Les remparts devinrent visibles peu après. Les gardes humains en faction à divers points clés des murailles n'auguraient rien de bon, mais avec de la chance nous ne serions effectivement pas repéré. Me changeant en souris à son ordre, je modifiais ma forme radicalement pour adopter la taille et le pelage de ce petit rongeur, seul un discret symbole d'eau sur mon front trahissais ma véritable forme. J'aurais certes pu le faire disparaître également, mais il ne se voyait pas à hauteur d'homme, il aurait fallu qu'il colle son œil devant moi pour le remarquer, et je n'avais pas envie d'être pris par les autres rongeurs comme un des leurs. Me laissant porter à vive allure par Ariez et son médaillon, je fis jouer mes muscles lorsqu'elle me déposa à terre, afin de les tester, et m'élançais aussitôt dans une faille minuscule qui faillit me voir coincé, mais à laquelle je sortis de justesse.

J'étais dans la place ! Le village d'Amèke s'offrait à moi. Parfait. Mon objectif à présent était de trouver un moyen pour Ariez de passer, afin que la mission puisse débuter. Observant bien l'endroit où Ariez m'attendrait, je me mis en route, explorant les contours de la muraille, la pierre de télépathie serrée contre mon ventre me gênant un peu, mais sans que cela ne me ralentisse trop. Dès que je vis la rivière border les murs, je faillis bondir de joie. Là était notre chance ! L'eau devai avoir érodé les planches, les rendant suffisamment fragile pour les briser sans trop d'efforts. Cependant, alors même que j'allais faire demi-tour, je me rendis compte de plusieurs choses : si l'attrait de mon Élément était fort, y faire entrer Ariez risquait de faire du bruit, et même de lui faire attraper froid. Sans compter que se déplacer en vêtements trempés était une mauvaise chose. Me rabrouant, je continuais ma course, jusqu'à trouver l'endroit idéal : les attaques des bêtes sauvages de la région sur tous les remparts avaient laissé des marques variables, mais ici, la palissade en était bien amochée. Suffisamment en tout cas pour que les planches soient distordues et les cordes les raccrochants fragiles. Il serait facile et assez discret de déplacer une planche, et de bien la replacer derrière nous.

Retournant voir Ariez, je lui expliquais à voix basse ce que j'avais trouvé, et lui indiquais le chemin en courant devant elle. Une fois devant le passage, je m'attaquais à couper les cordages de mes dents, et la laissais bouger elle-même les défenses en bois. Cette fois, nous y étions. Au coeur du dispositif ennemi, en plein territoire supposément hostile... La mission tant attendue était lancée.

Il y avait dans le village d'Amèke une petite vieille dame. Celle-ci était connu pour ses habitudes nocturnes. Ses manies.

Chaque soir, elle sortait de sa maison. Elle se rendait au point central du village qui était en fait une petite place constitué d'un puits fait de pierres. C'était un lieu où le village se retrouvait et parlait de choses importantes et d'autres beaucoup moins.

Cette vieille dame se rendait donc jusqu'au puits et y puisait quelques gorgées d'eau. Ensuite, elle s'engageait sur un des axes principaux qui constituait le village. Elle se dirigeait d'abord vers le nord. Une main tenant une autre dans le dos, elle avançait paisiblement, sifflotant un air de musique paisible.

De rares lumières brillaient encore à travers des fenêtres ouvertes. Certains, entendant la musique, posait leur coude sur le rebord et apostrophait la vieille dame :

« Encore à siffloter cette vieille musique madame Hussel ? »

La vieille regardait alors l'homme d'âge mur et souriait à la plaisanterie. Elle ne répondait jamais à personne car elle ne pouvait pas s'arrêter de siffloter tant que la musique n'était pas fini. Alors, l'homme d'âge mur faisait un signe de la main lui souhaitant un bon retour et une bonne fin de promenade.

Madame Hussel finit de siffloter sa chanson alors qu'elle arrivait devant le puits. Les années avaient rodées les habitudes de la vieille dame. Maintenant, tout s'enchaînait à la perfection. Comme une montre parfaitement réglée. Elle puisait de nouveau quelques gorgées, les buvait et repartait dans une nouvelle direction. Cette fois-ci, c'était la direction de l'est.

Ce qu'elle ne savait pas madame Hussel ce soir-là, c'est qu'elle allait faire une rencontre.

Elle sifflotait encore lorsqu'elle vit les formes d'un animal. Elle força un peu sur sa vue et découvrit un souris, le museau en l'air semblant... semblant parler avec quelque chose qui était plus grand que lui. Peut-être de la taille d'un humain. Le problème, c'est qu'il n'y avait personne d'autre qu'elle et la souris à ce moment. Elle se frotta alors le crâne en pensant :

*Je crois que je vieillis de plus en plus. Je commence maintenant à avoir des sortes d'hallucinations... *

Elle se trouvait à une dizaine de mètres de la souris, et donc de la palissade qu'elle devait toucher de sa main pour continuer sa ronde avant de pouvoir aller se coucher. Le problème, c'est qu'elle n'aimait pas vraiment les rongeurs. Du coup, elle n'osait pas vraiment avancer. Mais elle ne pouvait pas reculer non plus. Alors, elle resta sur place, toujours à siffler sa chanson qui ne semblait plus vouloir finir.

Ariez avait réussi à passer, maintenant la partie difficile commençait... Et notamment avec cette vieille dame qui nous observait, enfin, qui m'observait, puisqu'Ariez était dissimulée dans sa cape d'invisibilité. Lui jetant un regard farouche, je me mis à couiner suite au message télépathique, traçant quelques cercles en courant, avant de disparaître promptement derrière des bâtiments. Ça n'était pas très reluisant, mais je devais prendre le rôle de rongeur comme il se devait... et cela devait marcher. Je doute qu'elle puisse se douter un seul instant que cette petite souris pouvait d'un coup se changer en loup capable de lui trancher la gorge si jamais elle devait essayer de révéler notre présence...

