Était-ce la peur de leur propre mortalité qui pousse les hommes à accomplir quelque chose de grand le plus rapidement possible ? Ou bien serait-ce là une simple cause de l’imminence flagrante de celle-ci ?  

Ces questionnements, Cineris se les était souvent posés pendant les longues années suivant la création de ces êtres éphémères, toujours en quête de gloire. Cette réflexion venait du progrès rapide et continue des humains. Cette caractéristique, même si elle était synonyme de leur force, avait aussi souvent tendance à les mener vers leur perte. Il finit par se donner comme réponse temporaire et décevante que son épreuve avait déjà prouvée par le passé que les hommes qui sont en quête de puissance ne peuvent pas s'empêcher de sortir dans le monde et d'y laisser leur marque. Ils ressentent le besoin brûlant et inéluctable de laisser une trace dans ce monde éphémère et ainsi entrer dans la légende.

Un bruit vint alors distraire le demi-dieu de ses pensées, c'était sa porte de trois mètres en acier. Cette porte avait des parties incrustées de rubis et pesait plutôt lourd. Néanmoins elle se faisait pousser lentement à l'instant même. Ce qui captura l'attention de l'enfant d'Ignis. Quelqu’un venait pour son épreuve ? Il lui semblait que des semaines, si ce n’est des mois, étaient passées depuis le dernier candidat. Personne n’avait eu le cran et la confiance d’accepter le défi et de le tenir jusqu’au bout. Un éclat d’espoir subsistait quand même en Cineris, le poussant à croire qu’il rencontrerait cette fois-ci un humain ayant assez de foi et d’assurance pour tenir le défi.

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Vous entrez dans une pièce plutôt bien éclairée par les huit torches placées dans des socles un peu partout dans la grande pièce. La première chose que vous notez est l’air qui est très sec et inconfortable quand vous prenez une grande inspiration. Le sable fin et blanc bien chaud fait office de sol et Cineris se tient couché sur une espèce de monticule de ce même sable mêlé à des braises bien chaudes. Aussi, à votre entrée, l’antilope des cendres vous regarde déjà comme si vous lui aviez fait peur ou l’aviez surprise lors de votre entrée dans la pièce. Il ne lui faudra alors que quelques secondes avant de s’adresser à vous :

« Bienvenu dans ma cellule, l’épreuve que je vous propose est un peu spéciale mais les règles sont très simples. Vous devez rester avec moi jusqu’à ce que vous me convainquiez de vous suivre hors du temple. »

Elle semble hésiter à ajouter un détail pour que vous compreniez l’épreuve comme il le faut mais finit bien par abdiquer à son orgueil et crache le morceau

« Vous devrez supporter une vie entière de solitude et renoncer à toute forme de grandeur ou de gloire.  Montrez-moi que vous n’avez pas un cœur rempli de la folie du pouvoir. Montrez-moi que vous êtes capable d’empathie et de sacrifice de soi. »

De toute les chose que Cineris a pu apprendre auprès d’Ambrose, la plus importante doit sans doute être la lecture d’un humain se tenant devant lui. Sachant cela, l’antilope le réflexe d’analyser méticuleusement les participants de son épreuve s’est développé naturellement au fil des ans.  

Tout d’abord sa réponse, quoique honnête, elle donne aussi un sentiment d’irréalisme à l’invocation. Le contraste de sa droiture semble presque exagéré quand on se l’imagine à côté des autres de son espèce. Est-il un menteur pour autant, l’antilope ne le pense pas pour l’instant du moins.  

L’attention de l’enfant du feu dérive ensuite sur le regard du candidat. Un frisson parcourt l’échine de l’entité quand il réalise leur couleur, la teinte du ciel qui s’approche de celle associée aux fils d’Aqua. Malgré cela, Cineris poursuit son inspection et découvre que dans les yeux de l’homme se cache une certaine noblesse d’âme. Son regard est marqué de la sagesse qui ressort des expériences les plus éprouvantes. En d’autres mots, ce candidat a vu des choses horribles et bien cruelles qui ont certainement contribuées à l’adoucissement de ses prunelles.

