable et insupportable possible.

"Ha ! Docteur ! Enfin vous voila !"

Ariez se tourna lentement vers lui, le regard plein d'espoir et de doutes en même temps. Qu'allait-il faire ? Sans dire un mot, honteuse d'avoir espérée que le village n'ait pas besoin de lui, elle s'assit dans la salle d'attente, sans quitter Meslial de ses grands yeux de jade implorant les quatre d'ENFIN lui faciliter les choses, et attendit son tour. Patiemment.

Ariez assista silencieuse et patiente à la valse de Meslial : temps de préparation avant de rentrer en scène, grande inspiration puis il s'élance sur la piste. Premier mouvement parfaitement exécuté, on enchaine, un redressage de nez plus tard la valse est toujours fluide et belle, Ariez le regarde danser avec beaucoup de tendresse, elle trouvait son expression sérieuse et concentré charmante, puis se fut le faux pas. Un éclair passa devant le visage de Meslial, comme de la peur... il lui lança un regard cherchant le sien pour le tirer de la, en tout cas c'est ce qu'elle comprit.

Elle se refit dans la tête le déroulement du bal des malades, c'est quelque chose en rapport avec ce patient là, peut être, qui réveillait des souvenirs enfuit ? Un oeil au beurre noir ? Peut être avait-il déjà vu ce genre de blessure auparavant sur une autre personne ? Pourtant il avait réussi à commencer à le désinfecter sans problème, c'est quand l'homme avait parlé qu'il avait été pris de cette terreur qu'on lisait sur son visage.

Ariez devait agir, elle ne savait pas trop comment, mais à nouveau il lui fallait sauver la situation, elle se redressa d'un coup, pleine d'énergie pour venir en aide au guérisseur en désamorçant la situation.

"Mais non enfin il en faut bien plus que ça pour finir borgne comme un pirate ! Je sais ce que je dis j'ai déjà eut affaire à eux. Montrez moi ça."

Ariez n'y connaissait rien à la médecine, bien entendu, mais bon des yeux au beurre noir elle en avait déjà vu et la marche à suivre n'était pas si compliqué

"Mais non, ce n'est rien du tout ça ! Vous avez perturbé le guérisseur avec vos questions, allez, un peu de glace la dessus et ça dégonflera tout seul. "

Patient oeil-noir : "Mais..."

"Non, non, pas de protestation, la secrétaire va vous faire l'ordonnance, vous pouvez y aller."

L'aplomb d'Ariez était tel que le bougre se releva, circonspect, pour aller voir fébrilement la secrétaire qui envoya un regard noir à Ariez, comme à son habitude.

"Rho ça va vous ! Aidez nous un peu !"

Comme avec le patient, son aplomb lui cloua le bec. La salle d'attente était vide maintenant, il ne restait que les deux guerrières dans les salles séparées. Ariez retourna vers Meslial et posa sa main sur son épaule délicatement en captant son regard.

"Ça va Meslial ? Tu veux t'asseoir ?"

Meslial avait posé sa main sur celle d'Ariez en lui répondant, mais Ariez comprit ce que cela voulait dire, ce n'était pas qu'un geste tendre, c'était plus profond. Quelque chose venait d'arriver mais il avait du mal à comprendre quoi. Il aurait besoin de se poser et de prendre le temps de réfléchir pour voir les événements sous le bon angle. Il avait du travail pour le moment, mais prit de tous ses doutes, il avait cherché le contact avec Ariez pour se rassurer qu'il ne serait pas seul pour affronter son passé quand il retournerait fouiller sa mémoire. Peut être que dans cet océan de doute, à défaut de pouvoir compter sur la secrétaire véreuse, il pensait pouvoir compter sur elle. Elle espérait être à la hauteur et pouvoir être le pilier qu'il espérait qu'elle devienne avant de tomber en ruine.

