Affronter son Démon

Mais dans quel merdier je m'étais foutu ? Cette question, je me l'étais posée sur tout le trajet du retour à Sirk. Mon entrevue avec Ezelya s'étant terminée, il fallait que je Lui en fasse le rapport. Parce qu'il y avait évidemment des choses qui le concernait et d'autres... que j'aimerais vraiment oublier. Bien malgré moi, le chemin du retour avait été suffisamment long pour que j'y pense de toutes les manières possibles et dans tous les sens. Est-ce que je devais lui dire ? Comment je devais lui dire ? Par les Quatre, c'était quoi ça ? De la peur ? Merde alors, non ! Certainement pas. Et pourtant, cette boule au ventre ne me quittait pas, jamais. Elle s'accroche et me tord les boyaux. Mais il fallait en passer par là, je n'avais pas le choix. C'était proprement impossible que je fasse comme si de rien n'était, ça présentait trop de risque. Pour tout le monde.

C'est donc un peu sur les dents que je faisais mon entrée à Sirk, pour une énième fois. Pourtant, pour celle-ci, je ne m'y engouffrais pas immédiatement, comme freinée par une évidence à laquelle je n'avais pas songé jusqu'à maintenant : c'était peut-être la dernière fois. Et alors merde, ce n'était qu'un passage, je le sais depuis longtemps. Alors peu importe, la vie avait accélérée les choses et  tant pis. Résolue à faire ce qu'il fallait, j'entrais enfin, après que l'on m’ait retiré mes armes, comme d'habitude. Bien vite, je suis rejoins par Ivar qui s'enquiert des nouvelles. Elles ne sont pas bonnes. Vraiment pas bonnes.

Mais avant de lui répondre, je lui demande si il sait où Il est, il m'indique alors sa position et je m'élance dans sa direction. Mes pas son décidés et j'étais prête à en découdre si il le fallait. Sur le chemin, j'explique rapidement à Ivar que je suis recherchée et qu'on allait devoir quitter Sirk. Qu'on irait sur le bateau d'Ezelya le temps que ça se calme. Ou pas. Dans tout les cas, on ne pouvait pas rester ici. Mon identité était maintenant connue de beaucoup trop de monde et être ici présentait un risque trop grand. Pour Lui et pour Sirk, évidemment. Et puis, je n'étais pas non plus à l'abri qu'un de ses habitants ne se la joue héro et me la fasse à l'envers pour empocher la prime. Un habitant ou... quelqu'un d'autre. Dans tous les cas, j'arrivais bientôt à sa hauteur et sa vision, sa présence m'arrête net. Mon corps entier se crispe. Je le fixais un instant, ne comprenant pas immédiatement à quoi je devais cette soudaine tétanie. Il avait l'air... détendu. Et en voyant ça, je sers les dents plus que de raison. C'était certainement la première fois que je le voyais ainsi et j'allais, par mes nouvelles, lui arracher toutes raisons de l'être. Était-ce alors la peur de le contrarier et de subir le Démon qui m'avait tiraillé ? Ou était-ce... autre chose.  

Je ravalais ma salive quand son visage se tourne vers moi, quand moi je m'en détourne brusquement pour l'éviter et ainsi trouver celui d'Ivar. Je lui demandais alors de prévenir tout le monde et de rassembler nos affaires rapidement, le laissant partir à la hâte. J'inspirais alors amplement, avant que mon regard ne Le retrouve. Est-ce que je ne pouvais pas simplement partir, sans rien dire ? Ça serait tellement plus simple. En plus, il y a le Général et je sais bien qu'il ne m'apprécie pas vraiment celui là. Une idée à laquelle me raccrocher qui me tourmentait déjà moins profondément. Je m'avançais alors vers lui, avec mon air de d'habitude, enfin, il me semblait. Il était certainement encore plus contrarié à dire vrai, mais peu importe. Une fois à la hauteur de la table, je saluais rapidement toutes les personnes présentes d'un bref hochement de tête avant de poser mon regard dans le Sien. Le fixant, sans ciller je l’espérais, je laissais sortir simplement ma voix, limite éraillée.