De sa voix lente est douce, Cineris demande : « Je vois que vous avez traversé nombreuses épreuves avant que votre destin ne vous emmène ici... Puis-je connaître votre nom ? »

L’homme semble être fort et plutôt grand, a-t-il reçu un entrainement spécial ? Sans doute.  Ses mains ne sont pas des mains de noble, mais des mains de travailleurs, cornues et fortes. Il a aussi une grande cicatrice au visage qui ferait honte à n’importe quel noble imbu de sa propre personne. Les vêtements de l’homme montrent aussi qu’il a combattu assez pour atteindre une réputation considérable. Après cette dernière observation, l’invocation décide enfin qu’il lui est inutile de préciser le niveau de sécurité de son épreuve.  

« Dites-moi concurrent, à quoi aspirez-vous dans ce monde, et pourquoi ? »

Cette question est bien simple, mais elle est tout autant efficace pour venir compléter et confirmer l’observation globale que Cineris vient de faire.

« Quand nous, progénitures des Quatres, avons été enfermés dans ces cellules, nous ne pouvions aspirer qu’à une chose. Cette chose était la corruption... J’aimais les humains et la vie que j’avais aidé à entretenir dans l’ancien-monde. Mon esprit s’est fait corrompre par l’ennui et la solitude, j’en devins complétement fou. » Il marque une pause alors que la tristesse monte dans sa gorge pour s’en emparer. « Tu devras rester ici et vivre ce que j’ai vécu sans te laisser corrompre par la folie... À tout moment tu peux rebrousser chemin et abandonner l’épreuve, montre-moi la puissance qui t’anime. »

En éludant son petit discours, l’antilope descend lentement de sa dune, des braises chaudes tombant dans les empreintes laissées dans son sillage. Il approche de l’homme et baisse légèrement sa tête à titre de révérence. « Je m’appelle Cineris. Mais nous avons encore très longtemps devant nous pour apprendre à nous connaître. »  

En ramenant sa tête vers le haut, son visage se retrouve un peu au-dessus du candidat, de plus près, il avait réellement l’air d’un prince charmant de contes de fées si ce n’était de sa cicatrice, cette pensée fit presque échapper un rire de la bouche souriante de l’invocation.[/spoiler]

Une jeune émule effrayée se tient devant le discours de l’enfant divin. Peut-être que cette crainte vient de la prestance que peut invoquer le fond et la forme d’un face à face divin. Quoi qu’il en soit, la créature de feu change rapidement l’état de son non-verbal en abaissant sa tête avec le plus de tact possible. L’élan de culpabilité qui pousse ce geste de soumission infeste déjà la tête en pleine descente de Cineris. Elle tombe vers l’espoir d’obtenir le pardon de la jeune humaine presque haletante devant la puissance du moment. Espoir que ce pardon arrive à calmer ses ardeurs, son excitation. Après tout il n’a pas souvent de visite, mieux vaut se montrer respectueux avec celle qu’il a devant lui.

La tête de l’antilope incline un peu vers le haut pour commencer son processus d’inspection habituel. C’est une candidate petite mais définie qui se tient devant lui, les fins muscles de la jeune femme sont sculptés par l’entraînement d’une guerrière agile. Sa peau de teinte enneigée et sa chevelure d’un doré aussi fin que sa musculature trahissent sa provenance du nord. Les vêtements qu’elle porte ne sont pas de la qualité la plus bourgeoise. Elle ne doit pas être très cossue, mais cela n’est pas important. Ses yeux d’un bleu auguste n’inspirent aucune frayeur à l’invocation. Normalement elle aurait eu du mal avec un tel bleu glacé, mais il se rappela d’une certaine invocation de glace qui lui avait été assez charmante pour calmer sa crainte en rapport à cette ascendance.

L’aspect juvénile dans les traits de la dorée semblait atténué par la fermeté de ces dits traits. Elle avait le visage d’une jeune fille façonnée par les vents hiémaux du grand nord, des vents qui à leur paroxysme, brûlent et fouettent la peau sans entendre les plaintes humaines.

Le chef de l’enfant divin remonte enfin après cette courte analyse physique de sa visiteuse. Il décide de poser sa première question dans les fines oreilles de la candidate.

''Dites-moi concurrente, à quoi aspirez-vous dans ce monde, et pourquoi ?''