La salle d'attente enfin vide il partit voir la secrétaire, Ariez ne rata pas un mot de leur échange, elle s’apprêtait à se rassoir pour attendre son tour, mais Meslial revint vers elle avec une toute autre demande. Il espérait que son statut de femme et l'épisode du tir à l'arc serait suffisant pour mettre la guerrière en confiance, c'est ce qu'il disait. Mas son regard disait autre chose : il voulait qu'elle soit là, tout simplement. Parce que son esprit venait d'être fragilisé par une bribe de mémoire qui l'avait frappé sans prévenir, et qu'il ne savait pas s'il garderait le contrôle. Ariez prit le temps de lire chaque ligne de son visage, à la recherche de tout indice qui lui permettrait d'aider au mieux Meslial, et plus que de faire ce qui serait bon pour les deux guerrières (et puis c'était bien de leur faute après tout si elles s'étaient tapé dessus !) faire ce qui serait bon pour lui. Elle se mit bien en face de lui, et posa doucement une main sur chacune de ses épaules, ce n'était pas un acte tendre, plutôt une façon de le recentrer dans la réalité.

"Meslial." Elle serra légèrement ses épaules comme pour lui donner de son énergie. "Ça va bien se passer. Je t'accompagne."

Elle reprit ses béquilles et prit les devants, elle ne voulait pas que cela traine trop et qu'il est trop de temps pour réfléchir. Elle se dirigea sans plus attendre vers la salle de consultation ou était la patiente brune, la plus grave. Elle avait vraisemblablement quelques coups sur le visage mais rien qui nécessite une attention particulière, c'est sans doute sous son haut qu'une blessure plus sérieuse nécessiterait des soins, à la manière qu'elle avait de se tenir les cotes.

"Comme on se retrouve ! Je vais assister le docteur, vous avez mis une sacré pagaille ! J'ai vu les blessures de la rousse vous ne l'avez pas raté ! Je suis sure que vous gagnez aussi ce combat là. Montre moi vos blessures qu'on puisse trancher la question tout de suite."

Ariez avait décidément plus d'une ruse dans son sac, elle se trouvait une audace toute particulière quand il s'agissait d'aider Meslial, et trouvait dans leur relation la force de se dépasser.

La guerrière brune faisait de la résistance, elle refusait que ce soit un homme qui la touche... peut être un traumatisme lié à son passé, Ariez s'imagina tout de suite un viol, sans bien savoir identifier pourquoi. En tout cas elle était catégorique : hors de question même que Meslial l'approche. Ariez pensa très fort qu'elle était une patiente bien emmerdante, retarder son départ avec Meslial en surchargeant son cabinet à la dernière minute avec des personnages secondaires, tout ça pour refuser de se faire soigner au final et faire trainer la trame principale encore plus !

**Elle exagère !**

"Mais maintenant que vous êtes venue au cabinet, il faut bien que la docteur vous examine..."

La guerrière n’arrêtait pas de se tourner vers elle pour chercher son regard et sa compagnie, mais elle ne comprenait pas, que pouvait-elle faire pour elle ? Ariez n'avait aucune compétence médicale. Et ses compétences relationnels n'étaient pas assez douces et avenantes. Mais il fallait bien faire quelque chose, Meslial proposa qu'elle reste habillée, elle refusa tout aussi sec, elle n'était pas en confiance et se braquait.

Ariez prit le guérisseur à part :

"Écoute... tu n'en obtiendras rien pour le moment, va t'occuper de la rousse d'abord, je vais rester avec elle, lui parler et la mettre en confiance. Peut-être qu'elle acceptera de me montrer ses blessures, afin que je puisse te les décrire."

Évidemment Ariez ne savait pas que Meslial avait de son coté aussi un plan en tête, peut-être n'accepterait-il pas ce compromis, une autre idée vient à Ariez en même temps avant qu'il n'ait pu souffler sa réponse à sa première idée :

"Et la secrétaire ? C'est bien une femme non ? Ne pourrait-elle pas aider à examiner la patiente ?"

Occupe toi d'elle. C"est ce qu'il lui avait dit, et les paroles résonnaient dans sa tête, elle n'était pas guérisseuse et elle n'y connaissait rien, alors que signifiait "occupe toi d'elle" exactement ?

"Je ferais de mon mieux."

C'est tout ce qu'elle avait pu lui répondre alors qu'elle se retrouva seule avec la brune, elle avait vu passer un éclair de complicité dans le regard de Meslial mais ne savait comment l'interpréter, elle avait autre chose à penser pour le moment : elle devait s'improviser guérisseuse. L'atmosphère changea quand Meslial quitta la pièce, elle sentait la brune se détendre dans cet environnement devenu 100% féminin, 0% médical. Mais il fallait faire de son mieux, sans tenir à ce qu'elle lui avait dit : examiner ses blessures et lui rapporter ce qu'elle avait vu. Mais même après, si un geste médical était à faire, allait-il lui expliquer ce qu'elle devait faire pour qu'elle s'en charge elle même ? Ariez déglutissait difficilement.

