Le vent souffle sur la plaine

La porte qui renferme cet enfant d'Aer ne paye vraiment pas de mine. Son bois est vieillis, normal peut-être pour un édifice de cette âge, mais cela va bien au delà de cette présomption. Cette porte est craquelée, poussiéreuse, donnant l'impression qu'elle n'a pas été ouverte depuis des lustres. C'est sans doute le cas. Pourtant, elle n'est pas si reculée, ni inaccessible. Elle n'est pas la première venue non plus, mais elle est très loin d'attirer l'attention, à part de celui ou celle qui pourrait se demander : pourquoi est-elle dans cette état ? Si ce dernier, ou cette dernière, est habile d'esprit ou même à peine, il serait tentant de se dire que ce qu'elle renferme ne présente pas d'intérêt, puisque personne ne l'a ouverte depuis bien longtemps. Ou alors au contraire ! Ce qu'elle contient est tellement effrayant que tous ont préféré la garder close. Si il en allait de l'opinion de son prisonnier, ce serait évidemment la première solution qui serait ciblée. Mais la décision de l'ouvrir ou non ne lui appartient pas, pas à ce moment là.

Car elle peut s'ouvrir, oui, mais d'un grincement à en faire serrer les dents. Mieux vaut sans doute s'y prendre avec délicatesse, car à la moindre rudesse elle pourrait tout simplement s'effondrer et dans ce cas, rien n’apparaîtrait une fois passée. Une cellule vide, comme si il n'y avait jamais rien eu là. Libre à l'aventurier de rebrousser chemin, elle réapparaîtrait alors. Intacte et ouverte avec souplesse, après avoir laissé passer son visiteur, elle se refermera lentement, tandis que l'obscurité se fait maîtresse de l'environnement. Une fois close, la lumière apparaît, aveuglante.

Puis une brise légère vient caresser la peau et faire danser les cheveux. L'odeur des fleurs apparaît subtilement, prenante, elle s'insinue dans les narines même les moins délicates. Le paysage apparaît alors, une grande clairière s'étendant à perte de vue, pleine de fleurs blanche qui se balancent au gré du vent sous un ciel dégagé au soleil à son zénith. L'air est frais, printanier, il ne fait ni trop chaud ni trop froid, la température idéale. Au milieu d'elle, une grande bête au corps lové sur lui-même, comme assoupis. D'un plumage gris et aux petites ailes repliées, elle a le dos tourné et c'est donc là tout ce qui peut se voir alors que les fleurs semblent l'envelopper. Après à peine un pas, le vent apporte l'évidence aux oreilles : une respiration profonde et bruyante. Oui, la bête dort. Que faudrait-il faire alors ?

Le vent souffle sur la plaine

L'endroit accueillis l'aventurier éreinté en l'enveloppant d'une douceur qu'on aurait pu penser bienveillante, mais comment pourrait-on l'envisager, ne s'agissant là que d'une situation inconsciente ? Elle semblait pourtant accueillante, comme en entrant dans le paradis des guerriers déchus, après une victoire volée et une bataille perdue. La chute de celui-ci avait été silencieuse, tombant dans l'herbe fraîche et duveteuse, ne faisant aucunement ciller l'occupant prisonnier. Il semblait même, à dire vrai, tomber un peu plus dans le sommeil, l'une de ses respirations se faisait encore plus intense que celle de la veille. Son corps se soulevait, profondément et se rabaissait lentement.

Pourtant l'homme, non content d'être tombé une première fois, semblait vouloir se relever pour tenter sa chance et s'approcher du prisonnier, peut-être pour la dernière fois. A nouveau, il tomba dans un fracas, aussi sourd que le précédent et comme ce dernier, n'avait pas réveillé l'endormis sur les fleurs en tas. Peut-être même au contraire, car celui-ci s'en retourna, s'étirant en baillant, avant de retrouver le même positionnement tourner vers l'autre inconscient, qui avait manquer de se faire écraser si il s'était trouvé plus proche de la bête au bois dormant.