Une question simple mais très révélatrice qui, une fois mariée à l’analyse de l’antilope, venait compléter le grand tableau d’un participant. Une fois la réponse écoutée patiemment, le quadrupède de feu poursuit avec son discours de radoteur.

« Quand nous, progénitures des Quatres, avons été enfermés dans ces cellules, nous ne pouvions aspirer qu’à une chose. Cette chose était la corruption... J’aimais les humains et la vie que j’avais aidé à entretenir dans l'ancien monde. Mon esprit s’est fait corrompre par l’ennui et la solitude, j’en devins complètement fou. » Il marque une pause alors que la tristesse monte dans sa gorge pour s’en emparer. « Tu devras rester ici et vivre ce que j’ai vécu sans te laisser corrompre par la folie... À tout moment tu peux rebrousser chemin et abandonner l’épreuve, montre-moi la puissance qui t’anime. »

Le regard rempli d’émotion du fils d’Ignis se plonge alors sans retenue dans celui de la fille pour finalement lui offrir son nom : Cineris.

Voilà maintenant une petite poignée d’années que le Lameblanche et l’invocation de flammes sont enfermées ensemble dans la cellule du dernier. Le concurrent était devenu un ami proche dans le cœur immortel de Cineris. Cette amitié avait d’ailleurs forgé l’espoir d’être délivré de sa cellule dans les braises ardentes du centre de la créature. Les premières années furent les plus dures à supporter au niveau de l’isolement, Valion a prouvé qu’il a l’audace, la patience et la résolution des légendes de ce monde.  

Les premières rides apparurent sur le visage de l’humain qui venait d’atteindre ses 30 ans récemment. La sédentarité de la cellule n’a pas aidé son état de vieillesse qui semble un peu plus rapide que s’il eût vécu ses aventures à l’extérieur comme il l’avait autrefois planifié.

Combien de jeux se sont-ils inventés? Combien de combats amicaux ont-ils eus? Combien d’histoires se sont-ils racontées? Seuls les Quatres le savaient. Cineris avait raconté l’histoire de sa perte de mémoire, de la perte de son ancien invocateur oublié.

Jamais jusqu’à maintenant les deux n’ont ressenti la faim dans la cellule. Jamais ils n’ont ressenti la fatigue. Jamais ils n’ont ressenti de manque. Les seuls sentiments qui revenaient de temps à autres furent l’ennui, la solitude et le regret.

''Comment te sens-tu mon ami, cela fait maintenant cinq ans que tu es ici à tenter de me convaincre… Ne t'ennuies-tu pas de la douce lumière du soleil sur ta peau? De l’eau rafraîchissante qui roule sur ta peau et dans ta gorge? De l’herbe qui vient frotter tes pieds quand tu marches à pieds dénudés dans une plaine verdoyante ?''

On dit que le fil du temps est l'arme la plus redoutable de toutes. D’un côté c’était vrai pour les invocations aussi. Forcé à survivre à cette arme et de voir toutes choses autour d’elles mourir. Pour les humains c’était facile, leurs souffrances avaient une fin imparable. Cette pensée torture de plus en plus Cineris qui s’est lié d’amitié avec Lou durant leur cinq années d’enfermement. La jeune femme n’a encore que 24 ans, mais ses traits ont déjà mûris.

L’invocation a déjà raconté toutes ses histoires sans retenue, au grand dam des années à venir. Les deux amis ont joué à tous les jeux possibles plusieurs centaines de fois et se sont divertis à l’aide de charades et autres énigmes à n’en plus finir.

Le matin marquant enfin la fin des cinq premières années de l’épreuve est arrivé et Cineris décide d’en profiter pour vérifier le niveau de motivation restante chez sa compagne de prison. Comme il en est de coutume pour l’épreuve, l’ennui se fait sentir depuis le tout début, mais il est difficile d’évaluer précisément à quel point la détermination d’un candidat faillie.

Dans la cellule, la faim, la soif, le sommeil et tout autre besoin n’est pas ressenti, il est donc impossible de même manger simplement pour se distraire de l’ennui qui domine la cellule. Il était très difficile pour un humain de tenir bon dans ces conditions.

''Comment te sens-tu Lou, ta peau s’ennuie-elle de la douce lumière du soleil? Tes papilles s’ennuient-elles du goût de la nourriture? À quel niveau d’optimisme es-tu de réussir mon épreuve?''