Désormais séparé d'Ariez et n'ayant pas moyen moi non plus de la repérer à cause de sa cape, je me mis en quête de fouiller à toute allure le village, à la recherche de quoi que ce soit d'utile. J'allais vivement, et croisais même un couple en train d'allumer les torches, ce qui nous facilitais la tâche. Je croisais même d'autres rongeurs, qui tentèrent de m'apostropher par quelques petits cris, mais auxquels je ne répondis pas. Je n'étais pas là pour faire connaissance avec des souris non mais !

Il était hélas bien compliqué de distinguer les points clés dans la nuit, puisque les échoppes étant fermées, je ne pouvais savoir à coup sûr si tel bâtiment n'était pas effectivement la Taverne... Je finis par repérer ce qui devait être la place du village, puisque les axes principaux y menait, et que cela correspondait assez à l'idée que je me faisais d'une place dans un tel village. Non loin devait se trouver, a priori, la maison du chef d'Amèke. Je n'étais sûr de rien, mais cela valait le coup d'utiliser moi aussi la pierre de télépathie, afin de guider Ariez jusqu'à la place centrale.

Une fois qu'elle m'eut rejoint, je couinais pour lui demander ce qu'il convenait de faire désormais : ou nous séparer et explorer un secteur chacun en revenant régulièrement ici, ou partir ensemble à la recherche d'indices.

Comme il a été écrit précédemment, le village d'Amèke est un village ordonné. Pour cette raison, qui est en fait un art de vivre, quatre bâtisses importantes se trouvent au centre du village. Autour de la place du puits.

Ces quatre constructions se trouvent à chacun des angles entre les deux axes principaux qui se croisent. Il y a donc la taverne où les villageois viennent discuter autour d'une boisson fraîche. Mais également la maison du chef du village, la bibliothèque de Madame Hussel et enfin la demeure du sorcier noir.


Le bâtiment possède deux portes. Une pour chacun des deux axes principaux. A l'intérieur, le comptoir se trouve dans l'angle de la maison. Celui le plus proche du centre du village.

La taverne n'est pas très grande. Tout au plus, elle permet d'accueillir une trentaine de villageois. Que cela soit assis autour des quelques tables ou sur les tabourets du comptoir.

Ce lieu de vie est tenu par un homme d'âge mur. Il porte une barbe épaisse et blonde. Un bandana de couleur rouge qui tient ces longs cheveux en arrière et un tablier noir devant le plus souvent des chemises à carreaux. Ses bras sont recouverts d'encre noir de tatouage et de cicatrices.

La taverne est en fait une partie du bâtiment. Au dessus se trouve un étage. A cette étage se trouve le logement du tavernier. La pièce est peu meublé et comporte en tout et pour tout un lit, une table et deux chaises de bois ainsi qu'une petite armoire comportant des livres et quelques objets hétéroclites comme des dents de créatures, une corne ou encore un sabre à la lame éméchée.


Cette maison comporte deux étages. Le pièce principale du premier étage est un large salon qui permet d'accueillir quelques personnes du village dans le but de parler de décisions importantes. Comme le fait de dépêcher un guerrier pour aller ramener la corne d'une créature qu'il ne faut surtout pas tuer.

La pièce est meublée d'un large tapis agréable pour quelques pieds nus. Une grande table ronde permet aux interlocuteurs de ne pas se sentir en position de force ou de faiblesse. Ce qui permet de maintenir un sentiment de sérénité et de ne pas créer de conflits inutiles. Une petite pièce à côté permet de cuisiner quelques plats et une autre sert aux invités à aller faire leurs besoins naturels.

A l'étage se trouve le lieu de vie même du chef de village. Ce dernier vit avec sa femme et leur enfant. Le deuxième étage comporte donc une chambre, une pièce où manger, une autre où cuisiner et enfin un bureau propre au chef du village où il entasse quelques rapports, quelques parchemins et autres documents qui permettent une rare mais non conflictuelle communication avec le monde extérieur.


C'est un petit bâtiment. La porte passée, le visiteur se retrouve dans une pièce mesurant pas plus de quinze mètres carrés. Ces quinze mètres paraissent minuscules car des étagères tapissent tous les murs à l'exception d'un ridicule petite bureau de bois où Madame Hussel vient s'asseoir en attendant que quelqu'un vienne lui demander conseil. Des piles de livres jonchent le sol dans un équilibre parfois précaire, parfois extraordinaire.

Derrière cette pièce, derrière le petit bureau de bois de la bibliothécaire se trouve une porte. Derrière se trouve une petite pièce rempli de livres plus rares, plus personnels. Quelques parchemins sont accrochés aux murs. Cette pièce ressemble à un bazar, mais aussi à un musée et enfin à une chambre où l'on se repose. Il y a un lit et une petite table de chevet où un gros livre à reliure rouge repose.


Le sorcier noir vit dans une maison modeste. Il vit avec sa famille. Une maman âgée de soixante soixante-dix ans atteint de cécité partielle et de perte progressive de l'ouïe. Mais également avec sa femme et une petite fille orpheline.

La maison ressemble à n'importe quelle maison en apparence. Salle à manger, cuisine, toilettes, chambres. En apparence tout est normal et respire une vie saine sans trace de pratiques interdites par la loi.

