Nom d'un Griffon!
La Belle & La Bête

La buée qui file dans le sillage de ma respiration offre de plaisantes formes à mon regard et m'égaie. Le souffle qui règne en ces terres peut sembler désertique pour ceux qui ne savent écouter. Personnellement, j'y puise la richesse d'une contrée sauvage au climat foisonnant invisible pour autrui... La vigueur du vent possède sa propre fragrance, elle me transporte avec passion et, les yeux clos, mon esprit s'évade dans une contrée faite d'espaces purs et d'infinis. Puis, je les rouvre en éclatant d'un rire léger. Ce lieu regorge déjà d'infini à portée du regard Cahaya, ma grande. Même si la gourmandise de mes sens voudrait toucher à tout simultanément.


« Éclate pas de rire ainsi Caya, bordel ! Ta voix porte dans tous les sens sur ce bout de terrain sans reliefs. »
Raul. Pragmatique et bougon. Laissez-moi vous présenter le meneur de mon escorte privée. Que je gratifie d'un sourire chaleureux et innocent, susceptible de faire fondre la glace éternelle alentours et, avec encore plus d'aisance, son soi-disant coeur de givre. Ma tête bascule en arrière et une provocation amusée se délie dans mes bras levés pour ceuillir les cieux inaccessibles. « Peut-être touchera-t-elle ainsi le ciel. » Voilà qu'il peste en levant les yeux vers ce dernier. Tu es adorable Raul, vraiment. Et tu n'est pas si désagréable au fond, enfin, pas avec moi. Comme pour tout le monde ici, je fais figure d'exception. Plusieurs années de vagabondages et d'expériences diverses partagées, peuvent tisser des liens particuliers.

Mais Raul, dis-moi, que seraient les voyages, si l'épice du danger ne venait pas ponctuer de temps en temps leur saveur d'une touche plus relevée ?


Nous avions prévu de parcourir un infime morceau de la Plaine, en direction des montagnes Zan, qui la relient à la Vallée Sereine. Arrivé sur place, mon regard océan vient se gorger de la chaleur qu'exprime la roche dressée fièrement et le sol gorgé du soleil d'Ignis. Un sentiment d'harmonie entre les éléments s'empare de mon être, je l'accueille d'une respiration ample et profonde. Les remparts de roc aux aspérités tracées par les vents deviennent pour nous de fidèles défenseurs contre ces derniers.

Raul avise une entaille dans le bas de la roche, décelant une cavité moyennement profonde où il juge pratique d'installer nôtre campement provisoire. Chacun vaque à ses tâches habituelles, afin de sécuriser au mieux nôtre refuge temporaire, je m’attellerais aux miennes plus tard. Mes doigts dansent sur la pierre froide du renfoncement que je parcours d'un mouvement circulaire, ma paume s'y arrête momentanément, mon front s'appuie doucement sur cet éclat ouvert de la montagne. Un état de plénitude m'envahit, lorsqu'une voix résonne dans mon dos. Emplie de douceur et de bienveillance, agrippée par une touche rauque aussi, Cyg s'est approché pour poser une main sur mon épaule, m'extirpant d'un état où j'aurai pu demeurer éternellement.


« Raul est posté à l'entré, je vais patrouiller sur les abords et les autres sont parti chasser. Nous irons récolter de la sève à leur retour. »
Une affirmation aimable, qui reçoit un hochement de tête radieux. J'étale sur le sol une couverture épaisse et prends quelques minutes afin d'allumer un feu sous les branches sèches que m'a ramené Cyg, après avoir disposé de grosse pierres en cercle autour du foyer. La chaleur se répand agréablement autour de moi, dans les fibres de mon corps, la chasse durera un moment et mes sens en éveil dans cet écrin sauvage, éprouvent un désir croissant de se sustenter davantage. « Raul? »


Impecc' c'te belle crevasse qui nous sert d'abri! Si le vent souffle encore pas mal la froideur de la Plaine, c'coup-ci le ciel est bien dégagé et la montagne protège l'entrée de rafales désagréables. Pas une bestiole de merde à l'horizon que je ne puisse voir ou entendre venir! Surtout que Cyg fait quelques courtes rondes sur les versants. Cette sortie s'ra vite pliée et on se sera pas gelé le fion comme la dernière fois. Mes bras se détendent, j'roule doucement des épaules pour assouplir mes articulations avec un soupir de contentement. Un bruit feutré m'interpelle, mon corps reste souple mais mes sens se figent pour mieux capter l'origine, en haut p'tet?