J'espérais aussi que l'intensité de mon regard suffirait à lui faire comprendre que je souhaitais le faire seul à seul. Ici cela dit, ça serait bien. Peut-être qu'échanger en public, au milieu de tout le monde atténuerait ses réactions. Quoi que, j'en étais vraiment pas sûre, et ça n'aiderait certainement pas les miennes non plus. Tout à coup, j'ai une petite pensée pour ces Cœurs Tendres que j'avais eu la bonne idée d'acheter à Oagran. Peut-être que j'aurais à les utiliser plus rapidement que j'aurais cru.

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Affronter son Démon

Si j'avais pu, j'aurais parié sur ce regard de travers que le Général me lançait en s'éloignant. Evidemment, je lui rendais la pareille, suivant son éloignement des yeux. Ainsi focalisée sur lui, je pouvais me défaire quelques instants de la tempête qui s'annonçait et à laquelle j'aurais pu m'accrocher avec la plus grand volonté. C'est alors que sa voix, celle qui devenait très familière maintenant, s'adresse à moi. Cette petite explication faite, je me sentais soudainement plus à même de comprendre ce Général qui n'avait de cesse de se montrer rebuté par ma présence.


Et c'était la vérité. Je ressentais un haine incontrôlée envers les chiens du Prince. Enfin, envers quiconque assumait lui être fidèle en réalité. A cette pensée, je grimaçais ma hargne en perdant de vue le Général, revenant à Lui alors que j'avais presque eu le loisir d'oublier pourquoi j'étais là. Mais son visage me rappelait évidemment à tout ça. Une nouvelle fois, son image me fige et crispe mes traits. Pourquoi est-ce qu'il souriait ? Et pourquoi la vue de son sourire était étrange ? Sans doute parce que je ne l'avais jamais vraiment vu avant. Si ce n'est éventuellement dans le bain, la dernière fois, mais ce n'était pas comparable à celui là. M'apercevant alors que le fixais depuis déjà quelques secondes et que j'étais toujours silencieuse, malgré son invitation à poursuivre, je me rabrouais et faisais quelque pas autour de la table, histoire de m'en éloigner sûrement. Un peu à l'image de cette altercation dans son bureau. L'instinct de survie je dirais. Positionnée au niveau du coin de la table face à lui, je croisais les bras sous ma poitrine et faisait mine d'observer ce qui s'y trouvait, sans y prêter la moindre réelle attention évidemment.


A cette question, mes yeux retrouvaient les siens. Qu'est-ce que je faisais ? J'essayais de gagner du temps ? Ça en avait tout l'air en tout cas et j'en grimaçais de nouveau, un peu plus légèrement que tout à l'heure. Et pourtant, même si je désirais vraiment me détourner de son regard, je n'y arrivais pas. Parce que je m'y engouffrais, essayant de comprendre ce qui se tramait dans mon propre crâne. Pourquoi est-ce que j'étais là, face à lui, à hésiter à lui annoncer que j'étais recherchée ? Parce que ça allait l'énerver oui. Mais il y avait autre chose. Depuis cette putain de nuit. Moi qui ne connaissait que le Démon, j'avais rencontré quelqu'un d'autre cette nuit là. J'avais l'impression que c'était cette personne là qui était face à moi. La colère du Démon m'effrayait. Mais ce qui pouvait venir de cette personne là et que je redoutais... Non. Cette fois-ci, j'arrivais à m'en défaire, de ce regard qui n'allait pas tarder à changer. Mes babines se crispant légèrement, je baissais le regard en direction, à nouveau, de ce qu'il y avait sur la table, mes doigts se crispant sur mon bras.