Dans la maison de la grand-mère, au rez-de-chaussée, se trouve une trappe dissimulée aux regards. Elle se trouve en dessous d'un tapis rapiécé supportant une petite table où repose un coffret des plus beaux bijoux de la grand-mère.

Une fois ces quelques obstacles dégagés, une poignet permet d'ouvrir une trappe. Celle-ci grince et présente aux yeux des visiteurs un escalier de pierre plongeant dans l'estomac de la Terre. Des odeurs d'herbes s'en dégagent en plus de quelques odeurs répulsives de viandes décomposées.

J'écoutais attentivement les explications d'Ariez en tentant de ne pas mordre instinctivement dans le petit comprimé, et la regardais partir en plissant les yeux pour m'empêcher d'avaler ce "Cœur tendre" qui me gênais ainsi placé. Bien sûr, nous n'avions pas d'autres choix, et cela augmentait mes chances de me faire repérer : bien observé, j'étais une souris avec un symbole bleuté gravé sur le front, portant sur son ventre une pierre et entre ses crocs une pilule. Oui, ça ferait certes étrange si j'étais repéré. Fort heureusement, ça ne faisait pas partie de mes plans.

Je me dirigeais donc vers la Taverne en prenant garde à ce qu'on ne fasse pas trop attention à moi, avant de réussir à me faufiler dans l'interstice de la porte. L'endroit était chaud, et je respirais un relent immonde de sueur, de crasse et d’autres odeurs peu ragoutantes. L’atmosphère était suffocante, enfumée de vapeurs de bière. Je passais outre et m'enfuis dans un coin pour observer la pièce. Une autre souris passa en détalant devant moi, ayant aperçu un morceau de pain tombé à terre.

De taille convenable, si l'on relativisait par rapport à la taille du village, il ne restait plus qu'une quinzaine de personnes, et dont au moins quatre étaient hors jeu pour tout type de conversation, tant l'alcool les avait assommé. Six étaient en grande conversation, et leurs voix résonnaient haut et fort. Deux sirotaient leur verre sans faire attention aux autres. Les trois dernières étaient mes cibles. Suffisamment ivres pour ne pas attirer l'attention si ils se mettaient à parler seuls, mais tout de même conscients, ils étaient parfait pour l'interrogatoire discret que je devais mener. Je repérais celui qui avait l'air le plus propre sur lui, celui qui devait en savoir le maximum sur le village, et me dirigeais avec prudence vers sa table. Je n'avais le droit qu'à un unique essai, et Ariez comptait sur moi pour le réussir ! Je n'avais pas le droit d'échouer !

Son verre encore à moitié plein, je grimpais sur la chaise à côté de lui, pour déposer le cachet sur la table, et retournais vivement le mordre à la cheville, afin que son attention soit détournée suffisamment longtemps pour que je puisse remonter et lancer le cachet dans sa bière.

Une fois que ce fut fait, j'attendis qu'il boive pour monter sur ses genoux, le regardant de mon oeil brillant.

- Écoute moi bien l'Humain ! Je suis un émissaire de ta conscience, qui souhaite que tu te décharges de ton fardeau. Tu peux tout me dire, je suis ton ami, ton meilleur ami ! Raconte moi à voix basse ce qui se passe dans ce village. Dis moi ton nom, dis moi toutes les choses anormales que tu as pu constater, dis moi quel remède vous avez trouvé... Et après cela tu seras en paix.

Dans la maison du chef du village.

Ariez, de sa position, pouvait entendre correctement la discussion entre le chef du village et sa femme.

-Tu sais chéri, il serait peut-être temps de mettre notre trésor au lit. Il commence à se faire déjà tard et il est assez grognon lorsqu'il n'a pas eu toutes ces heures de sommeil.

-Tu as raison. Attends-moi ici, nous devons parler de certaines choses.

De ses deux mains, elle lissa la jupe, hochant la tête pour dire qu'elle était prête à l'écouter.

Il revint et se rassit sur sa chaise. Il semblait soucieux et sa femme le remarqua :

-Que se passe-t-il ? Il y a un problème au village ?

-Je... Non ce n'est pas ça. C'est quelque chose de plus personnel. Quelque chose d'un peu humiliant...

-Confies-toi à moi. Tu n'as pas besoin de parler par énigmes, pas à ta femme. Je ne suis pas un public exigeant et demandant un dieu sans failles. Je suis ta femme et tu peux te confier à moi. Parles-moi.

La tête du chef du village se baissa un petit peu. Il était embarrassé et jouait avec ses doigts. Il se sentait toujours en position d'infériorité avec elle. Peu importait sa carrure et sa tête de plus, il était toujours le plus faible. A cause de son regard sûrement... Sûrement...

-Il se pourrait que je sois allé chez un ami et...

-Et ?

-Il se pourrait fort bien que la viande que j'ai mangé ait été grasse et juteuse, et que l'alcool ait coulé...

Cela faisait des semaines qu'il suivait un régime. L'âge commençait à paraître sur son corps et sa femme lui avait conseillé de faire attention. Son image était importante en tant que chef du village. Il se devait de garder la forme et de montrer la bonne voie aux villageois.

La conversation continua. Les reproches suivirent. L'amour vainqueur et de nouvelles promesses tenues.


A la taverne

L'ivrogne écouta attentivement ce que sa « conscience » lui dictait de faire. Il l'écouta attentivement et longtemps. Trop longtemps car il n'écoutait depuis plusieurs minutes que le silence et le brouhaha de la salle.

Puis soudainement, il colla sa joue gauche contre son épaule gauche et parla à son cœur. Comme si son cœur était le siège de son âme.

-Tu sais très bien comment je m'appelle puisque... tu es moi !