Le timbre de voix qui prononce mon nom déchaîne soudain un frisson le long de mon échine. Depuis l'temps qu'on vadrouille sans trop se poser correctement, j'ai une idée de la raison de cet appel et j'en oublie littéralement ma garde l'espace d'une seconde. Mon faciès s'est pas levé en direction de la masse qui me tombe brutalement dessus. Je grogne après avoir étouffé un cri, le souffle coupé par la force de l'impact, c'quoi c'te bête qui pue la mort? Pas l'temps de réfléchir plus, vu que les ténèbres enveloppent mon crâne sans doute bien sonné...


Sans réponse à mon appel et après avoir cru entendre des bruits étranges, je fini par me redresser dans un soupir. Faut-il que j'aille le chercher moi-même? Dans ce cas, ce sera pour le laisser dehors... J'émerge de la cavité rocheuse, une main posée sur la paroi, l'océan de mon regard sur une scène étrange. Raul, ou du moins ce que j'en aperçois encore, gît au sol, écrasé par un homme imposant qui semble évanouit et sanguinolent. Cygwald range sa masse, l'air dubitatif, puis me résume brièvement la situation. Pas grand chose en soi. Inquiète pour mon chef d'escorte, je m'approche de la masse que forment les deux corps inconscients, lorsque j'entends grogner celui du dessous. Bien, il est vivant. Nul besoin de s'en préoccuper davantage.

« Cyg, peux-tu déplacer cet homme en douceur? Lorsque Raul sera de nouveau sur pied vous l’emmènerez à l'intérieur. Avec délicatesse. » Ce n'est plus un grognement mais un aboiement étouffé et cinglant qui vient aussitôt vriller mes oreilles à la suite de ma demande.

« Quoi!? Ce type m'a attaqué et... C'est... Mpfff l'est lourd putain. Dégage le de là Cyg ou il va me broyer les côtes. Aaah, j'respire enfin. Caya qu'est-ce que tu fous, ce mec est dangereux, on l'connaît pas, il pue le sang, ça va rameuter des monstres! »
Je me tourne lentement dans sa direction et l'observe de bas en haut, maintenant qu'il se tient debout. La froideur peinte sur mes traits se lit aisément et il sait qu'il n'y a rien d'autre à ajouter. Mes yeux le quittent afin de retrouver l'atmosphère tamisée de la grotte, bercée par la chaleur du petit feu de camp qui s'y trouve. L'instant qui suit, l'homme est allongé à mes côtés, après avoir rapidement reçu de quoi stopper l'hémorragie dans son dos. La douleur liée à l'application de la potion la tiré de son inconscience dans un râle, pour l'y replonger avec brutalité aussitôt. Raul, que je congédie, n'a pas tort cependant et j'entreprends d'ôter les habits tâchés avec délicatesse. Les pièces d'armures sont retirées en douceur également, nous pourrons au moins les rincer. Les vêtements saillis sont emballés dans un sac où je glisse quelques herbes aromatiques afin de dissimuler l'odeur âpre du sang séché.

J'ai seulement coupé et déchiré le tissu de sa jambe blessée afin de lui laisser le reste de son pantalon, mais son torse est entièrement dénudé. Sa carrure est aussi imposante que celle du nordien, à peine moins peut-être. Mes doigts viennent doucement écarter quelques mèches humides, son front moite annonce un début de fièvre. Soulagée en constatant que le rouge qui couvre son visage n'est pas du sang, je m’attelle à nettoyer ses plaies en délicatesse, commençant par celle du dos et de l’épaule. Cyg m'aide à le maintenir de côté. L'entaille qui traverse la colonne s'est bien refermée, mais l'épaule saigne encore. La désinfecter et la soigner occupe le plus gros des soins que je lui procure, avant que mon compagnon ne le relâche doucement pour que je puisse m'occuper de sa jambe, nous laissant seuls, malgré sa réticence à ma demande.

