Mon regard demeure posé sur ce visage qui s'exprime de bien des façons, mes sens captant d'autres mouvements et d'autres bruits que me yeux ne perçoivent guère. Le timbre de sa voix, les battements de son cœur, le parfum de sa peau, ... Et dans ces mots qui se délient par ses lèvres, songeur, je finis par saisir l'une des questions. La compréhension, une évidence et un complexité, mais surtout une merveille à mes yeux.
"Je ne peux répondre à cette question. Un demi-dieu n'est guère l'autre. Souvent, même, un seul s'avère multiple. Mais je puis répondre pour moi." Mon regard se tourne vers ma main, venue saisir une poignée de sable fin, ceux-ci roulent entre mes doigts griffus, mon visage se redresse alors. "Chaque grain de sable diffère de son voisin, bien qu'ils semblent tous similaires de prime abord... La compréhension, à mes yeux, est une ouverture à la singularité. Une reconnaissance des différences, des multitudes. Je crois que la compréhension à autrui nécessite une compréhension à soi-même, une reconnaissance de notre propre singularité et de notre propre vécu. Un regard ouvert, humble et surtout... bienveillant, sur soi, permet de développer semblable conscience de l'autre. La compréhension n'excuse, ni n'accuse, elle est reconnaissance. Reconnaître que nul n'a tort ou raison, mais que chacun, dans sa propre singularité, possède des raisons... de faire, dire, agir, penser, réagir, ..."
Les grains de sable se sont tous évanouis de ma paume, rejoignant leur berceau qui siège sous mon postérieur. Je décide de relier ce point de vue, qui n'appartient qu'à moi et que je viens d'exposer, à une phrase prononcée plus tôt.
"Il n'est pas suffisant de savoir... Le corps peut s'apparenter à une mémoire globale. Dans la perception que j'en ai. Il comporte des inscriptions, ou, plus précisément, des impressions... Nous sommes imprimés, physiquement, psychiquement, par nos vécus, marqués, comme je le disait plus tôt. Et le corps se souvient, on ne s'astreint pas de notre propre chair, on compose avec, continuellement. Alors, oui, il n'est pas suffisant... Car tout demeure, ancré dans cette mémoire globale, et tout ce qui vient s'imprime, avec un degré de prégnance plus ou moins grand." C'est pour cela, que mon esprit à refaçonné mes sens au fur et à mesure. C'est pour cela, que tout divin que je suis, je demeure être de sensations et d'impressions. Et que j'ai un jour décidé de m'y fermer dans une certaine mesure. C'est pour cela que mes épreuves me donnent de nouveaux ressentis, et gravent ma chair par le biais des humains qui les relèvent.
"Si tu prends racine dans un sol instable, peut-être pourrais-tu le faire de façon permanente? Et créer ainsi une forme de stabilité au sein de l'instabilité?" Un fin sourire étire le coin de mes babines, je propose, elle dispose. J'offre des angles de vue, à ma manière. "Sinon... Je pense aussi que nous ne sommes pas 'que', loin de là. Il n'y'a pas à réduire quelconque être à quelque chose, ses mots, ses yeux, son regard, ... Réduire est une aberration. L'infini s'ouvre à tous les regards, parce que le moindre regard est infini."
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La dernière question flotte toujours dans ma psyché, mmh... Oui, il me serait difficile d'en faire abstraction, dois-je être heureux ou triste à cette pensée? Je demeure confus, et c'est bien là, la plus grande confusion de ma vie que je déplore être une confusion. Je me redresse avec lenteur, étend mes bras pour les dégourdir, puis agite simplement la main droite devant moi. Les grains de sable se soulèvent, et viennent dessiner graduellement un visage, celui d'une jeune femme. La forme de son faciès n'a rien de commun avec la danseuse, mais les grains devenus émeraudes qui siègent en lieu et place de ses prunelles revêtent la même teinte.
"Mon premier lien... Après l'enfermement. Le seul regard qui ait compté réellement... Le seul souvenir, que ta présence, bien innocente et non responsable, pourrait matérialiser. La seule peur qui pourrait m'étreindre, et m'empêcher d'être pour toi un protecteur infaillible. Des siècles d'un conditionnement émotionnel, mécanisme que j'ai développé, pourraient exploser à tes côtés et te réduire à néant. Me réduire à néant aussi, évidemment."
Mais j'ai également peur de passer à côté d'une chose aussi singulière, et il me serait possible de nous octroyer une alternative... Est-ce égoïste? Pas si les termes de l'expérience sont plus ou moins bien définis au préalable, n'est-ce pas? "Je puis néanmoins t'offrir une possibilité de m'être lié... Différemment. Mais il ne s'agit pas d'une expérience très agréable, elle implique un partage qui pourrait te bousculer, car elle nécessite une ouverture totale à l'échange qui aura lieu. Par ailleurs, je ne peux biaiser le processus en t'y préparant avec davantage de détails et d'explications." Je m'accroupis et mon faciès trouve ses prunelles à hauteur des miennes. "Saches que ce lien sera de nature positive, et lorsque je sortirais d'ici, il me permettra d'être là, pour toi, de façon bien particulière et inversement. Alors... Accepterais-tu cette perspective aux contours inconnus?"