Elle passa les minutes suivantes à parler avec la brune, essayant de créer un pont entre elle et le docteur, pour la mettre en confiance, mais la brune resta assez hermétique. Elle finit par se jeter à l'eau et proposa à la brune de l'examiner elle même, ce que la guerrière accepta sans même douter de ses compétences. Car il fallait douter, grandement. Ariez n’arrêtait pas de se dire qu'elle dépassait largement son champ d'expertise, et si elle passait à coté de quelque chose ?

Elle n'avait plus le choix, elle aida la guerrière, en grande souffrance physique, à enlever son armure de cuir, sous le plastron, une marre de sang venait tacher son haut, Ariez eut un mouvement de recul, mais ce n'était pas la première fois qu'elle voyait du sang. Une odeur de fer vint la prendre au nez, tandis qu'elle souleva le haut de la guerrière doucement, le tissu était si rouge qu'on peinait à le distinguer des chairs, et il lui semblait bien qu'un morceau d'os ressortait de son poitrail.

"Alors, ça s'présente comment ?"

Ariez était dans un mutisme peu rassurant pour la patiente, elle avait vu un bout d'os, beaucoup de sang, et il lui semblait bien que ça saignait encore, du sang frais vient rapidement tacher la table d'examen. Ariez sans le savoir en enlevant le plastron de la guerrière avait levé un point de compression qui empêchait le saignement d'être actif. Elle prit sans trop savoir quoi faire un tas de compresse qui était sur une petite desserte d'examen avec du matériel médical, elle n'eut pas le réflexe de mettre des gants évidemment et se retrouva rapidement submergé par le sang, les compresses se gorgèrent, la patiente, fragilisée par la perte de sang, n'eut le temps que de dire le traditionnel "... j'me sens pas très bien" avant de faire un malaise. Ariez se sentit complètement paniquée, la patiente tombée inconsciente, et ses mains, pleine de sang.... tout son corps tremblait, des sueurs froides remontaient le long de sa colonne vertébrale. Elle sortit de la salle d'examen comme une furie, oubliant complètement ses béquilles, forçant sa douleur sur sa cheville pour courir, le temps était compté.

La secrétaire la regarda passer sans comprendre l'urgence, sans réagir, tandis qu'elle ouvrait à grande vitesse la porte de l'autre salle d'examen.

"MESLIAL !!"

Elle hurla sans s'en rendre compte, se retrouvant devant Meslial, en train de recoudre calmement. Elle avait les yeux paniqués, les mains en sang, elle tremblait comme un animal apeuré.

"La brune... ça ne va pas du tout !"

C'était ainsi que l'armurière, non initiée, décrivit à Meslial une fracture de côte ouverte avec hémorragie.

Meslial était incroyablement calme, il ne courait pas, il ne criait pas, il était concentré et serein. Ariez elle était prise d'une panique totale, elle se sentait totalement perdue dans cette situation, incapable d'agir, elle était de toute façon complètement inapte à prendre la moindre initiative dans ce cas, c'était la première fois qu'elle voyait autant de sang et qu'elle sentait que la mort était proche. Il arriva un moment ou la sidération du moment laissa place à une sorte d'instinct de survie, son esprit et son corps se dissociait, comme un automate, elle se contentait de suivre ce que Meslial lui disait sans être plus capable de penser à ce qu'elle vivait.

Évidemment, quand il proposa de partir ou de l'aider, elle qui se sentait responsable de la situation, décida de rester. Bien qu'elle se sentait pâlir, elle savait qu'elle pourrait surmonter la vue des scènes à venir, quoi qu'elle ne savait pas si elle arriverait par la suite à encore bien dormir la nuit. Le corps mis à nue et sévèrement meurtri de la jeune femme fut un premier choc, mais l'esprit d'Ariez l’empêchait d'analyser les images. Elle ne réaliserait qu'après. Les instants lui semblaient défiler vite, son utilité lui parut limité. Elle passait les instruments à Meslial, épongeait le sang quand il y en avait trop pour qu'il voit clair. Quand le guérisseur eut repéré le saignement, il put le stopper en suturant l'artère, ce fut déjà un soulagement, mais l'opération était loin d'être fini.