Un grand sourire de nigaud éclaira son visage et ses deux acolytes rirent alors automatiquement. Ils n'avaient rien entendus. Pas une parole de la souris qui était Vaea ni de celle de leur compagnon de beuverie. Ils étaient juste heureux sous les effets euphoriques des liqueurs.

-Tu es sur que tu veux que je te raconte tout ce que je sais parce que tu sais... moi.

Même alcoolisé, il trouvait cela bizarre de s’appeler moi en parlant de lui-même.

-Et bien tu sais, ce n'est pas de ma faute si de temps en temps, je regarde par le petit trou de la serrure de ma chambre. Tu sais, c'est plus fort que moi. Il faut que je regarde. Surtout quand j'entends que ses vêtements tombent au sol. Ensuite, je sais qu'elle s'allonge sur son lit et... je ne sais pas si j'ai le droit de dire ça... Enfin, tu sais quoi, tu l'as vu toi aussi... Tu les as entendus les gémissements de ma sœur...

Vaea avait choisi le mauvais cobaye. Il était tombé sur un pervers à tendance incestueuse inculte des événements de son village et du fléau qui avait décimé les jeunes générations.

Il continua à se confier sur des ragots inutiles. Il était devenu un bavard inconditionnel et plus rien ne pouvait l'arrêter. Il n'y avait plus qu'à attendre que le sommeil combiné à l'alcool le fasse dormir.

Plus j'écoutais ce poivrot me parler, plus une furieuse envie de reprendre ma forme normale pour lui sauter à la gorge se faisait forte. Bien évidemment, pour Ariez, je me contins, nous ne devions pas être reperés ! Sinon tout était fichu, et je risquais de mettre sa vie en danger, ce qui constituerait une faute impardonnable, sus de provoquer un sentiment d'horreur innommable. J'abandonnais donc assez vite cet imbécile, faisant preuve de retenue : je ne l'avais même pas mordu ! C'était donc un cuisant échec, il ne m'avait rien appris, et je n'avais plus de cachet. Cependant, alors que je m'apprêtais à sortir la rejoindre pur lui annoncer avoir fait chou blanc, j'hésitais. Je me rappelais fort bien ses paroles : elle comptait sur moi ! Pouvais-je vraiment la décevoir ainsi ?

Regardant la pièce, réessayer auprès d'un autre Humain ivre était exclu. Sans le cachet, leurs réactions étaient imprévisibles. À moins que leur réactions soient tout à fait endormies... Je regardais alternativement les quatres hommes assommés. Après tout... Pourquoi pas.. Ça pouvait marcher... Leurs réactions seraient amoindries, et avec de la chance, ils ne se rendraient même pas compte qu'ils parlaient... Et puis, pour Ariez, je m'en serais voulu de ne pas TOUT essayer. Quitte à menacer de détruire cet endroit planche par planche jusqu'à ce qu'on me donne ce que nous voulions.

Je grimpais donc sur les genoux d'un des hommes, choisi après quelques instants de réflexion, prenant celui qui avait l'air le plus mal dans sa peau, et donc peut être celui qui en savait trop, et que cela pesait sur sa conscience. Il était un peu à l'écart, ce qui facilitait les choses. M'approchant de son oreille, je lui soufflais :

- Réveille toi ! Réveille toi... J'ai besoin de ton aide. Je suis coincé dans ta tête, et j'ai besoin que tu me libères ! Pour cela, commence par te réveiller en douceur... Pas de gestes brusques ou je risque de disparaître. Il faut que tu libères ta conscience pour que je puisse sortir ! Raconte moi tout ce qui se passe ici. Dis moi tout. Tout, et tu seras récompensé.

Allez, allez ! Au pire, je lui mordrais l'oreille pour qu'il se réveille, mais je n'avais pas envie qu'il pousse un cri comme seuls les hommes ivres savent en pousser quand ils comprennent qu'ils ont des hallucinations. De la chance, c'était tout ce dont j'avais besoin. Et une pensée de ma bonne étoile, ma maîtresse Ariez.

Dans la maison du Chef du Village

Une petite fille de cinq ans descendit les escaliers. Les marches grincèrent un peu. Elle avait les cheveux blonds, deux couettes au-dedans et un pouce dans la bouche. Elle chercha plusieurs minutes une chose qu'elle avait perdu dans la salon. Ne trouvant pas, elle s'immobilisa au centre de la pièce et têta son pouce plus fort. Elle réfléchissait beaucoup et cela s'entendait !

Elle se dirigea alors en courant le plus vite possible de ses petites jambes. En direction de la cuisine où se cachait Ariez. Elle avait eut une illumination et savait maintenant où se trouvait son ours en peluche. Elle l'avait laissé contre le barreau de la table où maman préparait de petites choses à grignoter pour les invités de son papa.

Elle s'y précipita et le découvrit exactement là où elle l'avait laissé.

Mais il n'y avait pas que son ours dans la pièce. Derrière, caché dans les ombres des mobiliers se trouvait une jeune femme qu'elle ne connaissait pas.

Elle n'éprouva pas de peur mais une grande curiosité. Elle n'avait pas encore été blessé par la vie et vivait encore dans l'insouciance et l'innocence qui caractérisait les enfants.

Alors, telle une exploratrice, armé de son gardien doudoud, elle se jeta à quatre pattes en dessous la table, se rua vers l'inconnu et se posta juste devant elle. Un grand sourire aux lèvres, le pouce dans la bouche, l'ours en peluche sous les bras, elle faisait de son unique main libre un signe qui signifiait : Bonjour toi !


A la taverne

L'homme était affalé sur la table. Une curieuse sensation l'envahissait. Un souffle dans son oreille. Il tenta de chasser cet air étranger comme si cela était une mouche bourdonnante mais il n'en avait plus la force. Cela suffit tout de même à le sortir de sa torpeur... un petit peu.