Son regard, et son visage, à elle, au fur et à mesure que le temps passait devenait un peu plus animale.
Un hibou.
Un hibou perdu, qui regardait avec des yeux un peu rond, alors qu'elle tentait de suivre le cheminement de pensées de l'immortel demi-dieu. Elle clignait des yeux, et qu'ainsi, ces émeraudes brillantes ne fixent toujours que le singe éternel. Un instant, elle eut la pensée que compter ses poils serait toujours plus aisé que de le comprendre. Mais, dans cette abysse où son maigre cerveau se débattait un peu, enseveli sous des abstractions, une petit lueur se posa.
Savoir était une chose insuffisante. Sur ce point, elle rejoignait le gros bestiau. Elle avait beau savoir que tous les hommes n'étaient pas pareil, et que ceux auxquels elle avait offert ses services dernièrement, n'étaient pas ce noble d'immondices, les images refaisaient pourtant si souvent leur apparition, qu'elle en cauchemardait les nuits suivantes. Et quelle que soit la couche de savon d'eau brûlante qu'elle s'appliquait pour se purifier, jamais cette impression de souillure ne s'effaçait complètement.
Savoir est une chose, arriver à le penser naturellement en était une autre. Et la mémoire était aussi bien une tendre alliée, que la plus traîtresse ennemie, parfois. Alors, lâchant son air de hibou, elle hocha la tête avec douceur, un pli soucieux et concerné se glissant sur son front, et quelques paillettes de métal sonnèrent tristement.
Quant à la question qui suivi juste après et lui relever son nez, un air de curiosité s'affichant sur son visage maintenant, elle la laissant en suspens, réfléchissant.
- Si l'on parle de moi Je ne suis assez stable Pour offrir sans émoi Des racines bien fiables.
Elle garda cette allure un peu contrite. Elle se savait poursuivie par ses démons, et sa quête de vérité n'était peut-être qu'une illusion, qu'elle chassait pourtant. Elle n'était pas capable de cette stabilité, et encore moins d'offrir une permanence à un tel état imaginaire. Mais avant qu'elle ne rajoute quoi que ce soit, le grand singe se redressa, s'étirant devant ses yeux qui ne pouvaient que se teinter d'émerveillement. Jusqu'à ce qu'il agite sa main.
D'abord, revint le hibou, incompréhension. Puis il s'effaça dans la soudaine lucidité, confirmée avec les mots suivant de la divinité. Mais néanmoins, par ses mots qui lui serraient le coeur, était aussi l'annonce que le lien qu'elle recherchait ne serait pas celui qu'elle obtiendrait. Par le simple fait d'être ce qu'elle était, sans un choix. Mais dans un tel état, il lui était impossible d'en vouloir ni au sort, ni aux dieux. C'était ainsi, simplement, et torturer par des souvenirs anciens et douloureux une invocation pour le simple plaisir du lien... ce n'était pas dans ses principes.
Enfin, vint cette étrange proposition. Qu'elle ne comprenait pas, pour changer. Mais qui ne lui laissait guère de possibilité de compréhension, lui-même l'admettait. Après un silence, où elle pesa lentement le pour, et le contre, Erin finit par hocher la tête, ses grands yeux émeraudes posés dans ceux de l'invocation.
- J'accepte.
Seuls mots prononcés. Pour une fois, elle ne souhaita ni argumenter, ni user d'emphases et circonlocutions auxquelles elle était habituée. Et depuis le début, elle avait assez parlé. Il était temps de se lancer.
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Admin Nérée
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Est-ce que je parle trop? Mouai, j'crois que je cause beaucoup trop des fois! Bon, tant pis, c'est fait, c'est dit pour être plus précis, ce sera déjà pas mal si je ne l'ai pas embrouillée. Enfin... Non et oui, peut-être. J'aime lorsque rien n'est clair, mais je peux aisément comprendre que ça ne soit pas le cas d'autrui. Bon, on va cesser de palabrer et agir, d'autant qu'elle accepte le partage!
Question racine hein? Dans ce cas on va creuser et peu importe ce que nous pourrons déterrer. C'est surtout ce que l'on va décider d'en faire qui compte! D'accroupis, je me pose carrément sur mon séant et me positionne en tailleur. Je n'ai pas relevé davantage ses derniers mots, les entendre est une chose déjà particulière, suffisante pour leur donner corps dans ma pensée. Autant se concentrer sur cet accord qui vient d'être soufflé en berçant me propres prunelles dans un écrin d'émeraude. Mais qu'est-ce que tu fous, Am?