Cependant, lui ne s'était pas mouvementé en silence, car pour accompagnant de ce changement, l'inconscient aurait pu percevoir un cliquetis métallique reconnaissable à n'importe quel prisonnier ayant vécu les tourments d'un enfermement. Le son d'une chaîne en métal, dont la conclusion enfermait le cou plumeux et bestial. Sa naissance pourtant, était encore invisible même aux yeux les plus perçants. A dire vrai, pour la trouver le chemin pouvait sembler simple et plusieurs possibilités s'offriraient à qui se donnerait la peine de chercher. Le réveiller en serait une bonne et facile, mais qu'en serait-il de son humeur en étant tiré de ses sommeillantes pensées ? De la position de l'inconscient ou d'une potentielle arrivée, la chaîne courrait jusque derrière la bête ensommeillée. Si sans la tourmenter, on arrivait à la suivre, son ancrage aurait l'air enfouis sous l'animal endormis. Que faudrait-il faire, pour peu que le souhait soit te tirer le volatile de son entrave de fer ?

La question était maintenant de savoir si l'inconscient allait se réveiller ou profiter de cette accalmie pour rêvasser à une vie moins tourmentée que celle qui semblait l'avoir mener jusqu'ici. Son sommeil serait alors aussi réconfortant que son entrée, sur ce lit d'herbe fleuris plus confortable encore que les bras d'une mère attendrie.

Le vent souffle sur la plaine

Le temps passant, une certaine agitation autour de l'endormi commençait à poindre le bout de son nez. Dans un premier temps, l'ancien inconscient n'ayant visiblement pas suffisamment retrouvé ses esprits, s'était lancé à la poursuite de la naissance des liens de fer. Ce, nul part ailleurs que sous le corps alourdis par le sommeil lui même. L'animal, à ce moment là, se mit à bouger légèrement, les pattes seulement. Comme on titillerait la truffe d'un chien durant sa sieste et qui, par réflexe inconscient, la remuerait jusqu'à soit se réveiller, soit que la gêne soit stoppée. Cependant, le fouilleur insistait légèrement trop et ce fut un râle qui l'accueillit un geste sans doute un peu trop appuyé. S'il s'en inquiétait à ce moment là ou s'immobilisait, le bête retrouverait peu à peu le sommeil.

C'était pourtant sans compter sur l'arrivée d'un deuxième protagoniste qui lui, en revanche, n'avait pas la présence d'esprit de chuchoter avec délicatesse et bienveillance. Pire que cela, ses mains claquèrent avec une force décuplée par un écho étrange au sein de cet plaine. La scène prenait place dans un espace vaste, pourtant, ces sons retentissant semblaient se réverbérer sur les murs d'une grotte immergée. Il n'en fallut alors pas beaucoup pour que la bête quitte son sommeil, d'abord quelque peu hébété tant son repos avait été long depuis les derniers à avoir franchis sa porte. Puis l'évidence le frappe. Le corps toujours au sol, la tête et le cou redressé, son regard fait face à la présence d'un homme sombre. Ses yeux s'écarquillent alors, la demi seconde suivant, il sent le deuxième à ses pattes. Son regard nerveux se crispe sur lui, quasi névrotique. Le décor change alors subitement. L'herbe fraîche humide et douce redevient pierre glaciale. L'horizon azur et velouté retrouve la forme des murs exempt de liberté. Le changement se fait, dans le fracas du tonnerre rugissant, sans l'ombre d'un éclair dans cette pièce trop petite pour son nombre d'occupant.

La bête s'agite, convulserait presque, s'extirpe de sa position en un retrait vif, brutal, effrayé. Un cri apeuré résonne dans la pièce alors que le tonnerre gronde encore. Son corps le pousse dans les retranchement d'un coin de cellule, alors que sa chaîne traîne sur le sol, sans être assez longue pour pouvoir l'en empêcher. Ses yeux noir commencent alors à se teinter d'un lueur violette, son regard passe frénétiquement d'un humain à l'autre, sans savoir sur lequel s'accrocher. Des mêmes yeux effrayés, il semble chercher une sortie ou au moins une échappatoire. C'est à ce moment que les murs disparaissent, en un fracas de tonnerre, s'ouvrant sur un ciel à la tenue aussi sombre que le néant, au travers desquels des éclairs violacés tranchent l'horizon nuageuse.