Codage par Libella sur Graphiorum

Nom d'un Griffon!
La Belle & La Bête

La fièvre semble s'être emparée du blessé tel le feu qui dévore un fétu de paille. J'observe l'homme s'agiter au cœur de son inconscience, probablement troublé par des maux qui gangrènent la psyché fragilisée. Son corps frissonne, puis se consume de façon aléatoire. Tantôt étreint par le souffle invisible d'Aer ou l'étau brûlant d'Ignis. Je pose parfois une main sur la sienne, lorsque survient un soubresaut, tâchant de lui communiquer ma sérénité par le biais d'un contact parfois plus puissant qu'on ne pourrait l'imaginer. Un linge humide vient se presser avec douceur sur les marques de son visage, perlant d'une eau fraîche qui lutte vainement pour faire retomber le mal qui hante chaque fibre de son corps meurtrit et chaque parcelle de sa raison.

Les minutes passent, les blessures sont toutes désinfectées et pansées lorsqu'il revient brusquement à lui. Son corps se redresse d'une traite et ne va pas l'apprécier, il ne lui faut qu'une seconde pour le réaliser et se rallonger. L'une de ses mains semble chercher quelque chose qu'il ne trouve guère, puis ses iris d'une eau plus profonde que la mienne s'ouvrent sur mon visage, qui l'observe avec une légère impassibilité et une imperceptible curiosité. L'agressivité qui suinte de ses brèves questions ne transfigure pas le moindre de mes traits. Cela n'a rien de surprenant, vu la situation, et ce n'est pas moi qui risque d'en pâtir.


Bien que douce, ma réponse se teinte d'un très subtil cynisme, davantage un amusement qu'une moquerie cependant. « Dans une grotte à flanc de montagne. Cela vous aide-t-il? » Je poursuis, une nuance de neutralité s'étant glissée sur mes lèvres. « Je me nomme Cahaya. J'ai la capacité de soigner les corps et les âmes... Dans une certaine mesure. » Anticipant un retour quelconque de sa part, deux de mes doigts se posent sur ses lèvres et l'océan de mon regard accroche ses prunelles agitées. Un contact éphémère, juste l'espace de quelques mots, prononcés sur un ton presque détaché. « Je vous suggère l'amabilité. Cela générera moins de tension dans vôtre corps, et celui-ci a grand besoin de repos comme de détente. Quel est vôtre nom? »

Des bruits feutrés retentissent avant que l'inconnu ne lève le voile sur son identité et je perçois du coin de l’œil l'ombre humaine que le petit feu projette à présent sur le mur. La silhouette nocturne s'immobilise pour laisser naître la voix de Raul.


« J'sais que t'as demandé à Cyg qu'on te laisse seule mais j... »
« Dehors. » Demeurant sur la même gamme, le timbre de ma voix est sans appel et je ne daigne même pas lui accorder un regard alors qu'il s'exécute dans un grognement parfaitement audible. Sans me départir de l'attention portée à son état j'attends une réponse... ou une autre question. Les humains sont parfois si avides de remplir le vide de leur incompréhension afin de se réassurer. Celui-ci m'a d'ailleurs l'air d'un beau spécimen. La force physique ne fait pas tout, encore moins lorsqu'elle commence à faillir en entraînant l'esprit avec elle.

Codage par Libella sur Graphiorum

Nom d'un Griffon!
La Belle & La Bête

Pourquoi est-ce que je me tue à conseiller certains type de blessés alors qu'ils n'écoutent guère la moitié du temps? Je n'ai plus le besoin de toucher son corps pour percevoir comme ce dernier vient de se raidir soudainement. Il s'agite, je l'observe regarder alentours, évalue-t-il comme il peut sa situation et mes intentions? Tiens, voilà qu'il grogne maintenant, rien de surprenant je dois dire, même si l'un de mes sourcils s'est légèrement haussé. L'arrivée inopportune de Raul semble l'avoir tiré de son inspection, assez pour qu'il reporte son attention sur moi et m'offre une première réponse. « Bien, il y a du progrès, Maar. » Mon sourire affiche la sincérité, bien qu'il ne la percevra peut-être guère, dans son état.