-Gnn a- quoi ? Qu'est-ce que c'est que quoi ?

Il était complètement assommé par les grammes d'alcool baignant dans son sang. Les paroles de la souris traversaient son cerveau embrumé et le sens s'accrochait à... ses remords ! La petite souris avait fait bonne pioche, elle allait pouvoir apprendre quelques informations.

-Je n'ai rien à voir là-dedans mouah...

Par contre, elle allait devoir s'armer de patience car l'homme était tellement rempli qu'il devait reprendre son souffle à chaque fois qu'il parlait. Et avant même qu'il ne fasse cela, il devait se relever un peu de la table et essayer de briser le lien de salive qui le reliait à la table.

-Je ne voulais pas faire ça... Je ne voulais pas utiliser la magie noire... Je...

Il recracha un flot de vomi... et retomba comme une masse dedans. Quelques dizaines de secondes passèrent avant qu'il ne rouvre un œil, pivote suffisamment son cou pour pouvoir continuer à parler.

-Casser sa corne. Encore et encore. Je plains cette pauvre créature. Puis, ce n'est même pas une consolation, mais elle repousse. C'est magnifique à voir mais... cela fait souffrir la créature... La mort lui est interdite. Le sorcier ne veux pas qu'elle meurt, cela pourrait ruiner son trafic... Et personne ne veut se taire. Euh, je veux dire personne ne veut rien dire. Enfin, si, je crois que c'est ça. C'est tellement dur de parler...

Il pivote à 180 degrés dans son vomi et se retrouva la bouche à l'opposé de Vaea. Il bougonna encore secondes et se retomba dans un lourd sommeil absent de rêves.

Gagné ! L'homme me révéla de nombreuses choses, et même si je ne comprenais pas tout pour le moment, je savais qu'il s'agissait d'informations utiles. Je pris donc bien soin de tout noter dans ma tête, et une fois qu'il se soit effondré de nouveau sur la table, je souriais autant qu'une souris était capable de le faire. J'aurais voulu informer Ariez immédiatement de mon succès, tant j'étais fier d'avoir réussi sans l'aide du cachet, mais me retins : mieux valait utiliser cette pierre pour des informations urgentes. Pour l'heure, s'en tenir au plan était la meilleure des solutions. Je devrais donc retourner dans la place du village, et l'attendre. Peut-être même m'attendait-elle déjà. Cependant, avant de partir, un sentiment de culpabilité me saisit : j'avais menti à cet homme écrasé par les remords, il ne serait pas libéré d'en avoir parlé avec moi. Ou du moins c'était peu probable. J'aurais voulu faire quelque chose pour cet informateur, mais je ne possédais rien en mesure de l'aider. Je décidais donc de lui offrir la bénédiction d'Aqua, cela ne servirait sûrement qu'à me conforter moi-même, mais... On ne savait jamais. Peut être que cela l'aiderait.

- Merci Être Humain. Pour tes informations et ta bonne volonté, moi, Vaea, fils d'Aqua, t'accorde la bénédiction de mon Élément. Que tes remords soient chassés comme le sable par la vague marine, puisque tes informations te donnent la rédemption. Au nom de mon Père, je te souhaite de te libérer et de continuer ta route débarrassé de tes démons. Puisses-tu trouver la paix, dans cette vie, ou une autre.

Un peu soulagé en mon for intérieur de ne pas être parti comme un voleur, je ressortis discrètement en longeant les murs. Me faufilant de nouveau sous la porte, je rejoignis la place du village, guettant le moindre mouvement dans l'obscurité en direction de la maison du chef du village. Peut-être étais-je capable de déceler un scintillement de sa cape d'invisibilité ? Cela méritait réflexion...

Dans la maison du Chef du Village

La petite fille aux cheveux blonds s'approcha un peu plus d'Ariez. Elle tendit sa main vers les couettes noires de sa nouvelle amie. Elle les caressa, un grand sourire sur le visage. Par des gestes approximatifs mais compréhensibles, elle les compara aux siens et lui fit remarquer qu'elles avaient la même coupe de cheveux.

Avec ses doigts, elle caressa son visage. Elle trouvait si jolie qu'elle ne pouvait pas s'en empêcher. C'était comme si on lui avait donné un nouveau jouet. Elle devait le toucher, le tâter, le connaître à fond et dans tous les recoins.

Toujours avec un grand sourire et sans pouvoir rien répondre, elle continua à découvrir sa nouvelle meilleure amie. Elle ne savait plus pourquoi elle était descendu et toute sa fatigue s'était envolée. Elle était excitée !

Sur les genoux se trouvait un livre. La petite ne s'y serait pas intéressé car ne comportait pas d'images. Mais, elle avait cru voir les inscriptions s'inscrire toutes seules sur la page blanche. Ses yeux s'agrandirent. Ils interrogeaient Ariez sur ce mystère. Sa petite bouche s'ouvrait et se fermait mais ne libérait aucun son. Elle tentait de communiquer mais n'y arrivait pas...

Les larmes lui montèrent alors aux yeux et ses petits poings boudinés par l'enfance se serrèrent...


Près du Puits de la Place du Village

La place était bien déserte à cette heure-ci. Tout le monde était rentré chez eux et finissaient peut-être de manger en famille comme cela avait été le cas dans le maison du chef du village.

Ariez était encore occupé et cela risquait de durer un petit bout de temps. Vaea ne pouvait pas le savoir. L'attente risquait d'être longue...

Son instinct pouvait le conduire dans la bibliothèque de madame Hussel. Au-dedans, il pourrait trouver un livre sur la mystérieuse créature dont la corne repoussait sans cesse. Mais il pouvait également s'introduire dans la maison du sorcier noir et y découvrir son laboratoire secret souterrain.