Le moment ou Meslial du remettre la côte en place donna à Ariez l'impression d'être dans une boucherie, les sons et les odeurs la marquèrent horriblement. Arriva le moment ou, la côte en place, le saignement arrêté, Meslial du recoudre. Ariez lui passa l'aiguille, mais ses mains tremblaient terriblement, ses joues d'habitude rosée étaient terriblement pale, et ses yeux étaient vides : preuve que son corps assistait à la scène mais que son esprit s'en protégeait en observant simplement de loin.

"Meslial."

Un éclat revint dans son regard. Les mains couvertes de sang, maintenant séché, le gout métallique dans l'air, le sang partout, les sons des os qu'on remet en place, son visage palit plus que de raison.

"Je vais sortir maintenant."

Il avait le fil en main, l'aiguille dans l'autre, il n'avait plus besoin d'elle. Sa voix se fit tremblotante quand elle annonça qu'elle souhaitait prendre l'air, elle sentait son coeur tambouriner dans sa poitrine. Tout lui avait semblait passé si vite, mais maintenant elle se repassait la scène comme dans un livre. Elle sortit et s'assit dans la salle d'attente, elle sentait venir le malaise vagal et ne voulait pas imposer son corps inconscient par terre à Meslial. Elle aurait eut l'état d'esprit adéquat, elle aurait sourit en se disant que, si il découpait les vêtements de toutes les femmes inconscientes, ce n'était peut être pas si mal. Mais pas cette fois, elle ne souriait pas, elle était passée de patiente à assistante opératoire en un jour à peine, elle n'était pas prête à ce que leur relation aille si vite !

Une mamie entra dans la salle d'attente, mais quand elle vit Ariez, couverte de sang et au bord du malaise, pale comme la mort, elle repartit sans même s'assoir. "Pas une urgence" pensa Ariez.

Ariez ne sut pas dire combien de temps passa avant que Meslial ne revienne la voir, elle avait en quelque sorte perdu toute notion du temps, elle avait l'impression d'être sale et poisseuse et n'était pas vraiment d'humeur à plaisanter. Pourtant Meslial finit par se présenter à elle comme s'il était patient lui aussi, jouant un petit jeu de rôle, ou dirais-je, un roleplayception, afin de décrisper Ariez sans doute. Mais sa tête lui tournait et sa cheville lui faisait mal, elle avait donné toute l'énergie qu'elle avait dans cette salle d'opération.

Elle ne répondit rien à Meslial et il s'assit de lui même, il s'était lavé les mains et avait une blouse propre, on aurait dit que rien ne s'était passé, toute trace de l'atrocité qu'il lui avait fait vivre était effacé. Ariez eut un moment de doute sur ce qui s'était vraiment passé, et Meslial recentra la conversation sur la couleur sanguine de ses mains, ironisant sur une histoire de bolognaise. Ariez eut un petit rire étouffé avec un léger haussement d'épaule provoqué par l'absurdité de cette métaphore.

"Oui.. un sacré plat de bolognaise... beaucoup de sauce... j'ai mis une belle robe en plus j'espère que ce sera facile à nettoyer..."

C'était encore difficile pour Ariez de mettre assez de distance entre elle et ce qu'il venait de se passer pour considérer comme banale les taches de sang qu'elle avait sur les mains. Elle avait subit de grand choc émotionnel, beaucoup de pression d'un coup, Meslial aussi bien sûr, mais elle avait besoin de plus de temps pour s'en remettre.

"Je sors d'une quête moi aussi et ... je crois bien que la bolognaise va s'en sortir !"

Cette phrase très étrange lui redonna espoir, elle n'avait pas vécu tout ça pour rien, le choc aurait été pire si la patiente avait perdu la vie. Elle finit par secouer la tête comme pour se recentrer dans la réalité, avant de se relever doucement et de se diriger vers la bassine pour se laver les mains.

"Qu'est-ce que je raconte... il faut que je me débarrasse vite du sang je ne peux pas rester comme ça. Elle va s'en sortir, pas vrai ? Hoo Meslial j'espère n'avoir jamais à refaire une chose de la sorte, mon coeur va finir par exploser avec toi !"

Elle réussit à tourner la tête pour croiser son regard, il y avait quelque chose d'intense dans les yeux d'Ariez, un mélange de fierté d'avoir réussi, de panique, de fatigue, et une lueur de confiance envers Meslial renforcée par cette expérience.