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Sa réponse me tranchait les tripes. J'avais l'impression de le trahir d'autant plus maintenant qu'il m'exprimait, enfin, quelque chose comme de l'estime. Et pour seule réponse, il recevait une énième grimace alors que je mes yeux restaient rivés sur la table, inspirant longuement alors que mes doigts se crispaient d'autant plus. C'est ce moment qu'il choisit pour continuer et me faire entendre ses intentions quant au rendez-vous à donner à Ezelya. Voilà, de quoi m'accrocher à autre chose, encore une fois. Mais combien de temps j'allais pouvoir faire tenir comme ça ? Certainement trop peu.


Évidemment que j'allais avoir tout le temps de voir ça directement avec elle, puisque que j'allais aller sur son bateau, pendant un temps indéterminé. Sérieusement, j'aurais pu en rire, si ça n'était pas moi dans cette situation évidemment. Toute mon attention s'accroche alors à la petite sacoche à ma ceinture. J'y avais laissé les comprimés, en prévention de maintenant. En relevant les yeux vers Lui, je me rappelait au fait que c'était lui même qui m'avait conseillé d'en acheter, pour contenir mes colères. Quelle ironie. Moi qui pensais en faire cet usage, visiblement j'en avais besoin pour autre chose. On m'avait dit que ça évitait les colères oui, mais aussi le stress et l'anxiété je crois. Enfin, que ça permettait d'être serein en toute circonstance. Et bien, j'allais voir ça.

Mes yeux se perdant dans le vide, ma main se glisse dans cette petite sacoche de laquelle je sors l'un de ces comprimés rouges que j'observe un instant, au creux de ma main. Il fallait le diluer, je n'avais pas de verre à disposition, j'allais devoir me débrouiller autrement. Envoyant le comprimé dans ma bouche, je portais ensuite ma gourde à mes lèvres pour en extraire quelques gorgées que je maintenais au creux de ma mâchoire, fermant la bouche pour laisser reposer ce qui allait peut-être me sauver la mise. Mon nez se fronçait, le goût était mauvais. Patientant quelques secondes de sentir le comprimé se dissoudre sur ma langue, j'avalais le tout en envoyant ma tête quelque peu vers l'arrière, grimaçant de nouveau à goût râpant ma langue et mon palais. Après quoi, j'avalais d'autres gorgées d'eau pour m'en défaire.

Le temps que je ferme ma gourde et que je la rattache à ma ceinture, je commençais déjà à sentir les effets. Mon visage se détendait lentement, quand mon crâne cessait peu à peu de fourmiller. Étonnant procédé. Quoi qu'il en soit, ça marchait et même si mes bras demeuraient croisés, je ne sentais plus rien de ce qui m'avait fait hésiter. Alors sans plus attendre et sautant sur l'occasion, puisque je ne savais pas combien de temps je serais libre de mes tourments, je relevais les yeux vers lui, l'air serein.


Et malgré cette annonce, dites avec une voix presque douce, je ne ressentais quasiment rien. A cette évidence étrange, mes paupières cillaient quelque peu, mais sans plus. J'étais moi même étonnée, mais pas assez pour en faire la remarque puisque toutes les sensations négatives glissaient tout simplement sur moi. Au pire, je penchais légèrement la tête sur le côté en attendant sa réponse. Si il voulait connaître les détails, sur ça ou tout autre chose, c'était visiblement le moment, car je n'aurais certainement aucune retenue à le faire. C'était assez déstabilisant en y pensant mais comme j'avais pris un cœur tendre, j'étais sereine, à n'importe laquelle des éventualités.