La bête, continuant de hurler comme si sa vie en dépendait, sa voix résonnant comme les anciens claquement de main, se retourne et en profite pour fuir à toutes pattes. La chaîne se déroule encore mais finit par la stopper brusquement dans son élan, étranglant un gémissement avant de le faire chuter. La terreur prend son corps, son regard et ses gestes alors qu'il tentait toujours, frénétiquement, de se défaire de ses liens de fer. Le tonnerre, ses cris, la chaîne... tout résonnait à outrance. C'est alors qu'une lance, puissante et lourde, s'écrase non loin de lui, le faisant de nouveau sursauter. Si près de lui à vrai dire, qu'on pouvait déplorer la perte de quelques plumes dans son sillage. Elle provenait d'un groupe d'humain, armés jusqu'au dent. Ils étaient beaucoup, vraiment beaucoup. Une seconde lance vient alors s'abattre non loin de Markus, alors que le groupe qui n’apparaît qu'au fond de l'horizon, s'avance peu à peu. Semblant lent de prime abord, mais grossissant tellement rapidement.

Le vent souffle sur la plaine

Le groupe armés s'avancent, inlassablement, la pierre semblant vrombir à chacun de leur pas. Leur nombre force le respect de Terra qui résonne sous les pieds des deux protagonistes en action plus ou moins efficaces. La pauvre bête effrayée tente vainement de se défaire de son collier, forçant sur ses pattes, secouant son crâne comme pour s'en extirper mais rien n'y fait. Il tire avec force sur sa chaîne et la fait retentir au son de chacun de ses amples mouvements. Après avoir tiré de toute son énergie sur son cou, il se roule maintenant dans tous les sens, griffant le fer qui l'entrave, avec ses pattes avant, puis arrière, sans qu'aucun de ses râles effrayés ne cesse de raisonner dans cette vaste plaine de pierre.

Le boulanger, lui, s'était rapproché de la lourde chaîne. Il fallait alors faire attention à ses mouvements entraînés par ceux de la bête, bien qu'à sa naissance, ils étaient moins difficile à esquiver qu'ils ne l'était à la place du nordien guerrier. Pourtant, son regard avait percé suffisamment pour voir quelque chose qui ressemblait à une solution à son problème. Si il avait évidemment de quoi la concrétiser. A force de tirer sur sa chaîne, la base de celle-ci semblait se soulever sur l'un des coins de sa base en acier forgé. Maintenue au sol par quatre gros clous, le plus éloigné de la bête semblait se soustraire à la pierre de quelques millimètres, qui ne cessait de grandir à chacun des mouvements de l'enchainé qui ne cessait de crier et d'essayer de se défaire de ses liens de fer.

L'approche du nordien ne faisait d'ailleurs que les amplifier, car sa peur ne venait plus seulement du groupe au loin, mais bien de lui également. Lui qui l'avait tiré de son sommeil avec une telle brutalité essayait maintenant de faire preuve d'une bienveillance hasardeuse. Si l'esprit du prisonnier s'en trouvait lucide, l'incompréhension le gagnerait, mais il semblait en cet instant plus proche de l'animal sauvage sans conscience que du Demi-Dieu vieillit par la sagesse. Cependant, aussi étonnant que cela pouvait paraître, la grande bête apeurée s'arrêta presque immédiatement, le violet de ses yeux maintenant rivés sur l'homme, brillant d'un éclat d'autant plus fort que le précédent.

Ainsi, il cessait de tirer sur la chaîne et soufflait ainsi au loin, l'espoir de la déloger. A force de persévérance, elle aurait peut-être pu finir par se défaire d'un clou ou deux, qui sait. Le boulanger devrait sans doute maintenant ne compter que sur la force de ses bras forgés par le pétrissage de la pâte à pain. Est-ce que cela serait suffisant pour autant ? Un malheur n'arrivant jamais seul, la bête ne bougeant plus, une troisième lance bien placée vint se planter directement dans l'une de ses cuisses, lui arrachant un râle de douleur, perdant ainsi l'ancrage visuel qu'elle tenait jusqu'à maintenant sur le nordien. On entendit au loin des cris d'une allégresse guerrière, tant ils semblaient fiers d'avoir atteint leur cible. De cet engouement, leur avancée se faisait plus rapide, à en entendre la pierre vrombir sous leur pied.