"Installe toi à ton aise et pose tes mains dans les miennes. Paumes tournées à ta convenance. Quoi qu'il arrive... Ne rompt pas le contact, les séquelles n'en seront guère agréables." Pour ma part, j'ai tendu mes bras sur mes genoux et présente mes paluches, paumes vers le ciel factice du désert qui nous entoure et nous contient. J'attends qu'elle se mette comme elle le souhaite, je suis assez grand pour qu'elle n'ait pas à se pencher si elle demeure sur la pierre et je descendrais un rien mes bras si elle s’assoit en tailleur, à ma façon, à la place du rocher qui disparaîtra aussitôt.
Lorsque ses fines mains touchent les miennes, le contact me procure un frisson étrange et la magie déploie sa force en liant nos êtres. Je n’exerce aucune pression, le simple toucher de nos deux peaux suffit à l'expérience. C'est la première fois... Cette étape fait partie des nombreuses autres qui peuvent survenir durant l'épreuve qui régit mon enfermement. Un coup tordu du paternel suite à la fin de ma première libération. Mais jusqu'alors, les humains sur lesquels sa magie n'a pas d'emprise aussi directe, ont tous opérés des choix qui les ont fait évoluer dans des voies ne menant guère à cette expérience. Et me voici limite en train de la provoquer, vu qu'elle a dévié du fil classique de l'épreuve, je peux me le permettre... J'ai déjà fait des trucs dingues, mais là je risque beaucoup de moi-même avec un conscience bien trop acérée de la chose.
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J'inspire profondément et mes paupières se ferment. Libre à elle d'en faire de même, sans doute constatera-t-elle qu'il est plus simple de garder les yeux clos, car le processus enclenché distille à présent des images dans son esprit. Le temps qui s'écoule n'a pas de consistance, ce qu'elle perçoit et voit de ma toute première libération pourrait durer des jours entiers ou quelques secondes, je l'ignore moi-même. En réalité, toute ces bribes de souvenirs sont floues, l'humaine accède à des sentiments de curiosité, de joie, de doute, de colère, de bonheur... Le dernier prend finalement forme avec netteté. La femme que l'on voit à mes côtés m'a offert une existence sans nulle autre pareille. Que ce soit sous ma forme originelle ou humaine, elle me portait le même amour et le même désir. Il y avait plus que cela, mais aucun mot humain comme divin n'est en mesure de le décrire avec la puissance et la beauté nécessaire. Des sensations se mêlent aux échos lointains, mon corps n'a été empreint de la sorte depuis plusieurs centaine d'années... Une fragrance délicate envahit mes naseaux et envoûte mon esprit, le timbre d'un rire qui résonne tel le cristal se morcelle en pluie d'éclat de joie, courant dans mes veines comme les eaux vives et fraîches d'un ruisseaux impétueux. Le souvenir du contact de sa peau contre la mienne, qu'elle soit pourpre ou crème, électrise chaque parcelle de mon être et vrille mes entrailles d'un plaisir innommable...
Le souvenir se densifie, pour montrer ce qui est l'essence même de ce que je veux donner à la jeune femme face à moi. Le vide, la douleur, l'impuissance, la rage, la colère, le déni ... La mort de ma libératrice qui affecte chaque fibre de mon corps et de mon esprit tel un poison qui gangrène l'organisme. La force du courant émotionnel véhiculé par ma mémoire s'avère d'une intensité démesurée. L'amour, pour certains, ne vaut pas tant de souffrances. Pour d'autres, il les touche avec déraison et les brûle complètement. Une infinité de déclinaisons existent, mais cette nuance qui est la mienne, se vête d'une pureté trop éclatante et d'un mal trop noir à la fois, si bien qu'ils ont brisé les multitudes de nuances colorées siégeant à leur interstice. Cela dépassait mon entendement, alors que bien des êtres verraient là exagération... Il n'y a pas de limite à la joie qui naît d'un lien unique et spécial. Et il n'y a pas de limite à la peine qui adjoint sa fin physique.
Certains de ces humains, dotés parfois d'une sensibilité (physique comme émotionnelle) plus accrue que la moyenne, peuvent mieux approcher ce que perçoit un enfant divin, dont les sens s'avèrent décuplés. L'esprit humain qui m'est lié pendant cet échange pourrait subir des vagues émotionnelles destructrices, car même les plus douces de mes réminiscences sont au delà de ce qu'une enveloppe corporelle et une psyché humaine peuvent appréhender. Pourtant, c'est avec une confiance bien particulière que je me suis offert et donné à la jeune femme assise face à moi.
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Et c'est avec la même confiance que je m'ouvre aux échos de sa propre existence, l'esprit accueillant et impatient de toucher une autre réalité à laquelle il sera désormais scellé. Je n'ai guère eu besoin de mots pour l'entretenir de ce qu'elle avait à faire, la magie des lieux guide son instinct, elle sait ce qui peut être partagé, lui reste le choix, entre ses souvenirs, de celui qu'elle désire offrir à mes sens et mon cœur.