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Finalement, je n’aimais pas ça. Même si ça ne m’irritait pas dans l’immédiat, du fait d’être sereine, ça ne me plaisait pas. Tout simplement parce que plutôt qu’exprimer mes sensations, mon agacement ou même ma crainte, je l’intellectualisais. Parce que de n’avoir pas de sensation négative me laissais tout le loisir de réfléchir aux choses, de manière complètement détachée. J’avais aimé son sourire, voilà qu’il disparaissait et bien que ça ne m’avait pas irrité là encore. Je notais la différence car j’étais moins « bien ». D’une certaine manière. Je ne me sentais pas mal, juste moins bien et peut être que je ne m’en serais pas rendu compte si mon esprit avait été perturbé par mes ressentiments. Je mettais aussi des mots sur le reste bien que selon moi, ils n’étaient pas adapté à la situation. Je n’y pouvais rien cependant. Cette annonce ne l’avait à priori pas fait broncher, bien, je pouvais donc continuer en toute quiétude. Cette fois ci, mon regard apaisé restait sur lui et ma voix était toujours calme et légère.


Bien consciente que cela ne lui suffirait sûrement pas sans pour autant craindre que cela ne le soit, je continuais donc sur le même ton, la voix presque légère et le visage étonnement détendu. C’était assez agréable finalement de ne pas être continuellement crispé. A trop l’être, j’en avais oublié comme j’étais quand j’étais calme.


Il y eu Oblivion et sa présence m’a complètement retourné le cerveau, au point que je ne voyais qu’elle et que je faisais tout pour éliminer la faiblesse qu'elle était devenue. Jusqu’à ce que je me rende compte qu’une fois ma lame à sa gorge, j’en étais incapable. Que d'efforts perdus pour rien. Les cœurs tendres avaient beau me permettre d’être sereine, il y avait cependant des choses que je n’étaient pas prête à céder si facilement. Reprenant donc comme si de rien était, je poursuivais ma tirade malgré ce petit temps de flottement.


Finalement, mes bras se décroisent pour finir par rester lier un peu plus bas, ma main attrapant mon poignet, laissant mes bras reposer tranquillement. Je n’étais cependant pas tout à fait sûr que lui annoncer ma prime était judicieux, peut être qu’il lui viendrait à l’esprit, en voulant me punir, de me donner à la « justice ». Ça serait logique et plutôt mérité. Rien à craindre d’injustifié donc.

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Oh sa réaction n’était pas étonnante non, la mienne en revanche l’était forcément. Moi qui avait une forte tendance à m’emporter de la même manière qu’il le faisait maintenant, j’étais là, complètement calme. C’était effrayant en y pensant, mettre au silence son instinct. Si j’avais pensé que ça me sauverait de ne pas me laisser aller à mes émotions, j’avais visiblement encore fais une erreur. J’observais la situation d’une manière si détachée que j’avais même mis du temps à faire un pas en arrière quand il s’avançait vers moi. Un pas en arrière de réflexion et même pas d’instinct. C’était pathétique, vraiment. Pourtant, mon regard se décidait enfin à lutter un peu contre ce calme horrible, visant l’épée qu’il venait de dégainer. A en croire ses yeux qui me fixaient, ça n’était pas très bon. Je commençais à le connaître et même si je n’en avais pas peur tout de suite, je faisais à nouveau un pas en arrière tout en piochant dans ma petite sacoche, trop pour contenir la moindre arme, en sortant un second comprimé que je tenais entre mon pouce et mon index. Le portant ainsi entre nos deux regards pour qui le voit, je m’expliquais.


Mes sourcils se froncèrent légèrement. Si je ne ressentais ni crainte, ni peur, ni colère, la culpabilité demeurait. Et un morceau de mon cœur se brisait au même moment, un éclair infime de peine traversant mon regard. Conservant cependant mon calme, je le rangeais, laissant mes bras retomber sur les flancs pour ne montrer aucune résistance. Mon regard plongeait dans le sien et ma culpabilité était évidente tant mon visage commençait à se tordre dans une émotion peinée. Peut-être était-ce avec réflexion que je mimais cette sensation, peut-être pas.