La patte blessée de la créature ailées s'agitait. Elle s'était laissé tomber sur le flan et essayait de s'en défaire en fouettant l'air avec sa jambe. Dans le même temps, il continuait de tenter de s’extirper de son collier, avec beaucoup moins de virulence que précédemment.

Le vent souffle sur la plaine

Les soldats en armure continuaient leur grondement guerrier, à en emplir le vide qu'imposait l'espace. Plus ils avançaient et davantage ils étaient bruyant, comme si leur percée n'avait de cesse de les galvaniser. C'était soit cela, soit la simple vision de petits insectes tentant inexorablement de délivrer la bête qui était leur et qu'ils avaient sans doute mis bien longtemps à enchaîner de la sorte. Le tonnerre grondait de plus en plus et des éclairs commençaient leur chute au abord du groupe des trois comparses qui s'affairaient à briser cette chaîne quoi qu'il en coutait.

Le boulanger entreprit une technique de levier. Une stratagème somme toute intelligent, qui aurait tout à gagner en efficacité si la lance utilisée avait été plus solide. Un manche de bois contre un ancrage en acier, implanté depuis sans doute des centaines d'années, voilà de quoi donner de faux espoirs. Dans le fracas d'un éclat de tonnerre et de la voix du guerrier nordien quémandant plus de rapidité, le manche en bois rompit sous la force mise en œuvre. Dans son désarroi, cela ne fut pas un total échec, car en plus du premier clou déjà lâche, un deuxième s'extirpa du sol, n'en laissant que deux pour enfermer la bête. Cette dernière, suite à sa blessure, tirait bien moins sur la chaîne, mais par a coups, son ancrage bougeait encore laissant un espace peut-être exploitable entre le sol et cette dernière.

Du côté du nordien bourru et bruyant, dont les cris semblaient emplir de peur le demi-dieu ailé, cela ne se présentait pas beaucoup mieux. Plus il s'avançait de lui, plus l'emplumé développait de quoi lui échapper, malheureusement sans grand succès. Un sursaut le prit alors, vif et brusque, quand l'homme lui sauta sur le pelage et s'y agrippa comme si sa vie en dépendait. Sa vie en dépendait. L'attention de la bête lui fut totalement destinée, délaissant la chaîne sur laquelle il tirait jusque là, pour tenter plutôt de faire lâcher l'homme en s'ébrouant le plus possible. Pourtant, sa souffrance et sa fatigue ancestrale ne lui permit pas de s'en défaire, pire encore, il était parvenu jusqu'à empoigner le manche de la lance. Ce dernier fut retirer avec douleur et violence de sa chair, laissant dans son sillage une giclée de sang et un cri à en foudroyer les cieux.

Les évènements s'enchainèrent alors rapidement. Prit par la douleur, le cri de la bête tonnant, dans un geste brusque, il envoyant l'homme sur le sol et tira sur sa chaîne, l'envoyant ensuite valser d'un violent coup de patte jusqu'à son comparse d'infortune, qu'il avait sans doute percuté dans sa chute. La bête couinait en continuant d'essayer se défaire de sa chaîne, la cuisse plus affaiblis qu'auparavant. Pourtant, grâce à tout ses efforts, un troisième clou s'était délogé du sol, n'en laissant plus qu'un pour le garder captif.

Dans le même temps, les soldats avançaient toujours, inexorablement, sans plus faire pleuvoir de lance, mais en accélérant leur pas.  

Le vent souffle sur la plaine

Si il s'était laissé le temps d'exulter, le prisonnier de cette cellule aurait été soulagé de s'être enfin débarrassé de l'humain bruyant aux mains baladeuses. Cependant, son instinct ayant le dessus depuis de longue minute maintenant, il ne perdit pas une seconde pour se remettre sur ses pattes et reprendre sa danse névrotique, mêlée à l'orchestre que les échos de sa chaîne faisait résonner dans l'espace vide autour de la petite troupe. Un vaste champs se présentait à eux, pourtant, le tintement du métal résonnait comme dans une petite caverne, assourdissant, douloureux pour de sensibles oreilles.