Suivrait-il son instinct ? Ou attendrait-il son humaine ?

L'attente, c'est long. Et pourtant, j'y connais quelque chose en patience ! Mais pas ce soir. Pas alors que j'ai de bonnes informations à lui communiquer. J'ai beau faire le tour de la place, vérifier les coins d'ombres, Ariez n'était nulle part. Prenant mon mal en patience, j'observais la place en soupirant intérieurement. Pas des masses d'espaces où Ariez puisse se cacher. Et je ne savais pas quoi faire en l'attendant, j'étais un peu impatient, et si j'avais pu sauter d'un pied sur l'autre, je l'aurais fait sans doute. Moi qui aimait me décrire comme patient, là je ne tenais pas sur place ! Sentiment très étrange, tellement j'avais envie de dire à Ariez ce que j'avais trouvé.

Mais... Après tout, ce que j'avais trouvé n'était peut-être pas suffisant ? Peut-être qu'Ariez aurait besoin de plus pour y voir clair ? Après tout, je n'avais qu'un début de piste, non ? Il fallait peut être que je trouve autre chose pour la satisfaire ! Oui, mais quoi ? Et où chercher ? Retourner à la Taverne était exclu : les bonnes informations y étaient épuisées. Avisant une fenêtre, j'y reconnus un meuble familier : une étagère à livres. Une bibliothèque. Endroit tout désigné pour y chercher un quelconque savoir ! Regardant encore un peu autour de moi pour vérifier si Ariez n'était pas arrivée durant mes réflexions, je filais en direction du bâtiment sombre, en chasse de savoir.

Comme d'habitude, entrer dans une bibliothèque me procurait calme et sérénité, j'adorais véritablement ces mieux créés par les Hommes, chacune contenait une mine de connaissance à la portée du premier venu, et cela me donnait confiance en l'avenir de cette race. Si elle accumulait les bons savoirs, ne pouvait-elle pas que prospérer et se développer ?

En attendant, il fallait que je me concentre sur ma mission, et l'accomplice avec rapidité et brio. Évidemment, sortir un livre de son étagère poserait problème, mais je pourrais le faire tomber. Et il devait y en avoir qui traînaient sur les tables de lecture. Tout ce qu'il me restait à faire, c'était de lire les reliures des ouvrages, et de trouver un moyen de cacher mon méfait une fois que je serais sorti. Alors, animal à corne... Ou te caches-tu ?

Dans la maison du Chef du Village

La petite fille ne comprenait pas ce que disait sa nouvelle meilleure amie. Elle lui proposait de lui faire découvrir son livre magique en échange d'un dessin. Un dessin d'un monstre qui avait pris sa voix...

Tenant le crayon dans sa main, la feuille de papier peu ordinaire par terre, elle réfléchissait fort à ce que lui demandait son amie. Elle cherchait très fort et ne comprenait pas. Déjà, les larmes recommençaient à s'accumuler dans le coin de ses deux yeux.

Sa bouche s'ouvrit encore une fois, laissant le silence hurler son désespoir. Elle essayait de lui dire qu'elle ne comprenait pas, qu'elle ne savait pas ce qu'était ce monstre. Dans sa mémoire de petite fille, elle se souvenait juste qu'un jour elle avait perdu la vue, que tout était devenue noire. Le jour suivant, les couleurs étaient enchanteresses mais elle n'arrivait plus à les exprimer au monde entier.

Alors, le crayon toujours en main, elle dessina ce qui représentait le « monstre » pour elle. Elle gribouilla sur toute la feuille... du noir. Le monstre pour elle était cette obscurité qui avait voilé ses yeux. Il n'y avait que ça.

Maintenant, elle espérait voir de plus près les merveilles de ce livre. Elle se rapprocha donc d'Ariez et tira sur la manche de son bras pour lui demander de lui faire quelques tours. Ensuite, elle irait les présenter à ses parents. Et, par la même occasion, elle leur présenterait sa nouvelle meilleure amie !


Dans la bibliothèque de Madame Hussel

Beaucoup de livres jonchaient les étagères. Mais également la table de Madame Hussel qui dormait dans la pièce d'à-côté. Elle n'était d'ailleurs pas discrète car son sommeil était ravagée par des ronflements désagréables.

Tout de même, Vaea put découvrir quelques titres d'ouvrages : La Grande Mythologie des Demi-Dieux et des Demi-Déesses ; Traité botanique sur les plantes avoisinants les cimetières ; L'histoire romantique de Jules et Marguerite ; etc.

Tout cela n'intéressait pas forcément le demi-dieu en mission de repérage sur la manière de sauver la mère d'Ariez. Mais peut-être qu'en un autre temps, il aurait pris plaisir à parcourir La Grande Mythologie des Demi-Dieux et des Demi-Déesses et y découvrir son portrait attitré d'une légende magnifiée et embellie sur son ancienne vie, avant qu'il ne se retrouve enfermé dans une geôle dans un temple.

La porte menant à la chambre privée de Madame Hussel était entrouverte. Elle se trouvait derrière son petit bureau de bois où se trouvait quelques feuilles vierges et un stylo plume qui bavait. Le corps de la vieille femme était perdue dans une chemise de nuit trop grande et trop usée. Un simple drap parvenait difficilement à recouvrir tout le corps agité de rêves respirant les grandes aventures.*

Quelques rumeurs commençaient à circuler dans le village d'Amèke. On disait que la vieille madame Hussel se rendait là où se trouvait la « bête ». Elle s'asseyait à ses côtés et palabrait avec elle. Elle prenait des notes, dessinait des croquis et accumulait tout ce savoir dans sa modeste bibliothèque. Certaines redoutaient ce travail. Parmi ces gens se trouvaient le sorcier noir...