La défiance s'articule autour de chacun de ses mots, mais elle se fait moins prégnante qu'au départ, et mes prunelles le fixent jusqu'à ce qu'il ait terminé. Ma langue délie un premier commentaire, qui me concerne davantage, mais peu importe. « S'il avait fait son travail correctement, ce ne serait pas arrivé. » Ma main plonge le linge humide dans un broc empli d'eau fraîche que m'a rapporté Cyg peu avant l'éveil du blessé. Je l'essore d'une poigne légère avant de l'amener à son front, en espérant qu'il se laisse faire. « Je ne vois guère d'intérêt, ou de plaisir, à laisser s'éteindre une vie humaine inutilement. Du moins si celle-ci ne m'a pas offert de raisons tangibles de le faire. »

Ma voix demeure d'un calme impassible, bien qu'une pointe de réassurance voudrait se glisser dans mes prochains propos. Oups, je crains que la nuance soit devenue sensiblement différente, lorsque je me penche doucement auprès de son visage, pour lui murmurer ces quelques mots. « Croyez-vous sincèrement, que si j'avais souhaité faire quoi que ce soit de douteux avec vous, j'aurais pris la peine de vous remettre en état de me résister? » La chaleur de mon souffle s'égare à la lisière de sa joue, avant que je ne me redresse, me drapant à nouveau d'un détachement qui demeure cependant aimable.


Afin de rassasier sa soif d'indiscrétion, je prends la peine de poser quelques réponses. « Je suis herboriste, il y a non loin des plants de lueur nocturne dont je suis venue récolter la sève pour mes futures préparations. » Soudain, quelqu'un déboule dans la petite enclave rocheuse, cette fois-ci, il s'agit de Rorgä. Tuhaan et elle ont du rentrer de leur chasse et apprendre, soit de la bouche réfléchie de Cygwald, soit du fiel amer de Raul, ce qui se passait. Je soupire, mais elle ne me laisse guère l'opportunité d'en placer une. Son regard vient d'observer de long en large Maar, allongé devant moi.


« Ho... Ha oui, quand même, je comprends. » Ses mains se lèvent, paumes ouvertes, et elle les agite brièvement de gauche à droite. « Je vous laisse, haha! »
L'instant d'après elle n'est déjà plus là, tandis que mes paupières se ferment une seconde alors que j'inspire longuement, dépitée. Enfin... Presque. Après tout...

Mes opales bleutées retrouvent l'azur des siennes. « Les trois hommes et la femme à mes côtés veillent sur ma sécurité lors de mes voyages. » J'enchaîne, certaines réalités ne pouvant souffrir d'attendre davantage. « Comment vous sentez-vous? Nous ne pourrons pas séjourner trop longtemps ici et nous devons vous ramener à un village proche, d'où venez-vous exactement? »

Codage par Libella sur Graphiorum

Nom d'un Griffon!
La Belle & La Bête

Il faut croire que la méfiance s’effrite parfois au profit des sens, même si ce n'est que partiellement. Cette remarque m'ôte un léger rire et dessine un sourire à la commissure de mes lèvres. Ma voix emprunte le charme de la sienne avec une pointe un peu plus assurée.
« Si la résistance est à la hauteur de mes goûts, certes. »

Et donc, il n'a pas besoin d'être raccompagné? Il sait probablement autant que moi que cette assertion est fausse, de là à ce qu'il l'admette. Je l'observe se redresser avec plus de précaution, la suite me laisse songeuse. Bravoure ou inconscience? Mmm... Je miserais davantage sur la stupidité mêlée à la fierté. Dépourvus de la moindre teinte moralisatrice, mes propos affichent une logique placide. « Dans vôtre état, c'est lui qui vous achèvera le premier. Aussi blessé et enragé que vous, mais peut-être, également en présence d'une compagne qu'il aura rejoint. Mes soins sont certes désintéressés, je n'apprécierais guère qu'ils deviennent pour autant futiles. »

Bien malheureux, j'en doute fortement, et mes traits se composent d'un air un rien désabusé. Il ne réfléchit pas plus pour lui même que pour les autres à ce que je constate. Peut-être est-ce la fièvre? Ou cette semblable urgence à s'éloigner? Je pose une évidence avec calme. « Je n'ai pas coutume de m'aventurer dans cette plaine sans m'être préparée aux affres de son climat. Mes hommes et moi sommes suffisamment équipés pour monter plus au nord. » Quant au reste... Mes lèvres se plissent de façon imperceptible. Qu'il remette son armure n'était pas à mon goût de soigneuse attentive, je désignais d'un geste bref la pile constituée de ses affaires un peu plus loin.