Si les soldats continuaient leur avancée, les deux hommes semblaient enfin trouver un terrain d'entente relatif. Le Nordien prit les devants, en bon chef qu'il était, donnant des directives claires à suivre. Le boulanger consentis à les suivre, lui seul sachant avec quel sacrifice moral. Le sol ne cessait de vrombir sous leur pied, à la mesure de chaque pas des soldats, dont l'avancée était aussi régulière et mesurée qu'un métronome. Finalement, au bout de plusieurs essais qui affaiblissaient de plus en plus le dernière ancrage, celui-ci céda violemment. La bête emplumée en fut la première surprise, son élan ayant été déséquilibré par ce sursaut de liberté, mais ne demandant pas son reste, elle s'engagea dans une fuite effrénée.
 
Si par chance, si l'on puis dire, la chaîne avait embarqué le pied du boulanger qui la tenait et le traînait maintenant sans ménagement derrière la bête, pour le Nordien il n'en fut pas de même. Lui qui s'affairait à faire levier vit partir l'ancrage à toute allure sans aucune chance de le rattraper tant les enjambées de la bête étaient grandes. Un dizaine de mètres plus tard, la botte coincé laissa partir son possesseur et fut seule encore accroché, tandis que le corps du boulanger s'écrasa lourdement sur le sol. Tout deux pouvait maintenant voir le prisonnier s'échapper au loin, les laissant à leur sort sans ménagement, mais sans doute plus véritablement, sans conscience.

Derrière eux pourtant, rien n'avaient changé. Le groupe de soldats avançaient toujours et avaient accéléré le mouvement en voyant la bête fuir à toute pattes. Qu'allaient ils faire des fauteurs de troubles qui avaient laissé échapper leur proie lorsqu'ils les atteindraient ? Que vaudrait-il mieux faire alors ? Fuir, les affronter, tenter de les arrêter ou opter pour une toute autre stratégie ?

Le vent souffle sur la plaine

Est-ce que les soldats étaient proches ? Oui, ils étaient tout proche, mais à vrai dire, ce n'était visiblement pas cela qui importait le plus aux yeux des deux voyageurs étant venus risquer leur vie en ce lieux. Si la bête avait été omnisciente, il aurait peut-être été touché, voir ému, mais il n'en était rien. Lui se contentait de continuer à courir, fuyant tous ces humains et la frayeur qu'ils véhiculaient. Pourtant, après quelques enjambés, il ralentit et sentit comme un apaisement. Sa course devint marche, il y avait eu comme une sorte de mélodie douce au creux de son esprit, qui fini par le faire s'arrêter complètement. Puis durant quelques instants, il ne semblait plus effrayé de rien, prenant le temps d'observer autour de lui, tranquillement.

Ce n'est pas comme ci, à cette distance, il était capable d'entendre distinctement les paroles du boulanger, d'autant plus que son état précédent ne lui avait nullement permit d'y faire attention. Ça n'avait été qu'un piaillement lointain, comme un bourdonnement. Rapidement pourtant, le bourdonnement devint vacarme. Ses oreilles se tournèrent vers l'origine du bruit d'abord, puis ses yeux lumineux et violacés se tournèrent immédiatement vers le guerrier. Son regard pointait en sa direction, immobile, ses deux oreilles ouvertes vers lui. Son discours à lui était bien différent, mais une fois encore, il ne discernais pas les mots pourtant, ils semblaient faire sens et avoir de l'effet, quoi qu'en fut sa compréhension.

Des que ses paroles moururent, la bête emplumée fit volte face et se mit à courir dans la direction des deux humains, sa chaîne traînant sur le sol et répondant à l'écho de chacun de ses pas. Son regard lumineux semblait vissé sur l'armé à présent face à lui, il courrait à toute allure d'une course quasi frénétique. Sans se préoccuper des deux humains, ils fonçaient sur eux et pour leur salut, il serait préférable qu'ils envisagent de se déporter pour éviter de ses prendre la grosse bête de plein fouet. Quoi qu'il en soit, il continuerait sa course jusqu'à plonger, accompagné d'une sorte de rugissement, au milieu de la troupe qui l'avait acculée jusque là. L'orage revint alors en force et les éclairs paraient le ciel.