Je parcourais les étagères, trouvant quelques noms particulièrement intéressants... si je n'avais pas autre chose à faire. Hélas, ma curiosité naturelle devait céder le pas aux impératifs de ma tâche, et je n'avais guère le loisir de parcourir tous ces ouvrages comme je l'aurais souhaité. De plus, les ronflements de la pièce d'à côté m'incitaient à la plus grande prudence. Je ne pouvais faire tomber un livre pour le découvrir sans qu'il soit absolument utile à en savoir plus.

Hélas, que ce soit par manque d'information ou de temps, je ne trouvais rien qui puisse m'aider. Soupirant, je décidais de m'en aller, mais être entré ici pour rien me frustrait. Décidant de tenter le diable encore une fois, je passais par l’entrebâillement de la porte de la chambre où une vieille dame se reposait, et me mis à fouiner dans la chambre. Aux feuilles, j'eus un sursaut d'espoir, mais m'aperçus qu'elles étaient en fait vierges.

Réprimant un petit couinement de frustration plus grande encore, je courus dans la bibliothèque pour une seconde recherche plus attentive. Il me fallait des informations, j'en avais besoin, je ne voulais pas être entré ici pour en sortir bredouille, tout comme je n'avais pas voulu sortir de la Taverne sans interroger une dernière fois un autre homme.

Je me mis donc à parcourir les étagères à la recherche de n'importe quoi, tout plutôt que de revenir les mains vides, jusqu'à presque trébucher contre une feuille de papier dépassant d'un livre. Je remarquais alors que cette étagère était remplie de feuilles où étaient dessinées et marqués des choses importantes, et je me tordis le coup pour essayer d'en lire, et, au besoin, d'en faire tomber pour mieux les observer. S'agissait-il d'informations utiles ?

Dans la maison du Chef du Village

La petite se prit au jeu. Elle ferma les yeux et compta dans sa tête. Pendant ce temps, Ariez put changer de cachette.

Elle compta longtemps dans sa tête. Elle fit des efforts pour se souvenir de quelle chiffre venait après le vingt-deux mais n'y arriva pas. Alors, elle ouvrit ses yeux et commença à chercher sa nouvelle meilleure amie.

Elle chercha tout d'abord dans la cuisine, puis dans la salle au rez-de-chaussée où son père invitait ses conseillers et ses amis pour discuter de problèmes importants et de choses futiles. Ne trouvant rien, elle fonça dans les escaliers... et y découvrit sa mère. Elle la réprimanda, la prit dans ses bras et la coucha. Non sans oublier le doudou qui se trouvait dans la cuisine.

Ariez avait désormais la voix libre ! Elle pouvait chercher et trouver enfin des informations utiles.

Pour cela, elle devait se rendre dans le bureau du Chef du Village, fouiller dans les tiroirs de soin bureau et en dégager un livre à reliure de cuir noir. Une ficelle rouge marquait la dernière page où il avait déposé des mots d'une encre noire.

J'éprouve des remords. Utiliser la magie noire est mal mais mentir à la population l'est encore plus... Je ne peux tout de même pas leur révéler tous les détails de cette noire affaire...

Quelles seraient mes chances de réussir à faire ingérer à tous les jeunes du village la mixture du sorcier ? Très basses. Épouvantablement basses... C'est sur ce seul point là que je puis me réconforter. Me dire que grâce à ma position hiérarchique et à mes décisions, je puis sauver la vie des prochaines générations...

Une goutte d'humidité gondole la page à ce niveau du texte. Elle provient des émotions du Chef du Village en pensant à sa petite fille.

Puis le texte reprend :

J'ai invité toute la population à venir sa rassembler au centre du village. Je l'ai tous invité à venir boire un verre d'eau du puits. Ce puits qui baignait de la composition étrange et mystérieuse du sorcier.

Ce fut un jour harassant. J'ai du veiller à ce que chacun des jeunes avale une gorgée afin de retrouver la vue...

Les pages précédentes du cahier ne concernent des décisions et des états d'âmes qui ne sont pas en lien avec cette histoire d'utilisation de magie noire. Ariez devra donc reposer le carnet où il se trouvait afin que le Chef du Village ne se doute de rien. Ensuite, elle pourra ressortir et rejoindre Vaea au centre d'Amèke. Là où le rituel fut à son apogée.


Dans la bibliothèque de Madame Hussel

Vaea put découvrir dans ses lectures des informations sur deux créatures annotées des pensées de Madame Hussel.

Tout en haut du parchemin, écrit en grosses lettres capitales et souligné d'un trait noir était le nom de la première créature : VARUGA.

Il y avait un schéma de la créature :



La main de la vieille dame avait entouré la corne du Varuga et apposé cette annotation :

La corne est ce qu'il cherche. Elle est très importante dans leur noire sorcellerie.
Je plains cette créature. On lui coupe sa corne encore et encore car elle a la faculté de repousser encore et encore.

Il y avait d'autres flèches indiquant les noms des muscles ou de certaines parties du monstre. Visiblement, Madame Hussel s'intéressait beaucoup à son sujet. Elle cherchait à tout savoir. Comment il fonctionnait. Comment il marchait. Quelle était sa nourriture ou encore où est-ce que la créature logeait.

Il y avait d'ailleurs un deuxième parchemin où était esquissé un trou dans une montagne. Une flèche indiquait que cela était un des repères de l'animal.

Dans cette antre se trouve le Varuga. C'est toujours à cet endroit que je le rencontre. Il ne me craint pas mais ne s'approche pas pour autant. Quelle créature fantastique et intelligente !