Lui dire que j’avais peur de le décevoir, c’était un peu trop. Même pour moi. Je ravalais ma salive espérant que ces quelques mots réussiraient à le calmer, du moins un peu. Du coin de l’œil, je notais que le Général commençait à s’approcher, derrière lui s’avançait aussi Ivar. Avant qu’il ne s’approche trop du pont, je lui indiquait d’un geste de ne pas continuer avant de revenir au Démon qui avait refait surface. Il était peut être tant de lui annoncer le reste.


Le Général s’avançait encore et traversait le pont. Le notant du coin de l’œil je fini par baisser le regard, ne supportant plus vraiment de voir le Sien. Ma voix était devenu une sorte de murmure.


Ce serait étonnant que ça en ai. Après ça, je ne donnais pas cher de notre alliance. Lentement, ma paume gauche, marquée par mon allégeance se tournait vers moi et je l’observais, silencieusement. Comment avais-je pu si bêtement tout foutre en l’air ? Je relevais enfin les yeux vers les siens alors que ma culpabilité ne disparaissait pas pour autant. J’ai donc choisis de faire un nouveau pas en arrière, au cas où. Reprenant un ton plus audible, je finissais.


En réalité, j’aurais aimer lui demander clairement de ne pas le faire. Si j’avais eu peur j’aurais fuis, ou je me serais défendu. La j’étais complètement démunie, seule face à lui et avec ma peine. Celle de quitter ce monde, de perdre les miens. A cette pensée mon visage se tournait vers Ivar a qui je lançais un regard plein de regret. Sa vision m’est alors caché par l’arrivée imminente du Général et je revenais à lui, mon regard retrouvant le sien.


Au moment où je le regardais, je repensais à cette nuit où je l’avais frappé avec tant de rage que je m’en étais voulu pendant des jours. Je lui avais aussi dit que j’étais désolé et ça n’avait pas été plus vrai. Aujourd’hui encore, ça l’était. Ce qui commençait, lentement, à creuser un petit trou quelque part.

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Affronter son Démon

Le moment était venu. Visiblement c'était aujourd'hui que le Destin, ou les Dieux, avaient choisit de mettre fin à ma vie. Et quelle pathétique ironie de me savoir ainsi, ne voulant même pas lutter contre. C'était risible et honteux, mais après tout, méritais-je seulement autre chose ? Mon regard trouvait alors une dernière fois le sien, le temps de quelques secondes, avant qu'il ne trouve le sol, prête à assumer mon châtiment quand son épée s'élevait déjà dans le ciel. C'était encore le printemps après tout. Cette saison qui m'avait offerte une nouvelle vie s'apprêtait à tout me reprendre. Il y avait finalement quelque chose de logique dans tout ça, voir poétique. J'étais inerte, sans défense et n'en voulait aucune. C'est pourtant un événement soudain qui m'arrachait à ma destinée.

Une main lourde se pose alors sur mon épaule, m'attirant en arrière, secouée par sa force et d'être ainsi arrêté par sa masse. Ne comprenant pas immédiatement, mon regard trouvait mon « sauveur » que j'observais d'un air plus que surpris. Lui ? Vraiment ? Ah oui, bien sûr, il voulait être celui qui allait prendre ma vie. Évidemment, ça prenait tout son sens maintenant. Pourtant, ce que je distinguais dans l'échange de leur regard n'avait pas grand chose à voir. Sa main demeurait sur mon épaule alors que je l'observais rapidement, trouvant à nouveau les yeux assombris du Démon. Mon visage demeurait impassible, jusqu'à ce que, à ma grande surprise, il consente à y réfléchir. Sérieusement ? Voilà deux fois
qu'il aurait pu prendre ma vie, qu'il aurait dû peut-être, était-il bien certain de vouloir laisser passer cette occasion ? Car je n'allais certainement plus lui céder si facilement.

Le Général retire alors sa main, d'une lourdeur qui m'était soudainement plus notable quand elle allégeait grandement mon épaule en s'en défaisant. Sans bouger de ma place, je le voyais rengainer son épée, observant le moindre de ses gestes, comme si ils évoluaient au ralenti.