« Vôtre armure est ici, lavée du sang qui la souillait. Vos vêtements, par contre... Je les ai conservé au cas où vous voudriez les récupérer, mais ils empestent la charogne. Nous allons vous en donner d'autres, l'un des mes hommes taille à peu près comme vous. » Mon ton ne prêtait pas à la discussion. D'autant qu'il ne pouvait revêtir aussi crûment son armure sur des plaies fraîches, même bandées et soignées. Je m'étais redressée, alliant l'acte à la parole, afin d'extirper une tenue de rechange dans la besace de Cygwald, sachant qu'il n'y verrait aucun inconvénient.


De nouveau à ses côtés, je dépliais une blouse ample et chaude à même mes genoux, puis posais simplement mes mains dessus afin de capter son regard avec patience. Quelque chose me disait qu'il n'apprécierait nullement que je l'aide à enfiler des vêtements, mais les mouvements requis allaient mettre à mal ses plaies à peine refermées. Je préférais finalement le distraire avant de me charger de tenter de lui passer la blouse avec délicatesse.« Laissez-moi faire, je vous en prie. » Le distraire ou alimenter ma curiosité, les deux demeuraient valables en réalité. Sa nervosité restait palpable, pourtant assuré qu'aucun mal ne lui serait fait. A moins qu'il ne craigne davantage les marques d'attention? Je pouvais le comprendre à certains égards, mais je ne me souciais plus de cela aujourd'hui.

Le calme persistait, naturel, au creux des mes pensées, tout comme il enveloppait mon timbre chaleureux. « Appartenez-vous à un clan? Y'a t-il au moins un guérisseur là où vous vivez qui sera en mesure de suivre vôtre rétablissement? Comme vous semblez bien plus rassuré à l'idée d'affronter un monstre que de rester en compagnie d'êtres humains bienveillants à vôtre égard... » Ma main était venue se poser sur son front, après avoir réussi ou non à lui enfiler son haut. La paume tournée vers l'extérieur, afin d'évaluer sa température, je constatais avec déconvenue que celle-ci était à peine plus basse qu'auparavant. Un réflexe protecteur me fit opérer une brève rotation du poignet et je vins cueillir sa joue contre ma paume l'instant de quelques mots d'une douceur sans mesure. « De quoi avez-vous donc si peur? »

Codage par Libella sur Graphiorum

Nom d'un Griffon!
La Belle & La Bête

J'ai toujours trouvé intéressant le constat que m'offre l'interprétation de mes propos par autrui. Tant ce dernier dévoile bien plus de l'autre qu'il ne le voudrait vraiment. Si mes mots se voulaient bienveillants, à l'évidence, ils ont résonné tel un sermon adressé à un enfant têtu. Pour preuve, la réaction d'un enfant têtu ne se fit guère prier, supplantant la maturité d'un homme réfléchi. Souriant intérieurement, je m'abstins d'une remarque quelconque à son égard, mon amusement ne lui siérait pas autant.

Mon contact n'est pas fui, mais nullement prolongé. Comme s'il réalisait sa présence... Ou la gêne de l'avoir accepté, avec un temps de retard. Une autre donnée intéressante. Ma perception varie, au gré de ce qu'il partage volontairement ou non en ma compagnie. Son biais de communication naturel semble se rapprocher davantage du grognement que de la parole par instants. Mais quelque chose se délie dans son esprit, suffisamment pour que je puisse noter une légère décrispation de ses traits.

Ce sont mes yeux qui s’écarquillent cette fois, bien que de façon plus subtile. Comment m'a-t-il qualifiée ? Un rire spontané et léger m'échappe soudainement, puis, il s'éteint dans la courbe de mon sourire lorsque je lui réponds. « Et bien, jusqu'à présent nul poignard n'a trouvé la voie adéquate pour y accéder... Ce doit être l'effet de mes envoûtements. » La fin de ma phrase se pare de mystère, comme si je ne souhaitais pas trop rapidement lui ôter cette idée étrange mais intrigante de l'esprit.

Mon timbre se nuance un rien de dureté pour commenter cette formule qui ne me plaît guère. « Ils ne sont dressés d'aucune manière. Cependant, le concept de loyauté vous est peut-être étranger? » Une question qui n'en est pas vraiment une. Je me moque bien de la réalité possible ou inexistante de cette supposition, qui n'a pour seul but que la défense et le respect singulier des personnes qui m'accompagnent. Je lâche un soupir las où perce la consternation, cette dernière prend soudain une toute nouvelle ampleur à l'écho de ce qu'il avance. Mes yeux se lèvent, par les Quatre, les hommes et la préservation de leur virilité sous quelconque forme! Je l’observe en marquant un silence.