Sur une autre feuille se trouvait le croquis d'un autre monstre. Il représentait deux petits singes l'un sur l'autre qui semblait protéger un petit trésor.



Encore une fois, la main de Madame Hussel avait entouré l'élément important. Cette fois-ci, c'était une sorte de cailloux. Un cailloux parfaitement rond que la vieille dame avait colorié de rouge.

Une flèche indiquait que cela était une perle de feu. L'animal, appelé Siamois, était prêt à mourir pour cette perle. La vieille dame se posait beaucoup de questions sur ce trésor :

Pourquoi le protège-t-il autant ?
D'où cela vient-il ?
Quelles sont ses propriétés ?
Etc...

Dans un autre bout du parchemin, elle avait tout de même inscrit ce qui serait la dernière information intéressante pour Vaea :

Cette perle rougeoyante est très importante pour le sorcier.

Elle avait souligné de deux traits « important pour le sorcier ».

J'observais avec attention les dessins des créatures, lisant en suivant de ma petite patte les lettres inscrites pour mieux les assimiler, et je compris ce que voulais dire l'ivrogne dans la Taverne, grâce à ces croquis et annotations. Dommage que je ne puisse les voler, il serait plus compliqué d'en faire un rapport fidèle, non pas pour les écrits, mais pour les descriptions des créatures. Au moins disposais-je d'informations de premier ordre, et j'avais plusieurs idées pour poursuivre nos investigations. Notamment par trouver le "sorcier".

Lorsque je reçus par télépathie le message d'Ariez, j'étais justement en train de repartir, et je me hâtais de rejoindre la place, la retrouvant guettant la taverne, et signalais ma présence avec quelques cris de souris. Une fois qu'elle m'eut repéré, je lui révélais avec impatience mes découvertes, en racontant d'abord mon passage à la Taverne, puis dans la bibliothèque lorsque j'avais constaté qu'elle n'en avait pas encore fini, en terminant bien sûr par les croquis du Varuga, et de la sphère rougeoyante "très importante pour le sorcier".

Une fois que j'eus fini de livrer mes dernières informations, je me sentais tout fier d'avoir réussi à les rassembler et proposais d'entrée de jeu de trouver et de fouiller la maison du sorcier, sûrement remplie d'informations capitales. Et aussi peut-être de chercher ce que recelait les sphères rouges, s'agissait-il éventuellement du but de notre quête ? Après tout, pourquoi cette vieille dame s'interrogerait sur ces propriétés si elles n'étaient pas exceptionnelles ?

Une autre solution serait également de trouver le Varuga pour examiner sa corne... Mais elle risquait d'être plus compliquée. Une fois mon flot de paroles assouvi, je laissais Ariez me raconter ce qu'elle avait trouver, ainsi que la suite du programme. Nous n'avions pas de temps à perdre !

Nous sortîmes donc du village, elle enroulée dans sa cape d'invisibilité, et moi la suivant en jetant des regards furtifs autour de nous pour nous assurer de ne pas être suivis ou remarqués. Ariez était quelque peu dure à suivre, puisque invisible, mais fort heureusement je pouvais toujours l'entendre, et de plus je savais où nous passerions pour sortir, c'est-à-dire le même endroit utilisé pour entrer. Le chemin du retour se fit dans le calme, bien que j'eus le sentiment que nous venions de remporter une petite victoire.

Évidemment, ce sentiment disparut bien vite quand je me rendis compte de l'endroit où nous devions retourner : la forêt. Je frissonnais en approchant, le poil bien plus hérissé que lors de notre dernier passage, puisque cette fois-ci je ne disposerais pas de ma magie immédiatement en cas d'attaque de racines. Je regardais Ariez s'installer confortablement, en me demandant comment pouvait-elle faire pour réussir à rester calme dans un endroit peuplé de créatures de Terra. Bon, certes, elle ne disposait pas de ma sensibilité de l'Eau, mais cela pouvait se sentir, même pour une Humaine, que les forêts étaient des endroits maléfiques, non ?? Peut-être pas, en fin de compte.

Mais n'empêche que je n'étais pas rassuré le moins du monde, bien plus anxieux que lorsque nous fouillions le village. Je dus donc faire un suprême effort de volonté pour l'écouter parler des effets secondaires du remède trouvé, et je m'interrogeais également sur ce qu'il pourrait donner à la mère d'Ariez, trouvant tout cela particulièrement intriguant, et remettant de côté un cours instant mes appréhensions forestières pour réfléchir. Comment un soin pouvait également provoquer des effets négatifs ? Ce nouveau monde était plein de surprises, et différait radicalement de beaucoup de choses que j'avais pu connaître par le passé.

- Que faisons nous désormais ? Ou plutôt qu'allons nous faire demain ?

Il me semblait en effet désormais évident que nous allions passer la nuit ici, bien à l'abri des regards... humains du moindre. Le regard des arbres par contre, c'était une autre histoire.

- Peut-être pourrions nous dans la journée chercher où vivent les créatures que j'ai pu trouver dans la bibliothèques, peut-être sont-elles intelligentes pour nous donner des informations, ou au moins nous pourrions trouver dans leurs cavernes des indices... Tu as entendu ce bruit ?

Mon imagination me jouait des tours, et je bénis ma qualité de demi-dieu pouvant résister à la fatigue. Si j'avais été un Humain, passer une nuit blanche dans une forêt m'aurait épuisé, sans nul doute possible. Là, il ne s'agirait que d'une nuit passée à contempler les ombres s'agiter, et se demander quels terribles dangers rôdaient sous chaque couche de mousse verdâtre.