Évidemment, si il fallait en passer par là pour espérer je ne sais quoi d'ailleurs, j'allais tout lui dire. Par où commencer déjà ? Il y avait tellement de choses finalement. Peut-être par le début. Cherchant un instant quoi dire dans le vide qui nous séparait, une brise légère vient caresser mon visage et soulever mes cheveux. Une caresse revigorante et douce, suffisamment pour me réconforter et me donner le souffle qu'il me fallait à ce moment. Pourtant, mon regard choisissait de ne pas retrouver le sien, préférant rester humble certainement.


Ça faisait longtemps qu'Evanna m'avait parlé de ça. Je l'avais gardé en tête sans forcément avoir noté tous les détails, alors mon discours pouvait paraître flou. Mais peu importe, l'idée était là, c'était l'essentiel et puis, ce n'était surtout pas le plus important. La suite l'était en revanche. J'avais alors besoin de quelques secondes avant de poursuivre, demeurant à ma place, comme la bonne sous-fifre que j'étais devenue bien malgré moi.


Par les Dieux ce que c'était compliqué. Et puis je ne savais pas si je prenais de quelconque risque à lui révéler ça. Il n'avait pas ma confiance sur un point de vue personnel et ça, c'était plus que personnel. J'inspirais alors profondément, fermant les yeux alors que mes épaules se soulevaient. Soupirant longuement, je rouvrais mes paupières avant de continuer.


La réapparition d'Oblivion dans ma vie avait été un véritable déchirement et ça me rongeait de l'intérieur. Son souvenir était agréable, mais ce qu'elle me renvoyait aujourd'hui était horrible. Nous étions dans deux camps différents et même si j'avais voulu renouer avec elle, c'était proprement impossible. Je grimaçais légèrement en y pensant alors que mes yeux cherchaient un autre point sur lequel me fixer, un peu plus à droite.


En y pensant, c'était étrange de l'appeler « ma fille », mais ça avait été dit si naturellement que je n'y voyais pas d'inconvénient sur le moment. Cette partie ayant été expliquée, je pouvais me concentrer sur le reste. Un instant alors, dans un regain d'énergie, mes yeux retrouvent les siens, pour vite les quitter en tombant sur un autre point de son visage, sans réelle conviction. Ses lèvres, mais je ne les voyais pas. C'était là plutôt une manière de me tenir un peu plus droite face à lui.


Pour ce que j'en savais, Xion se ferait un plaisir de participer à tout ces massacres. Elle avait une grande soif de sang, certainement plus grande que la mienne et c'était bien normal. Concernant Galifey je n'étais pas sûre, mais il me semblait qu'il n'était pas contre me prêter main forte dans mon entreprise. Bon, soit. Les de Rochefort, Oblivion, les cibles et les attaques. Quoi dire d'autre ? Ah oui, peut-être ma solution de replis. Cette fois-ci, puisque ça ne faisait pas partis de nos plans, je me permettais enfin de tenir son regard.


Tiens. Une nouvelle craquelure. Étrange. Mais peu importe, il fallait que je sois éloignée de Sirk à tout prix au risque qu'il en pâtisse sérieusement. Quoi qu'il en soit, je crois que c'était à peu près tout, pour le moment. Je lançais un nouveau regard vers Ivar, qui avait été rejoins par tout le monde. Ils se tenaient tous très loin, mais je voyais d'ici qu'ils étaient prêt à partir. Bien, le plus tôt sera le mieux. Je revenais alors sur Lui, attendant son verdict.

