Festival d’Aer. Ce n’était certes pas sa saison préférée, mais elle en aimait les traditions à l’époque de l’Ancien Monde, et d’après ce que lui avait raconté Saen, certaines étaient restées inchangées.
Son invocateur était -à son plus grand damn- parti sans elle pour le Nord, pour un festival où elle n’avait pas le droit de mettre les pattes, pour y voir un ami. Elle avait bien ronchonné et empli ses yeux opalins d’énormes larmes cristallines, mais son humain avait besoin d’y aller, aussi n’avait-il pas céder à son odieux chantage affectif. Pfeuh, c’était injuste…
Voilà donc la raison qui faisait qu’elle se trouvait dans Lüh, au milieu de la foule joyeuse, seule, abandonnée, esseulée, perdue, délaissée…

- Tu veux manger quelque chose Tusàra ?

Coupée dans son élan de synonymie dramatique, la fille d’Aqua jeta un regard au doux humain qui la portait sur son épaule, ami dévoué de son invocateur qui avait été désigné volontaire pour lui tenir compagnie. Elle hocha vivement la tête, et il se mit en quête de quelques étals de nourriture, privilégiant le sucré. Manifestement, Saen avait passé le message sur ses préférences, quelle jolie attention.
Alors que sa monture bipède partait en recherche de sucreries pour apaiser son coeur -et son estomac pourtant inexistant-, la renarde balaya la foule de son regard opalin, se rengorgeant de voir autant de personnes habillées pour lui rendre hommage.
… Quoi ?! Ils étaient tous vêtus d’un blanc aussi immaculé que sa fourrure, bien que ses poils soient d’une douceur et d’une brillance incomparable aux tissus utilisés par les humains, et que la couleur neigeuse lui aille définitivement mieux qu’à eux.

Une pâtisserie encore chaude, dégoulinante d’un miel épais s’approcha de sa truffe, et ses yeux s’illuminèrent. D’un sourire qui découvrit ses petits crocs, elle remercia grandement Munchau, et mordit joyeusement dans la petite douceur portée à son niveau. Elle ronronna à l’explosion de sucre dans sa gueule, et en finit jusqu’à la dernière miette, poussant la gourmandise à en lécher toute goutte de miel des doigts de son compagnon du jour.

Le son profond des cors résonna alors dans la ville, la secouant de l’intérieur et la poussant à agripper ses griffes dans le tissu de la tunique de Munchau pour ne pas tomber. De la poudre d’une myriade de couleurs différentes s’échappa des instruments de cuivre, retombant une pluie chatoyante sur les festivaliers qui crièrent leur joie.
Tusàra se joignit à eux, et descendit même de son perchoir pour gambader sous la poudre, tentant d’attraper toutes les couleurs possible sur son pelage. Son jeu l’amena dans une rue transversale où elle courait après un magnifique rouge carmin, jusqu’à ce qu’un coup de vent l’envoie en sens inverse, pile sur sa truffe.
Elle éternua, clignant des yeux avant de chercher ce qui avait bien pu dériver le sens de l’air d’un coup. Son regard tomba sur une masse aux couleurs familières, et elle s’avança, curieuse.

Une queue ! Cette masse qui venait de tomber au sol, occasionnant un immense coup de vent contraire était une queue. Les yeux de la fille d’Aqua remontait le long de l’appendice caudal en même temps que sa conscience remontait aux tréfonds de sa mémoire, et un cri strident de joie sortit de sa gorge.



« QUALRIIIIIiiiiIIIIIIiiii !»

Sans même attendre une seconde, la renarde bondit sur la queue, et entreprit d’en remonter toute la longueur, puis le reste du corps de la dragonne pour arriver au niveau de sa tête, continuant de l’appeler régulièrement, d’une voix quasi hystérique de joie. Nul doute toutefois, que l’enfant d’Aer sentirait ses petites papattes parcourir son corps, bien avant de l’entendre, ou que son petit corps n’atteigne sa tête posée sur un toit… C’est qu’elle était immense Qualri.

Sa grande amie ne l’a pas oubliée. Non, elle prononce même son surnom, et la renarde jappe en entendant la joie surprise qui tapisse la voix profonde de la dragonne. Elle continue son ascension, accompagnée d’un éclat de rire joyeux. Elle était si heureuse de la retrouver dans le nouveau monde !


Un humain vint troubler ces douces retrouvailles, et la fille d’Aqua ralentit le pas pour suivre l’échange, assez pour se rendre compte que le bipède n’était pas un simple humain, mais bien l’un des leurs, sous métamorphose. Tusàra grimaça. Un fils d’Ignis, la plaie.

Elle lui tira la langue du haut de son perchoir, échappant un petit rire à la réponse de Qualri.


« Ou alors, la plus grande circonférence de la tâche qu’ils font en s’écrasant au sol ! »



Oui, elles avaient déjà pratiqué ce jeu toutes les deux, et les humains victimes de leur amusement l’avait mérité, donc elle n’en retirait absolument aucun regret.
La renarde se laissa glisser sur le museau de Qualri jusqu’au toit où elle avait posé sa tête, s’asseyant devant son immense tête draconienne, ronronnant aux salutations.



« Toi aussi tu m’as manquée ! Je suis si heureuse de te revoir dans ce nouveau monde ! »

Elle frotta sa petite tête blanche au museau écailleux, reportant son attention sur le sol en entendant les exclamations de surprise. Des enfants se trouvaient là, dont une petite fille qui avait échappé à voix haute son admiration. Tusàra eut un rire qui tinta clairement dans l’air.

« T’as vu, elle a eu la même réaction que moi quand je t’ai rencontré. T’as pas perdu la patte Qualri ! »

Un sourire qui dévoile ses petits crocs immaculés, et voilà que le fils d’Ignis vient à nouveau se mêler de leurs affaires. La renarde soupire, se posant sur son derrière poilu pour répondre d’un ton agacé.

« Oh, si t’es pas content tu fais comme tout le monde, tu fais le tour. Non mais j’hallucine.. »

Elle ronchonna pour son compte et celui de Qualri.

« Pour qui il se prend celui là sérieux… »

Malheureusement pour toutes les parties présentes, l’égo du fils d’Ignis était bien malmené aujourd’hui, et comme personne ne semblait vouloir lui donner autant d’adoration qu’il en voulait, il prit les choses en pattes.

La fille d’Aqua le regarda prendre sa forme originelle. Ouais d’accord, il était beau le lion doré, m’enfin il tenait pas la comparaison avec son amie d’Aer, c’était indéniable. Est-ce qu’elle allait le dire à voix haute toutefois ..? Elle n’avait pas encore décidé.

Le lion vaniteux répondit à sa question pour elle quand il décida de s’interposer devant les enfants qui admiraient Qualri, comme vexé que leur attention ne se soit pas portée sur lui. Mais quelle plaie ces gosses d’Ignis…

« Eh, le chaton jaune ! Laisse les petits humains tranquilles tu veux ? Franchement, tu dois vraiment être en manque d’attention pour chercher un boost d’égo auprès de 4 gosses… »

Elle jeta un regard à l’immense tête de Qualri toujours près d’elle, et chuchota avec malice :


« Tu crois que ça vaut le coup que je lui fasse tomber une avalanche sur la tête ? »

Elle sourit, innocemment.



« Juste une petite, histoire de refroidir ses ardeurs. »