Les cris guerrier se réveillèrent et tous se mirent à attaquer. Combien étaient-il déjà ? Une cinquantaine, peut-être plus. Assez pour que le combat soit assourdissant, rebondissant sur les parois de pierre invisibles en se faisant l'écho des éclairs bourdonnant. Le combat faisait rage, la bête balayait les soldats de coup de pattes avant puissants, quand les arrières fouettaient l'air violemment dès que l'un des guerriers venaient tenter de s'y agripper. Plusieurs d'entre eux furent envoyés au loin et l'un d'eux manquaient de s'écraser sur le boulanger. Il se releva rapidement et ne fit même pas attention à ce dernier, prenant appuie sur sa main qui semblait se poser sur le pied de l'homme blond mais... le traversa ? Il ne tardait pas à charger de nouveau et retourner au combat, quand certains restaient au sol, hors d'état de nuire. Si dans les premiers temps, la bataille semblait favoriser la bête, une faiblesse lui joua rapidement des tours : la chaîne. Plusieurs soldats se mirent à la tirer, forçant le pauvre prisonnier à courber l'échine, sans pour autant cesser de se débattre. En tirant de toutes ses forces, il put les défaire, mais ils revenaient à la charge. Ses cris perçaient régulièrement, aussi souvent que le tonnerre, mais plus le combat avançait et moins il semblait lui être favorable.

Et surtout, si on y faisait bien attention, le ciel assombris commençait étrangement à s'éclaircir. Au loin dans le ciel, le soleil s'était révélé et... semblait se rapprocher... Rapidement ? Pourtant, ni la bête ni les soldats ne semblaient y faire attention, du moins pour l'instant.

Le vent souffle sur la plaine

Les fracas métalliques perdurent et résonnent dans la plaine aux parois rocheuses invisibles. Ils résonnent, comme lointain et à la fois tout proche, s'insinuant vers les tympans des deux humains venus là. Le combat fait rage et le soleil avance, illuminant l'espace et son approche est rapide. Sa chaleur commence à se faire sentir, beaucoup, déjà plus que dans le désert. Un peu plus et les poils des humains commenceraient presque à roussir.

L'emplumée continu son combat, il cri, il hurle, bats à peine de ses petites ailes, mais envois au plus fort ses pattes contre les ectoplasmes bien physiques face à lui. Car pour les humains, ils ne l'étaient pas et ça le guerrier sombre l'avait bien compris. Sans doute que le boulanger aussi, mais c'était le premier qui s'avançait à leur rencontre. Il traversait l'assemblée, à tâtons et l'énorme bête ne le notait même pas. Ses yeux violacées brillaient d'une lueur éclatante et sa raison semblait l'avoir quitté.

Pourtant, une nouvelle fois, la voix humaine capte son attention et comme tout à l'heure, ses oreilles se tournent dans sa direction. Il l'entends visiblement, mais ce n'est que la seconde suivante qu'il se tourne vraiment vers lui. Son museau pointe en sa direction et la scène de guerre autour d'eux se stoppe, les guerriers s'immobilisent et l'avancée du soleil aussi. La bête cligne des yeux et l'instant d'après, tout a disparu au profit de sa cellule, celle dans laquelle il avait été réveillé.

Se redressant d'une position de sommeil, ses yeux ont reprit leur noir profond. La cellule est tout aussi sombre, tout aussi fermée et assez grande pour lui laisser l'espace de se mouvoir. Ce qu'il s'empresse de faire en remarquant à nouveau les humains inconnus et intrus dans sa cellule froide. Un petit cri résonne et le voilà en train de fuir leur présence. Il n'est plus enchainé, mais les murs en pierre l'arrête et le force à en essayer tous les recoins. Il gratte, il gémit, regarde de temps en temps derrière lui espérant sans doute que les humains disparaissent, mais non. Ils sont là, tous les trois, dans cette prison de pierre. Une voix résonne alors, frêle et larmoyante, semble t'il dans la pièce, mais seulement dans le crâne des deux hommes.


Le bête gémis, ou étais-ce des pleurs ?...

Le vent souffle sur la plaine