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Le temps qu'il avait mit à me répondre m'avait laissé tout le loisir de réfléchir à ce qui venait de se passer. Il avait essayé de me tuer. Ce n'était pas très étonnant et j'aurais accepté mon sort sans broncher. Après tout, avec mes fautes, j'avais mis en danger Sirk et lui même, par extension. Malgré mes autres tâches accomplies, j'avais bien merdé. Il avait essayé de me tuer. Et si le Général n'avait pas été là, je serais morte à l'heure qu'il est. Il avait eu envie de me tuer. Je l'avais vu dans ses yeux, il n'y avait rien de plus évident que sa volonté de me tuer il y a quelques minutes. Si j'avais réussis à retarder la fatalité, il avait eu envie de me tuer. Et alors, doucement, quelque chose refaisait surface. Un souvenir, pas si lointain que ça qui me mettait face à quelque chose. Pas comme un éclair qui m'aurait soudainement frappé de sa vérité. Plutôt comme un fin trait d'eau, glissant entre de solides pierres, ruisselant jusqu'à une petite rivière. Un petit filet d'eau à l'air inoffensif mais qui, si on ne l'arrêtait pas, finirait par faire déborder le lac qui, sortit de son lit, pourrait faire des ravages. Répondant alors à sa dernière phrase, ma voix était claire et limpide, autant que la vérité incontestable.


Comment avais-je pu croire le contraire ? Comment avais-je pu penser, même un seul instant, que s'en était autrement ? Que le Démon lui même ai besoin de moi, Lagertha à ses côtés. Ces mots qu'il avait prononcé en me tenant la main devant ce feu après avoir brisé mon âme et laissé s'échapper mes tourments. Comment avais-je pu croire une seule seconde que ses mots étaient sincères ? Ou alors, je les avais mal compris. Ils étaient peut-être vrais après tout. Il avait besoin de moi, la Nordienne cheffe de clan. Et dans ce cas là, tout prenait sens. J'étais remplaçable après tout, en tant que telle. Ainsi, me tuer aujourd'hui n'aurait pas changé grand chose. Il pouvait tuer la cheffe de clan, il en trouverait une autre au besoin. Je n'étais qu'un pion sur son grand échiquier après tout. Une maître du jeu a bien besoin de ses pions pour avancer, il a même besoin de les sacrifier de temps en temps. Tout prenait sens et il valait mieux ce sens là que l'autre, pour que je puisse l'accepter sereinement.


Stoïque et imperturbable, j'avais fixé l'horizon face à moi où il n'était plus en ajoutant cette simple phrase. Je n'étais que ça après tout, un de ses pions, son apprentie peut-être, mais il n'y avait que ça. Sinon, comment aurait-il pu vouloir autant me tuer ? Parce que je n'étais rien de plus qu'un pion. Voilà pourquoi. Sans lui adresser un seul regard, je passais derrière lui et me dirigeais vers les miens, mais au bout de quelques pas m'éloignant, quelque chose me retient. Doucement alors, je me retourne, Mon visage est dirigé vers lui, mes yeux aussi, mais je ne le regarde pas. Plus comme avant. Je ne plonge pas mon regard dans le sien je me contente, de voir au travers.


C'est vrai que je m'étais dis que je pourrais me renseigner et peut-être influer les choses, d'une quelconque manière. Mais je n'étais finalement pas sûre d'avoir ce pouvoir. Alors autant utiliser les choses sur lesquelles je n'avais pas d'emprise, en ma faveur.


J'étais son apprentie. Il était mon Maître. Point.

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La suite était assez évocatrice de ce qui venait de se dérouler entre nous. Il n'y avait plus que le Maître et son apprentie, échangeant sur le futur qu'ils partageraient, de manière plus ou moins évidente. Il n'était question que de plans, d'échanges, de discussions stratégiques. C'était bien comme ça. Ça m'évitait d'avoir à trouver une profondeur quelconque à notre relation, alors que je ne savais pas mettre le moindre mot dessus. Elle n'existait simplement pas, sans doute. C'était un poids en moins finalement. C'était mieux comme ça. Demeurant ferme sur mes appuis, j'écoutais alors ses recommandations, toujours tournée vers lui, impassible. Si j'avais été soldat, j'aurais pu me mettre au garde à vous. Mais ce n'était pas le cas alors je me contentais de rester droite.