« J'ignore ce qui est le plus déplorable... Que vous y teniez à ce point, ou que vous ayez conscience de la puérilité de la chose et vous y accrochez malgré tout. Je ne suis pas certaine que ce soit aux hommes de vôtre clan que vous tenez tant à prouver quelqu... » Cet emportement à suffit à lui tourner la tête. Son corps bascule, soudainement privé de sa volonté, il va m'écraser avec une telle masse, pourquoi ne l'ais-je pas vu venir plus tôt? Pourquoi ais-je eu le réflexe stupide de tenter de l'empêcher de tomber, surtout? Idiote.

Ma main s'est portée à son épaule et mon corps tombe avec une brutalité modérée sur le sien. J'ai pu m'appuyer à temps à l'aide de mon autre main... Ah, non, ce n'était pas le sol finalement, mais son torse. A ce constat je relâche aussitôt presque toute la pression de mes muscles pour ne pas forcer davantage sur ses côtes et mon visage redescend d'un cran, juste au dessus du sien. De l'humour, sérieusement? Un grognement mêlé d'exaspération m'échappe alors que je tente de me dégager sans lui occasionner plus de mal. Sa fièvre empire et son comportement n'a trouvé la voie de la raison qu'au bord de ses limites. « Idiot, je vous avais prévenu. » Un souffle, un grommellement, un murmure... Oh peu importe! Je n'ai même plus l'envie de savoir l'effet que sa bêtise me procure.

Une fois redressée, j'achoppe le broc où demeure un fond d'eau et lui envoie le contenu à la figure d'un geste vif. Le bois retombe un peu plus loin tandis que je m'éloigne en le laissant s'étouffer avec l'eau qu'il vient d'avaler.


« Tuhaan, Raul, j'ai quelque chose à vous demander. » L'air extérieur des monts et de la plaine vient apporter une fraîcheur bienvenue à mon visage ainsi qu'à mes sens. Lorsque j'eu expliqué la situation en quelques mots, les deux hommes s'équipèrent et quittèrent le campement. Rorgä me regarda d'un œil étonné, tandis que Cygwald prenait déjà place à l'entrée de la petite grotte, sortant une lamelle de viande séchée en souriant.

Bien, et maintenant? Si je laissais l'autre olibrius se reposer ou maugréer dans son coin un moment? Prendre quelques instants au dehors de cette cavité à l'atmosphère devenue étrangement pesante permis de m'éclaircir les idées. J'y retournais cependant, en espérant que son état s'améliore au plus vite. Pour un homme soit-disant avisé, il ne réalisait pas le risque que représentaient plusieurs jours d'immobilité dans un lieu comme celui-ci...

Je vins me placer au dessus de lui et mis genoux au sol de part et d'autre de ses hanches, avant de m'asseoir un peu plus bas que ces dernières. Mon regard l'intima au silence, tandis que mes mains relevaient le vêtement ample qui couvrait son torse. « Vous allez me dire si vous avez mal en fonction de l'endroit où je passerais avec mes mains. Je vais faire doucement, mais j'ai besoin de savoir si vous avez des côtes froissées, ou pire. » Lorsque j'eu isolé les zones douloureuses, s'il y'en avait, ainsi qu'estimé la gravité de son état, je pris une huile à peine parfumée dans ma sacoche de ceinture et en couvrit les parties indolores de son corps. « Il est nécessaire que vôtre esprit, comme vôtre corps se détendent, ou vôtre rétablissement ne mettra que plus de temps. »

Sur ces mots ayant retrouvés calme et douceur, avec ou sans son accord, je m'applique à le masser en tâchant de détendre les zones les plus sensibles. J'avais déjà observé chez beaucoup de clients un effet favorable, parfois bien plus qu'en m'occupant de leur dos ou de leur nuque. Peut-être à l'instar de l'angoisse qui formait des sensations de nœuds à l'estomac, celui-ci réagissait favorablement à un soin particulier pour les démêler...

Codage par Libella sur Graphiorum