Je répondais à ses premières paroles par un simple hochement de tête, laissant la suite s'énoncer concernant Rorn. Après ça, mes sourcils se fronçaient légèrement, presque imperceptiblement pour la distance qu'il y avait entre nous. Et puis, je n'avais pas de quoi craindre ce nouvel ordre, je n'y était pas disposée. Maintenir la situation entre Rorn et le Nord. Bien sûr, moi Lagertha cheffe d'un clan vagabond qu'on croyait détruit, j'avais forcément toutes les cartes en mains pour influer sur un conflit là depuis la nuit des temps. J'aurais pu en rire, mais ça n'était pas drôle. Ce qui m'importait maintenant c'était de savoir comment je pouvais bien répondre à cette requête pour qu'il n'ai plus cette fâcheuse envie de me détruire. Je relevais alors la tête et répondais simplement.


Sa réponse ne vient pas immédiatement. Pourquoi ? Je ne le savais pas et je n'avais certainement pas la prétention d'en deviner les raisons. Quelques longues secondes s'écoulaient alors pour qu'il me lâche finalement le conseil d'être prudente. A nouveau, ce n'était pas ma voix qui y répondait, mais seulement un hochement de tête. Être prudente ? Quand il venait lui même d'essayer de me tuer. Si j'avais survécu à ça, rien d'autre ne saurait me faire renoncer ou m'arrêter. J'inspirais lentement, tournant mon visage vers le Général un peu plus loin. Mon regard se posait alors dans le sien, inclinant ma tête à nouveau, en signe d'au revoir mais aussi, d'un respect naissant. Je n'avais pas la prétention de croire qu'il m'avait sauvé par sympathie, je savais bien que ce n'était pas le cas, mais je lui devais la vie quoi qu'il en soit et je saurais lui rendre un jour.

Sans plus d'échanges inutiles, je me détournais à nouveau et m'éloignais cette fois-ci définitivement du Démon et de sa demeure, traversant cette allée nouvellement décorée que je verrais bien moins souvent qu'avant. Je rejoignais alors les miens, sans me retourner. Ce qu'Ivar lui ne se retient pas de faire puisqu'il adresse un regard au Démon, avant de le baisser. Ivar était maladroit, mais il était du genre à comprendre les humains. Il comprenait certainement plus que moi même ce qui s'était joué il y a quelques minutes. Ainsi, il se détourne finalement lui aussi, nous éloignant maintenant tous et passant au travers de ce village qui nous avait accueillit si... froidement. Les villageois présents murmuraient à notre passage, ce qui me confortait dans le choix de partir. Je ne m'étais jamais sentis à ma place et ils avaient le don de me le faire comprendre. Mais ça ne me touchait pas, je n'était pas blessé, je n'en avais rien à faire. Cependant au loin, c'est la fille d'Ignis qui faisait son apparition. Maintenant que je la voyais, c'était étonnant qu'elle ai été absente tout à l'heure.

Arrêtant alors ma marche pour la laisser venir à notre rencontre, ses pas se faisaient pressants. Après son court questionnement quant à nos projets, je l'informais simplement que nous quittions Sirk et que le Maître des lieux lui donnerait les détails de cette décision. Je la saluais d'un hochement de tête avant de poursuivre mon trajet. Je sentais son regard lourd dans mon dos, avant qu'elle ne s'en détache. Mes pas me guident alors jusqu'à l'écurie où je retrouvais Gyllir dans un soulagement certains. Payant le palefrenier pour ses soins et allégeant ainsi beaucoup ma bourse, j'attrapais ses rennes et pouvait enfin quitter Sirk. Je ne m'étais pas retournée, en aucune façon, je n'en avais pas envie. Et arrivant jusqu'aux portes, je savais que cette décision était la meilleure à prendre. Elles s'ouvraient alors et je n'attendais pas plus longtemps pour quitter enfin ce village. Pour ce qui s'était passé, seule l'avenir saura me dire comment je vivrais avec, ou pas.

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